«FAVERNEY, SON ABBAYE ET LE MIRACLE DES SAINTES-HOSTIES» ; 5e PARTIE - CH. 1


CINQUIÈME PARTIE

La Sainte-Hostie de Faverney depuis la grande Révolution jusqu'à nos jours


CHAPITRE PREMIER

La ville de Faverney et le rétablissement du culte de sa Sainte-Hostie

Le Concordat de 1801, cet «acte chrétiennement et héroïquement sauveur» pour la France, comme l'écrivait en 1817 le pape Pie VII au cardinal Consalvi, venait d'être signé le 15 juillet par Bonaparte premier consul. Grâce à «sa pieuse et courageuse initiative», les orages si terribles pour la religion catholique, durant les dix années de la grande Révolution française, touchaient à leur fin. Par la Constitution de l'an VIII, le pouvoir exécutif et l'initiative des lois appartenaient exclusivement au Tribunat des trois consuls ; le corps législatif et le sénat examinaient les projets et les votaient sans les discuter. Adopté donc par les deux Chambres le 8 avril 1802 (18 germinal an X), le Concordot entra aussitôt en vigueur. Mais comme le grand diocèse de Besançon englobait trois départements, le rétablissement du culte ne fut pas un travail facile de réorganisation ni pour les préfets du Doubs, du Jura et de la Haute-Saône, ni pour l'archevêque assermenté et agréé par le pape, le citoyen Claude Le Coz, ancien évêque d'Ille-et-Vilaine et ancien métropolitain du Nord-Ouest. La prestation de serment des ecclésiastiques, nommés par le gouvernement pour exercer les fonctions du culte catholique dans le département de la Haute-Saône, n'eut lieu que le 23 brumaire an XII (1).

En ce 15 novembre 1803, «il s'est passé à Vesoul une cérémonie unique en son genre», lisons-nous dans le recueil des Mandements de M. Claude Le Coz. «A dix heures, le général Vergnes préfet, accompagné du général de brigade Puthod commandant le département de la Haute-Saône, et des conseillers de préfecture, ainsi que du secrétaire général, des deux adjoints du maire de Vesoul, des membres du conseil municipal de cette commune et des autres fonctionnaires civils et militaires, tous en costume officiel, s'est rendu, escorté d'un détachement de la garde nationale et de la compagnie des vétérans nationaux en garnison à Vesoul, à l'église paroissiale de cette ville où se sont trouvés rassemblés, dans les places distinguées qui leur sont affectées, les membres des autorités judiciaires, tous en robe de cérémonie.

Le préfet et le général commandant ont été placés dans le chœur, vis-à-vis de l'estrade préparée pour M. l'archevêque. Celui-ci, revêtu de ses habits pontificaux, assisté de MM. Millot et Babey, ses vicaires généraux, et du clergé de la paroisse, etant arrivé processionnellement dans le chœur, est monté à l'autel et a commencé la grand' messe avec toute la pompe et la solennité que commandait l'acte important qui en était l'objet.

Après l'Evangile, le secrétaire général a fait la lecture de l'article XXVIIe de la loi du 18 Germinal et de la formule du serment prescrit par le Concordat. Ensuite le préfet s'est levé et a fait un discours prononcé avec attendrissement et entendu avec le plus vif intérêt. Puis Monsieur l'Archevêque est monté à l'autel et a prononcé un long discours avec cette onction qui lui est naturelle. Alors on a chanté le Veni, Creator, et les 310 curés présents qui étaient réunis dans une des nefs collatérales de l'église et placés suivant l'ordre alphabétique des arrondissements de justice de paix pour en faciliter l'appel et éviter la confusion, furent successivement appelés par le secrétaire de M. l'archevêque.

De suite, les curés du principal lieu des 29 arrondissements de justice de paix, accompagnés des ecclésiastiques présents et nommés aux succursales et dessertes des paroisses du canton, se sont approchés du prie-Dieu du préfet, sur lequel le livre de l'Evangile était placé, puis tous s'étant mis à genoux, le curé de canton, la main placée sur ce livre sacré, a dit à haute voix : Je jure et promets à Dieu, sur les Saints Evangiles, de garder obéissance et fidélité au gouvernement établi par la Constitution de la République française. Je promets aussi de n'avoir aucune intelligence de n'assister à aucun conseil, de n'entretenir aucune ligue, soit au dedans soit au dehors qui soit contraire à la tranquillité publique ; et si, dans le diocèse ou ailleurs, j'apprends qu'il se trame quelque chose au préjudice de l'Etat, je le ferai savoir au gouvernement.

Ce serment prononcé au nom de tous par chaque curé-doyen, tous les curés se sont levés et sont venus, l'un après l'autre et successivement, poser la main sur l'Evangile et dire à haute voix : Je le jure. Puis, en retournant aux places qu'ils occupaient, ils ont remis au secrétaire général, placé à un bureau près du préfet, la formule imprimée du serment et signée d'eux. Quatre-vingt-un ecclésiastiques seulement ne se sont pas présentés pour la prestation du serment, et procès-verbal en a été dressé immédiatement. Ensuite il a été fait lecture du règlement de Monsieur l'archevêque pour l'organisation de son diocèse. Puis a grand' messe a été achevée par le prélat, et cette auguste et imposante cérémonie a été terminée par le cantique majestueux et solennel du Te Deum». La cérémonie avait duré quatre heures (2).

À cette prestation du serment réorganisant le culte catholique d'après le Concordat dans la Haute-Saône, le canton d'Amance fut le premier appelé, et derrière l'abbé Jean-Denis Bideaux, nommé curé-doyen de Faverney, marchait le premier par lettre alphabétique l'abbé Augustin Bruley, prêtre romain non-jureur et choisi comme curé de la paroisse d'Amance, succursale au point de vue ecclésiatique, mais devenue chef-lieu du canton civil actuel sous la Constitution de l'an VIII. Né à Dommartin dans le Doubs le 16 janvier 1759, le premier curé de la cité du Miracle put se présenter à son nouveau troupeau avec les titres honorables d'ancien missionaire diocésain de Beaupré et d'ancien vicaire de Lure. Peut-être que sa réputation de prêtre non-jureur, condamné à la déportation, d'apôtre infatigable, traqué, dénoncé et toujours insaisissable soit dans le canton de Baume-les-Dames soit dans les environs de Verne sous le pseudonyme de Pasquin le Grand Vendéen, ne lui attira pas tout d'abord les sympathies des zélés partisans du schisme ou tout au moins des familles des nombreux prêtres constitutionnels. Et pourtant sa taille élevée, sa constitution athlétique, sa voix belle et forte, son caractère franc, ouvert et viril, son maintien grave et majestueux parlaient en sa faveur. Le fait est que, usant du droit concédé au mois de septembre de porter désormais le saint habit et mû par des sentiments de profonde piété, il arriva en soutane dans sa nouvelle paroisse et voulut inaugurer son ministère sacerdotal en officiant le jour même de Noël 1803. Mais hélas ! une sourde hostilité dans le conseil municipal et surtout de la part du maire Roussel lui suscita des difficultés, soit à propos de son logement en location et de son traitement de curé de seconde classe, soit au sujet des réparations les plus urgentes à l'église et de la rétribution pour une multitude d'offices en usage dans la paroisse, soit à cause du refus d'un vicaire «à la place d'un ex-récollet qui disait la messe les dimanches et les fêtes pour la commodité de la paroisse populeuse», soit surtout du refus «de fournir directement au curé le pain et le vin de messe et de l'obligation d'aller chaque jour les chercher chez le maître d'école» (3).

Pour être juste, il faut aussi reconnaître que la tâche de la municipalité présentait de réelles difficultés matérielles. D'abord le ci-devant quartier abbatial, acheté par la commune en 1791 et affecté en partie, au mois d'août 1793, à loger tout proche de l'église le vieux curé Millerot fort infirme, avait dû être aménagé, en juillet 1796, par ordre de l'administration du district pour y établir «le logement plus convenable» de l'instituteur et de l'institutrice. À cette époque en effet on avait vendu, comme biens nationaux, l'antique «maison avec ses dépendances qui appartenait à la commune par suite de donation faite par Charles Montureux en 1598 et qui avait servi, depuis plus de deux cents ans, de logement» aux recteurs des écoles. Puis, l'ancienne cure de Saint-Bénigne, désaffectée et adjugée une première fois à la municipalité pour y abriter temporairement les classes, avait été une seconde fois vendue à des particuliers. Il s'en suivait qu'il n'y avait plus de presbytère pour le premier curé-doyen de Faverney, et qu'en attendant les fonds nécessaires pour établir ailleurs les écoles avec leurs maîtres et pourvoir aux réparations nécessitées pour la transformation de «la maison dite l'abbatiale», le curé Bideaux dut pendant plusieurs années vivre d'abord à la pension, puis habiter conjointement au premier étage, jusqu'en 1809, avec les classes au rez-de-chaussée et la salle des délibérations, enfin obtenir après mille difficultés la séparation actuelle du quartier abbatial en deux logements, bien distincts et bien indépendants (4).

La question la plus grave et la plus épineuse fut évidemment celle de l'église ci-devant abbatiale et devenue définitivement paroissiale. «L'église Notre-Dame, a écrit l'abbé Morey, avait été si complètement dépouillée qu'il en restait seulement les murs et les toits. Pendant dix ans, elle fut à l'abandon et eut à souffrir des dégradations de toutes sortes de la part des particuliers à qui la municipalité en amodiait des travées pour servir de remises. Or, les ressources de la commune étaient épuisées, et ses bois, ravagés pendant la révolution, étaient devenus des brousailles sans valeur. De ses ex-voto, de ses fondations et de ses biens, la chapelle du Miracle ne conserva que la table de marbre donnée par les Dolois et un capital de 1050 francs qui fut remis à la fabrique en 1804». Aussi, dès le 28 mars 1803 (7 germinal an XI) un arrêté préfectoral prescrivait : «1° le rétablissement du clocher à trois lanternes, couvertes en fer blanc, dont l'état de caducité était tel qu'une chute sur les maisons voisines était à craindre ; — 2° l'établissement d'une sacristie prise dans l'enceinte de l'église abbatiale, vu que tous les bâtiments contigus de l'abbaye appartenaient à des particuliers ; — 3° le crépissage extérieur d'une grande partie des murs mal entretenus et rongés par la gelée ; — 4° la réparation de la grande toiture surtout du côté du midy ; — 5° la reconstruction urgente en bois de charpente d'une partie du couvent au midy pour lui donner une autre direction, nécessitée par la démolition d'une maison voisine qui laisse une ouverture considérable pour le couvert par où les vents et les orages pourraient pénétrer ; — 6° l'établissement d'un tambour à la porte d'entrée sans lequel on ne peut tenir à l'église; — 7° confection d'un dôme pour la chaire à prêcher et de deux confessionnaux ; — 8° enfin la réparation des nombreuses fenêtres dont les vitres sont presque totalement brisées» (5).

Afin de couvrir ces lourdes dépenses de première nécessité et en même temps «faire face à l'acquit d'une dette de 14.000 francs avec intérêts de 10 années dont la commune est grevée», l'administration municipale proposa «comme moyen le plus avantageux» la remise entre ses mains «des fonds communaux en terres labourables et prés, illégalement partagés à la révolution, ou bien le récépage des quarts en réserve y compris les futaies dépéries». Cette ressource extraordinaire lui était d'autant plus dûe que «l'achat d'une petite cloche, d'un hostensoir, d'un ciboire, d'un calice avec patène, d'aubes, de cingulons, d'amicts, de purificatoires, de chappes, de chasubles et de tuniques» pour la fête de la Pentecôte, et le placement de quelques bancs sur le pavé humide de l'église s'imposaient pour pouvoir célébrer le culte convenablement (6).

Il faut aussi reconnaître que le maire de Faverney s'employa de son mieux à redonner à la cité du Miracle, désormais découronnée de ses gloires bénédictines, un relief tout au moins civil. Le 23 février 1804 (13 ventôse an XII), il fit valoir en haut lieu tous les avantages réunis en cette commune pour être de préférence choisie comme chef-lieu de canton : sa population de 1300 habitants, sa caserne qui «peut contenir 100 hommes de cavalerie à cause des ressoures en fourrages excellents dans les villages voisins» ; sa «belle et grande place publique exempte de boues en tous temps, dite la Belle Croix, de la largeur d'environ 50 pieds sur 200 de longueur, pour y placer les marchands avec leurs bancs les jours de foire, autres que les drapiers placés dans l'intérieur et le pourtour des anciennes halles appartenant à des particuliers» ; l'ancien chemin de communication, autrement dit «le chemin des Vaches» jusqu'alors impraticable, qui est devenu une belle route mettant en relations faciles Faverney et Amance ; enfin sa relique insigne et unique au monde, la Sainte-Hostie miraculeuse de 1608, en l'honneur de laquelle l'abbé Maugras, ancien vicaire et prieur de l'antique confrairie depuis 1791, avait obtenu tout récemment «un présent de 24 francs de la part du préfet de Vesoul» (7).

N'ayant pas réussi dans ses démarches cantonales, le maire de Faverney ne réussit guère mieux dans les réparations des fenêtres de l'église. Je lis en effet, au 15 mai 1811, que «les collatéraux de la nef de l'église étant presque tout en fenêtres exposées aux ouragans et à la violence extraordinaire des vents, cette grande clarté, loin d'exciter les fidèles au recueillement et au respect dûs aux Lieux Saints, n'entraîne que la dissipation et que ces grandes fenêtres sont placées trop bas et trop élevées pour leurs largeurs : en conséquence elles seront maçonnées d'un pied et demi dans le bas pour diminuer les dépenses». Et c'est pourquoi durant près de la moitié du XIXe siècle, les magnifiques baies ajourées du transept, sauf une ouverture supérieure dessinée en œil-de-bœuf, furent fermées absolument, et les fenêtres des nefs latérales restèrent murées à moitié. Quant à la Sainte-Chapelle du Miracle, son état de dévastation était tellement écœurant qu'on se résolut, en attendant des temps meilleurs, à tout cacher aux regards des pèlerins. On clôtura donc par un mur la grande ouverture romane ; on y adossa un autel en bois, on l'entoura d'une grille en bois, et désormais ce fut là tout le trône de l'Hostie miraculeuse, du glorieux palladium de Faverney ! Déjà pourtant, malgré cette excessive pauvreté, les foules accouraient de nouveau au lundi de la Pentecôte, et l'archevêque de Besançon, Claude Le Coz lui-même tint à venir trois fois de suite confirmer à Faverney dans les années 1808, 1811 et 1812. Je crois même qu'il présida la procession séculaire de 1811, car la confirmation pour les quatorze paroisses les plus voisines y eut lieu le 31 mai (8).

C'est vers cette époque que je découvre la première libéralité de la noble et chrétienne famille de Poinctes de Gevigney à l'égard de la pauvre église du miracle. Le 13 mai 1810, en effet, la générosité du comte Charles-Antoine de Poinctes, né à Faverney le 25 avril 1776, ancien capitaine des cuirassiers du roi, chevalier de l'Ordre royal de la Légion d'honneur et vivant retiré dans l'antique manoir seigneurial des familles de Citey et de Seroz, prit à sa charge tous les frais d'érection de l'autel provisoire de la Sainte-Hostie, ainsi que ceux des réparations aux fenêtres de l'église, de la charpente du clocher et les dépenses annuelles du culte. Fidèle à son Dieu et à son roi, patriote français et vrai comtois de naissance, estimé et aimé de toute la population favernéienne, il n'avait jamais manifesté d'opposition au gouvernement impérial. Aussi le préfet de Vesoul, dans son rapport à l'empereur Napoléon Ier lors de la retraite malheureuse de Russie en 1813, pouvait-il mentionner le nom du comte de Poinctes de Gevigney de Faverney parmi les familles aristocratiques de Vesoul et des environs qui «tout en regrettant l'ancienne monarchie, ont bien secondé le gouvernement et donné un grand exemple de fidélité». Lors donc en janvier 1814, durant l'invasion de la Franche-Comté par les Autrichiens que commandait en chef le prince de Schwartzemberg, après le passage successif à Vesoul de l'empereur Alexandre Ier de Russie, de l'empereur François II d'Autriche et du roi de Prusse Frédéric-Guillaume III, il fut créé «Au nom des Hautes Puissances Alliées» une sorte d'état tampon, formé par la Franche-Comté, les Vosges, les pays de Montbéliard et de Porrentruy. Le gouverneur général de cette nouvelle principauté, le baron d'Andlaw n'eut rien de plus pressé que de choisir comme maire de Faverney, «en remplacement de M. Roussel infirme», le comte Charles-Antoine de Poinctes. La lettre du Conseil de préfecture déclarait nettement «lui faire connaître qu'aucune excuse ne serait admise». Elle était datée du 20 février 1814 (9).

Dans cette circonstance si douloureuse pour son patriotisme, le nouveau maire fut consolé par l'unanimité des sentiments du conseil municipal qui lui déclare ressentir de sa nomination «une extrême joye et le remercie au nom de la commune de son acceptation, en lui promettant de n'épargner ny peine ny travaux pour le seconder dans la pénible tâche dont il a bien voulu se charger». Se dévouant à son devoir nouveau, il sauvegarda énergiquement les droits de la ville de Faverney dans l'établissement d'un «hopital pour les militaires malades des troupes alliées». Les anciens locaux de l'abbaye, qui avaient déjà servi jusqu'en 1797 pour les soldats blessés de la République, étant vendus et occupés par des particuliers, il appuya de toute sa haute influence le nouveau directeur Jean-François Tondu, l'un de ses meilleurs conseillers municipaux, pour l'installation confortable des soldats russes malades dans la caserne de cavalerie (10).

Tant que dura la première Restauration avec le roi de France Louis XVIII, le comte de Poinctes conserva la charge qu'il avait acceptée par patriotisme durant l'invasion étrangère. Mais le retour à Paris, le 20 mars 1815, de l'empereur Napoléon Ier revenant triomphant de l'île d'Elbe, lui dicta immédiatement son devoir. Fidèle à son roi, il envoya sa démission de maire de Faverney le même jour que le baron Levert, maire de Vesoul, notifiait aussi la sienne au baron Gruyer, maréchal de camp, qui commandait le département. Et l'assemblée primaire des notables élut alors pour maire Cordier, et Claude-François Maugras comme adjoint (11).

Ce fut durant cette dernière épopée napoléonienne, période bien connue dans notre Histoire sous le nom des Cent Jours, que le Ciel, par un nouveau miracle, voulut réchauffer la foi endormie de nos ancêtres envers la Sainte-Hostie de 1608. Durant le mois de juin, un violent orage éclate sur Faverney. Soudain la foudre tombe et embrase instantanément sept habitations. Le vent impétueux pousse avec fureur les flammes sur la ville et lance d'innombrables étincelles sur les maisons de la cité. La frayeur des habitants est à son comble, et déjà, dans leur désespoir, ils voient leur ville entière réduite en cendres. À cet instant suprême, la jeune comtesse de Poinctes, noble Jeanne-Baptiste-Gabrielle Buson de Champdivers, nouvellement mère, a la pieuse inspiration de courir à l'église, peu éloignée de son manoir seigneurial. L'austère et zélé curé Bideaux s'y trouvait, priant aux pieds de Notre-Dame la Blanche. Toute éplorée, elle le supplie de porter la Sainte-Hostie sur le lieu du sinistre. L'ardent pasteur accueille avec enthousiasme cette idée du Ciel. Vite, il revêt le surplis et l'étole, saisit la précieuse relique sur l'autel en bois et, accompagné de la courageuse comtesse, il s'avance rapidement vers les bâtiments en feu. Dès son approche, le vent qui faisait rage cesse subitement, l'intensité des flammes diminue avec rapidité, et peu après l'incendie s'éteint entièrement de lui-même. Pour la troisième fois en moins d'un siècle l'Hostie Sacrée se montrait victorieuse des flammes (12).

Cet heureux événement religieux fut suivi de près par un évènement politique bien inattendu. L'empereur Napoléon Ier, celui que la légende populaire aussi bien que l'Histoire appellent le grand Napoléon, venait de subir le désastre de Waterloo, puis de signer son abdication en faveur de son fils le roi de Rome, enfin de se constituer prisonnier dans les mains des Anglais, ses implacables ennemis. Aussi, le 8 juillet, le roi Louis XVIII entrait à Paris et six jours après nommait préfet de la Haute-Saône M. de Villeneuve-Bargemont, référendaire à la Cour des comptes. Le nouveau préfet s'empressa, dès le 21 juillet, de replacer à la tête des affaires communales de Faverney M. le comte Charles-Antoine de Poinctes. Déjà celui-ci songeait sérieusement à entreprendre les réparations de l'église, lorsque l'abbé Jean-Denis Bideaux fut appelé, au mois de décembre 1816, à prendre la lourde succession de l'ex-évêque Flavigny, curé de Vesoul, que sa bonté et ses aumônes avaient rendu cher à tous les habitants. Le nouveau doyen, l'abbé Zacharie Colombot, qui était originaire de Conflandey, ne vécut que quatre années (février 1817 - 3 juillet 1821), mais il eut la consolation d'assister à la réparation publique du scandale sacrilège qu'avait donné jadis l'ancien maire Bourgeois. Celui-ci, ruiné entièrement par suite des débauches de la Révolution en tenant «table ouverte», voulut suivre «de 1819 à 1820» les exercices de «la mission à Breurey. Converti» grâce aux prières de sa femme, et se repentant publiquement de son abominable forfait, il mourut chrétiennement et «a mérité les éloges du curé M. Colombot»(13).

Chose mystérieuse ! vers la même année, «durant la grande mission de 1820», le maire de Dole, le profanateur sacrilège Machard «assista à la première amende honorable solennelle» qui eut lieu dans l'ancienne collégiale Notre-Dame, et «se distingua par son repentir et même par ses larmes». Mais déjà la justice de Dieu s'était affirmée à Faverney, vers 1814 ou 1815 ; car au témoignage de l'ex-frère Romain Mignot, l'homme de bien et l'homme de loi M. Longchamp, le sauveur et gardien de la Sainte-Hostie, «était mort tranquillement et chrétiennement», tandis que le secrétaire «Batandier est mort ne voulant ni prêtre ni sacrements. Il défendit qu'on fit entrer aucun prêtre. Sa femme aussitôt qu'il fut mort, appela le curé» Bideaux. Celui-ci lui «ayant demandé pourquoi on ne l'avait pas prévenu, elle dit qu'elle ne le croyait pas si près de sa fin, qu'il venait de se changer lui-même et qu'elle n'avait pas osé l'appeler encore, son mari lui ayant dit de ne pas le faire venir. Il fut malade très peu longtemps : on apprit en même temps sa maladie et sa mort. Quand on fut sur le point de l'inhumer, la fosse était trop étroite, le cercueil se brisa et on se hâta de le couvrir de terre» (14).

Après le curé-doyen Zacharie Colombot, mort le 3 juillet 1821 et enterré par son prédécesseur le curé de Vesoul, la paroisse de Faverney eut à peine le temps de connaître son digne successeur l'abbé Claude-François Pasquier, prêtre insermenté et ancien curé de Corre, prématurément enlevé par la mort cruelle après six mois de résidence. L'abbé Antoine-Victor Petite qui, en qualité de voisin à Fleurey-lès-Faverney, avait été administrateur, fut nommé doyen en novembre 1822 ; mais deux ans après, il abandonna la charge pastorale et se retira. Toutefois, malgré les inconvénients d'une telle situation, le maire M. de Poinctes de Gevigney fait établir par M. Wel architecte tout un plan avec devis des grosses réparations projetées, et le conseil décide le 14 mai 1822 : 1° que «les deux grands vitraux du transept seront d'abord exécutés comme échantillons, et 2° que les neuf petites fenêtres des nefs latérales resteront provisoirement dans le triste état actuel». Mais la maladie du roi Louis XVIII et l'imminence de sa mort décidèrent le maire de Faverney à donner une seconde fois sa démission ; et ce fut un autre illustre favernéein dont un des ancêtres avait épousé la sœur du saint abbé Brenier, Paul Rebillot, ancien colonel du 9e chasseurs à cheval, adjudant-général en retraite de l'armée de Napoléon Ier, chevalier aussi de l'Ordre royal de la Légion d'Honneur, qui fut nommé par le préfet pour lui succéder (15).

«Le nouveau maire apporta dans ses modestes fonctions», lisons-nous dans l'Histoire de Mantelet, «le même zèle et la même ardeur qu'il avait déployés autrefois dans ses plus hauts grades militaires ; il se consacra entièrement à ses concitoyens et vecut ainsi de longues années faisant le bien et aimé de tous». Nommé le 6 juillet, dès le 28 suivant il reprend le projet des réparations de l'église et s'occupe de la restauration complète «du dôme du clocher dont les bois de charpente sont pourris et inutilisables». Mais tandis qu'il poursuit la restauration de l'église abbatiale, il veut aussi embellir les abords de ce magnifique temple. Or «la démolition du bâtiment national, dite ancienne église paroissiale, qui est entreprise depuis 25 ans, n'est point encore achevée. Cet édifice qui donne sur trois rues voisines de l'église actuelle, n'offre que des ruines pénibles aux regards des habitants et bien faites pour les rappeler à des souvenirs douloureux des tems passés de la révolution. De plus, ce lieu peut servir de retraite dans la nuit à des personnes mal intentionnées et même au libertinage». Le conseil municipal mit donc «aux enchères, le 9 Janvier 1825, les moëllons et les blocs restant des démolitions» et profita de la circonstance «pour élargir la rue, dite de l'ancienne église, très fréquentée et qui n'a que 5 m. 60 à l'angle de la maison appartenant au bureau de bienfaisance» (16).

Ce fut en février 1825 que le maire Rebillot fit placer «une petite croix à une seule branche sur le petit clocher qui n'en a point depuis longtemps», et bientôt «une croix à deux branches» fut établie «sur la lanterne du clocher de la commune». À cette époque, la paroisse de Faverney avait à sa tête depuis quelques mois l'abbé Pierre Camus de Jussey. Nommé doyen à 28 ans, le jeune curé déploya un zèle dévorant pour réchauffer le culte quelque peu endormi de la Sainte-Hostie. Dans l'immense église abbatiale, pour une population pratiquante de 1320 habitants, «il n'y a qu'un seul et mauvais confessionnal en sapin» ; et déjà, lors de l'arrivée d'un vicaire pour aider dans sa rude tâche de réstauration religieuse l'abbé Jean-Denis Bideaux, le conseil reconnaît qu'on «avait emprunté un confessionnal dans une paroisse voisine». Le simple détail nous indique suffisamment dans quel «état de délabrement» se trouvaient encore à cette époque et l'église et la sacristie et toutes les choses indispensables au culte. Tout était à refaire à la fois : les grands chandeliers de l'autel, fort usés et en bois vermoulu, ne tenaient plus debout, et les orgues n'étaient plus utilisables (17).

Alors, de même que l'an 1609 le saint abbé Doresmieux, avant de tenter la réforme religieuse et la restauration matérielle de son abbaye, avait voulu «uniquement s'appuyer sur la prière et recourir à la source miraculeuse de bénédictions que serait une adoration spéciale de la Sainte-Hostie préservée des flammes», ainsi le pieux curé Camus, en face des ruines morales de sa paroisse et des dépenses nécessaires pour son église, comprend que son premier œuvre est de ressusciter la foi en la divine Eucharistie et de rouvrir les registres de l'antique «Confrairie instituée en révérence du Très Auguste et très sainct Sacrement de miracle». L'ancien catalogue des confrères qui, depuis le 6 octobre 1804 (14 vendémiaire an XIII), n'avait pas reçu d'autre signature que celle du premier curé-doyen l'abbé Bideaux, fut repris, et le jeune doyen abbé Camus s'inscrivit en juin 1833. À sa suite, j'ai lu avec la plus grande joie le nom de l'abbé Antoine Four d'Arc-lès-Gray, curé de Jussey, puis ceux de l'abbé Jean-Pierre-Bruno Bousset de Voray curé de Menoux, et de l'abbé Charles-Antoine-Désiré Barbey de Corre, jeune prêtre, et ceux du maire Paul Rebillot «ancien colonel de cavalerie» avec son épouse, son fils Charles, capitaine de gendarmerie à Vitry-le-François ainsi que son petit-fils Paul, et cent quarante-deux personnes (18).

Au mois de décembre de la même année, la Sacrée Congrégation des indulgences accorda à perpétuité à la Confrérie de la Sainte-Hostie «toutes les indulgences en général et chacune en particulier qui ont été accordées à l'Archiconfrérie erigée sous le titre du Très Saint-Sacrement dans l'Eglise de Sainte-Marie la Minerve à Rome», par huit souverains pontifes depuis l'an 1264 à l'an 1749. Cet acte de loi eucharistique ne tarda pas à produire ses effets surnaturels. Bientôt, en effet, intervint visiblement la Providence dans un double but : affirmer une fois de plus la véracité du Miracle de 1608 et restaurer dignement l'église de Notre-Dame la Blanche. Toutefois le pieux abbé Camus mourut en septembre 1837 avec le seul mérite d'avoir attiré les bénédictions célestes ; et ce fut sous son successeur l'abbé Jean-Joseph Saguin que s'accomplirent les deux événements importants qui devaient attirer l'attention du XIXe siècle et sur Faverney et sur sa Sainte-Relique (19).

Le 4 juin 1838, à la grande fête annuelle du lundi de la Pentecôte qui était le deux cent-trentième anniversaire du Miracle, «M. Amédée Thierry, préfet de la Haute-Saône, alla à Faverney», lisons-nous dans le mandement de Mgr Justin Paulinier, établissant, en 1878, l'adoration perpétuelle dans son archidiocèse de Besançon. «Historien de valeur, mais peu chrétien», ayant acquis de bonne heure une grande célébrité à Paris «pour ses travaux considérables, notamment l'Histoire des Gallois qui lui valut une chaire de professeur à la Faculté des lettres de Besançon», Amédée Thierry depuis huit ans conduisait les affaires de son département «avec une droiture, une sagesse, une impartialité exemplaires». À la fin de son préfectorat, il venait de mettre à jour un mémoire intitulé : l'Organisation centrale dans l'Empire romain, mémoire qui n'était que la préface d'un second ouvrage remarquable de La Gaule sous l'administration romaine. Or, «cet historien des plus célèbres à une époque où l'on ne pouvait l'accuser de favoriser les croyances chrétiennes, après avoir obtenu de l'abbé Saguin, curé de la paroisse, la permission d'examiner de près l'ostensoir et l'Hostie miraculeusement conservée, lui demanda s'il y avait des titres écrits établissant la vérité du prodige. M. le curé mit à sa disposition les diverses pièces du procès-verbal d'enquête et les envoya dans la maison où M. Thierry était descendu, pour qu'il pût les étudier avec plus de loisir». L'examen du précieux manuscrit fut long et minutieux. Le docte préfet «insista même pour le garder plus longtemps que n'aurait désiré le bon curé ; mais celui-ci se félicita de sa condescendance, lorsque recevant le manuscrit il recueillit cette parole de la bouche de l'éminent historien : S'il est un fait historique matériellement prouvé, c'est incontestablement celui-là !» (20).

Cette conviction si profonde du préfet Amédée Thierry qu'aucun «des intérêts de la Haute-Saône n'a jamais trouvé indifférent», le décida encore plus à travailler pour obtenir le classement, parmi les monuments nationaux, de notre vieille abbatiale romano-gothique dont l'état absolu de délabrement l'avait vivement frappé, lors de sa visite à la Pentecôte. Donc devenu Maître des Requêtes au Conseil d'État, il réussit dans son louable dessin, et, «en 1845 et 1846, le gouvernement de Louis-Philippe donna un premier secours de 12.000 frs., et en 1848 une nouvelle somme de 8.275 frs., ce qui portait à 20.295 frs. la totalité des subsides accordés par l'Etat» (21).

Mais, comme depuis longtemps le monument menaçait ruine, le ministère des Beaux-Arts ne se chargea guère que des travaux de consolidation : «on reprit des parties de murs, on fit à neuf plusieurs contreforts, on arrasa les murs des collatéraux, on refit le pignon du porche et la rosace». À l'intérieur, l'architecte ministériel M. Boësvilvald se borna à rétablir à neuf tous les meneaux gothiques des cinq fenêtres du chœur ; des vitraux à grisailles peintes avec entrelacs de couleur et de jolies bordures coloriées vinrent ornementer les trois ouvertures centrales du chevet de l'abside ; puis les deux fenêtres de côté, à un seul meneau, furent fermées en losanges de verre blanc sans bordure. Le tout fut posé en 1851 par Baptiste Petit-Girard, peintre verrier de la cathédrale de Strasbourg. Ce fut durant l'exécution de ces grosses réparations qui commençaient enfin l'embellissement de l'église du Miracle, que mourut à Faverney même le dernier témoin survivant de l'authenticité de la Sainte-Hostie de 1608. Claude-Pierre Mignot, l'ex-frère convers si connu encore de nos jours sous le nom de Frère Romain, avait subi la tourmente révolutionnaire sans être inquiété. Demeurant avec sa sœur atteinte d'une forte surdité, resté très bon chrétien et fidèle à ses vœux de religion, fort serviable quoiqu'ayant des dehors un peu railleur, il avait été receveur de la commune de Faverney en 1794. Choisi comme membre du conseil de fabrique dès 1819, il en fut élu président le 13 avril 1828 et y fut maintenu jusqu'à sa mort. On aimait à voir passer dans les rues ce grand vieillard, à l'aspect amaigri d'un ascète, portant culotte courte, «des mollets de coq», et ce vêtement à grands pans, dit vulgairement «habit à la papa», s'en allant chaque jour faire sa longue promenade de trois à quatre lieues, «trottinant» le long des routes et disant volontiers une drôlerie à qui l'interrogeait. Il était beau dans sa simplicité cet ancien moine sacristain, «butinant» dans l'église, aidant aux cérémonies du culte, et chaque dimanche à la grand' messe s'avançant le premier à la table sainte, suivi par le vieux chantre Bourriot, habillé comme lui à l'antique (22).

Cette vie simple, chrétienne, honnête, régulière de «M. Claude-Pierre Mignot dit Frère Romain» lui valut tout à la fois et l'estime des habitants de Faverney et la longévité de la vie et la santé du corps comme de l'intelligence. Aussi, le 30 mars 1840, portant allègrement ses quatre-vingt-huit printemps, il s'était encore rendu à pied depuis Faverney à la cure d'Amance pour déposer, sous la foi du serment, par devant sa Grandeur Mgr Césaire Mathieu, nouvellement archevêque de Besançon, «en ce qui concerne la Sainte-Hostie de Faverney, le culte qu'on lui rendait et les circonstances de son enlèvement à la révolution et de sa restitution en 1795». C'est dans son modeste logement, situé dans l'ancienne grande rue et devenu le n° 1 de la rue Général Rebillot, que le 9 décembre 1846, à cinq heures du soir, il s'endormit dans le baiser du Seigneur à l'âge de 93 ans, 3 mois et 4 jours. Il y avait 56 ans et demi que la Révolution l'avait chassé de l'abbaye de Faverney, et il y a 68 ans seulement qu'a disparu ce dernier témoin de la Sainte-Hostie de 1608 (23).

Jusqu'à ce moment, toutes les réparations faites par les Beaux-Arts n'avaient guère eu pour objet que les améliorations de l'enveloppe extérieure du temple témoin du Miracle. À l'extérieur, rien ou presque rien n'avait été fait. «Par suite de l'humidité, les plâtres s'émiettaient, les corniches tombaient par morceaux et menaçaient la sécurité des fidèles». Mais où trouver de l'argent? Or en 1854, écrit l'historien Mantelet, «le choléra fit irruption dans la Franche-Comté», et ce fut dans la commune de Charger-lès-Port, située également à quelques six kilomètres de Faverney, de Port-sur-Saône et de Combeaufontaine, que le terrible fléau fit son apparition le 25 mai. Bientôt dans la cité du Miracle et de la Blanche Madone un assez grand «nombre d'habitants étaient victimes de la foudroyante épidémie ; le peuple effrayé conjura M. Saguin curé de faire une procession solennelle avec la Sainte-Hostie dans toutes les rues de la ville, afin de conjurer le fléau. Le pieux pasteur se rendit à ce vœu dicté par la foi. Dès ce moment, le choléra cessa ses ravages, et, chose remarquable ! aucun cholérique de la ville ne succomba plus à cette horrible maladie» (25).

En reconnaissance de cette nouvelle protection si avérée du palladium de la cité, le conseil municipal et le conseil de fabrique, conformément aux désirs de leur zélé pasteur, résolurent de faire un généreux effort pour rendre à leur magnifique église son style primitif et son ancienne splendeur. Vainement les deux assemblées mirent-elles en commun toutes les sommes dont elles avaient la libre disposition ; elles comprirent que toutes leurs ressources étaient insuffisantes et alors une nouvelle demande de secours fut adressée au ministre des Beaux-Arts. Sur ces entrefaites, en 1858, l'empereur Napoléon III, revenant des eaux de Plombières pour prendre le train de Paris à la nouvelle gare du Port-d'Atelier, «passa par Faverney où les autorités locales eurent l'honneur de le complimenter. Le maire de la commune insista près de Sa Majesté pour qu'elle daignât visiter l'antique église de la ville. Mais des retards imprévus, arrivés en cours de route, empêchèrent l'empereur de se rendre aux vœux de la municipalité, et les habitants perdirent tout espoir de voir l'ancienne abbatiale sous la protection spéciale du chef de l'Etat». Aussi, malgré une instance réitérée en 1859 auprès du gouvernement, le 7 mars 1860 le maire de Faverney reçut de Paris cette réponse catégorique : «Que l'examen auquel la Commission des monuments historiques s'était livrée, avait démontré que cette église, altérée par des restaurations malentendues, n'offrait plus assez d'intérêt pour mériter de nouveaux subsides». C'était le déclassement définitif de l'église Notre-Dame la Blanche (25).

Heureusement que les habitants de Faverney ne se laissèrent pas décourager par ce refus formel du ministre. Forts de leur foi en la Sainte-Hostie, ils mirent en pratique l'adage divin bien que populaire : Aide-toi, le Ciel t'aidera ! Rivalisant donc de dévouement, maire et conseillers municipaux, curé et fabriciens, personnes riches et familles nobles, tous mirent encore une fois en commun leurs ressources et leur dévouement. La Providence vint à leur secours. Le chemin de fer du Port-d'Atelier à Aillevillers et Plombières ayant été voté, sa «construction, a écrit le contemporain Mantelet, exigea l'expropriation d'une partie considérable du bois de Ballière situé sur Faverney. Cette mesure privait la commune, pour toujours, d'une grande partie de ses revenus, mais elle mit la ville en état de suppléer à ce qui lui manquait pour achever» l'embellissement de l'antique église dédaignée par les Beaux-Arts (26).

Selon les «mémoires, plans et devis» dressés par M. Grandmougin architecte de Vesoul, approuvés le 14 juillet 1860 par M. Isoard nouveau préfet de Vesoul, et mis en adjudication le 20 suivant, les réparations intérieures furent poussées activement. «Les murs, dégarnis jusqu'au vif des moëllons et débarrassés de toutes les surcharges en mortier et éclats de briques et pierres, furent recrépis en mortier de chaux avec sable fin provenant de la rivière et passé au tamis». Après ce travail considérable et fort dispendieux du rétablissement des murs «dans leur état primitif, on rapporta en reprise les prolongements des nervures qui forment les pilastres en pierre de taille de chaque travée». Alors disparurent ces «piliers déshonorés et ces voûtes fendues de la vieille basilique qui semblaient être, dit l'abbé Morey, un défi jeté au bon goût et à la foi» des pèlerins, venant adorer leur Dieu triomphateur des flammes. On eut surtout à cœur de mettre à exécution la volonté formellement exprimée de l'archevêque de Besançon, Mgr Césaire Mathieu, lors de sa première visite à Faverney le 25 mars 1840. «Je demande», avait-il écrit sur le registre du conseil de fabrique, «qu'on restitue les deux chapelles du fond des nefs à leur ancien usage et la réouverture des deux fenêtres de la croisée». Et, vingt ans s'étaient déjà écoulés sans avoir rien pu tenter ! Depuis soixante années, en franchissant le seuil de la vieille église abbatiale à moitié ruinée et délabrée, les fidèles, toujours de plus en plus nombreux aux fêtes de la Pentecôte, cherchaient en vain de leurs regards attristés cette Sainte-Chapelle du Sacrement du Miracle «où notre généreuse province apportait autrefois ses présents et ses vœux». Un mur froid et dénudé, bouchant l'ouverture de l'arcade en tiers-point, cachait à tous les visiteurs l'aspect misérable de ce béni sanctuaire, ravagé par les sans-culottes de la Société populaire en 1794, et depuis, faute de ressources, laissé dans un état de délabrement, d'abandon et de dégradation le plus absolu (27).

D'abord, les grandes baies de la croisée dans le transept qui jadis avaient été fermées pour ne former plus que deux œils-de-bœuf, furent totalement démurées ; on en reconstitua les meneaux et les rosaces, et des vitraux à grisailles peints avec bordures coloriées vinrent éclairer à nouveau ce magnifique chœur, «le plus gay de la province». Pareillement, les neuf fenêtres cintrées des nefs latérales, autrefois à moitié murées, furent largement ouvertes, et ornées de vitraux à grisailles, mais sans meneaux. Puis, au-dessus de la porte à l'entrée de l'église, la grande rose intérieure qui éclairait le premier étage de la tour-porche, fut élargie et transformée en arcade. Là, dans cette nouvelle tribune on installa de belles orgues, et ainsi la décoration principale du grand vaisseau de l'église se trouvant terminée, l'abbé Saguin, curé-doyen depuis vingt-quatre ans, fut promu chanoine titulaire de la Métropole, en récompense de son zèle à restaurer le temple et le culte de la Sainte-Hostie du Miracle. C'était en février 1861 (28).

Quelques mois après, son digne successeur l'abbé Jean-Baptiste-Édouard Camuset de Jussey, curé à Blondefontaine depuis huit ans, était à peine installé qu'un «fait d'une apparence bien simple, mais où l'on ne peut méconnaître l'intervention de la Providence», vint encourager le zèle ardent autant qu'infatigable du nouveau pasteur et le dévouement généreux autant qu'inlassable de M. Druhot, maire de Faverney. Le 15 juillet 1861, le jeune curé-doyen se promenait un matin sur le quai de la gare du Port-d'Atelier, station située sur sa paroisse, lorsqu'un ecclésiastique, sautant lestement d'un train, «lui demanda s'il ne pouvait pas célébrer la messe dans le petit village» dont il apercevait les toits à quelques centaines de mètres. L'abbé Camuset lui répondit que dans ce hameau il n'existait «qu'un oratoire particulier construit en l'honneur du B. Pierre Fourrier, curé de Mattaincourt, «et qui ne possédait pas les ornements nécessaires ; mais qu'il trouverait toutes les facilités désirables s'il pouvait se rendre à l'autre station qu'est Faverney». À ce nom, le prêtre voyageur reprend vivement : «Faverney du Miracle?» — «Oui», lui fut-il répondu. — «Eh ! reprend l'étranger, je voudrais bien pouvoir m'y arrêter : j'ai reçu tant de grâces du Saint-Sacrement de l'autel ! mais aujourd'hui le temps ne me le permet pas. Peut-être y reviendrai-je depuis Plombières où ma santé m'oblige à aller prendre les eaux». — «Et pourrais-je savoir votre nom ?» insista timidement le curé intrigué. — «Le Père Hermann, juif converti», répondit humblement son interlocuteur, qui s'esquiva prestement et sauta dans son train (29).

C'était bien, en effet, le R. Père Augustin-Marie du Très Saint-Sacrement, carme déchaussé du couvent d'Agen, auteur des fameuses mélodies sacrées qui ont immortalisé son nom plus connu de Père Hermann. C'était lui, Hermann Cohen, pianiste très célèbre et jadis très couru dans les salons de Paris, la grande cité du mal et du bien ; c'était le jeune juif qui, dans les premiers jours de janvier 1848, avait été subjugué par la présence réelle de N. S. Jésus-Christ au Très Saint-Sacrement de l'autel. Juif encore et à peine converti ; «il avait voulu déjà s'élancer à la table sainte ; baptisé à force d'instances, il pleurait de jalousie en voyant communier ; il dévorait des yeux cette petite Hostie où l'amour pour les hommes emprisonne un Dieu infini. Enfin admis à ce banquet des cieux, il y puisa une force inconnue. Cette chair divine le transforma en un homme nouveau ; il se sentait dévoré, pour ce froment des élus, d'une faim de famélique». Et un soir du mois de décembre 1848, ce jeune parisien converti priait avec ferveur, agenouillé au bas d'une petite chapelle de religieuses dans la rue d'Enfer où le Saint-Sacrement était exposé, quand il fut invité par une des sœurs à se retirer parce qu'on allait fermer les portes pour l'Adoration de nuit. Ce lui fut une révélation.

Des femmes du monde s'étaient vouées à l'Adoration perpétuelle du Très Saint-Sacrement exposé jour et nuit, il fallait que des hommes du monde, retenus pendant le jour par leurs occupations, se vouassent à l'adoration de Jésus-Hostie durant la nuit. Et le 6 décembre au soir, dix-huit fervents chrétiens, brûlant du même feu divin que Hermann Cohen, se réunissaient autour de lui dans le sanctuaire de Notre-Dame des Victoires, et, guidés par le saint prêtre M. De la Bouillerie, commençaient l'œuvre admirable de l'Adoration nocturne pour l'Église et la France. Ainsi ce juif converti, ce religieux musicien si célèbre, cet apôtre au cœur dévorant de zèle et d'amour pour la divine Eucharistie, avait promis de rendre visite au sanctuaire de la Sainte-Hostie de Faverney, il fallait qu'eût lieu cette visite mémorable (30).

L'abbé Camuset multiplia donc ses instances près du R. Père Hermann durant sa saison d'eaux à Plombières comme auprès de ses supérieurs. «Après bien des incertitudes, ses désirs sont comblés. Le bon religieux a promis une visite : il dira la sainte messe et repartira de suite. C'était déjà beaucoup, mais on eut davantage. En annonçant à sa paroisse ce bonheur, l'heureux curé avait dit quelques mots sur la conversion miraculeuse du R. Père ; chacun était avide de le voir et surtout de l'entendre, si cela était possible, car il n'avait pris aucun engagement à cet égard ; et l'on se prépara à faire à l'illustre converti une réception qu'on était assuré de lui rendre agréable : c'était de se porter en foule au pied des autels pour y adorer avec lui le Dieu de l'Eucharistie.

Le jeudi 15 août, le R. Père Hermann arriva à Faverney par le train du soir. Une foule respectueuse l'accompagna de la gare au presbytère.

Le lendemain, à six heures du matin, au moment où le saint religieux carme commença la sainte messe, l'église était pleine de fidèles». Les demoiselles de la ville tinrent à honneur de chanter quelques-uns de ses remarquables cantiques, et «un nombre considérable de personnes ont reçu la sainte communion de sa main.

Après sa messe, se rendant volontiers à l'invitation du curé-doyen et du maire de Faverney, le R. Père fut conduit à la tribune de l'orgue. L'instrument nouvellement inauguré n'est pas indigne du célèbre pianiste. Aussi ses doigts agiles, obéissant à l'inspiration de son âme embrasée, ont répandu les flots de la plus suave harmonie pendant toute la durée d'une seconde messe, célébrée par un religieux carme de la maison de Montigny-lès-Nonnes vers Vesoul qui était venu visiter le Père Hermann à son passage à Faverney.

Edifié par tout ce qu'il voit, entraîné par l'empressement des fidèles, l'éminent artiste aussi bon orateur que bon compositeur de musique, ne peut se défendre alors d'adresser à l'assemblée quelques paroles chaleureuses dont il a le secret lorsqu'il parle de la divin Eucharistie. A entendre ce juif, converti en 1848 par Jésus-Hostie, nous parler de l'éclatant miracle de 1608, les esprits sont subjugués, le cœurs sont attendris, de tous les yeux coulent de douces larmes, et toutes les poitrines sont haletantes d'émotion sous cette parole enflammée du divin amour.

En descendant de chaire, le R. P. Herman vénéra l'insigne relique et voulut ensuite la faire vénérer et baiser à toute la foule des fidèles. Puis consacrant les derniers instants qui s'écoulent trop vite, à se rendre compte par lui-même des circonstances si étonnantes du Miracle, il reprend le chemin de la gare. Une foule recueillie l'accompagne pendant le trajet depuis le presbytère ; elle pénètre avec lui sur la voix ferrée ; elle l'entoure avidement vers son compartiment ; elle attend une nouvelle faveur : on sent qu'elle ne veut pas le quitter sans avoir une promesse de le revoir. En effet, au moment où il va monter en wagon, tous les fronts s'inclinent, et le Père Hermann, visiblement ému, bénit curé, maire et assistance, promettant de revenir au sanctuaire de la Sainte-Hostie conservée dans les flammes, et de ne jamais oublier Faverney. A huit heures, le train se mettait en marche» (31).

Les deux heures fugitives de la pieuse visite de cet enfant du Saint-Sacrement, comme aimait à s'appeler le R. Père Hermann, furent fécondes en bénédictions pour la paroisse de Faverney. Grâce à l'intelligence et à la générosité du maire M. Charles Druhot bienfaiteur de l'église, grâce aussi au dévouement de son épouse Mme Adélaïde Vigneron, providence vivante des pauvres de la paroisse, le zèle si actif de l'abbe Camuset parvint à grouper toutes les bonnes volontés de ses paroissiens si privilégiés, et l'ornementation intérieure de l'église fut reprise avec plus d'empressement que jamais. Une cloche nouvelle, plus puissante que l'ancienne grosse cloche de Saint-Bénigne, gardée seule en 1794 par la municipalité, fut donnée par les époux Druhot au «nom et à la mémoire de leur fils bien-aimé, décédé à Paris le 16 Janvier 1858». Le vitrail fort riche de la chapelle latérale du Saint-Sépulcre, avec sa croix rouge surmontée d'une couronne d'épines, comme aussi le vitrail magnifique de la Vierge de Murillo qui orne la chapelle de Notre-Dame la Blanche ainsi que la boiserie monumentale qui la décore, furent pareillement les fruits de leurs libéralités. Enfin l'ancien sanctuaire du Saint-Sacrement du Miracle, jusqu'alors si abandonné, si humide, si triste, si nu, si délabré, fut restauré avec intelligence et un goût remarquable. Les fenêtres brisées reprirent leurs meneaux gothiques à trois compartiments, et de splendides vitraux peints les ornementèrent. La grande dalle armoriée, portant en relief la statue en marbre blanc de Jean II de Bourgogne, ayant été complètement défigurée par le marteau des révolutionnaires, fut enlevée et brisée, et, dans l'enfonçure de l'ancienne porte du presbytéral, on fit une armoire pour le service de la chapelle. La pierre, longue de 1,17 m. et large de 0,36 m. qui portait l'antique inscription du chanfrein, fut déplacée alors et encastrée dans le mur latéral de gauche, au côté de l'évangile, sous la seconde fenêtre, à près de deux mètres du sol, où elle repose maintenant. Un autel gothique, surmonté d'un retable gracieux, fut adossé à la muraille au fond de la chapelle ; et le 30 octobre 1862, au jour de la fête de la Sainte-Hostie conservée dans les flammes et instituée depuis 1714 par l'archevêque François-Joseph de Grammont, au milieu d'une cérémonie grandiose et paroissiale, le Palladium de la Cité, la gloire Eucharistique de Faverney, l'Hostie sacrée de 1608 fut reportée solennellement dans son nouveau tabernacle. Il y avait 68 ans que la Révolution impie et sacrilège l'en avait arrachée (32).

Cette même année de 1862 fut vraiment féconde en événements heureux pour la ville de Faverney et sembla lui présager un avenir encore plus beau. Un de ses vaillants enfants, le vainqueur du Borrego au Mexique, vint alors visiter son pays natal : c'était le commandant Détrie. «Né à Faverney le 18 Août 1828, élève depuis 1835 à 1847 des collèges de Vesoul et de Langres, le jeune Paul-Alexandre s'engagea le 16 Mars 1847 dans le 24e léger, devenu ensuite le 99e régiment de ligne. Après avoir passé par tous les grades, ne voulant devoir son avancement qu'à son seul mérite et à sa valeur guerrière, Détrie était déjà sous-lieutenant en 1853 lorsque son régiment fut appelé en Afrique. Promu lieutenant en 1856, ce fut avec ce grade qu'il fit toutes les campagnes africaines jusqu'en 1859, et celle d'Italie de 1859 à 1860. Alors la guerre éclata entre le Mexique et la France, et le lieutenant Paul Détrie partit pour cette lointaine et dangereuse expédition» (33).

Arrivée dans les premiers jours de mai 1862 devant la ville populeuse de la Puebla, chef lieu de l'État de Puebla et éloignée encore de 122 kilomètres de Mexico, la grande capitale du Mexique, l'armée française dut emporter d'assaut le 5 mai les forts de Guadalupe et de San Loreto. Dès ce premier engagement, le lieutenant Détrie reçoit son troisième galon tant il s'est distingué. Quarante jours après, il va se signaler par une action d'audace et d'intrépidité tellement remarquable qu'elle le placera au nombre des héros. Le 13 juin, le général mexicain Ortéga, chargé avec une division de 6.000 hommes de couper les communications des Français avec la Vera Cruz, port important pour le ravitaillement de nos troupes, venait de tourner nos positions et s'installait secrètement sur les crêtes inaccessibles du mont Borrego qui domine la ville d'Orizaba. Là venait d'arriver le général en chef français comte de Lorencey, et des feux plongeants, le lendemain à l'aube du jour, pouvaient anéantir notre petite armée campée dans la plaine. Averti du danger, le commandant Souville du 99e de ligne eut une soudaine inspiration de Dieu, (c'est ainsi qu'il s'exprime lui-même) : donner à une compagnie l'ordre d'escalader de nuit et en silence la pente du Cerro Borrego, hérissée de rochers et privée de sentiers ; puis, à la pointe du jour, faire attaquer la division ennemie, plongée dans le sommeil, par la poignée d'intrépides qui arriveront sur la hauteur. Pour exécuter ce plan audacieux, il faut un entraîneur, un homme prêt à vaincre ou à mourir. Il est là, c'est un comtois, c'est un enfant de Faverney, c'est le capitaine Détrie (34).

Le chef de bataillon Souville va droit à lui ; il lui propose le coup d'audace et reçoit aussitôt son adhésion prompte et entière: «Mon cher ami, dit le commandant d'une voix émue, vous allez sauver l'armée !» Le capitaine Détrie possède la volonté et le cœur de ses hommes ; il leur fait mettre sac au dos et le fusil en bandoulière, et quand minuit sonne : En avant et sans bruit ! à travers une nuit des plus obscures. Tous alors commencent la terrible ascension ; ils vont s'accrochant aux rochers, aux arbustes ; suspendus sur des abîmes, ils se hissent, s'élèvent, s'approchent des sommets. Enfin à une heure et demie du matin, le capitaine Détrie est debout sur le plateau, 60 de ses hommes sont avec lui. Devant eux, toute une division de Mexicains à peine avertie par les sentinelles. Faut-il attendre le reste de la compagnie ? Non ! Mais attaquer 6.000 hommes avec 60 soldats? — N'importe ! Sans hésiter, la voix du capitaine retentit : «En avant ! à la baïonnette ! et vive l'Empereur !». Et la baïonnette a vite jeté l'épouvante: la bataille est terrible dans la nuit. Les Mexicains essaient de se remettre de leur surprise ; mais, par de prodiges de ruse et de ténacité, il les maintien pendant une heure. Renforcé alors par la compagnie de secours du capitaine Leclerc, Détrie mène avec la plus grande énergie une nouvelle charge pendant laquelle il est atteint de trois coups de feu. Rien ne résista alors à l'élan de ses soldats : il faut mourir, se rendre ou fuir. L'ennemi, croyant avoir affaire au corps expéditionnaire tout entier, se débande et abandonne la montagne. Six mille hommes ainsi battaient en retraite devant deux compagnies françaises qui leur avaient tué ou blessé 250 hommes, fait 200 prisonniers, enlevé 3 obusiers, pris un drapeau et 3 fanions. Elles-mêmes avaient 9 tués et 25 hommes hors de combat. Quant au capitaine Détrie, il était méconnaissable : ses vêtements, noircis par la poudre, étaient criblés de balles. Dans cette action meurtrière où ce jeune héros de 34 ans avait affronté mille morts, la Providence avait veillé sur les jours de l'illustre citoyen de Faverney : Notre-Dame la Blanche avait gardé son enfant, car il ne reçut qu'une blessure sérieuse à la main, tandis que son revolver qu'il tenait avait été broyé par la mitraille.

À la suite du prodigieux fait d'armes du mont Cerro Borrego, le capitaine Détrie fut cité à l'ordre de l'armée, puis nommé chef de bataillon. Quelques jours avant l'arrivée en France du rapport du comte de Lorencey général en chef de l'expédition, le père de notre héros, François-Joseph Détrie, ancien tenancier de l'hôtel de l'Écu de France, descendait à Faverney dans la tombe, et c'est au milieu d'une poignante douleur que l'excellente mère du commandant apprenait le triomphe de son fils. Pendant ce temps, sur le sommet du Borrego, l'armée francaise élevait par souscription un monument pour passer à la postérité. Sur la plate-forme où éclata la première fusillade, on dressa un vaste tumulus formé de fragments de rochers ; sur le côté faisant face à la ville d'Orizaba, parmi les pierres rocailleuses fut gravée une inscription, remémorant l'événement glorieux ainsi que les noms de tous les soldats, mexicains et français, qui ont succombé dans cette lutte de géants (35).

Par suite de sa grave blessure, le commandant Détrie dut revenir en France. L'avant-veille de son départ, les dames françaises de la ville mexicaine lui offrirent un banquet où assistèrent tous les hauts fonctionnaires d'Orizaba. Lors que le jeune héros favernéien se leva pour se retirer, l'une des dames vint le remercier en proclamant le sauveur de la ville, puis lui offrit, au nom de toutes ses compagnes, une superbe couronne ornée de pièces d'or. Un auteur indigène lui fit également don de toutes ses œuvres. À Paris, dès que Son Excellence le ministre de la Guerre eut appris que le commandant Détrie était arrivé, il l'invita à venir déjeuner avec lui. Pendant ce repas, un chambellan de l'empereur lui apporta une invitation à dîner de la part Sa Majesté Napoléon III, et quand notre compatriote prit congé de leurs Majestés, l'impératrice Eugénie lui remit elle-même un superbe porte-crayon en or, enrichi de diamants et porta cette date mémorable : Mont Borrego, 14 juin 1862 (36).

Ce fut donc sur la fin de cette même année que le commandant Détrie arriva dans son pays natal pour embrasser sa vieille mère, déjà plus que septuagénaire. Il descendit à l'hôtel de l'Écu de France que tenait son frère conseiller municipal. La population entière tint à manifester sa joie et son admiration au vainqueur du Borrego : un banquet splendide réunit tous les habitants de la cité. Les familles marquantes des localités voisines se firent un devoir de fêter ce jeune héros. La préfecture de la Haute-Saône prit elle-même l'initiative d'une brilliante soirée en son honneur. Là se trouvèrent réunis par le préfet Isoard tous les hommes influents du département ; et un poète plein de verve, enfant lui-même de Faverney et magistrat à Vesoul, y déclamait, aux applaudissements de la magnifique assemblée, une charmante pièce de vers qui rappelait les actes héroïques du commandant Détrie (37).

Mais au milieu des ovations et des fêtes, cet homme au cœur si chevaleresque, à la bravoure si indomptable, resta ce qu'il voulut être toujours : homme essentiellement modeste, comme le déclara à ses obsèques le grand chancelier de la Légion d'Honneur, le général Davout duc d'Auerstædt. Remis de sa blessure du Mexique, le commandant Détrie rentre en Algérie et fait partie de la colonne commandée par le général de Wimpfen pour châtier les brigandages des tribus marocaines. Là encore il va se distinguer à nouveau. Le 13 avril 1870, l'ennemi fut rencontré près du canal de l'Oued-Ghir. Le lieutenant-colonel Détrie reçut le commandement de l'infanterie. Au plus fort de l'action, il aperçoit la cavalerie ennemie qui prépare un grand mouvement tournant. Reconnaître la clef de la position, s'y diriger avec les quelques hommes restés auprès de lui et y appeler la compagnie de réserve, fut pour Détrie l'affaire d'un instant. Avec 40 ou 50 hommes seulement, il repousse les assauts réitérés de plus de 800 cavaliers, et, renforcé par une trentaine de Zouaves, il leur en imposa si bien qu'ils se retirèrent, laissant 150 des leurs sur le terrain (38).

Au mois de juillet suivant, quand la guerre prussienne de 1870 est déclarée, le colonel Détrie accourt depuis l'Afrique à la tête du 2e régiment de Zouaves. Avec eux, il assiste aux premières batailles ; à Reischoffen il tombe grièvement blessé : une balle qui ne sera jamais extraite lui a brisé le pied ; mais sur le sol rougi de son sang il est superbe d'endurance et fait l'admiration de tous. Revenu de captivité, il est nommé général de brigade et part en Algérie prendre le commandement de la division d'Oran. Partout et toujours, soldat, sous-officier ou officier supérieur, il reste un modèle de loyauté, de bonté et de dévouement, comme aussi un époux modèle et un chrétien intègre et sans peur. Au mois de mars 1873, il accourut fermer les yeux de sa vieille mère plus qu'octogénaire, et avant de repartir «on put le voir», a déclaré M. l'aumônier militaire Payen, «assistant recueilli au sacrifice de la messe, un jour de la semaine. Il avait demandé lui-même que cette messe fut dite pour ses chers morts ; et, au sortir de l'église, il s'en alla au cimetière, prier en fils reconnaissant et déposer sur les cendres de ses humbles parents, comme un hommage, tant et de si beaux lauriers» (39).

Parvenu à l'âge de soixante-et-onze ans honoré de la grand' croix de la Légion d'Honneur, faisant parue du Conseil de l'Ordre, glorifié par ses compagnons d'armes pour ses actions d'éclat, «ayant conservé intacte et pratique sa foi de chrétien parmi les agitations de la vie militaire», aimé de sa vertueuse épouse et de ses trois fils qui déjà se préparaient à devenir de vaillants soldats, et «ressentant les fatigues accumulées des guerres», le brave général songeait à revenir «passer le glorieux automne de sa vie, non loin de la maison natale et de ses chers tombeaux». Mais Dieu en avait disposé autrement. Atteint «soudainement» par la maladie, il voulut que, dans son âme préparée, le prêtre «semât les germes de la gloire future» ; et mourant, il voulut pouvoir dire : «J'ai su ce que je devais à mon pays, mais je n'ai pas oublié ce que je devais à mon Dieu». Ses obsèques solennelles furent célébrées à l'hôpital militaire du Val-de-Grâce à Paris, le 9 septembre 1899. Le 5 octobre suivant, dans l'église si bien restaurée de Notre-Dame la Blanche et de la Sainte-Hostie, «sur l'initiative digne de tout éloge de la part de la municipalité» de Faverney, il fut célébré «pour répondre aux vœux de tous», un service funèbre où le deuil de l'armée française, et le regret des habitants et l'éloquence comtoise du jeune aumônier militaire s'unirent dans une «superbe manifestation de foi et de pur patriotisme» (40).

Cette année de 1862, déjà si remarquable pour la cité du Miracle par les heureuses visites du R. P. Hermann et du vainqueur du Cerro Borrego, se clôtura encore par une nouvelle fort impressionnante. À l'approche du 255e anniversaire de «notre miracle», comme nous disons en qualité de franc-comtois, Son Éminence le cardinal Mathieu, de grande et sainte mémoire, était parti à Rome le 29 novembre pour soumettre à l'approbation du Souverain Pontife Pie IX le propre des offices particuliers au diocèse de Besançon. L'occasion était unique de présenter le miracle de Faverney et de le faire confirmer par l'autorité du Saint-Siège. «Malgré la notoriété du fait», remarque Mgr Besson dans la vie du cardinal Mathieu, «on était alors communément persuadé que ce miracle n'avait pas été reconnu, parce qu'on avait négligé de passer une lame de fer autour de l'ostensoir suspendu et de constater par là qu'il n'avait pas été retenu par quelque fil de soie ou d'araignée». Cette conviction erronée s'était répandue dans toute la province et s'accréditait tellement que le diocèse de Saint-Claude lui-même, malgré les preuves vivantes de la dévotion trois fois séculaire en la ville de Dole, n'avait pas accueilli le miracle de Faverney dans son nouveau propre. Aussi «des esprits chagrins avaient cru bien faire en adressant à la Congrégation des Rites un mémoire destiné à la mettre en garde contre ce prodige. Cette précaution singulière, a écrit l'abbé Morey, ne servit qu'à rendre plus éclatant le triomphe de la Sainte-Hostie». Depuis longtemps déjà on avait répété à satiété : «Rome n'a pas parlé, donc le miracle de 1608 n'est pas véritable». Moi-même, jeune séminariste alors à Marnay, je l'ai entendu dire et redire bien des fois. «Prévenu avant son départ, l'illustre Cardinal ne négligea rien pour réunir les titres les plus authentiques et les plus capables de réduire à néant toutes les objections». Ce ne fut pourtant qu'en tremblant qu'il remit ces documents précieux et irrécusables aux consulteurs de la Sacrée Congrégation des Rites. Les pièces produites furent : 1° un récit circonstancié du miracle où mention spéciale était faite de la durée exceptionnelle de 33 heures consécutives et du nombre prodigieux de plus de 10.000 témoins qui l'avaient examiné de près et à loisir ; 2° la copie du procès-verbal original de l'enquête et de l'ordonnance du conseil archiépiscopal de Mgr Ferdinand de Rye en 1608, copie authentiquement reconnue et contresignée au-dessus et au bas de chaque page ne varietur par Mgr Mathieu lui-même en 1840 ; 3° un exemplaire de la lettre pastorale de l'archevêque de Rye, le 10 juillet 1608 ; 4° les lettres de l'archiduc Albert demandant pour la cité de Dole à l'abbé de Faverney une des deux Hosties miraculeuses, 7 octobre et 12 novembre 1608 ; 5° le procès-verbal de la conservation, pendant la tourmente révolutionnaire, de l'Hostie restée à Faverney et de sa reconnaissance publique le 4 juin 1795 ; 6° la relation de sa première visite pastorale comme nouvel archevêque de Besançon, le 25 mars 1840, à l'occasion de laquelle il avait reconnu la précieuse Relique ; et 7° enfin la déposition spéciale du dernier témoin survivant Claude-Pierre Mignot, dit le Frère Romain, ancien religieux convers de l'abbaye de Faverney (41).

Toutes ces pièces fournies par Son Éminence le cardinal Mathieu furent examinées avec soin par les consulteurs désignés parmi les plus réputés de la Congrégation des Rites. Sur leurs rapports, les Éminentissimes Cardinaux des Rites déclarèrent dans leur décret qu'après «avoir mûrement pesé surtout les monuments (procès-verbal d'enquête, etc.) prouvant l'insigne miracle de Faverney et reconnus comme authentiques par des consulteurs choisis», ils permettaient la récitation d'un office du Saint-Sacrement en mémoire du Miracle. Sa Sainteté le pape Pie IX approuva cette décision le 18 décembre 1862, et l'antique fête du 30 Octobre fut alors élevée au rite supérieur de seconde classe pour être transférée en 1900 et en 1914 au dimanche d'abord, puis au lundi de l'octave de la Fête-Dieu (42).

Ce fut donc avec des transports de joie que les fidèles du populeux diocèse de Besançon apprirent bientôt que le zélé cardinal Mathieu, heureux d'avoir obtenu cette décision qui justifiait la prudence de ses prédécesseurs, voulait la proclamer à Faverney même, aux fêtes du 255e anniversaire, le lundi de la Pentecôte, 16 mai 1864. Aussi, dès le matin de ce jour, la ville du Miracle «prit un air de fête inaccoutumé. Le tambour appela sous les armes la compagnie de sapeurs-pompiers ; le son bruyant du clairon se fit entendre, conviant la petite garnison à prendre part à la manifestation religieuse ; les jeunes filles et les jeunes hommes rivalisèrent d'ardeur et d'invention pour élever un humble trône au Christ-Jésus, quatre fois vainqueur du feu ; tous les habitants couvraient de fleurs et de verdure les rues que devait parcourir la Sainte-Hostie ; les maisons et les objets placés près de la voie publique disparurent sous un gai rideau de branches fleuries et verdoyantes. Déjà l'affluence des pélerins était nombreuse. Les habitants de Menoux, Amance, Breurey, Fleurey, Mersuay, Bourguignon et Cubry-lès-Faverney arrivaient processionnellement ayant à leur tête le pasteur de la paroisse. Bientôt le chemin de fer débarqua les pélerins par milliers, et toutes les rues furent remplies d'une multitude considérable».

Enfin neuf heures sonnèrent. Le son des cloches se fit entendre et une immense procession générale, composée de toute la population libre de Faverney et des innombrables pèlerins étrangers, et «suivie des sept processions particulières des villages environnants, rangées dans l'ordre traditionnel qu'établit jadis le décret archiépiscopal de 1682, se déroula majestueusement à travers les rues enguirlandéés de l'antique fief de Notre-Dame la Blanche. La musique de l'établissement secondaire des Frères de Marie au château de Saint-Remy ouvrait la marche devant la troupe nombreuse des enfants de chœur et des thuriféraires. Plus d'une centaine de prêtres, revêtus du costume de chœur et chantant l'hymne du Miracle, faisaient escorte à l'Hostie miraculeuse que son Eminence le Cardinal Mathieu portait dans un reliquaire-monstrance aux formes anciennes». Un riche dais, don des bienfaiteurs si connus de tous, abritait la divine Eucharistie ; aux côtés du dais, portant les flambeaux de l'antique confrérie du Saint-Sacrement de Miracle, marchaient quatre vieillards, tous octogénaires, tous vieux témoins des derniers temps des bénédictins, tous témoignages vivants de la foi traditionnelle des habitants de Faverney qui ont su conserver leur précieuse relique en dépit des folies des sans-culottes de la Révolution. Puis, derrière le dais en rangs pressés suivaient les autorités municipales, les principaux magistrats du canton et une foule de personnes venues de loin.

La messe pontificale succéda à l'interminable procession. La vieille église restaurée de l'ancienne abbaye se trouva alors trop petite : les pèlerins s'y entassèrent silencieux et recueillis et durent rester debout durant les magnifiques mais longues cérémonies de la pompe liturgique bisontine. Nul ne rendra jamais le tressaillement de cette immense assemblée lorsque, sur la plate-forme du transept, les quatre-vingt-deux prêtres en surplis qui s'y étaient rangés, firent retentir le chant sublime des anciens bénédictins, cette prose du miracle imitée du Lauda Sion et dont saint Thomas d'Aquin n'eut point désavoué les beautés. Aussi ce fut au milieu du plus profond silence et d'une émotion facile à comprendre que le cardinal-archevêque monta en chaire, et «donna à toute la Comté une grande joie», a écrit son illustre biographe Mgr Besson, «en faisant la proclamation canonique du Miracle», conformément à la ratification récente par le pape Pie IX du décret des Rites, visant directement l'approbation des offices bisontins et implicitement le Miracle de l'an 1608 qui avait été l'objet d'un examen plus spécial.

Après les vêpres solennelles, le peuple vint baiser respectueusement la Sainte-Hostie. Rien ne saurait peindre, dit un témoin oculaire, la joie de nos populations toutes dévouées à l'Eucharistie ; c'était avec des larmes dans les yeux que les habitants de Faverney disaient : «Les anciens savaient bien ce qu'ils faisaient ; aussi, nous n'avions pas peur pour notre Miracle ! Maintenant on ne nous dira plus que n'est reçu que dans le pays». Le soir, Notre-Dame la Blanche fut fêtée à son tour. Les exercices du mois de Marie eurent lieu dans la chapelle miraculeuse, somptueusement restaurée et ornée depuis peu par la générosité des fidèles. Son Éminence y assistait et la foule remplissait le vieux temple. À la fin de l'office, le son des cloches, annonçant le Regina cœli, donna le signal d'une splendide illumination, spontanée et générale dans toutes les rues, sur toutes les places, des cordons de feu se dessinèrent, émaillant la chaumière du pauvre comme le château du riche. Nul ne voulut rester en arrière. Un brillant feu d'artifice sorti des ateliers du célèbre Ruggieri, vint mêler les détonations des bombes aux accords de l'airain vibrant du bourdon, et les crépitations des brillantes fusées annoncèrent au loin à tous les habitants de la vallée de la Lanterne et la gloire du Saint-Sacrement de Miracle et la reconnaissance de la ville de Faverney (43).

Une cérémonie si grandiose eut pour lendemain un redoublement de zèle du pasteur et un accroissement de générosité de la part des familles riches et aisées. Il restait à terminer l'ornementation de la Sainte-Chapelle et la restauration artistique du chœur ou de l'ancien presbytéral d'une mérite architectural incontestable. L'abbé Camuset se remit donc à l'œuvre, et le célèbre peintre-décorateur Menissier vint s'installer à Faverney. La voûte et les murs, le retable et l'autel reçurent les décorations les plus riches, selon les dessins de Viollet-le-Duc à Notre-Dame de Paris. Sous la première fenêtre gothique, près de l'entrée de la chapelle, on lit cette inscription en banderole : QUIS. POTEST. SIMILITER. SIC. GLORIARI ? Sous la seconde fenêtre, au-dessus de la pierre tumulaire de Jean II de Bourgogne, est peinte cette autre inscription : QUI. RECEPTUS. ES. IN. TURBINE. IGNIS. Le tableau qui orne le retable, représente la stupéfaction des bénédictins à la vue de l'ostensoir penché et suspendu au milieu de la fumée et des débris enflammés du reposoir. Il est beau et digne de la composition de Menissier. Sur le grand mur opposé aux fenêtres, l'artiste a pieusement peint à fresque, au côté de l'épître, la Cène avec cette inscription au-dessous en caractères gothiques : HOC. FACITE. IN. MEAM. COMMEMORATIONEM. Puis, au-dessus de la porte qui faisait communiquer la chapelle avec le presbytéral des moines et qui fut fermée jusqu'après la Révolution par la grande pierre tombale du prince Jean II, une jolie fresque reproduit le Buisson ardent de Moïse avec cette banderole : APPARUIT. MOYSI. DOMINUS. IN. FLAMMA. IGNIS. Toute cette gracieuse décoration fut terminée en 1866. Mais alors toutes les ressources étaient épuisées : les habitants et la commune s'étaient sacrifiés, et la somme de 70.000 frs avait été dépensée pour restaurer dignement le temple si vénérable du grand Miracle. Toutefois la Providence vint encore au secours de la foi du zélé et infatigable curé. Un jeune prêtre, noble d'origine et alors vicaire à Jussey, reçut du Ciel la pensée de préluder à ses futures libéralités pour les œuvres diocésaines en faisant don à l'église de Faverney de la chaire gothique en chêne sculpté. Ce fut la dernière joie de l'abbé Jean-Baptiste-Édouard Camuset. Depuis dix ans il s'était dépensé sans compter : sa couronne était prête. Hâtivement Dieu le rappela à lui. Il mourut le 25 avril 1871 : il n'avait pas encore atteint ses cinquante et un ans révolus (44).

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[Sources bibliographiques et Notes de bas de page.]

1. Lettre du pape Pie VII écrite en 1817 au cardinai Consalvi (Annales religieuses d'Orléans, 4 juin 1898). — Louis Monnier, Histoire de la ville de Vesoul, Vesoul, Bon, 1909, II, ch. XII. — Alfred Roussel, Un évêque assermenté, 1790-1802 : Le Coz, évêque d'Ille-et-Vilaine,..., Paris, Lethielleux, 1898. Claude Le Coz né le 22 décembre 1740 au village de Rodou-Glass, en Plonevez-Porzay, à 5 lieues de Quimper, fut d'abord évêque d'Ille-et-Vilaine assermenté 28 février 1791, puis métropolitain du Nord-Ouest, enfin 101e archevêque de Besançon (1802 à 1815), nommé par le pape Pie VII sur la demande de Bonaparte. — La Constitution de l'an VIII, élaborée selon les idées de Sieyès avec Roger Ducos et Bonaparte, après le coup d'État du 18-19 brumaire (9-10 novembre 1799), fut promulguée le 24 frimaire an VIII (15 décembre 1799) et mise en vigueur sur-le-champ par Bonaparte, désigné comme premier consul pour dix ans et ayant Combacérés et Lebrun pour collaborateurs.

2. Bibliothèque spéciale du chapitre de Besançon, vol. 747 (mandements de Claude Le Coz, vol. I.) — Cette même cérémonie avait eu lieu déjà à la cathédrale de Besançon, pour le département du Doubs, le 30 germinal an XI (20 avril 1803), et à Lons-le-Saunier pour le Jura, le 28 prairial an XI (17 juin 1803). L'archevêque avait placé dans les paroisses du Doubs 344 prêtres parmi lesquels étaient 36 ci-devant constitutionnels (lettre de Claude Le Coz au préfet du Doubs et à Portalis, 26 brumaire an XI, 17 novembre 1802). Dans les paroisses du Jura, il plaça 345 prêtres parmi lesquels 90 étaient d'anciens assermentés (lettre du 25 brumaire an XI, 16 novembre 1802). Pour la Haute-Saône, c'étaient 360 prêtres succursalistes à placer et dans ce nombre 117 avaient été constitutionnels ; en plus, il avait nommé 27 curés-doyens dont 9 étaient des assermentés (lettre du 7 pluviôse an XI, 27 Janvier 1803). Sur 1076 prêtres à placer dans le diocèse de Besançon, il y avait donc 821 prêtres insermentés et 252 assermentés ; Roussel, Un évêque assermenté, pp. 456 à 463. C'était la proportion d'un peu moins du quart.

3. Registre D1 N° 3, folios 53, 60, 62, 87, 90, 91, 112, 113, 125 et 127 ; Bulletin parossial de Vesoul, mai 1913 ; Tableau du clergé du diocèse de Besançon, 1832.

4. Registre D1 N° 3, folios 31 (15 messidor an IV, 3 juillet 1796), 50, 58, 90, 91, 110, 112, 125, 127 et 131.

5. L'abbé Joseph Morey, Notice historique sur Faverney et son double pèlerinage, Besançon, Jacquin, 1878, p. 130 ; l'abbé Charles Clerc, Rapport au préfet de Vesoul en 1890 ; Registre D1 N° 3, folios 52 (délibération du 17 Avril 1803) et 60. — Ce titre de 1050 francs a été donné en juillet 1711 à «la Confrairie dite de la Sainte-Hostie par Claudine Perrin de Buffignécourt estant depuis dix-huit ans a la basse-cour du monastère» (vieux registre à la cure de Faverney où se trouvent écrits «Status et Regles de la Confrairie dressée en l'Eglise Notre-Dame de Faverney a l'honneur de la Sainte-Hostie miraculeuse» 1721-1791).

6. Registre D1 N° 3, folios 52, 53 et 60.

7. Registre D1 N° 3, folios 43, 44, 58, 63 et 70. — 1435 voitures de pierres, fournies par 390 imposés, ont été placées sur ce chemin entre Faverney et Amance. — L'abbé Jacques-François Maugras avait été nommé par l'archevêque Claude Le Coz, curé de Mersuay où il est mort.

8. Registre D1 N° 3, folio 147 (15 mai 1811) ; Morey, Notice, p. 131 ; Bibliothèque spéciale du chapitre de Besançon, vol. 748 et 750 (mandements de Claude Le Coz, vol. II et IV).

9. Registre D1 N° 3, folio 137. — D'après Louis Suchaux, Galerie héraldo-nobiliaire de la Franche-Comté, Paris, Champion, 1878, II, p. 138, Roger de Lurion, Nobiliaire de Franche-Comté, Besançon, Jacquin, 1890, p. 629, et le Recueil de Peincédé aux archives de Dijon, B. 11785, p. 184, cote 96, la noble famille de Poinctes de Gevigney serait issue de la Champagne. À la montre d'armes du 30 mai 1414, sous les ordres de Jehan de Neuchâtel, siegneur d'Amance et de Montaigu, on trouve Philibert de Poinctes écuyer ; ses fils Jehan de Poinctes l'aîné et Estienne de Poinctes le cadet figurent comme écuyers dans les combats contre les Écorcheurs en 1442 et 1444 sous la direction du même Jehan de Neuchâtel. C'est vers 1448 que Jehan Ier de Poinctes s'etablit à Gevigney en Franche-Comté par son mariage avec Jacqueline de Gevigney, fille unique de Vuillaume de Gevigney et de Marguerite d'Angirey. Jusqu'à cette époque les armes de la famille de Poinctes étaient : d'or à trois lions de sable naissants, posés deux sur un ; une couronne de comte surmontée d'un dextrochère pour cimier et ayant pour supports un lion et un griffon avec le devise : FORTITVDINE. Depuis le mariage avec la dernière héritière de la noble famille de Gevigney, les armoiries des de Poinctes furent écartelées ainsi : au un et quatre, fascé d'or à cinq burettes de gueule, qui est de Gevigney. Jehan Ier de Poinctes eut pour fils Philippe de Poinctes de Gevigney, seigneur de Chaudenay en Champagne où il mourut en 1490. Il est mentionné en 1487 dans les archives de l'abbaye de Faverney par Dom Grappin, Mémoires sur l'abbaye de Faverney, Besançon, Daclin, 1771, p. 173. Antoine Ier de Poinctes de Gevigney, arrière petit-fils aîné de Jehan Ier, fut l'un des cent gentilshommes de la maison du roi de France Henri II ; c'est son fils cadet Nicolas, seigneur de Recologne, qui devint la souche de la branche des de Poinctes de Faverney ; et c'est Claude de Poinctes de Gevigney, seigneur de Mareilles et de Pisseloup, un de ses arrière-petits-fils, qui fut temoin de l'échange, fait en 1693 par Jean-François de Poinctes son cousin-germain, de sa seigneurie de Genevreuille contre celle de Bourguignon-lès-Conflans (Papiers du château de Bourguignon chez Mme Veuve Garret, propriétaire de l'abbaye restaurée). Claude de Poinctes de Gevigney mourut en 1770, peu de temps après le mariage, au 17 avril, d'Antoine de Poinctes de Gevigney, son fils, avec Louise Aumont de Voisey, fille d'un avocat du Parlement demeurant à Faverney, et possédant un domaine à Amance. C'était le père du comte Charles-Antoine de Poinctes de Gevigney, bienfaiteur de l'église du miracle. — Monnier, Histoire de Vesoul, II, ch. XII (Rapport du préfet de Vesoul aux archives nationales). — Registre D1 N° 3, folio 171 (20 février 1814).

10. Registre D1 N° 3, folios 170 et 171 ; Émile Mantelet, Histoire politique et religieuse de Faverney depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, chez l'auteur, 1864, p. 503.

11. Monnier, Histoire de Vesoul, II, ch. XII ; Registre D1 N° 3, folios 177, 178 et 179 (fin mars 1815 à 29 mai 1815).

12. Mantelet, Histoire, p. 503. — M. Mantelet en 1864 a interrogé à Faverney même un grand nombre de témoins oculaires encore existants et qui lui ont affirmé la vérité du fait prodigieux de l'incendie de 1815. — Morey, Notice, p. 131.

13. Monnier, Histoire de Vesoul, II, ch. XII ; Registre D1 N° 3, folio 181 ; Bulletin parossial de Vesoul, numéros de mai, juin, août et septembre 1913. — L'abbé Jean-Denis Bideaux fut installé curé de Vesoul dans le courant d'avril 1817. Nommé chanoine honoraire par Mgr Dubourg le 10 octobre 1833, puis chanoine-titulaire de 1er novembre 1841, il mourut à Besançon le 18 avril 1847 et son corps a été inhumé au cimetière de Bouclans (Doubs). — L'abbé Zacharie Colombot, grand-oncle de M. le chanoine titulaire Joseph Colombot, ancien professeur de Luxeuil et ancien aumônier de l'hôpital Saint-Jacques, était né à Conflandey vers Faverney, le 12 mai 1762. Vicaire à Breurel-lès-Faverney dont le curé était titulaire du décanat de Luxeuil, il évangélisa comme prêtre non-jureur les régions de Vesoul, de Morey et de Fays-Billot. Nommé curé de Polaincourt le 15 novembre 1803, ce ne fut pas sans de grandes difficultés qu'en février 1817 il fut agréé comme curé-doyen de Faverney, car on redoutait ses intransigeances d'ancien insermenté. — Déposition de l'ex-frère Romain Mignot dans Notes et documents, 2e éd., p. 221. — M. Claude-François Longchamp, ancien maire de Faverney et le sauveur de la Sainte-Hostie, mort chrétiennement vers 1815, doit être le grand père du savant archéologue de Vesoul, M. Charles-Léopold Longchamp, né à Faverney le 12 avril 1814. Élève au collège de Vesoul, étudiant en droit à Paris, il est devenu avocat à Vesoul, puis bâtonnier de l'ordre. Il mourut à Vesoul en 1864, laissant à la postérité : 1° Recherches historiques sur Vesoul dans les temps anciens ; 2° Inscriptions de cloches anciennes dans la Haute-Saône ; 3° Superstitions, préjugés et usages locaux en Haute-Saône ; 4° Découvertes et observations archéologiques en Haute-Saône de 1842 à 1860 ; 5° Revue épigraphique dans la Haute-Saône ; 6° Les Glanures ; et 7° Coup d'œil sur les institutions judiciaires qui se sont succédé à Vesoul depuis l'époque gallo-romaine jusqu'en 1789.

14. Note spéciale que m'écrivit le 28 juin 1913 M. le chevalier Pidoux et qu'il avait recueillie 1° auprès du notaire Guillauine, vieillard de 72 ans qui tenait ce renseignement de son père médecin et des docteurs Bolu, Meynier et Machard fils ; 2° dans un manuscrit intitulé Notes sur Dole de M. de Persan et appartenant à M. Brune, professeur au lycée de Lyon. — Déposition de l'ex-frère Romain Mignot dans Notes et documents, 2e éd., p. 221.

15. L'abbé Claude-François Pasquier, né le 6 juin 1713, «curé insermenté d'une conduite morale et politique excellente et exerçant très bien le saint ministère», fut curé de Corre au Concordat en 1803 et curé-doyen de Faverney le 1er janvier 1822 ; il mourut le 5 juillet suivant. Son successeur, l'abbé Antoine-Victor Petite, curé de Fleurey-lès-Faverney, administrateur de Faverney durant la maladie de l'abbé Pasquier, puis curé-doyen le 11 novembre 1822, démissiona le 17 septembre 1824. Je dois ces quelques rares renseignements à l'obligeance de M. l'abbé Paul Druot, archiviste diocésain. — Registre D1 N° 3, folio 218 (14 mai 1822). — Mantelet, Histoire, pp. 525 à 528. — La famille des Rebillot est originaire de Faucogney ; dès le XIVe siècle, elle possédait le petit fief d'Oroz. Vers 1600, un des membres de cette famille épousa à Luxeuil la sœur aînée du futur abbé Claude-Hydulphe Brenier, et plus tard vint se fixer à Faverney. Le jeune Paul Rebillot fut élevé à l'abbaye et fort pauvre, s'engagea à 18 ans comme simple soldat en 1786 dans le régiment de cavalerie Royal-Champagne. Sous-officier en 1789, incorporé au 5e hussards comme sous-lieutenant, il fit les campagnes de Belgique, de la Hollande et du Rhin sous les ordres du général Moreau, et fut promu chef d'escadron en 1802. Blessé dans une charge de cavalerie sous les ordres du général Murat, il fut élevé en 1806 au grade de lieutenant-colonel du 9e chasseurs à cheval. À la bataille d'Iéna contre les Prussiens, il est décoré de la croix de la Légion d'honneur sur le champ de bataille ; et en 1807, ayant enlevé 7 pièces de canon et fait 200 prisoniers sur les hauteurs de Kœndysberg, il reçoit la croix d'officier. Colonel en 1809, puis adjudant-général et chef d'état-major auprès du vieux maréchal de France duc de Valmy, il se distingua par son courage et son dévouement dans la retraite de Russie. À l'abdication de Napoléon Ier en 1813, il rentra dans la vie domestique à Faverney, se confinant pour toujours dans le modeste asile de ses ancêtres.

16. Mantelet, Histoire, II, p. 528 ; Registre D1 N° 3, folios 231 (8 et 28 juillet 1824), 233 et 234 (9 et 29 décembre 1824 et 7 janvier 1825). Le terrain de l'ancienne église, acheté par la commune à Mme Veuve Maillard, fut payé 1500 fr. ; il «se composait en son entier de 12 ares 13 centiares». C'est le 22 juin 1798 (4 messidor an VI) qu'avait été adjugée l'ancienne église Saint-Bénigne à Jean-François Barrot qui la céda en 1799 au citoyen Maillard huissier à Faverney. Celui-ci se construisit, avec les matériaux des démolitions qu'il fit un peu chaque année, une belle habitation dans le clos qu'il possédait auprès de la caserne de cavalerie. Elle appartient actuellement à M. Eugène Fleuriot. Vers la grande grille d'entrée, à droite on voit encore un chapiteau roman fort bien conservé et plusieurs pierres de taille sur la terrasse. Dans le mur du hangar, vers le quartier militaire, se trouvent enchâssés un petit chapiteau d'une colonnette romane et divers fragments de colonnes. Auprès de la maison, à l'angle du jardin potager, on m'a montré une pierre portant une inscription gothique qu'on croyait être la première pierre de l'église Saint-Bénigne. Mais M. l'abbé Brune, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey, archiviste éminent du Jura, m'écrit qu'après un examen long et minutieux cette pierre n'est qu'un «linteau de porte de maison» particulière et portant selon la coutume, cette sentence pieuse gravée entre deux T : QVI BIEN. FERA. BIEN. AURA ou QVI DIEV. AURA. BIEN. SERA. J'ai vu dans la salle à manger deux magnifiques panneaux en chêne sculpté, représentant les évangélistes S. Mathieu et S. Marc, et encadrés dans les anciennes boiseries du chœur de l'église Saint-Bénigne.

17. Registre D1 N° 3, folios 235 (1er février 1825), 253 (12 septembre 1827) et 264 (20 décembre 1829). — L'abbé Camus était né à Jussey en 1796 (Tableau du clergé, 1832).

18. Pour cet acte de l'abbé Doresmieux, voir au chapitre 3 en 3° partie. — Ancien catalogue conservé au presbytère de Faverney. — L'abbé Antoine Four, né à Arc-lès-Gray en 1798, alors curé de Jussey, devint plus tard curé de Gray où il mourut le 30 novembre 1864. Il fut mon bienfaiteur et je lui dois ma vocation sacerdotale. — Mantelet, Histoire, II, pp. 528 à 531. Le maire Paul Rebillot mourut subitement à l'âge de 66 ans. Son fils Charles, né en 1795, capitaine de gendarmerie en 1833 à Vitry-le-François, chef d'escadron en 1835 dans la gendarmerie de Paris, alors devenue garde municipale, se distingua dans la répression de l'émeute du 12 avril 1839, fut élevé au grade d'officier de la Légion d'honneur et était promu en 1845 colonel de la 1ere légion de la gendarmerie. Durant la révolution de 1848, il combattit vaillamment et mérita le poste de confiance de préfet de police du département de la Seine. Général en 1849, il fut nommé chef de la justice militaire au ministère de la Guerre et mourut du choléra à Ajaccio, en Corse, le 28 octobre 1855, dans sa tournée comme inspecteur-général de la gendarmerie. Il avait été nommé par le canton d'Amance membre du Conseil général de la Haute-Saône, et il portait la décoration de l'ordre du Lion de Bade, et de commandeur de celui de Sainte-Anne de Russie et de la Légion d'honneur. De plus, il était archéologue distingué et subtil connaisseur en gravures. Son fils Joseph-Paul-Alfred, né à Dijon en 1824, était déjà lieutenant d'artillerie en 1848 et seconda son père que les circonstances avaient chargé de la garde du palais des Tuileries. S'étant distingué à Paris lors du coup d'État du 2 décembre 1851, il reçut le titre de capitaine. Durant la guerre de Crimée, il prit part aux batailles de l'Alma et d'Inkermann et à l'assaut de Sébastopol où il fut blessé à l'épaule par un éclat d'obus et reçut la croix de la Légion d'honneur. Incorporée en 1855 à l'artillerie de la garde impériale, il fit la campagne d'Italie et devint général. En souvenir de ces héros militaires, la municipalité de Faverney a donné le nom de Rebillot à l'ancienne Grand' rue.

19. Sommaire de toutes ces indulgences, reconnu authentique par M. de Bouligney, vicaire général capitulaire, Besançon, 8 Janvier 1834, et déposé aux archives curiales de Faverney. Voir au n° XV des Notes et pièces justificatives le tableau détaillé des nombreuses indulgences accordées par les Souverains Pontifes Urbain IV (1264), Martin V (1429), Eugéne IV (1434), Paul V (1606), Clément X (1673), Innocent XI (1618), Innocent XI (1694) et Benoît XIV (1749). — Morey, Notice, pp. 131 et 132 ; Mantelet, Histoire, II, p. 504. — L'abbé Jean-Joseph Saguin, né à Fougerolles le 3 mai 1790, ordonné le 22 octobre 1815, curé de Sainte-Marie-en-Chanois en 1832, fut curé-doyen de Faverney le 13 octobre 1837. Il devint chanoine titulaire de la Métropole en février 1861 et mourut à Besançon le 25 décembre 1870.

20. Recueil des mandements de Mgr Paulinier, II, pp. 307 et 308 et note 1. — Compte rendu des travaux, p. 78 (Rapport de M. le chanoine Panier). — Monnier, Histoire de Vesoul, II, ch. XIII ; M. Mignet, Éloge d'Amédée Thierry, s.l., s.d. ; Jules Finot, Notice nécrologique sur M. Amédée Thierry, Vesoul, Suchaux, 1873 ; Archives de l'archevêché, procès-verbal rédigé le 30 octobre 1868 par M. le chanoine Saguin, ancien curé-doyen de Faverney, qui affirme l'authenticité du mot d'Amédée Thierry, préfet de la Haute-Saône depuis le 17 août 1830 au 4 novembre 1838 ; L'abbé Jean-Baptiste Bullet, Histoire manuscrite de l'abbaye de Faverney, p. 195.

21. Clerc, Rapport au préfet de Vesoul en 1890.

22. Morey, Notice, p. 132. — Clerc, Rapport : «ces travaux furent exécutés sous la direction de M. Boësvilvald, membre de la commission des Beaux-Arts». — Au bas de la bordure, dans un médaillon de la verrière absidiale au côté de l'épître, on lit : Omnia pro Deo et republicâ, 1851. Stat crux dûm volvitur orbis dûm. Baptiste Petit-Girard peintre-verrier. — Dans le médaillon de la verrière du côté de l'évangile, on lit : Emile Boësvilvald architecte du ministre de l'intérieur, 1851. Saguin curé. — Registre 2, folio 292 (2 fructidor an II, 19 août 1794). — Registre fabricien de Faverney (témoignage contemporain de M. Eugène Camus, âgé de 82 ans, ancien trésorier de fabrique).

23. Déposition au presbytère d'Amance et consignée dans le manuscrit 1296 de l'ancienne bibliothèque du chapitre de la Métropole, puis publiée dans Notes et documents, 2e éd., pp. 218 à 221 ; Mantelet, Histoire, p. 504.

24. Clerc, Rapport ; Mantelet, Histoire, p. 504 ; Morey, Notice, p. 131 ; Monnier, Histoire de Vesoul, IIIe partie, ch. XVe.

25. Mantelet, Histoire, pp. 504 et 506 ; Morey, Notice, p. 132. — Le chemin de fer de Paris-Langres à Vesoul avait été inauguré le 1er février 1858.

26. Mantelet, Histoire, p. 506 ; Morey, Notice, p. 133. — La ligne de la Cie des chemins de fer de l'Est, depuis Port-d'Atelier à Aillevillers et Plombières, fut ouverte le 4 février 1860.

27. Clerc, Rapport ; L'abbé Joseph Morey, Discours prononcé dans l'église de Notre-Dame de Faverney, le 11 août 1874, au pèlerinage du séminaire de Luxeuil, Besançon, Jacquin, 1874, p. 14. — Visite du vicomte Ch. de Rotalier en 1843 dans la Sainte-Chapelle de Faverney (Mémoires de l'Académie de Besançon, volume de 1844). — Registre des délibérations du conseil de fabrique de Faverney, 25 mars 1840.

28. Jules Gauthier, Notes archéologiques et épigraphiques sur l'église abbatiale de Faverney (Haute-Saône), Vesoul, Suchaux, 1894, p. 7. — En 1860, l'établissement de l'orgue de Faverney coûta 16.000 francs, somme à laquelle il convient d'ajouter 1600 fr. qui y furent dépensés en 1889 et 1912. Ce fut la maison si renommée de MM. Jacquot Jeanpierre et Ch. Didier, facteurs d'orgues à Rambervillers (Vosges), qui les construisirent.

29. L'abbé Jean-Baptiste-Édouard Camuset, né à Jussey le 29 mai 1820, ordonné le 10 septembre 1843, a été nommé curé de Blondefontaine (canton de Jussey) le 1er février 1853 et curé-doyen de Faverney en mai 1861. — Mantelet, Histoire, pp. 508 à 510. — Rosier de Marie, 28 septembre 1861, visite du R. P. Hermann à Faverney, pp. 512 à 565. — La modeste chapelle du petit village du Port-d'Atelier est située à un kilomètre de la station de la voie ferrée et dépend de la paroisse de Purgerot. Cet oratoire privé fut érigé dans les années 1849-1850 «en l'honneur de l'Immaculée Conception de la B. Vierge Marie par la dévotion et la reconnaissance de Jeanne Biot du Port-d'Atelier, à la suite d'un vœu fait sur le tombeau du Bienheureux Pierre Fourrier à Mattaincourt, duquel et conjointement avec l'intercession de la Ste-Vierge, cette jeune personne», à l'âge de 20 ans, fut guérie pendant la moisson de juillet, an 1844, de l'eczéma chronique et impétigineux. On n'y célébrait la messe qu'une fois par an, le 7 juillet, jour de la fête du saint curé de Mattaincourt. Jusqu'à l'année 1906, le pèlerinage du Port-d'Atelier était fort fréquenté par les fidèles de toutes les paroisses voisines, même du vivant de la fondatrice qui mourut en février 1890 à l'âge de 66 ans. Comme, selon l'acte officiel de la bénédiction de la chapelle le 31 mai 1850, «son père Jean Biot, sa mère Anne Disset et son frère Nicolas Biot se sont prêtés de cœur et d'affection à l'exécution de son pieux projet», il serait à souhaiter que ce pèlerinage du Port-d'Atelier fut bientôt rétabli et que l'oratoire, actuellement désaffecté et rendu au culte, devint un centre religieux et pour les habitants du village et pour la nombreuse population de la gare du Port d'Atelier aussi bien que pour l'établissement d'injection à Beauregard.

30. Dédicace écrite par le R. P. Hermann, le 1er mars 1851, au couvent des Carmes déchaussés d'Agen, en tête de son recueil de 40 nouveau cantiques, intitulé Amour à Jésus-Christ. — Notice sur la Vénérable Théodelinde Bourcin-Dubouché, en religion Mère Marie-Thérèse du Cœur de Jésus, fondatrice de la Congrégation de l'Adoration réparatrice.

31. Mantelet, Histoire, p. 511 ; Rosier de Marie, 28 septembre 1861, p. 514.

32. Mantelet, Histoire, p. 508 ; Rosier de Marie, 28 septembre 1861, pp. 514 et 515 ; Morey, Notice, pp. 131 et 133. — La grosse cloche actuelle fut bénite en 1862 par l'abbé Camuset, curé de la paroisse ; elle s'appelle Georgette-Armandine, en souvenir de Georges-Armand Druhot décédé ; le parrain fut l'ancien curé-doyen abbé Jean-Joseph Saguin, chanoine de la Métropole, et elle eut pour marraine noble Jeanne-Baptiste-Gabrielle Buson de Champdivers, douairière de M. le comte de Poinctes de Gevigney ; elle sort de la fonderie de Farnier Martin à Robécourt (Vosges).

33. Mantelet, Histoire, p. 536.

34. Mantelet, Histoire, pp. 538 à 540. — Léopold-Claude-Etienne-Jules-Charles Davout (duc d'Auerstadt et grand chancelier de la Légion d'honneur), Discours aux obsèques du genéral Détrie, s.l., s.d. ; M. le chanoine Payen, Discours au service funèbre à Faverney, s.l., s.d. — François-Joseph Détrie, né à Faverney le 22 octobre 1795, y est mort le 5 juillet 1862, à l'àge de 67 ans.

35. Davout, Discours ; Payen, Discours. — Mantelet, Histoire, pp. 538 à 540.

36. Mantelet, Histoire, p. 543.

37. Mantelet, Histoire, p. 544. — Payen, Discours. — Le poète favernéien, juge au tribunal de Vesoul, est Alexandre Bardenet, fils aîné de Claude-François Bardenet issu d'une des familles les plus anciennes et les plus estimées du pays. Avocat réquisitionnaire sous la République, élu deux fois maire en 1790 et 1795 par ses concitoyens, membre fondateur de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Haute-Saône en 1806, choisi par Napoléon Ier lors de la création des conseils d'arrondissement, Claude-François Bardenet mourut en 1833, emportant l'estime générale. Son fils aîné Alexandre, littérateur et poète, né aussi à Faverney, a écrit plusieurs jolies pièces de vers, entre autres : 1° Légende du chêne de la Belle-Dame (mort en 1859) ; 2° Épître à l'amitié ; 3° Souvenirs de la soirée du 24 avril 1860 à l'hôtel d'Albe, avenue des Champs-Elysées ; 4° Hommage au vainqueur du Borrego, au commandant Détrie ; 5° Adresse à l'empereur Napoléon III, en faveur de la Pologne ; 6° Campagne de Napoléon III en Italie ; 7° Portrait historique de l'Empereur ; et 8° Visite de l'impératrice Eugénie à l'empereur, aux eaux de Plombières (Mantelet, Histoire, pp. 528 et 532).

38. Davout, Discours, dans l'opuscule intitulé : À la mémoire du général Detrie 1828-1899, s.l., s.d., pp. 2 et 3.

39. Payen, Discours, pp. 15 et 17. — La mère du général Détrie, Marie Perrin, née à Lavoncourt en 1780, est décédée à Faverney le 1er mars 1873, âgée de 93 ans.

40. Davout, Discours, pp. 1 et 4 ; Payen, Discours, pp. 11, 16, 17 et 18. — La maison paternelle de la famille Détrie était située rue Buffon, n° 3 ; mais il est probable que le général est né à l'hôtel de l'Écu de France, car dans son acte de naissance son père est qualifié «d'aubergiste». — L'hôtel de l'Écu de France appartient maintenant à Mme Mathis, veuve du médecin, militaire inspecteur général Mathis. C'est pourquoi la rue qui va de la place des Casernes à la barrière du chemin de fer, a reçu le nom de général Détrie. Tous ces précieux détails sur le vainqueur du Borrego m'ont été fournis avec le plus grand empressement par M. le commandant Druais, ancien maire de Faverney. C'est grâce à sa bienveillance dont je lui exprime ici ma reconnaissance, que je puis indiquer qu'un des trois fils du général Détrie est actuellement colonel du 20e de ligne à Montauban.

41. M. l'abbé Louis Besson, Vie de Son Éminence le cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, Paris, Bray et Retaux, 1882, II, pp. 86 et 134. — Mantelet, Histoire, 514 ; Mandement de Mgr Paulinier pour le Carême 1878 ; Bibliothèque chapitre de Besançon, Ms. 1296 ; Morey, Notice, p. 135. — Le diocèse de Saint-Claude célèbre actuellement (1914) la fête de la Sainte-Hostie de Faverney le dimanche après l'octave de la Fête-Dieu.

42. Mandement de Mgr Paulinier en 1878. — Morey, Notice, pp. 135 et 136 ; Mantelet, Histoire, pp. 514 et 515 ; Compte rendu du congrès de 1908, pp. 229 et 230 (Rapport de M. le curé-doyen de Champlitte).

43. Morey, Notice, pp. 136 et 137 ; Mantelet, Histoire, pp. 516 à 520 ; Rosier de Marie, 4 juin 1864, pp. 260 à 262 ; Besson, Vie du cardinal Mathieu, II, p. 170. — Le cardinal Mathieu rédigea lui-même le procès-verbal de la cérémonie et 50 prêtres le signèrent après Son Éminence, le vicaire général Perrin, le curé-doyen Camuset et le maire Charles Druhot.

44. Clerc, Rapport ; Morey, Notice, pp. 136 et 137. — La chaire actuelle, sculptée en chêne dans un style gothique moins sévère que celui du chœur, a été commandée à Baldauf, artiste bien connu de Besançon, par l'abbé Camuset pour la somme de 2000 fr. que versa généreusement, en 1869, le futur prélat Mgr Henri Sallot de Brobèque, né en 1844 à l'Isle-sur-le-Doubs, vicaire d'abord à Jussey, puis curé de Fleurey-lès-Faverney, curé d'Arc-lès-Gray, curé-doyen de Luxeuil, chanoine titulaire de la cathédrale de Besançon, vicaire général et chanoine honoraire de nombreux diocèses, enfin prélat de la maison du pape avec la dignité de protonotaire apostolique ad instar participantium, qui est la plus haute des prélatures. — J'ignore encore ce qu'est devenue l'ancienne chaire des bénédictins : ce n'est pas, m'a-t-on affirmé, celle de l'église de Jussey. — Voici la traduction des inscriptions de la Sainte-Chapelle : 1° Qui donc peut se glorifier ainsi ? ; 2° Celui qui a demeuré dans un tourbillon de flammes. ; 3° Faites ceci en mémoire de moi. ; 4° Le Seigneur apparut à Moïse dans une flamme de feu.


«Faverney, son abbaye et le miracle des Saintes-Hosties» :
Table des Matières ; Lexique ; Carte ; Cinquième Partie — Chapitre 2

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]