JANOT OU LES BATTUS PAIENT L'AMENDE :

comédie-proverbe en un acte de Louis-François Archambault, dit Dorvigny ;

première le 6 juin 1779.

PERSONNAGES.
RAGOT, fripier.
Mme RAGOT.
JANOT, leur garçon de boutique.
SIMON, savetier.
SUZON, sa fille.
DODINET, rat-de-cave.
UN CLERC DE COMMISSAIRE.
UN GARÇON PATISSIER.
LE CAPORAL DU GUET.
DES SOLDATS.

Le théâtre représente un carrefour ; sur le devant, à la gauche du spectateur, est la boutique de Ragot, fripier ; vis-à-vis à droite, est la boutique de Simon, savetier, et dans le fond aussi à droite, la maison d'un commissaire, distinguée par un réverbère.

La scène se passe dans la rue, et commence à huit heures du soir.


SCÈNE I.

Mme RAGOT, seule, devant sa porte.

Voyez un peu de chien d'ivrogne ! c'est tous les jours le même train. Il m'emprte de l'argent, pour aller, dit-il, dans les ventes, et tous ses inventaires se sont toujours sur le comptoir du cabaretier ; et pis, quand il est fou, il se laisse attraper comme un enfant : il m'achète des drogues, des gardes-boutiques ! Vlà-ti pas une belle heure, tenez, pour revenir !... Ah !... je crois pourtant que le vlà.

SCÈNE II.
Mme RAGOT, RAGOT, un peu gris, portant un vieux tableau.

Mme RAGOT.
Eh ben ! te vlà donc ? D'où ce que tu reviens comm'ça ?

RAGOT.
D'où ce que je reviens ? tiens, regard ça. (Il lui montre son tableau.)

Mme RAGOT.
Eh ben ! après : qu'est-ce que c'est que ça ?

RAGOT.
C'est un original, ma femme.

Mme RAGOT.
Original toi-même... Voyez un peu st'animal, avec sa guenille !... et ton argent, où est il ?

RAGOT, en montrant le tableau.
Regarde ça, je te dis.

Mme RAGOT.
Comment ! regard ça ! Ça ne te coûte pas les dix écus que tu as emportés, peut-être ?

RAGOT.
Non-da. Encore douze francs que je redois dessus.

Mme RAGOT.
Encore douze francs ! est-ce que tu te moques de moi ?

RAGOT, lui cognant le nez avec.
Mais regarde-le donc, tu verras ce que c'est.

Mme RAGOT.
Ah ! misérable, peux-tu faire des marchés comme ça ! nous vlà ruinés !

RAGOT.
C'est toi qui me ruines ! tu ne fais pas vendre.

Mme RAGOT.
Je ne fais pas vendre ?

RAGOT.
Non : je devrais être à présent le plus grand fripier de Paris, avec les marchés d'or que je fais tous les jours ; mais tu n'entends rien au commerce : tu ne fais pas vendre, je te dis.

Mme RAGOT.
Mais, imbécile, c'est toi qui ne fais pas acheter. Qu'est-ce que tu veux que je vende, quand tu m'apportes des vilenies comme ça ?

RAGOT.
Des vilenies comme ça ? Insolente ! un original qui sort du cabinet d'un receveur des gabelles.

Mme RAGOT.
Une belle autorité ! Et pourquoi qui le vend drès que c'est si beau ?

RAGOT.
C'est un petit arrangement que la Justice fait par représailles.

Mme RAGOT.
Comment ! par représailles ?

RAGOT.
Oui : il a fait sortir les fonds de la caisse pour meubler son cabinet, et à présent on fait sortir les tableaux de son cabinet pour remeubler la caisse : ça fait la navette.

Mme RAGOT.
Vlà ce qui t'arrivera au premier jour : on vendra ton lit pour payer tes belles emplettes.

RAGOT.
Allons, allons, taisez-vous, femme. Vous n'êtes pas faites pour vous connaître à tout ça : mêlez-vous de vendre les prix que je vous dis, et raisonnez pas sur mes marchés.

Mme RAGOT.
Vendre les prix que tu dis ! et qui diable en voudrait ! Tes marchandises sont si belles que personne ne les regarde tant seulement pas.

RAGOT.
C'est qu'il ne passe pas de connoisseurs dans ste rue-ci : faut changer de quartier... Voyez-moi ça ! Ces petits bouqets de Rembrant, comme c'est délicat ! ste bataille de Teniers ! tenez, ça n'est-ti pas parfait ? et ste noce par Lebrun ! C'est ti pas réjouissant. Là, ne dirait-on pas que toutes ces bouteilles-là sont pleines ? rien qu'à les regarder, ça donne envie de boire.

Mme RAGOT.
Tu les regardes donc depis le matin jusqu'au soir, car t'as st'envie-là toute la journée !

RAGOT.
Taisez-vous, Mme Ragot, et rentrez-moi tout ça ; ça devrait déjà être dans la boutique.

Mme RAGOT.
Que ne reviens-tu de meilleure heure ! Est-ce que je peux rentrer ça à moi toute seule !

RAGOT.
Vous ne pouviez pas vous faire aider par Janot ? Où est-ti, st'animal ? (Il appelle.) Janot ! oh ! Janot !

SCÈNE III.
LES PRÉCÉDENTS, JANOT, à la fenêtre.

JANOT.
Eh ben ! quoi qu'il a donc encore fait Janot ?

RAGOT.
Descendras-tu, quand on t'appelle ?

JANOT.
Je ne peux pas, not' maître. Je suis ta guetter la soupe qui est sur le fourneau, qui va s'enfuir, qui bout.

RAGOT.
Eh bien, ôte-la vite et descends.

JANOT.
Je le veux ben, moi. (Il sort de la fenêtre.) Ah ! jarni ! vlà que je me brûle ! et tout le bouillon qu'est répandu, tenez, pour être si pressé là, dans les cendres.

RAGOT.
Arriveras-tu donc ?

JANOT.
Ah ben, dame ! donnez-vous le temps. (Il tombe dans l'escalier en courant ; on entend le bruit.)

Mme RAGOT, à Janot qui entre.
Ah ! le mal-à-droit !... Qu'est que t'as fait là ?

RAGOT.
Tu viens de casser quelque chose, je parie.

JANOT.
Au contraire, Monsieur, c'est ma jambe, que je me suis donné une entorse en tombant, dans le talon, qu'est là à l'entrée de l'escayer, que ça me fait un mal de chien, où ce qu'on n'y voit goutte encore.

RAGOT.
Grand benêt ! tu ne peux pas regarder à tes pieds : on se tient ferme quand on marche.

JANOT.
Pardine, quand j'y regarderais, je vois ben que j'ai le talon démis, pisque je boite.

RAGOT.
Vilain paresseux ! il faut toujours crier après lui ! Qu'est-ce que t'as fait toute la journée ?

JANOT.
Ah ben, oui ! ne semble-ti pas qu'on reste là les bras croisés ? et st'escayer que j'ai nettoyé depis le haut jusqu'en bas, avec un balet qui faisait peur.

RAGOT.
Oui, un balet qui faisait peur !

JANOT.
Sûrement, Monsieur, de l'ordure gros comme vous, que j'ai ôtée, où ce qu'on se mirerait dedans à présent.

RAGOT.
Eh ben ! après : est-ce là tout ?

JANOT.
Ah ben, oui, tout ! j'ai été porter ce vieux fauteuil chez le rempailleur, là, contre l'égoût Montmartre, qui était tout dépaillé... après ça j'ai été à la vallée chercher un abatti, comme vous me l'aviez dit vous-même de dindon, présence de Madame, qui m'a coûté douze sous avec le cou et les pattes.

RAGOT.
Tu n'as donc pas été à la boucherie ?

JANOT.
Pardonnez-moi, Monsieur, j'ai pris un bon pot au feu pour demain dîner avec vot' compère, qui est tout de la tranche, qui doit venir avec sa femme, pesant cinq livres, sans os du tout.

RAGOT.
Et pour le souper, ce soir ?

JANOT.
Oh ! pour ce soir j'avons un petit gigot qu'est au four, chez le pâtissier, avec une gousse d'ail dans le manche.

RAGOT.
C'est bon. Allons, rentre tout ça.

JANOT.
Oh ! je ne me suis pas endormi, allez, et si c'est pas encore là tout. J'ai été battre ste vieille courtepointe que vous savez ben, avec la voisine qui était tout pleine de poussière ?

RAGOT.
La peste de l'imbécile ! qu'est-ce que tu m'embrouilles, la voisine pleine de poussière ?

JANOT.
Oui, la courtepointe... et pis ste tenture que j'ai portée chez le dégraisseur, que vous avez acheté hier à l'inventaire...

RAGOT.
Moi ! j'ai acheté ?...

JANOT.
Oui, qui vous a coûté un louis, où ce qui y avait tout plein de taches dedans.

RAGOT.
Ah ! je sais ce que tu veux dire... Allons, il se fait tard ; va-t-en me chercher le souper.

JANOT.
Eh ben ! donnez-moi de l'argent pour payer la façon.

RAGOT.
Comment, la façon ?

JANOT.
Oui, deux sous pour le four.

RAGOT.
Est-ce que tu n'as pas d'argent ?

JANOT.
Moi ! eh, pardine ! vous crayez ben que je n'en manque pas, vous ne m'en laissez jamais.

RAGOT.
Eh ! qu'est-ce que t'as fait des six sous que ma femme t'as donnés ce matin ?

JANOT, aparté.
Ah ! jarni, je ne croyais pas qu'il savait ceux-là ! (Haut.) Monsieur, j'en ai fait mettre des bouts à mes souyers, de quatre sous, par le savetier du coin, qui étaient tout percés à jour.

RAGOT.
Oui, tes souyers de quatre sous !... et les autres deux sous ?

JANOT.
J'en ai fait mettre des clous aux talons, de six yards, et les autres deux yards j'ai regardé la liste de la loterie.

RAGOT.
Pourquoi faire regarder la liste ?

JANOT.
Pour voir si j'aurais pas gagné quelquefois.

RAGOT.
Est-ce que tu mets à la loterie, toi ?

JANOT.
Moi ! Oh ! je ne suis pas si bête. On dit que c'est de l'argent perdu.

RAGOT.
Et comment veux-tu donc y gagner, imbécile, si tu n'y mets pas ?

JANOT.
Eh, l'hasard donc : ... si j'ai du bonheur, moi, ne faut qu'un coup.

RAGOT.
Oui, tu m'as l'air heureux aussi !... Quiens, ma femme, donne-lui de la monnaie ; moi, je vas mettre le couvert. (Il rentre.)

SCÈNE IV.
Mme RAGOT, JANOT.

Mme RAGOT.
Comben qu'il te faut ?

JANOT.
Deux sous pour aller chercher le gigot.

Mme RAGOT.
Quiens, en vlà douze, en revenant tu prendras une bouteille de vin.

JANOT.
À queu prix, not' maîtresse, à quinze ?

Mme RAGOT.
Tenez, st'imbécile ! à quinze avec douze sous ?

JANOT.
Dame, vous n'expliquez pas aussi ; on n'est pas sorcier pour deviner tout.

Mme RAGOT.
À dix sous, nigaud, et deux pour le gigot, ça fait ton compte. Ou ben, tiens, rends-moi mes douze sous, j'ai besoin de monnaie, vlà six francs. Fais-toi donner de bonnes pièces, entends-tu ? (Elle s'en va.)

JANOT.
Oh ! pardine, laissez faire, allez, je ne suis pas bête, moi. Vous savez ben qu'on ne m'attrape pas comme ça. ... (Seul.) C'est bon... j'avais ben encore queuques sous de monnaie que je n'ai pas voulu l'y dire, là-haut dans un coin de ma chambre ; je les garde pour aller déjeuner demain avec Mam'selle Suzon, qu'est fête, comme j'avons été dimanche dernier... Allons toujours chercher not' soupé... mais la nuit est noire comme tout. Je répandrai la sausse. Holà ! not' maîtresse, descendez-moi donc un peu vot' lanterne, qu'on n'y voit goutte, avec de la chandelle dedans.

Mme RAGOT.
Quiens, la vlà. (Elle lui donne.)

JANOT.
Ben obligé... (Il s'en va en chantant :)
«Lison dormait sur un bocage,
Un bras par-ci, l'autre pied par-là...»
Eh mais ! Dieu me pardonne, je crois que vlà Mam'selle Suzon à sa fenêt' ; faut que je l'y dise un petit bon soir sans faire semblant de rien. (En criant.) Bonsoir, Mam'selle Suzon, comme que vous vous portez, s'il vous plaît ?

SCÈNE V.
JANOT, SUZON, à sa fenêtre.

SUZON.
Ben obligée, fort ben, M. Janot, et vous même du depis qu'on ne vous a pas vu ?

JANOT.
Oh ! moi, je me porte comme le Pont-Neuf. Queuque vous faites donc à vot' fenêt', à l'heure qu'il est, à st'heure-ci ?

SUZON.
Ah ! rien, je suis ta prendre un petit brin l'air, sans que ça paraisse ; et vous, où que vous allez comme ça ?

JANOT.
Je vas chercher not' soupé qui est chez le pâtissier, au coin de la rue, à côté de ce parfumeur, cuit dans le four.

SUZON.
C'est fort ben fait ; vous aurez beau temps.

JANOT.
Oui, ma fine, si ça dure, j'aurons une belle journée ste nuit... y fera demain pour la promenade. Si vous voulez, j'irons déjeuner comme j'avons été dimanche dernier à Saint-Cloud. Je mangerons de bons baignets cheux le Suisse, fricassés dans la poêle.

SUZON.
Je le voulons ben, M. Janot ; mais c'est que ça bourre comme tout les baignets.

JANOT.
Oh que non ! je les ferons descendre ; je boirons de ce bon p'tit vin de Briolet que vous aimez tant, que nous en avons bu l'aut' jour sous ce grand berceau, où ce qui y a de l'épine blanche tout du long, à six sous la bouteille : vous en souvenez-vous-ti ?

SUZON.
Pardine ! si m'en souvient ! témoin, que j'y ai t'oublié mon petit couteau que vous m'aviez donné, où ce que j'en ai t'eu ben du chagrin, allez.

JANOT.
Comment ! Stustache Dubois que je vous avais fait présent ? Ah ben ! voyez, c'est comme un sort !... Mais, c'est égal, je vous en donnerai un aute, un véritable couteau de langue, tout ce qu'il y a de pus meilleur ; vous n'en verrez pas la fin de celui-là. Il m'a déjà usé deux manches et trois lames, c'est toujours le même !

SUZON.
C'est ben honnête à vous, M. Janot ; faut pas vous défaire de vos meubles comme ça pour moi.

JANOT.
Ah ! pardonnez-moi, Mam'selle, c'est rien que ça. En parlant de couteau, c'est feu mon père qui en avait un beau ; devant Dieu soit son âme, pendu à sa ceinture, dans une gaine, avec quoi il faisait la cuisine.

SUZON.
À quelle heure que vous vienrez me prendre, pour que je me tienne prête ?

JANOT.
À huit heures. Mais dites donc, faut pas aller avec ce guernadier de l'aute jour. J'ai toujours peur qu'il me racole avec ses crocs. C'est de la mauvaise compagnie, ça ; et vous savez ben le proverbe : dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu fréquentes... Vaut ben pas mieux n'être que moi et vous, vlà tout ; et pis vot' p'tite sœur et mon p'tit frère et ma cousine : ça fera cinq, nous jouerons aux quatre coins, pas vrai, Mam'selle Suzon ?

SUZON.
Tout ce qui vous fera plaisir, M. Janot ; mais faudra de bonne heure, nous goûterons en chemin.

JANOT.
Oui, je passerons par Seve ; j'y mangerons de p'tits gâteaux de Nanterre... comme j'en avons mangé l'aut' jour tout le long de la rivière, avec du beurre dessus.

SUZON.
Et vous souvenez-vous des bonnes cerises que j'avons mangées aussi ?

JANOT.
Pardine ! je le crais ben, de ste p'tite marchande qui était si jolie, à trois sous la livre.

SUZON.
Oh ! mais tous ça vous ruine, M. Janot, faut pas être un dépensier comme ça ; vous ferez un mauvais ménage, au moins ; vous êtes comme un panier percé, l'argent ne vous tient pas.

JANOT.
Ba, ba, vous êtes trop regardeuse aussi... À propos de panier percé, Mam'selle Suzon, vous souvenez-vous-ti que vous m'avez promis queuque chose ?

SUZON.
Moi ! de quoi donc que c'est que ça pourrait ête ?

JANOT.
Ah dame ! sous vot' respect, vous m'avez promis de m'embrasser quand je vous rapporterions vos bas de coton à coins brodés, que j'ai donnés à reprendre à ma cousine la ravaudeuse, où ce qui y a une maille d'échappée.

SUZON.
Est-ce que vous les avez dessus vous ?

JANOT.
Oui.

SUZON.
Ah ! ben obligée, donnez-les moi.

JANOT.
Oui-dà ! donnant, donnant : faut m'embrasser auparavant

SUZON.
Oh ! comme ça, dans la rue, devant tout le monde ?

JANOT.
Non, venez m'ouvrir la porte de l'allée, j'entrerons un instant.

SUZON.
Eh ben ! éteignez votre lanterne, qu'on ne vous voie pas ; je vas vous jeter la clef.

JANOT.
C'est bon. (Il souffle sa lumière.)

SCÈNE VI.
JANOT, SIMON, à la fenêtre, à SUZON.

SIMON.
Eh ben ! chienne de bavarde, avec qui que t'es ponc là à causer ?

SUZON, bas.
Avec personne, mon père.

JANOT, d'en bas de la rue.
Hem ! qu'est-ce que vous dites, Mam'selle Suzon ?

SIMON, à la fenêtre.
Ah ! c'est encore ce petit gueux de Janot !

JANOT, d'en bas.
Janot,... oui, c'est moi... jetez donc.

SIMON, déguisant sa voix.
Que je jette ?

JANOT.
Oui, la clef dans mon bonnet. Me vlà.

SIMON, déguisant sa voix.
Tout-à-l'heure. Attends, attends. (Il va chercher un pot, etc.) Y es-tu ?

JANOT, s'approchant sous la fenêtre, et tendant son bonnet.
Oui, jette.

SIMON, lui jetant sur le corps.
Tiens, attrape.

JANOT, qui a tout reçu, etc.
Ah ! sarpédié ! qu'est-ce que c'est que ça ?... Vous ne pouvez pas prendre garde à ce que vous faites. On crie, gare l'eau du moins avant que de jeter... Mais comme ça sent donc !... Est-ce que ça serait... (Il flaire.) Ah ! jarniguoi ! c'en est. Vlà ma veste toute perdue, y n'y a pas à dire non ; c'en est ben ! Fi, Mam'selle Suzon, c'est z'indigne à vous. C'est un fait exprès ! Vous m'avez fait éteindre ma lanterne ! mais jarni ! gny a pas besoin des yeux pour ça ! avec le nez on voit ben !... Vlà une belle chienne d'attrape !... vous avez beau rire ; allez, je ne sommes pas vot' dupe, je voyons ben à présent de quoi y retourne !... Ah ! sarpédié ! comment que j'allons donc faire ? Fait aller montrer ça tout chaud à not' maîtresse. (Il se retourne vivement pour s'en aller, et se cogne contre Dodinet.)

SCÈNE VII.
JANOT, DODINET.

DODINET.
Au diable soit l'aminal ! Vous ne pouvez pas prendre garde !

JANOT.
Eh ! pardine, prends garde toi-même. Est-ce que tu ne vois pas ben que je n'y vois goutte ?

DODINET.
Eh ben, on va doucement, on ne se jette pas comme ça dans le monde.

JANOT, aparté.
Eh ! mais, queu rencontre ! Y me semble j'ai vu ste voix-là queuque part... (Haut.) Qui est-là ?

DODINET.
Qui est-là, toi-même ?

JANOT, aparté.
Oh ! c'est lui sûrement. (Haut.) Je m'appelle Janot.

DODINET.
Comment ! c'est Janot ?... et moi, je suis Dodinet.

JANOT.
Ah ! mon cher Dodinet ! je suis t'enchanté de te retrouver. Pardine ! quiens, drès que j't'ai reconnu, je me suis douté que c'était toi... Embrassons-nous.

DODINET.
De tout mon cœur. (Ils s'embrassent.) Eh ! mais, tu es tout mouillé !

JANOT.
Oh ! c'est une histoire que je te vas conter. Quiens, imagine-toi... (En gesticulant il touche l'épée de Dodinet.) Mais, qu'est-ce que t'as donc là ?

DODINET.
Ça, c'est mon épée

JANOT.
Ton épée, est-ce que t'es soldat de milice ?

DODINET.
Non, je suis engagé dans les Rats-de-cave.

JANOT.
Guiabe ! c'est-ti un beau régiment ça ?

DODINET.
Oh ! je t'en réponds, va... mais... (Il flaire.) viens un peu de ce côté-ci. (Il mène à l'autre bout du théâtre.) Eh ben, ton histoire ?

JANOT.
Imagine-toi donc, je m'en allais chercher not' soupé, et pis vlà que...

DODINET, aparté.
Queu diable d'odeur ! Quiens, reculons-nous ici. (Il recule d'un autre côté.)

JANOT.
Et pis, vlà donc que je passais, en passant ; et pis tout d'un coup...

DODINET, reculant toujours, aparté.
Mais c'est encore pus fort ici.

JANOT.
Est-ce que t'as des fourmis dans les pieds, toi ? Qu'est-ce que t'as donc à danser ?

DODINET.
Eh ! non ; c'est que je crais qu'il a passé par ici des...

JANOT.
Non, il n'a passé personne.

DODINET.
Si fait, je te dis : ça sent un goût...

JANOT.
Comment ! un goût !... Ah ! quiens, c'est ça, peut-être. (Il lui porte son bras sous le nez.)

DODINET, le repoussant.
Ah ! fi donc ! qu'est-ce que c'est donc que ça ?

JANOT.
C'est l'histoire que je te veux conter.

DODINET.
Le diable t'emporte... Est-ce qu'on t'a jeté ?...

JANOT.
Tout juste ; t'as mis le nez dessus.

DODINET.
Ah ! ben ! tant mieux, mon ami ; vlà une bonne affaire pour toi ça.

JANOT.
Ba ! je la croyais mauvaise, moi !

DODINET.
Au contraire, mon ami, elle est excellente.

JANOT.
Comment donc ça ?

DODINET.
Oh ! c'est que tu t'auras de bons dédommagements. Faut faire une plainte cheux le commissaire.

JANOT.
Ah ! oui, mordine, t'as raison.

DODINET.
Ne t'a-t-on pas rossé aussi un peu ?

JANOT.
Non, heureusement.

DODINET.
Ah ! tant pis, morbleu ! tant pis.

JANOT.
TAnt mieux, putôt.

DODINET.
Eh non ! tant pis, mon ami ; si t'avais eu seulement queuques coups de bâton, ou queuque coups de pied au cul, ça te vaudrait de l'argent.

JANOT.
Es-tu ben sûr de ça ?

DODINET.
Pardine, imagine-toi : c'est le casuel de not' emploi, je devons ben le savoir.

JANOT.
Ah ! c'est ça p'tête qu'on appelle le tour du bâton, pas vrai ?

DODINET.
Quiens, y n'y a pas encore huit jours, j'ai t'eu un soufflet qui m'a valu près de dix pistoles.

JANOT.
Peste ! c'est ben heureux ça ! j'en ai diablement reçu qui ne m'ont rien rapporté, moi.

DODINET.
C'est que tu ne sais pas t'y prendre. Quiens, moi, vlà comme ça m'est venu. Y avait zun homme qui courait après moi dans la rue ; et me sauvant, le pied m'a glissé, je suis tombé dessus un coup de canne. Je ne perds pas la tête, moi, je me relève. Vlà mon homme qui me rattrape : y vient sur moi comme un furieux, comme ça, quiens... Si je ne m'étais pas retourné, il me campait un coup de pied dans le ventre.

JANOT.
C'est ben adroit ; tu l'as escamoté donc ?

DODINET.
Oui, par derrière... Le vlà tout sot, lui, d'avoir manque son coup ! Quand il voit ça, il m'allonge un soufflet...

JANOT.
Que t'escamotes encore ?

DODINET.
Non : je l'ai reçu, celui-là ; il m'a fait voir pus de dix mille chandelles.

JANOT.
Diable ! t'as vu là une belle illumination !

DODINET.
Oui : mais je ne me suis pas endormi, vois-tu ; j'ai été porter ma joue toute chaude cheux un commissaire, et comme je te dis, j'en ai t'eu toujours ben une bonne centaine de francs.

JANOT.
C'est ben heureux. Si j'avais su ste rubrique-là putôt, je me serais déjà ben fait payer aussi, moi... Quiens, vois-tu ste dent-là qui me manque dans le coin, là... mâchelière ?

DODINET.
Eh ben, est-ce d'un soufflet ?

JANOT.
Oui, il était chenu, pas vrai, stilà... Faut que je te le conte, ça, quiens, à poing fermé, pour deux yards j'avais passé l'eau, à la place Louis XV, dans un bateau ; je prends dispute pour une pièce, avec le passeu, de dix-huit deniers, qu'elle n'était pas bonne à ce qui disait ; moi, je n'y en voulais pas donner une aute. Y me plante un soufflet, quiens, comme ça, avec sa main, qui me prend depis l'oreille jusque sur le nez, vois-tu, comme une épaule de mouton. Y me jette à la renverse et me casse une dent là, les quatre fers en l'air... Sitôt que je vois ça, moi, vlà que je me mets tout de suite à saigner du nez et à cracher le sang... vlà tout le monde qui s'amasse. Le passeu a eu peur. Il a repoussé au large sans me demander son reste... Moi, je me suis ramassé, j'ai pris mes jambes à mon cou, et j'y ai emporté ses deux yards ; vlà tout ce qu'il m'a valu.

DODINET.
Ah ! ce n'est pas assez. Mais crais-moi, ne manque pas st'occasion-là... Vlà ici tout justement un commissaire qui demeure à ste lanterne là. Vas ben vite faire ta plainte, et demain je te dirai ce qu'il faudra faire. Où demeures-tu ?

JANOT.
Quiens, là-devant, chez le fripier, au coin de la rue.

DODINET.
C'est bon : à demain, au revoir, mon ami. (Il s'en va.)

SCÈNE VIII.
JANOT, seul.

Pardine, je suis ben heureux de l'avoir rencontre ! Sans lui, j'aurais encore perdu ça, moi. Vlà pourtant ce que c'est de savoir les affaires ! On tire part de tout. C'est là qui m'a dit le commissaire, je crois, voyons t'un peu, holà. (Il frappe.)

SCÈNE IX.
JANOT, UN CLERC DE COMMISSAIRE.

LE CLERC.
Que demandez-vous ?

JANOT.
C'est-ti pas ici que demeure la maison de M. le commissaire ?

LE CLERC.
Oui : qu'est-ce que vous lui voulez ?

JANOT.
Je voudrais l'y parler en main propre.

LE CLERC.
Il n'y est pas.

JANOT.
Ah ! ben, c'est tout de même. Dites-lui qu'il faut que je l'y parle.

LE CLERC.
D'abord qu'il n'y est pas, vous ne pouvez lui parler.

JANOT.
Je vous dis que si fait, pisque c'est pour affaire, faut ben que j'y parle.

LE CLERC.
Pour affaire ! oh bien ! je suis son maître clerc, vous pouvez me dire ce que c'est ; c'est la même chose. Parlez, je vous écoute.

JANOT.
Eh ben ! Monsieur, je viens me plaindre.

LE CLERC.
Ah ! vous venez faire une plainte ?

JANOT.
Oui, Monsieur, je viens faire une plainte contre...

LE CLERC, l'interrompant.
Un instant, mon ami, pour faire une plainte, il y a une petite formalité à observer.

JANOT.
Eh ben, qu'est ce que c'est ?

LE CLERC.
Notre temps est précieux, voyez-vous, nous ne pouvons pas le perdre à bavarder avec le premier venu... Lorsqu'on veut causer avec nous, il faut commencer par payer.

JANOT.
Comment ! payer pour venir se plaindre ?

LE CLERC.
Oui, mon ami, payer pour se plaindre.

JANOT.
Pardine ! vlà une bonne histoire encore !... Je n'ai pas d'argent, moi, Monsieur.

LE CLERC.
Vous n'avez pas d'argent ?

JANOT.
Non, Monsieur, je n'en ai pas.

LE CLERC.
Vous n'avez pas d'argent ! eh ! pourquoi diable vous plaignez-vous donc, si vous n'avez pas d'argent ? Allez, mon ami, allez, vous êtes un mal-avisé. Il vous sied bien de venir interrompre un commissaire ! Retirez-vous ! Vous êtes un impertinent ! Apprenez que quand on n'a point d'argent, on ne doit pas se plaindre, entendez-vous bien ? on ne doit pas se plaindre. (Il s'en va.)

JANOT, sur le devant.
Une belle chienne de raison ! c'est justement-là le moment de se plaindre, ou jamais... Diabe ! Dodinet ne m'avait pas prévenu de ça, moi... Mais c'est p'tête pas ben cher, y faut voir. J'ai là st'écu que not' maîtresse m'a donné, de six francs. Je peux prendre la plainte dessus, je l'y remettrai ça de mon boursicot qui est dans ma chambre... Reparlons-l'y... Écoutez donc, Monsieur !

LE CLERC.
Eh bien, que me voulez-vous encore ?

JANOT.
Monsieur, c'est-ti ben cher que vous prenez ?

LE CLERC.
Non ; il ne vous en coûtera que vingt-quatre sous.

JANOT.
Vingt-quatre sous ! je vous garderai donc une heure... mais à quoi ça m'avancera-t-il ?...

LE CLERC.
À avoir des dédommagements, des réparations, des intérêts considérables ! oh ! c'est de l'argent bien placé !

JANOT.
Ah ben ! en ce cas-là, revenez, Monsieur ; je m'en vas vous payer.

LE CLERC.
Eh ! vous disiez que vous n'aviez point d'argent !

JANOT.
Ah ! c'est que mon gousset était percé ; mais je viens d'en trouver dans la doublure.

LE CLERC.
Tant mieux ! puisque vous avez de l'argent, parlez, je vous écoute. Plaignez-vous, Monsieur, plaignez-vous de tout le quartier, si vous voulez ; me voici prêt à recevoir votre plainte... Où est votre argent ?

JANOT.
Le vlà, Monsieur. (Il montre son écu.)

LE CLERC.
Six francs ! ah ! voilà de quoi faire une belle plainte, bien nourrie même !

JANOT.
Je le crais ben. Ah ! rendez-moi de bonnes pièces toujours.

LE CLERC.
N'ayez pas peur, allez, vous n'aurez pas de peine à passer celles que je vous rendrai. Voilà votre compte. Parlez, Monsieur.

JANOT.
Imaginez-vous, Monsieur, que tout-à-l'heure on vient de me jeter par la fenêtre...

LE CLERC.
Par la fenêtre ! Ah ! Monsieur, que me dites-vous là ? par la fenêtre ! Mais c'est une affaire criminelle que cela !

JANOT.
Criminelle ! ah ! je vous en réponds, très criminelle !

LE CLERC.
Comment donc ! criminelle au premier chef ; et vous venez vous plaindre criminellement, n'est-il pas vrai ?

JANOT.
Oh oui ! tout ce qu'il y a de plus criminellement... Rendez-moi ça ben noir.

LE CLERC.
Ne vous inquiétéz pas... Mais écoutez donc, Monsieur.

JANOT.
Quoi ?

LE CLERC.
Une plainte criminelle, c'est beaucoup plus cher.

JANOT.
Comment donc ?

LE CLERC.
Oui, il faut encore trente-six sous.

JANOT.
Mais je viens de vous en donner vingt-quatre pour me plaindre.

LE CLERC.
Distinguons, Monsieur, ne confondons pas : il y a civil et criminel, voyez-vous, vous m'avez payé au civil ; mais vous vous plaignez au criminel : cela change la thèse.

JANOT.
Qu'eu chien d'arrangement ! c'est toujours une plainte.

LE CLERC.
Oui, mais concevez donc que l'une vous rapportera infinement plus que l'autre, et que cela se paye en proportion.

JANOT.
Ah jarni ! tout ça commence à me dégouter, moi ; mais c'est-ti ben sûr aussi que ça me rapportera ?

LE CLERC.
Oh ! sans doute, plus vous me donnerez, et...

JANOT.
Et moins il me re'stera, n'est-ce pas ?

LE CLERC.
Non, et plus il vous rentrera.

JANOT.
Allons, pisque c'est comme ça, tenez, vlà encore les trente-six sous ; mais arrangez-moi ben ça au moins.

LE CLERC.
Oh ! vous êtes tombé en bonnes mains !... Dites-moi, avez-vous des témoins ?

JANOT.
Pardine ! si j'en ai : tout le quartier était là ! et pis les passants, et pis Dodinet.

LE CLERC.
Tant mieux ! cela rend votre affaire bien meilleure ; il faudra les faire assigner.

JANOT.
Oui, il faut faire assigner toute la rue.

LE CLERC.
Oh ! pourvu que vous en ayez trois ou quatre, cela suffira... Voyons, combien avez-vous encore là ? (Il regarde dans sa main.)

JANOT.
C'est un p'tit écu, ça.

LE CLERC, le prenant.
Un petit écu, eh bien ? c'est pour quatre assignations, il y en aura assez. (Il serre l'écu.)

JANOT.
Eh ben ! qu'est-ce que vous faites ? et mon écu donc ?

LE CLERC.
C'est pour payer l'huissier, ça.

JANOT.
Comment diable ! encore payer ! oh ! je n'entends pas ça, moi ; je ne donne pas st'écu-là.

LE CLERC.
Et laissez donc, vous êtes comme un enfant, voulez-vous mener cela chaudement, ou non ?

JANOT.
Mais, mon argent, avec tout ça ?...

LE CLERC.
Eh bien, votre argent ? il n'est pas perdu, songez donc aux intérêts de cette affaire-là !... Vous êtes trop heureux, en vérité ! Il y a vingt personnes qui voudraient être à votre place.

JANOT.
Croyez-vous ?

LE CLERC.
Si je le crois ! Un homme qu'on a jeté par la fenêtre ! cela peut aller furieusement loin !... Et dites-moi, vous êtes vous fait bien du mal ?

JANOT.
Mal ! non, pas du tout.

LE CLERC.
Non ! vous êtes donc tombé sur quelque chose ?

JANOT.
Au contraire, c'est queuque chose qui est tombée sur moi.

LE CLERC.
Comment tombé sur vous !... et vous dites qu'on vous a jeté par la fenêtre.

JANOT.
Moi ! non pas, c'est une fille...

LE CLERC.
Une fille qu'on a jeté sur vous !

JANOT.
Et non ! ce n'est pas ça non plus.

LE CLERC.
Que diable dites-vous donc ? je n'y comprends rien.

JANOT.
Je vous dis que tout-à-l'heure, on m'a jeté par une fenêtre...

LE CLERC.
Bien haute ?

JANOT.
Oui, du troisième.

LE CLERC.
Eh ! bon Dieu ! vous devez être tout moulu ?

JANOT.
Eh non ! je ne suis pas tombé, je vous dis.

LE CLERC.
Comment ! vous êtes donc resté en l'air !...

JANOT.
Bon ! resté en l'air ! le diable vous emporte ! Comment vous avez donc les oreilles dures !... J'étais en bas, moi, et une fille qui était à une fenêtre, là-haut voyez-vous !... (En gesticulant, il lui porte son bras sous le nez ; le clerc sent l'odeur.)

LE CLERC.
Pouah ! fi ! retirez donc votre bras... cela sent mauvais comme tout.

JANOT.
Eh ben ! c'est justement ça.

LE CLERC.
Comment ! Qu'est-ce donc ?

JANOT, lui reportant au nez.
Pardine ! vous ne devinez pas ?

LE CLERC.
Quoi ! est-ce que ça serait ?...

JANOT.
Eh, sans doute ! c'en est ; vlà positivement le cas que je vous explique là depis une heure.

LE CLERC.
Ah ! je commence à comprendre...

JANOT.
Ah ! c'est ben heureux !... Y êtes-vous ?

LE CLERC.
Oui, oui, j'y suis... C'est une veste de gâtée, n'est-ce pas ?

JANOT.
Tout juste ! eh ben, conseillez-moi donc à présent ?

LE CLERC, se reculant de lui.
Eh bien, mon ami, je te conseille de t'en aller à cette heure.

JANOT.
M'en aller ?

LE CLERC.
Oui, voilà ta déposition faite ; va te nettoyer à présent, je m'en vais arranger ton affaire, et tu reviendras demain.

JANOT.
Mais, écoutéz donc...

LE CLERC, se reculant toujours.
Non, non, je n'ai pas le temps ; tu n'as plus à te plaindre, tu n'as plus d'argent... Sois tranquille, va, va, te nettoyer, va, mon ami. (Il rentre chez lui.)

SCÈNE X.
JANOT, seul.

Oui, il a raison, je commence à me refroidir là ; faut que j'aille chercher not' souper cheux le pâtissier, je me sécherai à son four. (Il marche, et aperçoit un des garçons de la boutique, qui passe.)

SCÈNE XI.
JANOT, UN GARÇON PÂTISSIER, portant un plat.

JANOT.
Ah ! te vlà, François ! j'allais cheux ta boutique.

LE GARÇON.
Pourquoi faire ?

JANOT.
J'allais chercher not' souper qui est là, depis cinq heures, dans le four, avec de la chicorée dessous ; est-ti prêt ?

LE GARÇON.
Queu morceau que c'est ?

JANOT.
Eh pardine ! un aloyau de mouton, avec une gousse d'ail que je t'ai dit de faire ben cuire dans son jus, là, rissolé

LE GARÇON.
À moi ? Je ne t'ai pas vu d'aujourd'hui.

JANOT.
Ah, oui ! t'as raison ; c'est à M. Pierre que j'ai parlé, qui était là sur le pas de la porte en veste, avec un bonnet de coton, qui gardait la boutique.

LE GARÇON.
Queu marque est-ce qu'il a ton souper ?

JANOT.
Et je te dis de la chicorée dessous, avec une petite broche et trois isques... C'est-ti ça que t'as là ?

LE GARÇON.
Non, non, peste ; c'est un rognon de veau. C'est le souper d'un procureur... Ne m'arrête pas pus longtemps, car ses clercs ont les dents longues... Mais va voir dans la boutique, tu le trouveras.

JANOT.
Oui, oui, M. Pierre va me trouver ça. (Le garçon s'en va, et Janot va à la boutique.)

SCÈNE XII.
RAGOT, LE PÂTISSIER, JANOT.

RAGOT, sortant de chez lui avec sa serviette.
Eh ben ! Mais ventrebleu ! voyez donc ce petit gueux-là, si c'est pas démontant, ça ? Deux heures pour aller chercher un gigot... Quand il le serait faire exprès !... Au moins s'il avait commencé par rapporter toujours la boutielle, ça tient compagnie en attentant la mangeaille, ça sert de contenance ; mais pas du tout, je suis là devant ste table, et rien dessus ! ça me donne la pépie... Y sera à causer avec le cabaretier ; je vas le faire avancer, moi... (On entend arrière Janot qui dispute avec le pâtissier.)

JANOT.
Eh ben ! pardine, on fait crédit au monde queuquefois pour deux sous... Vous les mettez sur la taille.

RAGOT.
N'est-ce pas lui que j'entends donc ?

LE PÂTISSIER, derrière le théâtre.
Allons, allons, va t'en, villain ; va te secher ailleurs. (On l'entends rosser à coups de torchon.)

JANOT, criant derrière.
Ahi ! ahi ! laissez-moi donc, Messieurs !... Je vas me plaindre aussi contre vous, au moins.

RAGOT.
C'est lui-même !... Ce petit coquin ! à qui en a-t-il donc ?

SCÈNE XIII.
JANOT, RAGOT, rentrant.

JANOT, aparté, sans voir Ragot.
Eh ben ! ne me vlà pas mal, moi, à st'heure ! Ce diable de maître clerc qui ne m'a pas laissé tant seulement de quoi payer la cuisson de mon gigot !

RAGOT, revenant.
Ah ! te vlà donc, à la fin ! Eh ben, ce vin, où ce qu'il est ?

JANOT.
Je n'ai pas encore été cheux le cabaret, Monsieur.

RAGOT.
Comment ! depis le temps que t'es parti, pour aller chercher une bouteille ! et j'en aurais déjà bu quatre, moi !

JANOT.
Maître, faut le temps à tout. J'ai voulu d'abord tout de suite me débarrasser du pâtissier, où que je croyais que vous aviez pus faim que soif pour le moment.

RAGOT.
Eh ben ! où ce qu'est le souper ?

JANOT.
Il est encore là, Monsieur ; c'est à cause du commissaire... qui n'a pas voulu me le donner.

RAGOT.
Comment ! le commissaire n'a pas voulu ?...

JANOT.
Non, c'est une histoire... pas de commissaire... c'est du clerc... de deux sous...

RAGOT.
Le clerc... de deux sous...

JANOT.
Oui, qui fallait au pâtissier pour son gigot... Les avez-vous en monnaie ?

RAGOT.
Comment ! est-ce que ma femme ne t'a pas donné douze sous pour le vin et le gigot ?

JANOT.
Si fait, elle m'a donné une écu pour le changer, de six francs, là tantôt.

RAGOT, en colère.
Elle t'a donné six livres, misérable ! eh ! qu'est-ce que t'en as fait ?

JANOT.
Comment ! Monsieur, vous n'entendez donc pas ? Je vous dis que c'est le commissaire, là, pour une plainte, avec son clerc, que Dodinet m'a dit, d'une histoire, dessus ma veste, par une fenêtre, où ce que vous voyez ben, tenez... (Il lui porte de même son bras sous le nez.)

RAGOT, le repoussant.
Ah ! le vilain cochon ! veux-tu te retirer.

JANOT.
Eh ben ! Monsieur, vlà vos six francs.

RAGOT.
Ah ! chien de coquin ! vlà la monnaie que tu me rapportes ; va-t-en ben vite me chercher mon argent, ou je te vas arranger, moi.

JANOT.
Mais, Monsieur, c'est-ti de ma faute donc ? est-ce qu'on s'entend à ça ?

RAGOT.
Ce gueux-là n'en fait jamais d'autre... Quiens, va-t-en, crois-moi. Retire-toi de là, ou je vas te nettoyer, moi.

JANOT.
Eh ben ! Monsieur, laissez-moi rentrer pour me changer, du moins.

RAGOT.
Rentrer ! ah, drôle ! regarde ben ma porte, pour n'y pus remettre le pied.

JANOT.
Comment ! Monsieur, vous me renvoyez ?

RAGOT.
Oui, coquin, je te chasse ; et va-t-en.

JANOT.
Eh ben ! payez-moi mes gages.

RAGOT.
Tes gages ! un vaurien comme toi, qui ne gagne pas le pain qui mange ! t'es trop payé avec les six francs que tu m'emportes.

JANOT.
Mais, Monsieur, je ne les ai pas, moi, vos six francs ! ils sont au greffe, on vous dit.

RAGOT.
Eh ben ! va les chercher... Bonsoir. (Il lui ferme la porte sur le nez.)

JANOT.
Mais, Monsieur, laissez-moi prendre mon habit du moins.

RAGOT.
Je vas te le jeter ton habit.

SCÈNE XIV.
JANOT, seul.

Pardine ! me vlà ben à mon aise ! vlà que st'affaire-là s'entame pas mal ! un beau conseil qui m'a donné là lui, avec sa plainte, Dodinet, et son soufflet de dix pistoles. (Il frappe à la porte de Ragot.) Eh ben, Monsieur, me rendez-vous mon habit donc ?... (À lui-même.) J'ai été bête de le croire, moi ! Queuque je vas devenir à présent ? J'ai une faim d'enragé, que je n'ai pas mangé depis le matin jusqu'à l'heure qu'il est, gros comme une noix de pain... Toujours courir ! c'est être ben traître à son corps aussi... (Il frappe encore.) Eh ben ! Monsieur, c'est-ti pour rire donc ? eh ! mon habit ?

RAGOT, lui jetant par la fenêtre son habit.
Quiens, le vlà ; mais va-t-en, et ne me fais pas descendre, sinon je t'irai habiller, moi.

JANOT.
C'est pas la peine, allez. Bonne nuit, not' bourgeois, je viendrons demain matin.

RAGOT.
Eh ben ! oui, reviens, je te garderai à déjeuner.

SCÈNE XV.
JANOT, seul.

À déjeuner ! en attendant faudrait souper, et je n'ai pas le sou, et je ne connais personne de connaissance enfin. La nuit comme ça ! si c'était le matin, il y a des auberges, on va se mettre à table ; on boit, on mange, et ne faut pas d'argent pour ça... dans les cabarets on ne paie qu'en sortant ; moi, je ne sortirais pas... Je tombe de sommeil ; si y passait queuque fiaque sur la place, je dormirais une coupe d'heures dans le carrosse... ou si j'avions tant seulement un petit fagot pour me réchauffer, au coin d'une borne-là, de trois sous et demi... Jarni, je ne sais ce qui me tourmente le pus, si c'est le froid, si c'est la faim ; je crois que c'est le sommeil,... ou putôt c'est la colère ! Mordienne ! je suis enragé après ste Mam'selle Suzon, qu'est cause de ça ; faut que je m'en venge... j'y vas casser ses vitres. (Il ramasse des pierres et les jette.) Quiens, attrape ! Pan, encore une !... ça me réchauffera. Pan, va toujours.

SCÈNE XVI.
SIMON, à sa fenêtre, JANOT, jettant des pierres.

SIMON.
Parle donc, hé ! petit gueux ! veux-tu que je t'aille prendre la mesure d'une paire de souyers dans le derrière ?

JANOT.
Toi ! descends donc, vlà que je t'attends... Quiens, vlà pour toi.

SIMON.
Ah, sarpédié ! laisse-moi prendre mon tire-pied, je vas t'aller chauffer.

JANOT.
Oui, viens donc les bas de Mam'selle Suzon, tu me paieras sa maille que j'y ai reprise.

SIMON.
Ah ! tu l'y as reprise une maille ! ah ben ! je vas te remettre un bout, moi.

JANOT.
Arrive donc, si t'as du cœur ; en attendant, attrape toujours. (Il jette des pierres. Aparté.) Si y pouvait venir me donner queuques giffes, tant seulement, ça rendrait mon affaire ben meilleure ; comme disait Dodinet, y me manquait ça tantôt dedans ma plainte.

SCÈNE XVII.
JANOT, SIMON, en entrant, le rosse avec son tire-pied.

SIMON, frappant.
Ah ! gueux ! tu jettes des pierres !

JANOT.
Ah ! traître ! tu me prends par derrière !

SIMON, le rossant.
Quiens, en vlà aussi par-devant.

JANOT.
Oui-dà ! donnes-en donc encore un pour voir.

SIMON, le battant.
Quiens, polisson, en vlà encore un.

JANOT.
Ah ! mais ne dis pas de sottise, entends-tu ? parce que je me fâcherai, au moins.

SIMON.
Eh ben ! fâche-toi donc pour voir ; quiens, vlà ton attaque.

JANOT.
Ah ! c'est un peu trop fort aussi ! pisque tu le prends sur ce ton-là, je m'en vas te parler, moi. (Il se met à crier.) Au guet ! au voleur ! au guet !...

SIMON.
Ah ! chien ! tu cries donc ?

JANOT.
Eh non ! je vas te laisser faire... va toujours... Au guet ! au guet !...

SIMON.
Quiens, coquin ! quiens, drôle ! vas lui porter ça... (Après l'avoir bien rossé, il se sauve.)

SCÈNE XVIII.
Mme RAGOT, à sa fenêtre, JANOT.

Mme RAGOT.
Qu'est-ce que c'est donc que ces vauriens-là qui empêchent de dormir le monde, et qui se battent ?

JANOT.
Vous ne savez que vous dites, Madame, ce n'est pas moi, c'est lui qui bat ; moi, je crie.

Mme RAGOT.
Eh ben, allez crier plus loin !

JANOT.
Je veux crier ici, moi.

SCÈNE XIX.
SIMON, Mme RAGOT, RAGOT, SUZON, à leurs fenêtres, JANOT.

SIMON, criant à sa fenêtre.
Au guet ! au voleur !

JANOT, étonné de l'entendre.
Ah ben ! en vlà encore une bonne celle-là

Mme RAGOT, criant aussi, et Ragot avec elle, ainsi que Suzon.
Au guet ! au guet !... au commissaire !

JANOT.
Eh ben ! est-ce qu'ils sont tous fous, avec leur sabbat ?...

SCÈNE XX.
LES PRÉCÉDENTS, LE GUET.

LE CAPORAL.
Qu'est-ce que c'est donc que tout cela ?

JANOT.
Ah ! M. le guet, c'est que, sous vot' respect, les paroles ne puent pas, mais...

RAGOT.
Ne l'écoutez pas... c'est un gueux...

Mme RAGOT.
Oui, il fait du train depis une heure.

SIMON.
C'est un coquin qui casse nos vitres.

LE CAPORAL.
Comment, drôle ! vous cassez les vitres ?

JANOT.
Eh non ! Monsieur, c'est que... Tenez, vlà comme ça est venu. (Il veut lui faire sentir son bras, etc.)

LE CAPORAL.
Ah ! le cochon ! Qu'est-ce que c'est que ça ?

SIMON.
C'est un gueux qu'est fou.

Mme RAGOT.
Oui, il sent le vin à pleine bouche !

JANOT.
Le vin ! Ah ben oui ! vous vous y connaissez... (Au caporal.) Voyez donc un peu si c'est là du vin ?

LE CAPORAL.
Comment, insolent ! tu te moques de nous, je crois... Mais voilà le commissaire ! il va te parler.

SCÈNE XXI.
LES PRÉCÉDENTS, LE CLERC DU COMMISSAIRE.

LE CLERC, à Janot.
Eh bien ! te voilà encore ! Est-ce que tu veux faire une autre plainte ?

JANOT.
Oh non ! je n'ai pus d'argent !... C'est pas moi, Monsieur, c'est ce drôle-là qui se plaint. (Il montre le savetier Simon.)

SIMON.
Oui, Monsieur, il casse mes vitres.

Mme RAGOT.
Il trouble le repos de tout le monde.

LE CAPORAL.
Il insult le Guet.

LE CLERC.
Ah ! c'est trop fort.

JANOT.
Moi, Monsieur ? au contraire, c'est ce gueux-là qui tantôt, vous savez ben ce que je vous ai dit... là, par une fenêtre...

LE CLERC, se reculant de lui.
Oui, oui, je sais ce qu c'est... Mais il fallait te retirer, comme je te l'ai dit, et ne pas te faire justice toi-même. Te voilà dans le cas d'une amende à présent.

JANOT.
Comment donc, une amende ! Il faut donc toujours payer avec vous autres ?

LE CLERC.
Mais, outre que tu est repréhensible pour troubler le bon ordre, il faut encore payer le dommage et les vitres cassées.

Mme RAGOT.
C'est juste.

JANOT.
Mais, Monsieur, je n'ai pus d'argent, moi, depis que je me suis plaint.

LE CAPORAL.
Eh bien, en prison !

JANOT.
Comment mordi ! payer pour se plaindre ! et en prison pour n'avoir pas d'argent ! mais c'est-ti une conscience donc ça ?

LE CLERC.
Écoute, je vois bien que tu es un innocent, il faut te pardonner cette fois-ci, à condition que cela ne t'arrivera plus : on te fait grâce de la prison...

LE CAPORAL.
Mais, Monsieur, et le dommage donc ?...

LE CLERC.
Oui, vous avez raison : il faut de la justice en tout ; cela peut s'accommoder... Voilà un paquet dont il n'a que faire ; on va le porter chez moi pour nantissement. On le vendra demain matin, et quand on aura payé les vitres cassées et les frais, s'il y a du reste, on le lui remettra.

LE CAPORAL.
Ah ! vivat ! fort bien jugé !

SIMON, à la fenêtre.
Oui, je m'y accorde.

JANOT.
Mais jarni ! je ne m'y accorde pas, moi.

LE CLERC.
En ce cas, consuisez-le en prison.

JANOT.
En prison ! Comment c'est donc tout de bon ?

LE CLERC.
Oui, tu as l'alternative, ainsi arrange-toi avec ces messieurs. (Il rentre chez lui.)

JANOT.
Un beau chien d'arrangement ! quand je serai dedans, moi, queu figure que je serai là ?

LE CAPORAL.
Allons, allons, dépêche... le paquet, ou marche.

Mme RAGOT.
En prison, en prison.

JANOT.
Par-là jarni ! ça n'est-ti pas enrageant une jugerie comme ça !... Allons donc, pisqu'il faut en passer par-là, emportez le paquet... (Aparté.) et que le diable vous emporte avec...

LE CAPORAL, prenant le paquet.
À la bonne heure : (Au savetier.) Demain, Maître Simon, je compterons ensemble. (À Janot.) Pour toi, mon ami, va te coucher, crois-moi, car si je te trouve en repassant, je te mettrai à couvert ; au revoir. (Il s'en va avec le Guet.)

Mme RAGOT.
C'est ben fait : il le mérite ben. (Elle lui ferme la fenêtre au nez.)

RAGOT.
Adieu, mauvais sujet... (Il lui ferme aussi la fenêtre.)

SIMON.
Bonsoir, mon p'tit ami... (Il lui ferme la fenêtre.)

SUZON.
Adieu, mon pauvre Janot. (Elle ferme la fenêtre.)

SCÈNE XXII, et dernière.
JANOT, seul.

Au diable !... Eh ben ! voyez pourtant comme tout ça tourne ! me vlà dédommagé, moi ! j'ai perdu mon argent ; j'ai ma veste gâtée ; j'ai été rossé !... et faut que je payé encore !... Ah ! jarni, tout ça me rappelle ce que me disait ma pauvre mère, du temps que j'allais à l'école, qu'est morte à présent, chez M. Nicodème ; quand je revenais me plaindre à elle avec l'oreille déchirée, j'attrapais encore le fouet par-dessus le marché ! Eh ben ! c'est la même chose à présent. Les grands, comme les petits, les enfants commes les personnes, dans le monde comme à l'école, on a beau venir se plaindre d'avoir eu des coups, autant de pris ! c'est toujours les Battus qui paient l'amende. (Au public.) Encore, si du moins, Messieurs, st'amende-là pouvait tourner au profit de vos plaisirs, je me croirais bienheureux de la payer tous les jours !

FIN.


[Notes]

1. Louis-François Archambault (1734-1812), dit Dorvigny, Janot ou Les Battus payent l'amende, première le 6 juin 1779 au Théâtre des Variétés-Amusantes à Paris.

2. Sources : exemple imprimé, s.d., s.l. (Paris, Jorry, 1779 ?) ; exemple imprimé, Toulouse, Devers, 1793.

3. Petit lexique : balet, balai ; depis, depuis ; escayer, escalier ; fiaque, fiacre ; Lebrun, Charles Le Brun (1619-1690), peintre et décorateur français ; Lison dormait dans un bocage, air extrait de l'opéra-comique Julie, de Jacques-Marie Boutet dit Monvel (1745-1812) et Nicolas-Alexandre Dezède (1738-1792), première publique au Théâtre de l'Hôtel de Bourgogne, Paris, le 22 septembre 1772 ; rat-de-cave, agent des douanes ; Rembrant, Rembrandt van Rijn (1606-1669), peintre hollandais ; souyer, soulier ; Teniers, David Teniers (1610-1690), peintre flamand ; yard, liard (3 deniers = 1 liard ; 4 liards = 1 sou ; 20 sous = 1 livre ; 6 livres = 1 écu ; 4 écus = 1 louis d'or ; 1 pistole = 10 livres).

4. Quelques euphémismes pour les expressions sacrilèges : corbieu, corbleu, corbœuf, corps de Dieu ; faitidienne, fête de Dieu ; jarni, jarnibleu, jarnidieu, jarnigoi, jarnigouette, jarniguoi, je renie Dieu ; maugrebleu, maugrébleu, mauvais gré de Dieu ou malgré Dieu ; mardi, mardienne, mardié, mère de Dieu ; mortbieu, mortbleu, mortbœuf, mordi, mordienne, morgué, morguenne, morguienne, mort de Dieu ; parbleu, pardi, pardine, parguenne, par Dieu ; sacrebleu, sarpedié, sarpédié, sarpejeu, sacré Dieu ; parlasambleu, palsambleu, palsangué, parguenne, parguienne, sambleu, sambille, sandi, sandienne, sandine, sandis, sangbieu, sangbleu, sangbœuf, sang Dieu ou le sang de Dieu ; tubleu, tue Dieu ; têtebille, têtebleu, têtedienne, tétiguenne, tête de Dieu ; ventrebieu, ventrebleu, ventrebœuf, ventredienne, ventregué, ventre de Dieu ; vertubleu, vertu de Dieu.

5. Voir aussi peut-être le site CESAR (Calendrier électronique des spectacles sous l'Ancien Régime et sous la Révolution), où vous trouverez des informations relatives aux pièces, aux personnes et aux lieux de représentation qui ont constitué le théâtre français aux 17ème et 18ème siècles ; et aussi bien que les transcriptions de Janot chez la dégraisseur (première le 18 octobre 1779) et de Ça n'en est pas (première le 23 décembre 1779).

6. Transcription par Dr Roger Peters [Home Page (en anglais)].
[Février 2008]