DISCOURS,
PRONONCÉ À BOURGES,
SUR L'AUTEL DE LA PATRIE.
Le 5 juillet 1793, l'an 1er de la République Française.
PAR PIERRE-ANASTASE TORNÉ,
PRÉSIDENT DU DÉPARTMENT DU CHER,
Après la proclamation de L'ACTE CONSTITUTIONNEL ;
En présence des corps constitués et des citoyens de la même ville ;
IMPRIMÉ PAR ORDRE DU DÉPARTMENT.
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CITOYENS,
IL arrive enfin le règne de la loi, et avec elle la règne de la liberté. La
Constitution du peuple français vient enfin terminer l'anarchie qui menaçait
d'en dévorer une partie et d'asservir l'autre. Il va passer enfin ce temps
orageux, qui s'écoule toujours entre l'insurrection d'un peuple qui reprend ses
droits et une constitution qui les affermit.
Oui, voici le moment où le fort de la nation française est dans ses mains,
et où son repos, sa liberté, son bonheur, dépendent d'un acte pur et
simple de sa volonté souveraine.
Empressons-nous d'accepter la continuation, cet inappréciable bienfait de la
Convention nationale ; et les troubles intérieurs vont finir aussitôt ; les
despotes coalisés, désespérant de diviser une nation qui réunie est invincible, fuiront nos frontières ; nos frères d'armes vainqueurs,
viendront jouir dans nos embrassements des honneurs civiques et des
bienfaits de la patrie reconnaissante ; des administrateurs égarés en divers
lieux de la république, par d'aveugles ressentiments, rougiront d'avoir mis
dans la balance le fort de quelques individus grièvement accusés, avec le salut
de la patrie : ils frémiront d'avoir ainsi mis en péril la liberté, au lieu
d'ajourner le jugement des factieux, quelque part qu'ils se trouvent, au temps
où la France n'aurait plus au-dehors d'ennemis à combattre.
Acceptons cette constitution libératrice ; et le servile royaliste, honteux
de sa bassesse, bientôt comme nous détestera les tyrans ; et l'ambitieuse
intrigue du fédéraliste aimera bientôt à se confondre dans l'unité qui fait la
force des républiques, en leur donnant de l'ensemble ; et le souffle
tout-puissant de l'esprit public aura bientôt éteint les torches du fanatisme ;
et dans la Vendée, les brandons de la guerre civile ne tarderont pas à
s'amortir dans un déluge de pleurs versés sur d'innombrables victimes de la
superstition et de la rage des prêtres.
Acceptons cette constitution vraiment salutaire [1], et cette heureuse époque
sera la fin des factions turbulentes, des attentats contre les personnes, des
proscriptions horribles, des violations atroces du droit sacré de la propriété,
de l'excès des taxes arbitraires, mais justifiées par la nécessité publique. Cette
heureuse époque sera la fin des atteintes portées à la liberté individuelle,
par une surveillance ombrageuse, des mesures effrayantes de sûreté générale,
souvent prises hors de la loi, et dont on ne voit pas le terme, quand on ne
voit pas celui de la révolution. Ils finiront enfin à cette époque, les dangers du
pillage et des massacres, effets terribles de la colère d'un peuple
désespéré par des revers, aigri par de grands besoins, ou soulevé par des agitateurs.
Non, il n'est pas de classe de citoyens qui n'ait le plus grand intérêt à se
rallier autour d'une constitution qui seule peut ramener le bon ordre, la paix
et la sûreté publique. S'il est donc quelque âme féroce qui, sous prétexte
de vouloir une constitution meilleure à ses yeux ou plus favorable à ses vues,
se plaise à prolonger les horreurs de l'anarchie, de la guerre civile et des
calamités inséparables d'une longue révolution, ah ! citoyens, je vous dénonce
ce monstre insocial comme digne de l'exécration publique. Le scélérat ! il
voudrait voir les restes de sa patrie en cendres ; il n'a pas vu encore assez
de Français périr sous ses yeux ; la liberté nationale ne lui paraît pas avoir
couru assez de dangers ; il n'est pas encore rassasié de carnage ; la nation
lui paraît encore opposer aux tyrans coalisés trop de vigueur, il veut que son
sang coule jusqu'à ce qu'elle soit affaiblie au point de ne pouvoir repousser
les fers dont on veut l'accabler !
Loin de nos assemblées primaires, ces pestes publiques ! Fiers républicains,
Français dignes de ce grand nom, foudroyez de vos regards, accablez de vos
mépris ces contre-révolutionnaires barbares, s'ils osent siéger parmi vous :
que leurs blasphèmes politiques expirent sur leurs lèvres ; en vous entendant
proclamer à cris redoublés la Constitution républicaine qui vous est présentée,
les bases immortelles de la liberté et de l'égalité, sur lesquelles elle est
établie, l'unité, l'indivisibilité de cette belle république et du corps
législatif. Confondez ces anarchistes, long-temps déguisés fous d'iniques
imputations d'anarchie, faites aux amis de la liberté fondée sur les lois :
comparez pour cela les troubles que fomente la minorité actuelle de la Convention à
l'heureuse révolution, dont une constitution excellente a été le prompt
résultat : que dans le silence de leur rage impuissante, ils entendent la voix du souverain
leur commander impérieusement de souscrire ou de fuir le contrat social.
Qu'ils s'écartent donc des limites de ce département paisible et fidèle,
tous émissaires de corps administratifs, infectés de quelque opinion favorable
au fédéralisme ou à la royauté, ils ne trouveraient parmi nous que des hommes
idolâtres de la république, une, indivisible, populaire, et décidés à mourir
en la défendant.
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À BOURGES, de l'Imprimerie de B. CRISTO, Imprimeur du Département du Cher.