«UN COUVENT DE RELIGIEUSES ANGLAISES À PARIS DE 1634 À 1884» ; CHAPITRE 3


CHAPITRE 3 : GOUVERNEMENT DE MME DOROTHY MOLLYNS, 1674-1678.

Début.

Son élection. — Le 13 juillet 1674, à huit heures du matin, M. Benjamin, grand vicaire de Mgr de Harlay, archevêque de Paris, se rendit au monastère pour présider à l'élection de la nouvelle supérieure.

Lady Tredway, malgré son extrême faiblesse, voulait absolument assister à la cérémonie, et suppliait les religieuses qui la soignaient de lui rendre le service de l'y porter. Elle pensait donner, par sa présence, une sanction éclatante à la nouvelle forme de gouvernement qui s'établissait dans la communauté.

Mais, dans l'état où elle était, c'eût été en vérité la porter au tombeau. Ces Dames lui représentèrent le danger qu'elle courait d'aggraver son mal, et le brisement de cœur que sa vue allait causer inutilement à toutes ses filles.

Elle se rendit à ces raisons.

Thomas Carre ne parut pas non plus à l'église. Le vénéré vieillard était retenu chez lui par ses infirmités : il n'avait plus que quelques mois de vie. Edward Lutton le remplaça à la cérémonie. Lord Abbot Montagu, le docteur Gage et M. Morange, secrétaire de l'archevêque, formèrent seuls l'assistance étrangère.

Après la messe du Saint-Esprit qu'il chanta, M. Benjamin descendit à la grille du chœur de ces Dames, et prononça une allocution qui renouvela la scène de larmes de la veille au soir ; puis le scrutin commença.

Les votes furent favorables à Mme Dorothy Mollyns, et elle fut immédiatement proclamée canoniquement élue supérieure de la communauté de Notre-Dame-de-Sion.

On ne pouvait pas faire un meilleur choix. L'autorité morale de Dorothy était déjà établie depuis de longues années dans la maison. Elle se l'était acquise par sa piété, ses talents et les services qu'elle avait rendus. Lady Tredway lui avait toujours témoigné la plus entière confiance. Elle l'avait associée de bonne heure aux soins de l'administration et l'avait de la sorte initiée au maniement des rênes du gouvernement. Et puis, Dorothy était d'un caractère si doux et si aimable ! elle avait tant d'humilité et de charité ! toute sa vie, elle s'était montrée si dévouée à son abbesse ! On était assuré d'avance qu'elle traiterait lady Tredway avec tous les égards possibles. Et l'on ne se trompait pas : Dorothy eut toujours la plus grande déférence pour son ancienne supérieure. Elle ne cessa jamais de la consulter, et, plus d'une fois, on la vit s'agenouiller à ses pieds, comme par le passé, pour lui demander des permissions de la plus minime importance. Les deux fondateurs n'eussent certainement pas fait un autre choix, si celui d'une supérieure eût dépendu de leur volonté.

Après la cérémonie, lord Abbot Montagu et M. Benjamin se rendirent auprès de lady Tredway et s'entretinrent longuement avec elle. Elle leur parla des événements de ces deux derniers jours avec une liberté d'esprit à laquelle ils ne s'attendaient pas. Ils comprirent alors à quelle hauteur cette femme, vraiment supérieure, savait s'élever au-dessus de la vulgarité des sentiments humains, et, avec quelle grandeur d'âme chrétienne, elle faisait passer les intérêts généraux avant toute mesquine considération personnelle. Ils se retirèrent émerveillés et surtout profondément édifiés. M. Benjamin, particulièrement, ne se lassait pas d'admirer avec quelle simplicité cette abbesse, cette fondatrice d'une communauté devenue importante, descendait de son siège et mettait sous ses pieds les instincts les plus susceptibles de notre pauvre nature.

Les années du gouvernement de Mme Dorothy Mollyns s'écoulèrent entre deux deuils, qui jetèrent sur l'histoire du couvent — assez peu accidentée d'ailleurs durant cette période quadriennale — un voile sombre de tristesse : la nouvelle supérieure ferma les yeux aux deux fondateurs, qui avaient survécu à l'évêque de Chalcédoine.

Environ trois mois et demi après les élections, Carre, précédant lady Tredway, rendait à Dieu son âme chargée des mérites d'une longue et laborieuse carrière sacerdotale.

Dernières années de Thomas Carre. — Excepté dans les accidents et les fléaux où la mort nous jette au tombeau d'une seule poussée, elle fait parfois d'assez longs préparatifs avant de nous porter le dernier coup. C'est le procédé dont elle usa avec Thomas Carre. Elle le frappa si rudement à son dernier voyage en Angleterre, qu'il traîna, à partir de ce moment, une existence de plus en plus languissante.

C'était en 1662. Le 5 mai, il avait quitté Paris, et il n'avait pas encore franchi le détroit qu'il se sentit gravement indisposé. L'abbesse avertie le supplia de revenir ; mais, homme à ne jamais s'écouter, il poursuivit courageusement sa route.

À peine avait-il mis le pied sur le sol anglais, qu'il fut saisi par une violente pleurésie. Dans cet état, il lui était impossible de gagner Londres, et il s'arrêta à Peckham chez d'anciens et excellents amis. Les soins qu'il reçut dans cette hospitalière demeure le rétablirent assez promptement.

On était déjà rassuré au couvent, lorsqu'on y apprit que Thomas Carre, arrivé à Londres, y avait fait une rechute dangereuse, si dangereuse que le docteur Manly, son confesseur, avait cru devoir lui donner les derniers sacrements. Cette nouvelle jeta la désolation parmi ses pauvres enfants, qui multiplièrent leurs prières et eurent recours à tous les saints pour obtenir sa guérison. Leur seule consolation était de le savoir entouré de ses amis, et soigné par l'un des plus habiles médecins de la ville. Les plus éminents de ses confrères s'empressaient autour de lui, passaient les nuits à son chevet et lui prodiguaient les soins les plus affectueux.

Enfin le Ciel se laissa toucher, et après cinq longs mois, Carre reprit un peu de force et songea à partir. Il voulait revoir son cher monastère ; il voulait terminer ses jours au milieu de ses enfants. Mais il y avait, en vérité, dans cette résolution, plus de courage que de prudence. Si ses amis eussent soupçonné son projet, jamais ils n'en eussent permis la dangereuse exécution. Aussi se garda-t-il bien de le leur communiquer. Il fit tous ses préparatifs de départ dans le plus grand secret ; puis, un beau jour, prenant sa canne et son chapeau comme pour une simple promenade, il s'échappa sans faire ses adieux à personne.

Le 13 septembre, il était de retour à Paris.

Nous ne dirons pas avec quelle joie il fut reçu par sa famille religieuse. Nous ne dirons pas non plus quel sentiment de tristesse serra le cœur de ces Dames, quand elles constatèrent, à la pâleur et à l'amaigrissement de son visage, à son regard à demi éteint, à sa démarche incertaine, les cruels ravages opérés en lui par sa longue maladie. Elle avait ajouté un poids énorme à celui des soixante-trois années que portait déjà leur Père.

Et le fardeau ne devait plus s'alléger. Chaque jour, au contraire, allait y ajouter un poids additionnel d'infirmités et le rendre plus lourd encore.

Mais la vigueur d'esprit de Carre et l'ardeur de son zèle ne subirent aucun affaiblissement jusqu'à sa dernière heure. Il avait encore douze ans à vivre. Pendant les six premiers, ses forces ne sont pas exténuées au point de ne plus lui permettre de remplir seul ses fonctions d'aumônier. Il y joint même des travaux de cabinet qui occupent les loisirs que lui laisse son ministère, et il tiendra encore la plume, en 1670, pour traduire en anglais l'Oraison funèbre de la reine Henriette Marie de France.

Désormais il ne publiera plus rien, mais peut-être écrira-t-il encore. Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il laissa après lui divers manuscrits «pleins de solide doctrine et de piété chrétienne», disent les Annales du monastère (1).

Une toute providentielle occasion, celle de fonder le séminaire auquel il a songé toute sa vie, se présente en 1667 : on sait avec quelle promptitude il se hâte de la saisir. Après cela, il se donnera un successeur, et son œuvre sera accomplie.

Depuis deux ans, Edward Lutton était entré au monastère. Carre s'était déchargé sur lui de tous les soins de l'aumônerie. Tout au plus se traînait-il quelquefois à son parloir pour donner ses conseils aux religieuses qui les réclamaient, et il jouissait ainsi de tout le repos que pouvaient lui laisser ses infirmités.

Tout à coup le séminaire de Saint-Grégoire est menacé d'être saisi et mis en vente. On sait à quelle occasion (2).

Cette nouvelle, absolument imprévue, frappa le pauvre Carre en plein cœur. C'était l'inévitable dispersion de son cher petit troupeau ; la ruine des espérances qu'il en avait conçues pour les progrès de la mission d'Angleterre ; l'écroulement, après sa réalisation providentielle, du plus beau rêve de toute sa vie. Et lui, toujours si supérieur à tous les contre-temps, on le vit tomber dans des abattements où il semblait ne plus rien garder de l'énergie de son caractère. Il ne sortait de ces états de prostration que par des soubresauts douloureux, et on l'entendait alors s'écrier : «Mais qu'ils me prennent donc, moi, qui ne peux plus rien, qui suis inutile en ce monde ! Qu'ils me jettent en prison, j'y mourrai aussi heureux que je pourrais le faire dans cette chambre !» Et, après ces crises, il n'avait plus la force que de se jeter sur son lit et de murmurer quelques prières en fondant en larmes.

Ses amis, qui ne le quittaient pas, ne parvenaient pas à le consoler. Tous les raisonnements qu'ils pouvaient lui faire venaient se briser contre cette irréfutable et navrante réplique : «Il faut que je paie ou le séminaire sera dispersé ; or je n'ai pas d'argent pour payer».

En lisant ce récit, quelqu'un trouvera peut-être que Thomas Carre, dans cette circonstance, se montre peu soumis à la volonté divine.

Mais oublie-t-on le patriarche iduméen, le vieux Job, toujours proposé à notre imitation comme un modèle de résignation et de patience ?

À l'annonce de la perte de tous ses biens et de la mort de tous ses enfants, il se lève, déchire ses vêtements et coupe ses cheveux en signe de deuil ; et c'est après ce premier mouvement de son âme meurtrie, qu'il se prosterne la face contre terre et qu'il s'écrie : «L'Eternel me les avait donnés ; l'Eternel me les ôtés, que le nom de l'Éternel soit béni (3) !»

Et la grande sainte Thérèse, au moment où elle put croire que c'en était fait de l'œuvre capitale de sa vie, la Réforme du Carmel, pour laquelle elle avait tant prié, tant travaillé, tant souffert, reste-t-elle insensible ?

«Quand ces tristes nouvelles arrivèrent au couvent de Saint-Joseph, dit une historienne de sa vie, la sainte, pour la première fois, ploya sous le fardeau. Du matin jusqu'au soir, elle demeura dans sa cellule, sans prendre aucune nourriture. Elle pleurait, elle priait (4)».

Pleurer, prier, accepter, voilà les trois termes de la résignation chrétienne. Ne demandons pas plus à notre nature. L'impassibilité stoïque a sans doute des apparences grandioses ; mais au fond est-elle bien autre chose qu'un orgueilleux mensonge ?

Carre se remit de cette dernière secousse ; mais ses forces, déjà si affaiblies, en avaient été profondément ébranlées, et la pente qu'il descendait devenait de plus en plus rapide. C'était toujours du reste, malgré ses infirmités, l'aimable homme des jours passés. Sa conversation n'avait rien perdu de sa solidité et de son charme ; on y sentait toutefois le recueillement d'une âme sacerdotale qui se préparait à paraître devant Dieu. Il ne parlait plus que des choses de la piété auxquelles il mêlait celles de son séminaire et de sa chère communauté religieuse.

Sa mort. — On arriva ainsi au 29 octobre 1674. Ce jour-là, son état s'aggrava subitement vers midi, au point que, autour de lui, on crut sa dernière heure venue. Un prêtre de la paroisse de Saint-Nicolas, appelé en toute hâte, lui administra les derniers sacrements. Thomas Carre les reçut dans les sentiments de la foi la plus vive et de la plus tendre dévotion. La mort, qui était là, parut s'éloigner un instant, la crise se calma, et le malade passa la nuit et le jour suivant dans des alternatives d'abattement et de surexcitation fébrile.

Il avait du reste la parfaite possession de son esprit. Le souvenir de sa maladie de Londres lui étant revenu, il en prit l'occasion pour discourir sur la chute de l'âme dans le péché, sur son retour à Dieu et sur les opérations intimes de la grâce divine dans les cœurs fidèles à ses inspirations. Tout cela était développé avec une suite parfaite dans les idées et avec le pathétique qui animait toujours ses sermons. «On eût dit d'un prédicateur dans sa chaire plutôt que d'un agonisant sur son lit de mort (5)».

Parmi les personnages considérables qui vinrent le voir ce jour-là, se trouvaient le comte de Cardigan et le comte de Shrewsbury. Tous deux étaient d'anciens amis de la maison ; mais, par suite de malentendus, leur amitié s'était considérablement refroidie.

À peine Carre eut-il aperçu les deux lords dans sa chambre, qu'il se fit asseoir sur son lit et apporter un peu de tisane pour humecter sa bouche desséchée. Puis, dans un véritable plaidoyer plein de logique et de clarté, il défendit si chaleureusement la cause du couvent, que tout nuage fut dissipé dans l'esprit des deux comtes.

Ce fut le suprême effort du mourant. La dernière parole, le dernier souffle, la dernière flamme de sa vie consciente en ce monde fut ainsi consacrée à la charité, à la vérité et à la justice. Dès ce moment, le délire s'empara de lui et il cessa de s'appartenir.

Un désir qu'il avait souvent exprimé, dans les dernières années de sa vie, était celui de mourir dans son parloir auprès de ses filles. Il voulait leur donner sa dernière bénédiction, réciter avec elles les psaumes de la Pénitence, les entendre lui lire les méditations de saint Augustin. Cette pensée lui revenait souvent dans la confusion de ses idées ; et il demandait qu'on le portât à son parloir. Il y mettait même parfois une telle insistance, qu'on lui laissa croire, pour le calmer, qu'il y était. «Mais où sont donc les religieuses ? disait-il, je veux les voir. Placez-moi auprès de la grille de la clôture».

Ainsi continua-t-il jusqu'au vendredi matin, veille de la Toussaint. À trois heures, ce jour-là, il rendit le dernier soupir, dans la soixante-quinzième année de sa vie, la quarante-neuvième de son sacerdoce, et la quarantième depuis la fondation du monastère.

Aussitôt on le revêtit des ornements sacerdotaux, et il fut exposé dans le petit parloir où il avait tant désiré mourir. Ses confrères, M. Lutton, M. Betham et M. Giffard, qui ne l'avaient pas quitté pendant ses derniers jours, priaient autour du lit funèbre, tandis que les religieuses en pleurs, derrière la grille du cloître, récitaient les psaumes de la Pénitence et diverses autres prières pour le repos de son âme.

Le jour des Morts, vers quatre heures de l'après-midi, le clergé de la paroisse de Saint-Nicolas vint processionnellement chercher le corps. La cérémonie des funérailles une fois accomplie à l'église, on le rapporta à la chapelle du monastère, où il fut enterré au pied du grand autel, près de la tombe de l'évêque de Chalcédoine.

Les prêtres avaient cessé de chanter, et le plus profond silence régnait autour du cercueil, lorsque tout à coup du fond du chœur «une voix angélique», disent les Annales, se fit entendre. Mme Pulchérie Eyre, craignant que la cérémonie ne s'achevât sans que les religieuses y eussent pris d'autre part que celle de leur assistance, avait entonné «In paradisum deducant te angeli. — Que les anges te conduisent dans le Paradis !» Le chœur se laissa entraîner et poursuivit l'antienne : «Que les martyrs t'accueillent à ton arrivée et t'introduisent dans Jérusalem, la cité sainte ! Que les chœurs célestes te reçoivent au milieu d'eux, et, avec Lazare qui fut pauvre autrefois, jouis maintenant du repos éternel !»

Dans quarante jours, un service funèbre réunira, autour d'un catafalque, dans l'église du monastère, une société d'élite devant laquelle Edward Lutton, ami et successeur de Carre dans l'aumônerie, prononcera l'oraison funèbre du défunt.


Thomas Carre.

Arrêtons-nous quelques instants au bord de la tombe de Thomas Carre, c'est la plus vénérable que nous ayons vue s'ouvrir au monastère depuis la mort de l'évêque de Chalcédoine. Celui qui rend en ce moment son corps à la poussière est bien, après Dieu, Père universel des êtres, le véritable Père de la communauté. Ses enfants d'aujourd'hui ne nous permettraient pas de passer outre, sans revenir sur sa vie, pour y combler les lacunes que le mouvement général de notre récit nous a obligé d'y laisser.

Talents et aptitudes. — Le désir qui s'alluma dans l'âme du jeune protestant de Broom Hall (6), à partir de sa conversion, fut de travailler à la régénération religieuse de sa patrie. Cette idée ne le quitta plus. Elle devint l'étoile polaire à la lumière de laquelle il orienta toutes ses pensées, toutes ses résolutions, toutes ses entreprises, toute sa vie.

Dieu l'avait doué d'une intelligence élevée et admirablement souple, d'une raison droite et d'un bon sens parfait.

Jointes à une grande aptitude aux affaires et à un rare discernement des personnes, ces qualités firent de lui un administrateur remarquable. Comme tel, il acquit un crédit qui fut, en plus d'une circonstance, le salut de la maison. Aurait-elle pu même sortir de ses fondations sans la confiance universellement accordée à la probité et à l'habileté de l'ancien procureur du collège de Douai (7) ?

L'artiste. — Le croirait-on ? Cet homme positif, qui manie si facilement les chiffres, les gens et les choses, est en même temps un artiste ; et il l'est non seulement dans ses tendances, mais dans la pratique. C'est Edward Lutton qui l'affirme. «Nous pouvons en toute vérité, dit-il, appliquer à M. Carre ce que saint Bernard disait, dans son admirable oraison funèbre, de l'excellent et vertueux moine Gérard, son frère par le sang et la religion : «Nec in maximis tantum, sed in minimis maximus erat». Il n'excellait pas seulement dans les grandes choses, mais il se montrait supérieur dans les plus petites. En voyant ce saint faire l'éloge de son frère pour son habileté en architecture, en agriculture, dans l'art des jardins, de la distribution des eaux, et même dans les plus humbles métiers, je pense que nous pouvons, avec grande raison, donner à notre cher défunt les louanges qu'il mérite par ses connaissances et son habileté dans les arts libéraux, puisqu'il les a employés à une fin noble et utile (8)».

Edward nous avait dit précédemment et donné comme su de tout le monde que Thomas, très amateur de livres, avait également une remarquable habileté en peinture, en gravure sur cuivre, en sculpture. Et tous ces talents divers, nouveau Béséléel (9), il en avait usé pour l'embellissement de «l'Arche d'Alliance spirituelle» qu'il avait construite au Seigneur, le monastère (10).

Le poète. — Dirons-nous aussi qu'il était poète ? À Dieu ne plaise que nous le comparions à celui qui descend en même temps que lui dans la tombe ! Milton, mort également en 1674, a pris rang parmi les génies poétiques les plus sublimes de l'humanité. La lyre de Carre est bien loin de rendre sous ses doigts des accords aussi puissants que celle de l'immortel auteur du Paradis perdu. Mais enfin l'excellent homme prend de temps en temps la sienne, et il fait des vers que nous n'avons pas le droit de juger, n'étant ni Anglais ni poète. La plus importante pièce que nous connaissions de lui est un petit poème écrit pour ses religieuses. Le sujet en est la Recherche des sources du bonheur de l'homme (11).

Le théologien. — Carre était fort estimé de ses confrères comme théologien. L'aumônier de la reine d'Angleterre Henriette-Marie, le docteur Godwin, controversiste distingué, lui soumettait tous ses ouvrages, et nous pourrions nommer d'autres écrivains religieux anglais qui n'imprimaient pas une page avant de l'avoir fait passer sous ses yeux.

Nous ne connaissons pourtant de lui qu'un petit volume de controverses intitulé : Occasional Discourses... (12), qui fut imprimé à Paris en 1646.

Dans ce travail, l'auteur reproduit, une à une et textuellement, les objections du docteur protestant Cosens avec lequel il eut plusieurs conférences. Ces objections sont tirées des Saints Pères et dirigées contre le culte des anges et des saints, contre le purgatoire, la suprématie du pape et la perpétuité de l'Église. Carre reprend tous les textes cités et prouve ou qu'ils ont été falsifiés, ou mal interprétés, ou même qu'ils ne se rapportent nullement aux sujets pour lesquels le docteur Cosens les invoque.

L'homme de Dieu. — Mais Thomas Carre n'est point seulement un homme de talent et de science, c'est surtout un homme de Dieu. Sa piété, à la fois tendre et profonde, s'alimente à sa vraie source, l'oraison. Il y a chez lui du mystique. S'il n'en a pas les extases, il en a les élans, les cris du cœur, les larmes, et il en parle le langage avec onction.

Sa vie pourtant ne se renferme pas entièrement au dedans. Elle y a son centre, elle y prend le point d'appui de son ressort, elle s'échauffe et s'active à la flamme du cœur, mais c'est pour s'épancher, pour irradier plus généreuse et plus lumineuse au dehors. Il est de la famille des esprits à laquelle appartiennent ses deux grands contemporains, saint François de Sales et saint Vincent de Paul : ils vivent de Dieu dans l'âme et pour Dieu dans l'action.

L'homme d'action. - Thomas, homme de prière, est donc en même temps un homme d'action, mais d'action profondément réfléchie. Il n'improvise rien ; il ne livre rien au hasard ; il ne s'embarque jamais sans bien savoir d'où le vent souffle. Mais quand il a mûri un projet dans la méditation, quand il a suffisamment consulté la prudence, rien ne l'arrête dans l'exécution.

L'honnête Carre. — Du reste, l'action est toujours marquée chez lui au double sceau de l'honnêteté la plus irréprochable et de la plus charitable bonté. «Il méritait éminemment, dit Edward Lutton, ce titre accordé à celui que nous jugeons vraiment digne de tous les éloges, et que nous nommons un honnête homme. Expression peu retentissante, sans doute, mais néanmoins d'un sens profond. Elle nous dit que cet homme marche sans dévier devant lui ; qu'il porte en son âme la candeur, la sincérité, la droiture ; qu'il fait honneur à l'humanité, et que nous pouvons lui donner toute notre estime et toute notre confiance (13)».

L'honnêteté prend ses racines dans la partie la plus délicate et en même temps la plus inflexible de la conscience. Elle se manifeste surtout par l'amour pratique de la vérité et de la justice.

Or, comme le dit Edward Lutton, Carre était toujours prêt à sacrifier à l'une et à l'autre ses intérêts les plus chers.

Quand elles étaient en cause, il en revendiquait les droits sans s'inquiéter des personnes. Plus d'une fois, au risque de briser les liens de vieilles amitiés, de perdre des protections indispensables, il eut à faire entendre à des personnages du plus haut rang l'inflexible, Non licet tibi de saint Jean-Baptiste. Il le lit toujours avec ce front plus dur que le caillou, ce front de diamant que Dieu donna au prophète Ézéchiel pourparler sans trembler à la maison prévaricatrice d'Israël. Il usa toujours de cette honnête impudence, selon la parole de Tertullien, qui proclame la vérité sans crainte des hommes.

L'honnêteté est donc une des caractéristiques de la vertu de Carre, et, comme nous disons le doux saint François de Sales, le charitable saint Vincent de Paul, ses contemporains le nommaient l'honnête M. Carre.

Le bon et charitable Carre. — L'honnête Carre fut également le bon et charitable Carre.

Pendant les cinq longs mois de sa maladie, en 1662, sachant bien l'inquiétude de ses enfants sur son compte, pour les consoler, il leur faisait donner de ses nouvelles par tous les courriers, et, toutes les fois qu'il le pouvait, il écrivait lui-même. À l'abbesse, il recommandait ses chères enfants, «les meilleures qu'il y eût au monde», disait-il. Aux religieuses, il recommandait d'aimer tendrement leur mère et de s'aimer les unes les autres comme de vraies sœurs. «Je ne désespère pas de vous revoir, leur disait-il un jour dans une de ses lettres ; mais si la volonté divine en décide autrement, j'ai pris mes dispositions pour que mon cœur reposât au milieu de vous». Et, certes, il ne pouvait donner à ses filles une marque plus signalée de son affection, car ce qu'il redoutait le plus, c'était qu'on ouvrit son corps après sa mort. Le fait est que, dans ses dernières années, il défendit expressément qu'on fit subir à ses restes aucune opération de ce genre.

Mais ce n'est pas par des paroles seulement que Thomas témoigna son affection à sa communauté, c'est surtout par des actes d'un dévouement qui ne se démentit jamais.

Comme fondateur, il eut deux devoirs à remplir, ceux-là même qui incombent à tous les pères de famille envers leurs enfants : ils doivent à leur corps un abri et du pain par le travail ; à leur âme, la vérité et la vertu par l'éducation.

Carre, pendant près de quarante années, employa tout ce que Dieu lui avait donné de talent et de science, de volonté et de cœur, de fortune et de vigueur physique, pour bâtir un foyer à sa famille, pour la faire subsister et pour former en elle le véritable esprit religieux.

Son petit patrimoine et ses économies allèrent entièrement à son monastère, sauf ce qu'il réserva au séminaire de Saint-Grégoire. Mais ces ressources étaient insuffisantes. Il dut alors se faire quêteur, commis de recettes en quelque sorte, pour recueillir quelques aumônes en Angleterre, ou pour recouvrer des sommes dues à la maison. Dans ce but, aux heures mêmes où les lois pénales sévissaient avec le plus de violence, au risque de sa liberté et de sa vie, tantôt sous un costume, tantôt sous un autre, il traversa cinquante-six fois la Manche, au dire d'Edward Lutton, et soixante-dix fois selon Dodd (14).

Mais faire vivre matériellement ses enfants n'était que la moindre partie de sa tâche ; la plus importante, la plus difficile, celle, il est vrai, où il était puissamment secondé par l'abbesse, regardait leur formation spirituelle.

C'est dans ce but qu'il composa à leur usage ses méditations: Sweet Thoughts of Jesus and Mary ; et qu'il traduisit en anglais divers ouvrages où elles pouvaient puiser les principes de la véritable et solide piété (15). Mais c'est surtout au confessionnal et dans ses exhortations qu'il s'efforçait de les leur inculquer. «Des dévotions niaises, oh ! délivrez-nous, Seigneur !» s'écriait sainte Thérèse. Carre n'a peut-être jamais rien dit de semblable, mais, à coup sûr, il l'a bien pensé.

C'est aussi dans les sentiers battus qu'il voulait faire marcher ses religieuses. Il aimait mieux les voir pratiquer les petites choses sans prétention aux grandes, que prétendre aux grandes et négliger les petites. La perfection, selon lui, consistait à se vaincre soi-même, à remplir avec fidélité ses devoirs de chaque jour, à fréquenter avec respect les sacrements, à s'efforcer de reproduire en soi notre divin modèle, Jésus-Christ, et, en conséquence, à imiter les vertus dont il nous a donné l'exemple : la patience, l'humilité, la douceur, la charité envers le prochain, et l'amour plein de confiance et de soumission de notre Père qui est au Ciel.

Voilà les leçons qu'il ne cessa jamais de leur donner, saisissant toutes les occasions de les leur répéter, afin de les graver profondément dans leur esprit et dans leur cœur.

C'est à ce double travail d'administration matérielle et de direction spirituelle que Carre se consacra tout entier. «Sa vie, dit l'orateur dont nous avons si souvent invoqué le témoignage, ne fut qu'une longue série de labeurs et de fatigues pour le bien de sa communauté, et, quoiqu'il ait atteint un âge avancé, on peut dire cependant que les travaux des jours de sa jeunesse ont abrégé ses vieux jours (16)».

Sa bonté, sa générosité, sa charité ne se bornaient pas aux murs de son monastère. Il était abordable à tous ceux qui avaient besoin de ses consolations et de ses avis. Il l'était également aux indigents. S'adresser à sa bourse au nom de la pauvreté, c'était faire appel à son cœur ; bien rarement on n'emportait qu'un refus. La plupart du temps même, il épargnait à ceux qui recouraient à son assistance l'embarras de la lui demander. Quand il manquait d'argent, il vendait ses livres, ses peintures, ses habits, peu lui importait quoi, pourvu que la misère fût soulagée. Ses ressources étaient-elles épuisées, il allait mendier lui-même pour sa clientèle de pauvres, et c'était à lord Montagu qu'il s'adressait le plus ordinairement dans ces circonstances (17).

Portrait. — Tel fut Thomas Carre dans les traits généraux qui le caractérisent : homme de talents variés et de science solide ; homme de prudence et de résolution ; homme d'une doctrine inflexible et d'une bonté, d'un dévouement, d'une charité inépuisables.

Ajoutez à cela que sa conversation, toujours grave et sérieuse pour le fond, était en même temps toujours agréable par le tour de bonhomie spirituelle qu'il lui donnait naturellement. Puis, son extérieur lui-même prévenait en sa faveur, à en juger par son portrait (18).

C'est une assez grande toile noircie par le temps et gâtée par des retouches maladroites.

Carre est assis auprès d'une table sur laquelle sont épars des papiers et divers objets. Sa bibliothèque forme le fond du tableau. Il porte le costume ecclésiastique de son temps, la barrette, la soutane, le grand rabat blanc, la barbiche et la moustache. Sur une feuille de papier, il écrit ces mots de saint Augustin : «Ama et fac quod vis», et il se retourne presque de face pour les redire. C'est bien sa devise : la sainte liberté des enfants de Dieu dans son amour.

Il paraît avoir été d'une taille élevée, d'un port simple mais imposant. Le front a la largeur de celui d'un penseur et le léger fuyant de celui d'un artiste. L'œil est grand, et le regard qui en sort est à la fois doux, calme et franc. Le nez long s'arrondit un peu à l'extrémité, et la petite fossette qu'il y porte semble accentuer l'expression de bonté des lèvres. Le menton un peu avancé donne un air de fermeté à toute la physionomie. La volonté qu'il exprime passera certainement là où bien d'autres viendront échouer. En somme le portrait de cet excellent prêtre confirme ce que nous avons dit de son caractère. En le voyant, la parole du Sauveur sur Nathanaël se présente naturellement à l'esprit : «Voilà un véritable Israélite en qui il n'y a pas de ruse». Voilà un homme bon et honnête.

Influence. — Avec cet ensemble de qualités heureuses, nous ne nous étonnons plus de l'influence exercée par lui. Il jouissait, comme nous avons déjà pu le voir, de la plus haute considération auprès de ses frères dans le sacerdoce. En 1660, lorsque le clergé anglais, sans pasteur immédiat, crut le moment venu d'en demander un au pasteur suprême, le nom de Thomas fut inscrit sur la liste de ceux que l'on regardait comme les plus capables de porter le fardeau si lourd alors et si périlleux même de l'épiscopat.

Cette même année, il dut aller en Angleterre, sans doute pour les affaires du clergé, car il était membre du chapitre.

La République avait rendu son dernier souffle. Charles II était monté sur le trône de son père. Les catholiques anglais avaient conçu les plus douces espérances. La déclaration de Bréda ; le souvenir de ce qu'ils avaient souffert pour la cause royale ; les bonnes dispositions du roi qui avait promis de faire ses efforts pour rendre les lois pénales moins barbares : tous ces motifs excitaient leur confiance dans un avenir meilleur (19).

Dans ces circonstances, une réunion des principaux membres du clergé eut lieu à Londres, et ils obtinrent une audience royale. «Les propositions qui y furent faites étaient si sages et si modérées, disent nos Annales, que, si tous les missionnaires eussent usé de la même prudence, les lois pénales eussent été abolies». On peut en juger par les débats qui eurent lieu au Parlement à cette époque. «Or, ajoutent-elles, le caractère modéré de ces propositions était dû, en partie au moins, à l'influence de Carre sur l'esprit de ses confrères (20)».

Ce voyage à Londres nous révèle l'estime qu'avait pour lui la reine Henriette-Marie, et, en général, la famille royale.

Les lois pénales étant toujours en vigueur, même depuis que Charles II était sur le trône, et le séjour en Angleterre ne présentant pas plus de sécurité qu'auparavant aux prêtres catholiques, Carre imagina d'aller à Londres à la suite de la reine que son fils appelait auprès de lui.

Ce fut chose facile à obtenir. Thomas était fort connu de Sa Majesté. Souvent la reine malheureuse, comme elle se nommait elle-même, allait, avec ses enfants, visiter le monastère, et souvent aussi l'aumônier allait voir, soit au Louvre, soit à Chaillot, soit à Colombes, la famille royale exilée. Henriette avait en lui la plus grande confiance, et plus d'une fois, connaissant sa sagesse et sa prudence, elle lui avait demandé des conseils. Il n'eut qu'un mot à dire pour faire partie de sa suite.

Cette fois, il fit la traversée avec le costume militaire, et quand la reine le vit sous ce nouvel équipement, elle lui donna le nom de «Capitaine Carre».

À l'arrivée, le duc d'York, qui avait quitté sa mère depuis longtemps et perdu de vue la plupart de ceux qui formaient son cortège, reconnut néanmoins Carre sous son costume, et se montra heureux de le revoir. Charles II lui-même, traversant les rues de Londres suivi de sa garde, par deux fois arrêta son cheval devant le capitaine improvisé pour lui donner une marque de sa bienveillante attention.

Les amis qu'il avait en France, pour n'être pas des rois, des reines et des altesses royales, n'en étaient pas moins des personnages du plus haut rang. Lord Abbot Walter Montagu si connu alors, moins par l'éclat de son nom que par sa charité, l'honorait d'une intimité toute particulière. La porte de Séguier lui était toujours ouverte ; et tandis que maints grands personnages faisaient indéfiniment antichambre pour obtenir un mot du grand chancelier, Carre n'avait qu'à se faire annoncer pour être aussitôt reçu et traité avec la plus amicale familiarité.

On peut juger, par ce que nous venons de dire, de l'influence qu'il exerçait autour de lui et de celle qu'il dut avoir sur ses religieuses. Ce n'était pas seulement pour elles un père, le père le plus vénéré, le plus aimé, c'était un oracle. Un mot de lui descendait plus profondément dans leur âme, les relevait, les soutenait, les encourageait mieux que n'eût pu faire le discours le plus éloquent.

Et cette influence, elle allait des grands aux petits : les vertus qui la méritaient à Carre brillaient aux yeux de tous. Ce fut à son enterrement que l'on put juger du nombre considérable d'amis qu'il s'était faits en ce monde. Mais tous lui furent-ils également utiles à cette heure suprême ? Dans cette foule qui encombrait les abords du couvent et suivit son cercueil, on pouvait voir les membres les plus honorables de la colonie anglaise, et de hauts personnages de la société parisienne. Mais leurs titres, leur grandeur, leur puissance, qui avaient pu soutenir Carre pendant sa vie, ne lui servaient de rien devant Dieu. C'est bien dans cette circonstance que les premiers étaient les derniers. Les vrais amis utiles du moment étaient ceux qui venaient en haillons à la fin du cortège. C'est dans leurs rangs pressés qu'on entendait dire, au rapport d'Edward Lutton :«Oh ! c'était un excellent homme. Que de fois il m'a secouru !... Il était vraiment bien charitable, et nous avons perdu en lui un ami et un père... Que Dieu le récompense !... Que Dieu lui accorde et le repos et la vie éternels ! Qu'il retrouve ses aumônes là-haut !... Qu'il ne manque de rien dans l'autre monde, celui qui fut si charitable en cette vie (21)... »

Cris naïfs parfois, mais cris du cœur, prière de la reconnaissance du pauvre, s'élevant au tribunal du Souverain Juge, et faisant descendre, dans toutes les âmes, la confiance que celle qui comparaissait en ce moment devant Dieu «était délivrée du péché et de la mort (22)».


Suite.

Edward Lutton aumônier en titre. — Aussitôt après la mort de Thomas Carre, conformément aux Constitutions, Dorothy assembla le conseil à l'effet de pourvoir à la vacance de l'aumônerie.

C'était une pure formalité réglementaire. Il ne pouvait venir à la pensée d'aucune de ces Dames de chercher un autre directeur qu'Edward Lutton. Il était l'élu du Père qu'elles venaient de perdre. Six années d'expérience leur avaient montré qu'il était l'héritier de l'esprit du cher et vénéré défunt, et qu'il le ferait, nous ne dirons pas oublier, mais, au contraire, revivre en toutes choses par ses talents, sa science, ses vertus et son cœur.

Par lettres patentes de Mgr François de Harlay, en date du 7 décembre 1674, Edward Lutton fut institué aumônier du monastère de Notre-Dame-de-Sion.

Peu de temps après, il entra dans les appartements de son prédécesseur. Celui-ci l'avait fait son héritier et son exécuteur testamentaire. On pense bien que ce fut là un règlement de compte peu compliqué. Le défunt léguait quelque argent au séminaire de Saint-Grégoire, et, à Edward, sa bibliothèque et ses manuscrits. Ses meubles furent laissés au couvent, qui les mit à la disposition du nouvel aumônier.

Nouvel aumônier n'est pas précisément le mot, car, depuis qu'il était assistant de Carre, il avait porté tout le fardeau de la direction temporelle et spirituelle. Sans doute ce fardeau lui paraissait doux parce qu'il le portait avec son zèle sacerdotal et sa générosité naturelle ; mais, dans la réalité, le poids n'en était pas moins lourd, et la santé d'Edward eut à en souffrir pendant quelque temps d'une manière assez inquiétante.

En 1676, on put croire un instant, au couvent, qu'une bonne partie du capital qu'on possédait en Angleterre était perdue, ou du moins fort compromise. Un M. Massey, prêtre du collège anglo-romain, chargé de la gérance des fonds anglais de la maison depuis une quinzaine d'années, venait de mourir subitement, laissant le désarroi le plus complet dans ses affaires. Il avait en dépôt chez lui une somme de cent livres sterling et des papiers d'assez grande importance.

Son voyage en Angleterre. — Dès qu'Edward Lutton reçut la nouvelle de cet événement, il partit pour Londres afin de sauver ce qu'il pourrait des épaves du naufrage. La Providence le servit comme elle l'avait fait toujours. Ses démarches réussirent auprès des administrateurs de la succession du défunt, et la créance du monastère fut intégralement recouvrée.

Après avoir assisté à une réunion du chapitre d'Angleterre dont il faisait partie, et soutenu avec succès, dans cette assemblée, les intérêts du collège de Douai, il opéra, pour le couvent, le recouvrement de quelques arrérages, et il rentra à Paris. Mais il n'y revint pas seul : il amenait avec lui deux jeunes gentlewomen pour le pensionnat. La première, Miss Yate, de Lyford, dans le Berkshire, devait faire profession en 1685 ; la seconde, Miss Hasta, de Harleton, dans le comté de Lancashire, était destinée à rentrer plus tard dans le monde.

Bien que son absence n'eût duré que six semaines, il était temps qu'il rentrât, et qu'il rentrât avec quelque argent. L'occasion allait lui être offerte d'en dépenser au moins la bonne moitié, de la manière la plus inattendue et la moins profitable pour la communauté.

Nivellement de la rue de la Roquette et de la rue de Charonne. — Gabriel-Nicolas de La Reynie, lieutenant-général de Police, s'était mis avec une ardeur incroyable à éclairer, paver, niveler, nettoyer et assainir Paris. Quelques habitants du faubourg Saint-Antoine attirèrent son attention sur le mauvais état de la rue de Charonne et de la rue de la Roquette.

On sait que l'ancien monastère des chanoinesses anglaises était situé entre ces deux rues.

Les bâtiments et le jardin occupaient une longueur de quarante toises environ sur la rue de la Roquette, et, du côté opposé, le mur d'enclos bordait la rue de Charonne. Cette dernière rue était en contre-bas de la première. La Reynie ordonna de les mettre au même niveau en abaissant le sol de l'une et en élevant le sol de l'autre.

On conçoit facilement ce qui résulta de ce mouvement de bascule pour la propriété des Dames Anglaises. Du côté de la rue de la Roquette, les fondations des maisons furent déchaussées, et on dut les reprendre ; les portes étaient notablement surélevées, et il fallait construire des escaliers qui permissent de les atteindre. Le contraire avait lieu du côté de la rue de Charonne : les remblais du nivellement exerçaient une poussée de dehors en dedans contre les murs de l'enclos, et, pour les soutenir, des arcs-boutants placés de distance en distance devinrent nécessaires. Ce fut une dépense considérable.

Ajoutez à cela que la rue de la Roquette fut pavée et qu'un petit canal y fut creusé pour l'assainir : tout cela aux frais des propriétaires riverains, chacun y contribuant pour sa part proportionnelle.

L'entrepreneur du pavage avait-il réclamé aux Dames Anglaises le paiement comptant de ses fournitures et de son travail ? Nous l'ignorons. Le fait est que, pour se donner une garantie de leur solvabilité, il fit faire une saisie de toutes les valeurs qu'il put découvrir appartenant au monastère. Edward Lutton, n'hésita pas, il lui intenta immédiatement un procès. L'entrepreneur fut condamné aux frais et dépens et dut attendre, pour être payé, l'échéance des loyers de la rue de la Roquette.

D'un autre côté, le canal passant trop près des murs de la propriété de ces Dames, Edward fit des réclamations et obtint une indemnité qui diminua, d'une manière assez insignifiante, l'énorme dépense que l'on fut obligé de faire.

Un moment de prospérité. — À partir de la fin d'août 1676, une période de prospérité s'ouvre pour le monastère. Elle est trop courte, il est vrai, et elle ne s'étend pas au delà de 1685, embrassant les deux dernières années du gouvernement de Dorothy Mollyns et les sept premières de celui de Pulcheria-Dorothy Eyre.

En deux ans et trois mois, la supérieure actuelle reçut la profession de sept religieuses et donna l'habit à une novice. Toutes appartenaient à d'excellentes familles anglaises, et apportaient des dots considérables. Vers la même époque, pour faire face aux frais énormes de la guerre, l'État opérait un emprunt des plus avantageux pour le prêteur. Il donnait le denier quatorze, c'est-à-dire, un peu plus de 7%. En outre, au premier versement, il payait une demi-année d'avance. En bon père de famille, M. Lutton ne laissa pas passer, sans en profiter, cette occasion d'accroître les ressources du monastère. Il ramassa tout ce qu'il put d'argent provenant des dots des novices et d'ailleurs, et le mit à la caisse d'emprunt. En quelques années, par sa vigilance et par ses soins intelligents, il parvint à tripler les revenus du monastère.

Dernières années et mort de lady Tredway. — Ce relèvement du noviciat et des finances de la maison fut, à coup sûr, l'une des plus grandes consolations de l'ancienne abbesse dans les derniers temps de sa vie.

Depuis son abdication, elle avait recouvré un peu de force, mais elle avait cessé de prendre aucune initiative dans le gouvernement de la maison. Avec son bon sens parfait, elle avait compris que sa tâche était accomplie, et que son devoir était de s'effacer pour laisser à la nouvelle supérieure le libre exercice de son autorité. C'est dans la pratique constante de la prière et de la mortification qu'elle passa ses dernières années, donnant à toutes ses filles l'exemple de la résignation et de la patience, et leur montrant ainsi de quelle utilité peut encore être, pour une communauté, une vieillesse impuissante dans l'action, mais supportée avec abandon à la volonté divine.

Aussi longtemps que ses forces le lui permirent, elle descendit de sa cellule à la chapelle pour y entendre la messe et y faire ses dévotions. Mais le moment vint bientôt où elle ne put plus sortir de chez elle. On lui apporta alors la sainte communion, et c'était toujours un sujet d'édification, pour sa famille religieuse, de voir avec quelle piété vraiment angélique elle s'approchait du sacrement auguste de nos autels. Comme elle ne prenait jamais aucun remède, mais qu'elle laissait le peu qui lui restait de vie aux soins de la divine Providence, rien ne ressemblait moins à une chambre de malade que la sienne. C'était bien plutôt un oratoire où tout annonçait que cette âme, près de partir, n'avait déjà plus d'entretien qu'avec le Ciel.

Cette chambre était éclairée par deux fenêtres donnant l'une sur la chapelle du monastère, l'autre, sur les tours de l'église de Notre-Dame. Lady Tredway s'était fait là deux stations, et elle allait de l'une à l'autre, employant à la lecture et à l'oraison les heures pendant lesquelles ses douleurs ne la contraignaient pas de rester au lit.

Sa première station, près de la fenêtre ouvrant sur la chapelle, était consacrée au Très Saint-Sacrement, principal objet de son ardente dévotion. Quand elle était abbesse, et qu'elle parlait à sa communauté, il était peu de ses exhortations où elle ne cherchât à exciter, dans le cœur de ses religieuses, l'amour de Jésus-Christ présent dans la divine Eucharistie. Elle s'efforçait constamment de leur faire apprécier le bonheur qu'elles avaient de posséder au milieu d'elles le trône même de la bonté et de la miséricorde infinies, et de pouvoir y recourir à toute heure et dans tous leurs besoins. «Bien que Milady, disent les Annales du monastère, fût la femme du monde la moins portée à parler d'elle-même et à se glorifier de ses actions, cependant elle éprouvait un tel bonheur à songer que, dès le commencement, elle avait construit une chapelle où le service de Dieu pouvait s'accomplir avec décence, qu'elle éclatait quelquefois en une sorte de transport. Le jour anniversaire de la dédicace de cette chapelle était, pour elle, l'un des meilleurs et des plus joyeux de l'année (23)».

Sa seconde station auprès de la fenêtre d'où l'on voyait Notre-Dame, était naturellement consacrée à la sainte Vierge en qui elle avait la plus tendre confiance. Là aussi elle passait de longues heures aux pieds de sa Mère et ne se lassait pas de s'entretenir avec elle.

Comme tous les esprits qui ne s'arrêtent pas à la superficie des choses, mais en pénètrent la substance pour s'en nourrir, elle ne se perdait pas dans la multiplicité des livres. Elle n'en avait pour ainsi dire qu'un seul : les Méditations de Thomas à Kempis (24). Carre les avait traduites en anglais à l'usage de la communauté, et avait dédié sa traduction à l'abbesse. Celle-ci en avait fait son livre, et elle disait souvent à Carre : «En nous mettant à même de pouvoir comprendre ce livre, vous avez pourvu à tous mes besoins spirituels : j'y trouve des instructions, des prières, des résolutions, enfin tout ce qui m'est nécessaire».

Elle se soutint ainsi jusqu'en 1677, mais alors elle baissa sensiblement, surtout à la fin de l'année, et chacun put voir qu'elle touchait au terme de son voyage. Le mois de septembre et le commencement d'octobre furent pour elle comme une longue agonie. «Elle ne paraissait être guère mieux, disent les Annales, qu'un malade à l'extrémité».

Le samedi, 9 octobre, jour de la fête de saint Denis, on lui apporta le saint Viatique. Le mardi suivant, elle passa une nuit des plus agitées. Les religieuses qui la veillaient purent craindre un instant, entre deux et trois heures du matin, que leurs sœurs n'eussent pas le temps de se lever pour assister à ses derniers moments. On se hâta d'appeler la communauté ainsi que l'aumônier. Néanmoins lady Tredway n'avait pas perdu sa présence d'esprit, et elle répondit d'une voix ferme à toutes les questions d'Edward Lutton. À celle-ci : «Croyez-vous à tout ce que vous enseigne l'Église catholique ? — Oh ! oui, j'y crois !» dit-elle, en appuyant sur chaque mot. Elle semblait avoir concentré toutes les forces qui lui restaient pour faire sa dernière profession de foi. Puis elle demanda pardon à tous les vivants et à tous les morts qu'elle aurait pu offenser pendant sa vie, et, entourée de ses enfants en pleurs, elle reçut les derniers sacrements avec les sentiments de la dévotion la plus touchante.

L'agonie se prolongea toute la journée. Le soir, la mourante perdit la parole, et, entre sept et huit heures, elle rendit le dernier soupir.

Ainsi s'éteignit dans la paix du Seigneur, le 12 octobre 1677, lady Letice-Mary Tredway, à l'âge de quatre-vingt-quatre ans, après en avoir passé soixante-trois en religion.

En fondant son œuvre avec des éléments qui paraissaient au début si fragiles, elle ne se doutait probablement pas, l'humble et pieuse femme, que Dieu, pour première récompense de ses vertus, lui donnerait la bénédiction des siècles et la rendrait mère d'une aussi nombreuse et aussi lointaine postérité. Du haut du Ciel, où elle est allée rejoindre Thomas Carre et Richard Smith, elle doit laisser tomber un regard de bienveillance sur ses enfants d'aujourd'hui. À coup sûr, elle les reconnaît pour siennes. Le temps, en vieillissant cette communauté, n'en a pas changé la physionomie morale, et l'abbesse de Notre-Dame-de-Sion doit y retrouver les traits qui la distinguaient elle-même : l'amour du travail, l'esprit de prière et de pénitence, et la pratique inflexible des observances religieuses.

On exposa son corps sur le lit même où elle venait d'expirer. Le jeudi suivant, 14 octobre, il fut porté à l'église et, après la grand'messe, on le déposa dans sa tombe. La cérémonie, accomplie avec toute la solennité possible, fut en même temps des plus émouvantes. Les religieuses ne pouvaient contenir leurs larmes, et, plus d'une fois, le chant du chœur fut interrompu par leurs sanglots.

Les restes de l'ancienne abbesse furent ensevelis au milieu du chœur, devant la porte de clôture qui conduisait à la chapelle extérieure. C'était la place qu'elle s'était choisie elle-même, afin, disait-elle, que les religieuses en passant par là, ou en s'y agenouillant pour recevoir la sainte communion, se ressouvinssent d'elle dans une prière, ne fût-ce qu'un «requiescat in pace».

Plusieurs mois s'écoulèrent avant que la pierre sépulcrale, sur laquelle était gravée l'épitaphe, fût posée, et pendant ce temps-là, chaque jour, les religieuses venaient orner cette chère tombe de fleurs nouvelles.

Le portrait de lady Tredway est conservé au couvent dans la chambre de la supérieure, entre ceux de Richard Smith et de Thomas Carre. C'est une grande toile, fort bien peinte et admirée de tous les connaisseurs.

L'abbesse y est représentée en grandeur naturelle, de trois quarts et assise. Elle est simplement revêtue du costume de l'ordre. La main gauche, ornée de l'anneau abbatial, est appuyée sur le bord antérieur du bras du fauteuil ; la droite, étendue, tient ouvert, sur une table, le livre des Constitutions. L'attitude de lady Tredway est grave et imposante : un grand air de noblesse et de distinction est répandu sur toute sa personne. L'expression générale de sa physionomie est un mélange de bonté et de fermeté, d'austérité et de douceur, d'énergie et de calme. Ce que cette femme dit est réfléchi, ce qu'elle veut est bien arrêté, et il ne paraît pas qu'il y ait lieu d'y revenir. Elle ne connaît certainement qu'un chemin, le plus court, la ligne droite : elle y entre la première et il faut qu'on l'y suive ou bien qu'on s'en aille. L'impression qui reste de la vue de cette figure est celle d'une autorité qui s'impose sans effort, et qu'on subit sans résistance ; si cette religieuse sait obéir par vertu, par nature elle commande.

L'édit du Toisé. — Ce mois d'octobre 1677, qui avait apporté au couvent un si profond chagrin, vit se terminer heureusement, grâce à l'activité persévérante d'Edward Lutton, une affaire pendante depuis trois ans.

En janvier 1674, on vit arriver un huissier qui, «parlant à la personne de lady Tredway ou à l'un des siens», remit un exploit en vertu duquel le monastère devait payer une amende de 2,500 livres. Faute de répondre en temps convenable à cette notification, les bâtiments que les Dames Anglaises possédaient, dans la rue de la Roquette, devaient être démolis à leurs frais, les matériaux confisqués et transportés, à leurs frais encore, dans les chantiers royaux.

C'était une application de l'Édit du Toisé.

Sous Henri II, une ordonnance royale défendit de bâtir dans les faubourgs de Paris, au delà de leurs limites actuelles. Nulle ordonnance ne fut moins observée que celle-ci, et les faubourgs s'étendirent toujours. Le surintendant, Particelli d'Hémery, en 1644, s'avisa de la faire revivre, et les propriétaires des maisons construites en dehors des limites fixées en 1548 furent mis dans l'alternative, ou de démolir leurs immeubles ou de payer une taxe proportionnelle au terrain qu'ils occupaient. Les bâtiments possédés par les Dames Anglaises, dans la rue de la Roquette, ayant été établis en transgression de l'ordonnance d'Henri II, tombaient sous l'édit.

Edward Lutton dut se mettre en campagne pour obtenir la remise de cette amende. Enfin, après bien des démarches inutiles, il eut recours à lord Abbot Montagu, qui parvint à faire fléchir le roi, et l'intendant des finances reçut ordre de passer quittance définitive des 2,500 livres.

État numérique et mortalité. — La communauté, qui était allée s'accroissant depuis son origine, comptait à la fin du gouvernement de Mme Mollyns, cinquante-six membres, dont quarante-sept religieuses de chœur et neuf converses. La mortalité avait été de quatre sujets sur les cinquante-trois laissés par lady Tredway. L'année 1677 s'était montrée particulièrement meurtrière ; à elle seule, elle avait enlevé trois de ces Dames. Mais enfin les vides avaient été largement comblés, et l'avantage restait en définitive au recrutement.

Agrandissement du monastère. — Plusieurs années avant que la communauté fût devenue aussi nombreuse, elle se trouvait déjà fort gênée dans les maisons achetées à Gaffarel. Les salles conventuelles contenaient difficilement le personnel religieux ; les cellules étaient insuffisantes, le jardin manquait d'étendue pour les récréations. Il était du reste dominé de tous les côtés par des maisons voisines qui ouvraient sur lui des fenêtres indiscrètes. Or des femmes qui ne se sont réservé sur la surface du globe, pour y vivre et mourir dans la paix du Seigneur, que l'espace contenu dans les limites d'une clôture, ont bien le droit d'y retrouver un peu de cette liberté qu'elles laissent si volontiers au reste du monde. Cette clôture est leur «home», comme disent les Anglais. Elles veulent n'y être vues que de Dieu, n'y rencontrer que leurs sœurs, n'y jouir dans leurs récréations que des plaisirs les plus innocents de la nature. Il n'en est pas une qui ne vous dise : «A vous le reste de la terre ; mais à moi mon petit coin. Que le grand air y circule ; que le soleil y entre à pleins rayons ; que les insectes viennent bourdonner autour des fleurs que je fais naître, et les oiseaux, chanter et faire leurs nids dans les rameaux de l'arbre sous lequel je me repose en passant. Je veux faire en toute liberté mes promenades récréatives ou méditatives, mes petits pèlerinages aux oratoires, aux statues que j'ai élevées dans mon jardin. Je ne veux pas que vos bruits mondains, vos sarcasmes, vos blasphèmes offensent mes oreilles, que vos regards m'obligent à baisser mon voile quand j'ai besoin de respirer. Et c'est pourquoi j'étends ma paisible demeure pour éloigner la vôtre, et j'élève bien haut mes murs pour me garantir de vos indiscrétions». Toute religieuse cloîtrée dit cela, ou du moins le pense. On le pensait et on le disait dans la rue des Fossés-Saint-Victor. Aussi la communauté saisit-elle de bonne heure toutes les occasions d'élargir sa clôture. De 1653 à 1671, elle fit autour d'elle six acquisitions de maisons et de jardins, mue en cela par des considérations d'hygiène et de liberté. Tout ne fut pas payé immédiatement ; mais des arrangements furent pris avec les vendeurs, et, sous le gouvernement de Mme Dorothy Mollyns, on s'acquitta complètement des dettes qu'on avait ainsi contractées.

_____________________________________

[Notes de bas de page.]

1.  Parmi ces papiers était un traité d'oraison mentale auquel sa mauvaise santé ne lui permit pas de mettre la dernière main.

2.  Voir chapitre 2.

3.  Job 1:20.

4.  Histoire de sainte Thérèse par une religieuse carmélite, in-8°, 5e édition, 2e volume, page 159. [Cette œuvre peut être l'Histoire de Sainte Thérèse d'après les Bollandistes, Nantes, Mazeau, 1882 ; l'auteur de celle-ci est Adélaïde Lecornu (1852-1901) — c'est-à-dire Sœur Adélaïde-Jéronyme-Zoë-Marie du Sacré-Cœur — qui était une religieuse carmélite au couvent de Caën.]

5.  Annales du couvent.

6.  [Broom Hall dans le diocèse de Durham en Angleterre.] Voir chapitre 1.

7.  Lutton, E., «The Funeral Sermon of Thomas Carre [Miles Pinkney]», Paris, 1675, page 11.

8.  Ibid., page 13.

9.  Béséléel, employé par Moïse à la construction des objets du culte dans le désert [Exod. 31:2 et seq.].

10. «The Funeral Sermon of Thomas Carre», page 12.

11. Carre était l'ami intime de Crashawe, auteur de petits poèmes religieux. En tête du volume qui les contient, et qui fut publié par Carre en 1652, deux ans après la mort de l'auteur, on trouve deux pièces de vers dont l'une est une anagramme. Du nom de Crashawe on a fait «He Was Car». La seconde est une épigramme, qui est certainement de Carre. Elle porte, en effet, sa signature. Nous laissons à la critique littéraire le soin d'en apprécier la valeur. [À proprement parler, Richard Crashaw (1612-1649) ; voir, par exemple : Turnbull, W. B. (Éd.), The Complete Works of Richard Crashaw, Londres, Smith, 1858 ; Williams, G. W. (Éd.), The Complete Poetry of Richard Crashaw, New York, New York University Press, 1972.]

12. [Carre, T., Occasionall Discourses had with Doctor Cosens, by word of mouth, or by writing from him. By Thomas Carre, Confessour of the English Nunnerie at Paris. As also, An answer to a libell written by the said Doctor Cosens against the great Generall Councell of Lateran in 1215, Paris, 1646.]

13. «The Funeral Sermon of Thomas Carre», page 15.

14. Il nous a été impossible de vérifier le nombre de ces traversées. Les Annales de ces Dames se contentent de dire : «Many journeys by sea and land».

15. Nous nous dispensons de donner ici la liste des différents travaux publiés par Thomas Carre. On en trouvera une, fort bien dressée, à la fin de la préface des Sweet Thoughts of Jesus and Mary, petit volume édité à Londres par Orby Shipley, et contenant une douzaine des meilleures méditations que Carre publia à Paris sous le même titre, en 1658 et 1665. [Voir, par exemple : Carre, T., Sweete Thoughtes of Iesus and Marie; or, Meditations for all the feastes of our B. Sauiour and his B. Mother, togeither with meditations for all the Sundayes of the yeare. And our Sauiours Passion. For the vse of the daughters of Sion, Paris, Du Moutier, 1665 ; Carre, T., Sweet Thoughts of Jesus and Mary: meditations for the feasts of our Saviour and of his Blessed Mother, etc., Londres, Burns & Oates, 1889.]

16. «The Funeral Sermon of Thomas Carre», page 11.

17. Ibid., page 17.

18. On a deux portraits de lui : l'un est chez les Bénédictins de Douai ; l'autre appartient au monastère. C'est de ce dernier que nous parlons.

19. Lingard, J., A History of England, Londres, Mawman, 1825, Vol. 12, page 109.

20. Annales du monastère. Livre doré, page 64.

21. «The Funeral Sermon of Thomas Carre», page 17.

22. Tob. 4:2.

23.  Annales du monastère. Livre doré, page 156.

24.  [Voir Carre, T., Meditations and Prayers of the life, passion, resurrection and ascension of our Saviour Jesus Christ... Englished by Thomas Carre, Paris, Du Moutier, 1664 ; et aussi Carre, T., Thomas of Kempis... his Sermons of the Incarnation and Passion of Christ. Translated out of Latine &c. by T. Carre, Paris, Blageart, 1653.]


«Un Couvent de religieuses anglaises à Paris» :
Index ; Chapitre 4

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]