LE MARCHAND DE BIJOUX ou AVEC LES FRIPONS TOUT À PERDRE :

proverbe dramatique de Louis Carrogis, dit Carmontelle.

PERSONNAGES
M. DE LA GRIFFE, filou vêtu en gentilhomme.
M. BONTOUR, autre filou, de même.
M. PAFFE, leur compère.
ÉZÉCHIEL, juif, marchand de bijoux.
M. POMART, bourgeois.
UN GARÇON DE CAFÉ.

La scène est dans un café.


SCÈNE I.
M. BONTOUR, M. DE LA GRIFFE

M. BONTOUR.
La Griffe, as-tu fait quelque chose hier au bal ?

M. DE LA GRIFFE.
Oui : j'ai eu deux montres et une boucle d'oreille.

M. BONTOUR.
Et comment diable as-tu fait ?

M. DE LA GRIFFE.
J'étais masqué en domino noir, comme tu sais...

M. BONTOUR.
Oui.

M. DE LA GRIFFE.
J'étais dans la foule, derrière une femme qui donnait le bras à une autre, quand cette femme s'est retournée tout d'un coup et m'a dit : «Tenez, Chevalier, prenez ma montre, j'ai peur de la perdre dans la foule.»

M. BONTOUR.
Et t'en es-tu allé ?

M. DE LA GRIFFE.
Non, vraiment : j'ai suivi ma femme jusqu'à ce que j'aie su son nom. Comme je la connaissais de vue, j'ai trouve une de ses amies à qui j'ai dit : «Comment trouvez-vous Mme de Clincourt, qui ne peut pas porter sa montre et qui m'en a embarrassé pour toute la nuit ? — Elle a bien fait, Chevalier, dit celle-ci ; j'ai envie de vous donner aussi la mienne», et elle m'a forcé de la prendre.» Quand je l'ai eue, j'ai tout de suite été changer de domino.

M. BONTOUR.
Et si ce chevalier, pendant ce temps, était venu à visage découvert parler à ces femmes ?

M, DE LA GRIFFE.
Elles auraient été surprises de le voir, elles me l'auraient fait connaître par là et je leur aurais fait, en leur rendant les montres, une leçon sur leur imprudence : elles m'auraient pris pour leur mari et m'auraient peut-être prié de les garder.

M. BONTOUR.
Tu n'es pas malheureux ni maladroit. Et la boucle d'oreille ?

M. DE LA GRIFFE.
La boucle d'oreille, je n'y pensais pas non plus. J'écoutais deux femmes qui causaient vivement. J'étais assis auprès d'elles, lorsque celle auprès de qui j'étais, qui écoutait l'autre, me dit : «Je crois que vous dormez. — Non, madame,» répondis-je ; et, poursuivant tout de suite, elle s'écrie : «Mes boucles me font un mal horrible. — Otez-les, lui dit son amie. — Vous avez raison, reprend-elle. Monsieur, auriez-vous du papier pour les envelopper ? Je réponds : «Oui, Madame, et si vous voulez je les envelopperai.» Je n'en enveloppe qu'une : comme elle parlait toujours, je la lui rends, elle la met dans sa poche sans y regarder ; je garde l'autre ; elle se lève et me dit : «Vous êtes paresseux, vous allez rester là ?» Je fais signe qu'oui, et elles s'en vont. Elle ne sait peut-être pas encore qu'elle a perdu sa boucle ni les autres leurs montres.

M. BONTOUR.
Les montres sont-elles garnies de diamants ?

M. DE LA GRIFFE.
Sans doute.

M. BONTOUR.
Cela fait une bonne nuit !

M. DE LA GRIFFE.
Et toi, Bontour ?

M. BONTOUR.
J'ai joué.

M. DE LA GRIFFE.
Heureusement ?

M. BONTOUR.
Je te le demande ! Cependant pas trop.

M. DE LA GRIFFE.
Au vingt-et-un ?

M. BONTOUR.
Oui, avec mes onze tout faits dans ma poche.

M. DE LA GRIFFE.
Et les figures sont venues ?

M. BONTOUR.
Oui, mais toujours j'ai eu bien peur d'être soupçonné : j'ai quitté, je me suis levé, et je n'ai plus fait que mettre sur les cartes des autres et des louis en tas, surtout quand un étourdi que je connais avait la main.

M. DE LA GRIFFE.
Mais il faut gagner.

M. BONTOUR.
Sûrement ! mais je gagnais toujours plus que je ne perdais.

M. DE LA GRIFFE.
Sur la carte d'un autre ! Comment fais-tu ?

M. BONTOUR.
Je lui répétais trois ou quatre fois : Monsieur, tenez-vous cela, tenez-vous cela, tenez-vous cela ? Il me répondait impatiemment oui, Monsieur, je tiens tout, sans savoir ce que j'avais mis. Quand il gagnait, je prenais mes louis et je ne lui en jetais que la moitié.

M. DE LA GRIFFE.
Ah ! oui ! c'est fort bien.

M. BON TOUR.
Et quand je gagnais, en étalant mon argent, je le doublais.

M. DE LA GRIFFE.
Diable ! tu dois avoir gagné beaucoup.

M. BONTOUR.
Non, j'ai été malheureux, et puis ce diable de chevalier Sapin m'observait, et toutes les fois que j'ai gagné, il m'a toujours dit tout haut : «Monsieur, je vous ai donné un louis,» quelquefois deux : si bien que je l'ai menacé de ne plus jouer s'il voulait deux louis.

M. DE LA GRIFFE.
Il y a des gens bien heureux ! Sans rien risquer, cet homme-là partage avec tout le monde. Que ne joue-t-il lui-même ?

M. BONTOUR.
Cela lui est défendu.

M. DE LA GRIFFE.
Ah ! je ne le savais pas.

M. BONTOUR.
Qu'est-ce tu comptes faire aujourd'hui ?

M. DE LA GRIFFE.
Mais je ne sais pas trop.

M. BONTOUR.
Tu t'es paré pourtant.

M. DE LA GRIFFE.
Et toi aussi.

M. BONTOUR.
C'est pour éviter le signalement.

M. DE LA GRIFFE.
Sans doute, il faut varier ses habillements. À propos, Fanchon Lacroix me tourmente.

M. BONTOUR.
Sur quoi ?

M. DE LA GRIFFE.
Elle dit qu'il y a longtemps que je ne lui ai rien donné.

M. BONTOUR.
Mais cette montre que je lui ai vue, qui venait de toi ?

M. DE LA GRIFFE.
Elle a été réclamée, il a fallu la rendre.

M. BONTOUR.
Elle doit bien crier, car tu dînes chez elle souvent.

M. DE LA GRIFFE.
Oui : voilà pourquoi il faut que je songe à lui trouver quelque chose ; c'est qu'il n'y a guère d'occasions et qu'elle me presse.

M. BONTOUR.
Ah ! tiens, voilà Ézéchiel.

M. DE LA GRIFFE.
Qu'est-ce que c'est ?

M. BONTOUR.
Ce juif qui vend des bijoux d'or.

M. DE LA GRIFFE.
Ah ! ah ! tu as raison.

M. BONTOUR.
Parbleu ! il ne sera pas difficile de...

M. DE LA GRIFFE.
Oui, je t'entends. Écoute-moi : te souviens-tu de ce que nous disions l'autre jour avec Paffe ?

M. BONTOUR.
Oui.

M. DE LA GRIFFE.
Eh bien ! il faudrait l'avertir : c'est un moyen excellent que nous n'avons pas encore employé.

M. BONTOUR.
C'est vrai, je sais où il est, Paffe : veux-tu que j'aille le lui dire ?

M. DE LA GRIFFE.
Oui vraiment. Ne perds pas de temps, je t'attendrai.

M. BONTOUR.
Je reviens dans le moment.

SCÈNE II.
M. DE LA GRIFFE, ÉZÉCHIEL, LE GARÇON.

ÉZÉCHIEL.
Messieurs, achetez toutes sortes te bijoux : tes montres, tes tabatières, tes étuis, j'ai toutes sortes ; achetez, s'il vous plaît, vous à moi.

M. DE LA GRIFFE.
Garçon.

LE GARÇON.
Monsieur ?

M. DE LA GRIFFE.
Donnez-nous deux verres de liqueur.

LE GARÇON.
Monsieur, vous allez les avoir tout à l'heure.

ÉZÉCHIEL.
M. la marquis, achetez-moi quelque chose, je ferai pon marché.

M. DE LA GRIFFE.
Oui, et tu me tromperas.

ÉZÉCHIEL.
Non, Monsieur, je jure sur mon honneur.

M. DE LA GRIFFE.
Oui, l'honneur d'un juif !

ÉZÉCHIEL.
Monsieur, vous croyez pas, vous autres, mais je suis pour tire la vérité.

M. DE LA GRIFFE.
Je t'en réponds : je sais bien que vous êtes charmés de tromper un chrétien.

ÉZÉCHIEL.
Oh ! cela il est pon, M. la marquis, pour un patinage : je crois pas que vous croyez, et puis tout la monde il vous tira bien si je trompe jamais seulement un personne.

SCÈNE III.
M. DE LA GRIFFE, M. BONTOUR, ÉZÉCHIEL, LE GARÇON.

M. BONTOUR, bas à M. de La Griffe.
Il va venir tout à l'heure.

M. DE LA GRIFFE.
C'est bon. Garçon !

LE GARÇON.
Monsieur ?

M. DE LA GRIFFE.
Eh bien ! cette liqueur ?

LE GARÇON.
Monsieur, je la tiens.

M. DE LA GRIFFE.
Allons donc.

LE GARÇON.
La voilà. (Il porte les deux verres. M. Bontour et M. de La Griffe boivent.)

ÉZÉCHIEL.
Eh bien ! M. marquis, vous voulez donc pas acheter ?

M. DE LA GRIFFE.
Laissez-nous en repos.

M. BONTOUR.
Ah ! ah ! je crois que c'est Ézéchiel.

ÉZÉCHIEL.
Oui, M. comte, pour servir à vous : dites donc à M. marquis d'acheter.

M. DE LA GRIFFE.
Bon ! tous ces gueux-là sont des fripons.

M. BONTOUR.
Non, il est honnête homme, lui : tu peux acheter, il vend en conscience. N'avais-tu pas envie de lui acheter une boite d'or ?

M. DE LA GRIFFE.
Oui, mais je l'achèterai chez Tesnières.

ÉZÉCHIEL.
Donnez-moi, M. marquis, le préférence ; je suis pour servir vous encore mieux tout comme M. Tesnières, car j'ai acheté du meilleur marché encore, et qui est bien plus beau. Tenez, regardez, voilà un boîte, vous n'aurez pas la pour pareil prix avec un autre.

M. BONTOUR.
Elle est assez jolie.

M. DE LA GRIFFE.
Oui, mais elle est bien pesante.

ÉZÉCHIEL.
C'est de l'argent toujours dont on trouvera, quand M. le marquis il voudra.

M. DE LA GRIFFE.
Oui, il a raison : elle est belle.

ÉZÉCHIEL.
Je donne encore d'autres à plus pon marché, qui a moins de poids.

M. DE LA GRIFFE.
J'aime assez celle-là : Bontour, que me conseilles-tu ?

M. BONTOUR.
Je te conseille de la prendre.

M. DE LA GRIFFE.
Je la prendrai aussi, mais je veux savoir si le prix me convient.

ÉZÉCHIEL.
Le prix il est pour Monsieur marquis de trente-neuf louis d'or et douze francs.

M. DE LA GRIFFE.
Et combien y a-t-il d'or ?

ÉZÉCHIEL.
Il y a pour près de trente-deux louis d'or, neuf onces et demie et plus encore, presque un gros.

M. DE LA GRIFFE.
C'est sept louis et demi de façon.

ÉZÉCHIEL.
Je ne peux pas donner à moins.

M. DE LA GRIFFE.
Je n'en veux pas.

ÉZÉCHIEL.
Je suis fâché pour Monsieur marquis, il aurait un fort pon marché : s'il y a pour la service autre chose, je suis.

M. DE LA GRIFFE.
Allons, laisse-moi en repos.

ÉZÉCHIEL.
Monsieur, je temande pardon.

SCÈNE IV.
LES PRÉCÉDENTS, M. PAFFE, qui n'approche pas d'abord.

M. BONTOUR.
Tiens, voilà Paffe qui arrive : finis ton marché.

ÉZÉCHIEL.
Eh bien ! Monsieur marquis, voulez-vous pour trente-neuf louis ?

M. DE LA GRIFFE.
Me conseilles-tu de la prendre à ce prix-là ?

M. BONTOUR.
Ma foi oui : j'en ai vu une toute pareille l'autre jour, qui avait coûté quarante-cinq louis.

M. DE LA GRIFFE.
Eh bien ! je la prends. (Il la met dans sa poche.) Mais je veux savoir si le poids fait trente-deux louis. (Il tire sa bourse qu'il met sur la table.)

ÉZÉCHIEL.
Je vais compter devant M. le comte. (Il calcule.)

M. DE LA GRIFFE.
Garçon !

LE GARÇON.
Monsieur ?

M. DE LA GRIFFE.
Tenez, ôtez ces verres, et voilà votre argent. (Il lui donne vingt-quatre sous.) Le reste est pour vous.

LE GARÇON.
Je vous suis bien obligé, Monsieur.

M. DE LA GRIFFE.
Eh bien ! le compte.

ÉZÉCHIEL.
Tout à l'heure, il est fait à ce moment.

M. PAFFE, à M. de La Griffe.
Ah ! je vous trouve donc enfin, Monsieur. (Il lui donne un soufflet.)

M. DE LA GRIFFE, s'écriant.
Ah !

M. PAFFE.
Monsieur, je me suis trompé : je vous demande pardon. (Il s'enfuit.)

M. DE LA GRIFFE met l'épée à la main.
Comment ! (Il le suit et laisse sa bourse sur la table. M. Bontour court après eux. Le garçon les regarde aller de la porte.)

SCÈNE V.
ÉZÉCHIEL, LE GARÇON.

ÉZÉCHIEL, restant auprès de la table.
Pardi ! voilà un grand malheur que cet honnête gentilhomme il a reçu là.

LE GARÇON, revenant.
Bon, ils sont bien loin ! ils ont déjà tourné le coin de la petite rue.

ÉZÉCHIEL.
Et connaissez-vous tous les deux ?

LE GARÇON.
Non, je ne les ai jamais vus.

ÉZÉCHIEL.
Si la première il est tué, l'autre il viendra toujours : je reste ici auprès de son bourse.

LE GARÇON.
Vous a-t-il acheté quelque chose ?

ÉZÉCHIEL.
Une tabatière de trente-neuf louis d'or.

LE GARÇON.
L'a-t-il emportée ?

ÉZÉCHIEL.
Oui, j'ai donné à lui, et je suis pas embarrassé, parce que sa argent il répond ; je veux pas toucher plus que quand lui ou l'autre il viendra.

LE GARÇON.
C'est bien fait : je m'en vais voir à la porte.

SCÈNE VI, et dernière.
ÉZÉCHIEL, LE GARÇON, M. POMART.

M. POMART.
Parbleu ! je viens de voir une drôle d'histoire dans la petite rue qui tourne à gauche, dans l'autre qu'on appelle...

LE GARÇON.
N'est-ce pas un monsieur qui courait l'épée à la main après un autre ?

M. POMART.
Oui : est-ce que vous savez ce que c'est ?

LE GARÇON.
Ils sortent d'ici. Ils étaient deux assis là, quand il est venu un troisième qui a donné un soufflet à l'un d'eux ; aussitôt celui qui a reçu le soufflet a tiré son épée et l'a poursuivi.

M. POMART.
Eh bien ! c'est cela même : il avait reçu un soufflet, cela est bien vrai ?

LE GARÇON.
Pardi ! demandez à M. Ézéchiel, il l'a vu.

M. POMART.
Cela n'est pas possible.

LE GARÇON.
Mais pourquoi ne voulez-vous pas me croire ?

M. POMART.
C'est que s'il avait reçu un soufflet il aurait été obligé de se battre.

LE GARÇON.
Ils se sont battus aussi.

M. POMART.
Et je vous dis que non.

LE GARÇON.
Mais je vous demande pardon.

M. POMART.
Je vous dis, non, que j'ai vu celui qui avait l'épée à la main la remettre dans le fourreau quand il a eu rejoint celui qu'il poursuivait, et qu'ils se sont mis tous les trois à rire comme des fous.

LE GARÇON.
À quoi cela serait-il bon ?

M. POMART.
Je n'en sais rien, mais je l'ai vu et c'est ce qui m'a paru plaisant.

ÉZÉCHIEL.
Eh ! Monsieur, je puis demander, vont-ils revenir ici présentement ?

M. POMART.
Je ne crois pas, car ils marchaient fort vite et ils tournaient le dos à ce quartier-ci.

ÉZÉCHIEL.
Mais moi, qu'est-ce que je dois donc faire présentement ?

M. POMART.
Sur quoi ?

LE GARÇON.
C'est que celui qui a reçu le soufflet lui a acheté une tabatière de trente-neuf louis.

M. POMART.
Oh bien ! voilà ce que c'est : il ne le verra jamais.

ÉZÉCHIEL.
Oui, mais il a laissé son bourse ici, il faudra bien qu'il vienne pour rependre : la voilà.

M. POMART.
Ah ! cela est différent ; je ne comprends pourtant pas...

LE GARÇON.
Que conseillez-vous à M. Ézéchiel, Monsieur ?

M. POMART.
De compter ce qu'il y a dans la bourse, de prendre ses trente-neuf louis et de vous laisser la bourse pour la rendre quand on viendra la redemander.

LE GARÇON.
Vous serez donc témoin ?

M. POMART.
Oui, je le veux bien.

ÉZÉCHIEL.
Allons, comptez, je vous prie, avec moi. (Il dénoue la bourse et n'y trouve que des liards.) Ah ! Je suis perdu ! Il n'y a que des liards.

M. POMART.
Ils vous ont attrapé.

ÉZÉCHIEL, pleurant.
Je vais courir après : n'est-ce pas à droite ?

M. POMART.
Oui.

ÉZÉCHIEL, pleurant.
Si je trouve pas, je fais mon déclaration. Je suis un grandement malheureux. (Il sort.)

M. POMART.
Je vous avais bien dit qu'il y avait quelque chose là-dessous. Je vais voir s'il suit le chemin qu'ils ont pris.

FIN.


[Notes]

1. Source : Carmontelle, Vingt-Cinq Proverbes Dramatiques, Paris, Rion, 1878 ; par erreur, l'éditeur y attribua cinq de ces proverbes à d'autres auteurs, dont Louis-François Archambault, dit Dorvigny.

2. Transcription par Dr Roger Peters [Home Page (en anglais)].
[Février 2008]