«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 3


CHAPITRE 3. — Assemblée générale du clergé de 1775. — Pierre-Louis nommé agent général du clergé. — Subsides au roi Louis XVI. — Avertissement aux fidèles. — Il signe la demande de canonisation d'Alain de Solminihac, abbé réformateur de Chancelade de 1639 à 1659. — Affaires de discipline et de juridiction. — Assemblée générale du clergé de 1780. — Proposé au roi par l'assemblée pour un évêché. — Notes de bas de page.


L'assemblée générale du clergé de France de 1775 s'ouvrit à Paris au couvent des Grands Augustins, le 3 juillet, et ne se termina que le 13 décembre. Les présidents furent l'archevêque-pair de Reims, cardinal Charles-Antoine de La Roche-Aymon, trois autres archevêques et quatre évêques auxquels l'archevêque de Paris fut prié de s'adjoindre.

À cette assemblée se trouvaient : Henri-Joseph-Claude de Bourdeille, évêque de Soissons depuis 1764, né dans le diocèse de Saintes en décembre 1720, doyen et premier suffragant de la province de Reims ; Germain Chasteigner de La Chastaigneraie, évêque de Saintes, comte de Lyon, conseiller du roi en tous ses conseils, auquel La Rochefoucauld devait succéder ; et Jean-Mathieu Delord, licencié en droit canonique, official et vicaire générale de Saintes, titulaire du prieuré de Javersay au diocèse de Luçon, qui fut aussi son vicaire général.

Le 5 juillet l'assemblée le reçut pour agent général avec l'abbé de Jarente choisi par la province de Toulouse ; et bien qu'ils n'eussent pas de droit voix délibérative dans les séances, néanmoins la compagnie leur accorda cette faveur. L'archevêque de Rouen et l'évêque de Bayeux, Pierre-Jules-César de Rochechouart, les présentèrent au garde des sceaux, Armand-Thomas Hue de Miromesnil, qui les accueillit très bien et leur accorda leur entrée au conseil.

Une des premières questions dont l'assemblée eut à s'occuper fut celle d'argent. Le clergé, en 1772, avait accordé au roi un don gratuit de dix millions de livres, à la condition que ce ne serait qu'une anticipation sur les demandes qui pourraient être faites trois ans plus tard. Mais des calamités imprévues avaient ravagé plusieurs provinces. Le sacre de Louis XVI, l'établissement de sa maison et de celle de ses frères avaient causé des dépenses extraordinaires. Le roi demanda donc, le 13, un nouveau don gratuit de 16 millions. La province d'Auch objecta bien que, depuis 1755, le clergé avait emprunté 94 millions 500 mille livres ; et que, sans parler des dettes particulières des diocèses, il devait encore 97 millions, ce qui avec les 10 millions de 1772 ferait plus de 113 millions. Néanmoins, vu les bonnes intentions de Sa Majesté, et dans le désir de concourir d'ailleurs à la diminution des impôts et de la dette publique, les provinces accordèrent à l'unanimité la somme de 16 millions, ce qui prouve clairement que, dans l'ancien régime, le clergé ne payait pas d'impôts. C'est l'abbé de La Rochefoucauld qui fut chargé de porter cette bonne nouvelle à Versailles. Introduit par le maréchal de Duras, premier gentilhomme de la chambre, il remit à Louis XVI la lettre du cardinal de La Roche-Aymon, et en rapporta une lettre de remerciement.

Ce ne fut pas la seule fois qu'il vit le roi. Le 3 décembre, il lui fut envoyé pour savoir à quelle heure il recevrait l'assemblée à l'occasion de la clôture de ses séances. Et le 7, il lui fut encore député.

Avec les archevêques et évêques il avait signé, le 21 novembre, un Avertissement aux Fidèles sur les avantages de la Religion chrétienne et les effets pernicieux de l'Incrédulité. Ce que la religion procure aux hommes, y lisait-on, c'est le repos de l'esprit dans la connaissance de la vérité; c'est le sentiment intérieur de la vertu ; c'est le frein du vice et le remords du crime ; c'est la rémission des péchés, la consolation dans les maux, l'espérance de l'immortalité ; c'est l'ordre public dans la société civile, tous avantages que l'incrédulité ne peut donner. Cet avertissement se terminait par une exhortation d'abord aux personnes qui doutent, puis à celles qui prétendent être véritablement incrédules, enfin aux véritables fidèles (1).

Le 7 décembre, Pierre-Louis de La Rochefoucauld alla, avec l'abbé de Jarente, présenter au roi, à la reine et à la famille royale, puis à Mme Louise de France, qui était à Saint-Denis, cette exhortation aux catholiques et une condamnation des livres impies. S'ils avaient pu lire l'avenir, de quelle douloureuse tristesse eussent été saisis tous ces personnages ! Ils ne se doutaient pas alors que ces effets de l'incrédulité qu'ils signalaient si prophétiquement devaient être les Carmes et la place Louis XV, la pique d'un forcené et le couperet de Sanson.

Les prélats ne se contentèrent pas d'une homélie. Le 4 décembre, ils condamnaient un certain nombre d'ouvrages. «Considérant, disaient-ils, que, depuis plusieurs années, il se répandit une multitude de livres impies dans lesquels on s'efforçait d'effacer de l'esprit des peuples toute impression de religion et de vertu», l'assemblée de 1765 avait cru «devoir élever la voix contre ces téméraires productions et flétrir celles qu'une funeste célébrité ou un plus haut degré de perversité rendrait plus dangereuses, par une condamnation qui en fît connaître le danger aux fidèles, et les prévînt contre le poison qu'elles renferment.»

Donc on condamnait : Le christianisme dévoilé, du baron d'Holbach (1766) ; L'antiquité dévoilée par ses usages, de Boulanger (1766); Le sermon des cinquante, de Voltaire (1776) ; L'examen important, «attribué... au lord Bolingbrooke» (1767) ; La contagion sacrée, du baron d'Holbach (1768) ; L'examen critique des anciens et nouveaux apologistes du christianisme ; La lettre de Thrasybule à Leucippe, de Frérat (composé vers 1720, publié posthumement en 1765) ; Le système de la nature, du baron d'Holbach (1770) ; Le système social, du baron d'Holbach (1770) ; Les questions sur l'encyclopédie, de Voltaire (1770) ; De l'homme ; L'histoire critique de la vie de Jésus-Christ ; Le bons sens, du baron d'Holbach ; L'histoire philosophique des établissements des Européens dans les deux Indes, de l'abbé Raynal (1770), qui ne l'avait pas d'abord signé, tous «comme contenant des principes respectivement faux, injurieux à Dieu et à ses augustes attributs, favorisant ou enseignant l'athéisme, pleins du poison du matérialisme, anéantissant la règle des mœurs, introduisant la confusion des vices et des vertus, capables d'altérer la paix des familles, d'éteindre les sentiments qui les unissent, autorisant toutes les passions et les désordres de toute espèce,» etc.

Il est important de remarquer ce langage. D'année en année dans ce dix-huit siècle, le clergé, dont la mission constante est de combattre la dépravation des mœurs et le libertinage d'esprit, fait entendre une voix plus grave, des exhortations plus pressantes et montre des craintes plus vives. La crise approche.

Après avoir été présentés au roi, cet avertissement et cette condamnation furent adressés à tous les chefs des diocèses de France. On leur recommandait d'en faire l'usage qu'ils jugeraient convenable, et de s'unir pour ramener à Dieu ou pour confondre ses ennemis les plus déclarés. L'abbé de La Rochefoucauld, plus tard, quand il eut charge d'âmes, ne manqua pas à ce devoir. Nous le verrons lutter contre l'impiété et essayer des réformes.

Une cause importante lui fut confiée. Il s'agissait de la canonisation d'Alain de Solminihac, dont le clergé de France s'occupait depuis longtemps (2).

L'abbé de Chancelade, nommé en 1636 évêque de Cahors par le cardinal de Richelieu, avait pris possession en 1639 et était mort le 31 décembre 1659, après avoir montré la piété la plus vive, le dévouement aux pauvres le plus actif et le zèle le plus admirable pendant la peste qui ravagea son diocèse en 1652 et 1653. Or, depuis plus d'un siècle, la mémoire du réformateur de Chancelade était vénérée dans le Quercy et les contrées limitrophes. Plusieurs évêques des provinces de Bordeaux et d'Albi, animés d'un zèle édifiant, excités par le désir des fidèles, avaient sollicité plusieurs fois les bons offices des assemblées du clergé pour obtenir du souverain pontife la canonisation d'un évêque mort en odeur de sainteté (3).

L'abbé de La Rochefoucauld, chargé de s'occuper de cette affaire, vint mettre, le 10 novembre, tous ces faits sous les yeux de l'assemblée. Il ajouta que les pièces nécessaires avaient été scellées le 4 septembre. L'archevêque de Toulouse, Étienne-Charles Loménie de Brienne, président du bureau de la religion et de la juridiction, fit le rapport ; et sur ses propositions, l'assemblée conclut que le receveur général du clergé paierait les frais faits à Rome ; que le cardinal de La Roche-Aymon prierait le cardinal de Bernis, ambassadeur à Rome, de choisir un solliciteur ; qu'enfin il serait témoigné au pape le vif intérêt que l'Église de France prenait à cette cause.

On ne la perdit pas de vue. Cinq ans après, le 2 octobre 1780, Pierre-Louis contresignait une nouvelle lettre au pape, préparée par l'évêque de Nevers, Jean-Antoine Tinseau, pour lui rappeler les vœux déjà exprimé par l'Église de France (4).

Cette demande, à laquelle il est si glorieux que notre évêque ait attaché son nom, fut encore une fois rappelée à l'assemblée de 1782. Depuis, d'autres événements survinrent, et la tentative n'eut pas de résultat. Voilà comment aucun évêque de France nommé depuis le concordat de François 1er, n'a été canonisé.

Pendant les cinq années de leur charge de 1775 à 1780, l'abbé de La Rochefoucauld, avec son collègue, l'abbé de Jarente, eut à traiter diverses affaires qu'il serait trop long d'énumérer, et qu'il eut la gloire de mener à bonne fin : défense faite, le 10 mars 1776, enregistrée au parlement de Paris le 21 mai, d'inhumer dorénavant dans les églises, coutume pieuse dégénérée en abus, et généralement blâmée ; obligation pour les dévolutaires d'abord de déclarer les noms et qualité du bénéfice et du titulaire qu'ils se proposaient de déposséder, ainsi que le genre d'indignité et d'incapacité qu'ils entendaient lui opposer, ensuite, de consigner 1200 livres, au lieu de 500, pour chaque dévolu dont ils auraient obtenu provision ; obstacle à l'avidité de certains ecclésiastiques qui, voulant obtenir un bénéfice convoité, ne trouvait rien de mieux que d'accuser le titulaire d'indignité ; cassation par le roi d'un arrêt du parlement de Dijon (28 août 1774), qui donnait l'institution canonique refusée par l'évêque de Châlons, Le Clerc de Juigné de Neuchelles, à Claude Odoley, prêtre du diocèse de Saint-Claude, pourvu sur résignation de la cure de Saint-Étienne en Bresse ; arrêt du conseil d'état privé du roi (14 février 1780), cassant un arrêt du parlement de Bordeaux (25 janvier 1779), qui avait prononcé contre des provisions en cour de Rome obtenues par Bertrand Laburthe, curé de Saint-Cricq du Parc, diocèse de Dax, auparavant chanoine de Bassoues, permutant avec Bertrand Légas, titulaire de cette cure ; autre arrêt du conseil privé (16 mars 1778) annulant l'arrêt (17 mars 1775) du parlement de Paris contre l'archevêque de Paris, Christophe de Beaumont, en faveur de Jean-Baptiste Baslid de La Vernhe, trésorier de la Sainte-Chapelle de Vincennes, qui s'arrogeait une juridiction quasi-épiscopale ; arrêt du même conseil (30 mars 1778) mettant à néant une ordonnance de l'intendant de La Rochelle (15 mars 1778), et donnant raison au prieur de Saint-Michel d'Ozillac et de Médis (5), Jean-Baptiste de Gasse, clerc tonsuré, dans ses contestations pour le premier de ces bénéfices sur les dîmes novales, avec le vicaire perpétuel de Saint-Michel d'Ozillac, Jacques Gazel, dont le revenu ne s'élevait qu'à 1200 livres. L'intendant de La Rochelle, par ordonnance du 15 mars 1777, avait débouté le prieur de sa demande ; mais le conseil, par décision du 30 mars 1778, lui donna raison (6) ; arrêt du conseil d'état, 17 septembre 1778, supprimant le Mémoire à consulter du chapitre de Poitiers contre l'évêque, Martial-Louis de Beaupoil de Saint-Aulaire, comme plein «d'imputations fausses, injurieuses et contraires au respect dû par le dit chapitre audit sieur évêque», à propos du revenu des prieurés de Niort et de Notre-Dame d'Alloüe unis dès 1760, à la mense du chapitre et réunis à la mense épiscopale en dédommagement de l'abbaye de Charroux cédée par le roi au chapitre de Brioude.

Les agents envoyèrent ce jugement dans tous les diocèses. «Nous devions cette démarche, disent-ils, à la réputation de monseigneur l'évêque de Poitiers si cruellement calomnié ; nous la devions à l'honneur de tout l'épiscopat qui se trouvait compromis par une accusation aussi flétrissante.»

Nous n'insisterons pas sur la multiplicité des affaires confiées à Pierre-Louis de La Rochefoucauld (7).

Le rapport qu'il en rédigea comprend 172 pages et les pièces justificatives 446. Cela suffit pour apprécier l'importance de ce document. Aussi, à l'assemblée qui s'ouvrit le 29 mai 1780, quand l'abbé de La Rochefoucauld et l'abbé de Jarente eurent achevé, le 2 août, la lecture de leur rapport, le président leur témoigna «au nom de l'assemblée combien elle était satisfaite de leur travail». Et le 27 novembre, l'évêque-comte de Dol, Urbain-René de Hercé, nommé avec le vicaire général de Vienne, Aimé-François de Corbeau de Saint-Albin, pour examiner les pièces justificatives de ce rapport, s'exprima ainsi : «Vous nous avez chargés de faire la vérification des pièces justificatives de MM. vos agents. Nous les avons trouvées recueillies avec tant d'ordre et d'exactitude que l'attention que nous avons apportée à cet examen, n'a servi qu'à nous convaincre de plus en plus de leur zèle pour les intérêts du clergé. Vous avez vu, par le compte qu'ils vous ont rendu de leur agence, avec quelle activité ils ont suivi, tant au conseil que dans les différents bureaux, toutes les affaires qui paraissaient exiger leur intervention. Vous avez même daigné couronner leurs succès par vos éloges et vos applaudissements ; et ce témoignage flatteur de votre satisfaction ne nous permet pas de douter que vous ne vous portiez, suivant l'usage, à faire imprimer, à la suite de leur rapport, les pièces justificatives qui y sont jointes, et dont la collection précieuse est trop intéressante pour le clergé pour ne pas tenir une place distinguée dans vos archives.»

Ce ne fut pas la seule preuve de considération qu'il reçut de la haute assemblée. Le 31 mai 1780, le clergé choisissait pour président le cardinal Dominique de La Rochefoucauld, chez qu'il s'était réuni le 29, comme le premier par son ancienneté et sa dignité. C'est Pierre-Louis de La Rochefoucauld qui fut nommé secrétaire. Spectacle touchant qu'un grand nom, si noblement porté, soit ainsi deux fois acclamé par l'assemblée la plus éminente du clergé français. Presque aussitôt après l'ouverture de la session, Pierre-Louis tomba malade. Cette indisposition fut une nouvelle occasion pour l'assemblée de lui témoigner son estime. Le 10 juin, elle lui députa Jean-Louis d'Usson de Bonnac, évêque d'Agen, et Armand-Joseph de Rangouse de Beauregard, vicaire général du même diocèse, pour lui témoigner la part que la compagnie prenait à son indisposition, marque précieuse d'intérêt dont, le 20 juin, il vint lui-même remercier l'assemblée. Ce même jour, il annonça à l'assemblée que, de concert avec l'abbé de Jarente, il avait accordé provisoirement à Nicolas Houdelette, la place de courrier du clergé, et le 28 septembre, il fit accepter comme futur successeur de Guillaume Desprez, imprimeur du clergé, François-Ambroise Didot, qui avait obtenu de l'assemblée de 1775 la permission de lui dédier une nouvelle édition de le bible. Car, disait La Rochefoucauld, «il nous a paru réunir la probité, l'intelligence, la capacité et toutes les qualités qui peuvent déterminer votre choix et lui mériter la préférence. Il joint à des talents rares un zèle infatigable pour la perfection de son art et nous le regardons comme le plus capable de remplir de la manière la plus satisfaisante la place que vous lui confierez (8).»

Ce fut lui aussi qui, le 28 septembre 1780, émit l'idée d'accorder aux députés du second ordre la collection des procès-verbaux comprenant neuf tomes et la table. Lui-même eut, avec la médaille commémorative du sacre de Louis XVI, un exemplaire de cet ouvrage qu'il fit, devenu évêque, magnifiquement relier à ses armes et que nous avons eu le bonheur d'abord d'acquérir pour la bibliothèque de Saintes, puis de sauver de l'incendie du 11 novembre 1871 (9).

Enfin, l'assemblée accorda à M. de la Rochefoucauld et à M. de Jarente, outre la gratification ordinaire de 27 mille livres, une somme de quatre mille livres «pour les dédommager des dépenses considérables que leur état exige dans cette capitale et qui augmentent tous de jour en jour.» Puis, ne voulant pas se borner «à donner des témoignages purement pécuniaires de sa satisfaction,» elle pria le cardinal de La Rochefoucauld, son président, «de vouloir bien faire, au nom de l'assemblée, les démarches les plus pressantes en faveur de messieurs les agents». «Leur naissance, leur mérite, leurs talents, avaient dit les commissaires, vous feront sûrement désirer qu'il plaise au roi de les élever aux premières places de l'église ; et les grâces qu'ils recevront de sa majesté acquerront un nouveau prix, lorsqu'elles seront provoquées par le vœu unanime d'une assemblée qui s'est attiré la confiance et la vénération publique par la sagesse de ses délibérations (10).»

Certes, il y a lieu d'être fier d'une pareille recommandation. L'assemblée tout entière du clergé demandait au roi «de les élever à des places qui pussent les mettre à portée de rendre de plus en plus leurs talents utiles au clergé.» C'était clairement réclamer pour eux un évêché. Et le président était prié d'engager l'évêque d'Autun, Yves-Alexandre de Marbœuf, comte de Lyon, ancien vicaire général de Rouen, qui depuis 1777 tenait la feuille des bénéfices, «à faire connaître au roi combien l'assemblée était satisfaite de leur travail, et combien elle désirait ardemment de voir leur mérite récompensé». Si quelquefois évêchés et abbayes ont été le prix de l'adulation, distribués par la faveur ou le caprice, en cette circonstance il n'en était pas ainsi. Et quand, un peu plus tard. on parlera de favoritisme et de népotisme, qu'on opposera sans justice l'évêque élu par le peuple au prélat choisi par la cour, nous pourrons, devant les 212 suffrages d'une assemblée électorale où il y avait des protestants, citer la présentation faite par dix évêques, six archevêques et autres ecclésiastiques députés de toutes les provinces de la France.

_____________________________________

[Notes de bas de page.]

1.  Procès-verbaux des assemblées générales du clergé de France depuis 1560 ; Pièces justificatives (tome VIII, 2è partie, p. 715).

2.  Alain de Solminihac, né le 25 novembre 1593 d'un gentilhomme du Belet, près de Périgord Noir (Dordogne), mort évêque de Cahors le 31 décembre 1659, entré chez les chanoines réguliers de l'abbaye de Chancelade dont il fut élu abbé en 1625, il y avait établi une réforme austère, malgré les obstacles des anciens religieux qui se décidèrent à se retirer dans leurs prieurés. C'est ainsi que l'abbaye de Sainte-Marie de Sablonceaux, fondée près de Saintes, en 1136, par Guillaume, duc d'Aquitaine, fut réformée et conserva toujours pour lui une si grande vénération que ses moines se disaient enfants d'Alain de Solminihac.

3.  En 1670 et 1690, le clergé n'avait pu voter les subsides nécessaires. L'assemblée de 1700, écrivit bien sur ce sujet à Innocent XII. Mais les formalités préliminaires n'avaient pas été observées en France, et la congrégation des rites ne put à Rome rien entreprendre. À l'assemblée de 1765 l'affaire, qui en était restée là, fut de nouveau remise en question par l'abbé de Solminihac, arrière-petit-neuveu d'Alain. Deux obstacles étaient à l'ignorance des formes juridiques à observer dans les causes de canonisation, et l'idée qu'on se formait des frais énormes qu'elles entraînaient. L'archevêque de Toulouse traça la route à suivre, et expliqua que les dépenses, considérables il est vrai, étant réparties sur vingt-quatre ou vingt-cinq ans, fussent-elles de cent mille écus, ne s'élèveraient qu'à 15000 livres par an, somme modique eu égard à ce qui en résulterait d'honneur pour le clergé et de bien pour la religion. Le 1er juillet 1766, on avait décidé que les frais à faire pour la procédure à Rome seraient supportés par le clergé entier. La congrégation de Chancelade s'était engagée à supporter les dépenses pour les préliminaires en France.

Le 27 août 1770, l'assemblée avait chargé le cardinal de La Roche-Aymon, son président, et les agents de veiller à ce que les informations commencées en France fussent finies et envoyées à Rome. Ce qui avait été fait. À ce moment Desvergnes, prieur de la congrégation de Chancelade, procureur de la cause, remit à l'assemblée le dossier complet des procédures. On avait rempli les formalités requises, et suivi exactement la marche suivie par les Lazaristes dans la canonisation de saint Vincent de Paul.

4.  Procès-verbal de l'assemblée générale du clergé de l'année 1780 (p. 931) :

«Beatissime Pater, auvidit Sanctitas Vestra Cleri Gallicani supplicationes pro exaltatione venerabalis servi Dei Alani a Solminiac, Episcopi Cadurcencis, easque religioso favore excepit. Opus felicibus auspiciis cœptum jam prosequimur, informationes, ex mandato vestro, summa diligentia, nec minori fide peractas, Apostolico judicio subjicientes.

Heroicas venerabilis viri virtutes gravissimi ac certissimi testes omnis conditionis laudant ; labores pro catholica fide adversus hæreticos, pro christiana pietate adversus doctrinæ moralis corruptelas jugiter impensos perpertua et constans fama celebrat ; quin etiam Deus ipse signis et prodigiis contestari non dedignatus est, uti ex adjunctis actis patet.

His confisi, Beatissime Pater, fore speramus, ut beneficio vestro, novum hoc decus Ecclesiæ Gallicanæ accrescat, quo et exultet ipsa et filiorum ejus corda, tanto domestici exempli fulgore excitata, ad æmulationem magis ac magis accendantur. Hoc orant, hoc efflagitant cum apostilica benedictione, Beatissime Pater, Sanctitatis Vestræ obsequentissimi et devotissimi filii Cardinales, Archiepiscopi, Episcopi aliique Ecclesiastici viri in Comitiis generalibus Cleri Gallicani congregati.

Signatum X D. Cardinalis de La Rochefoucauld, Præses.

De mandato Eminentissimorum ac Illustrissimorum Cardinalium, Archiepiscoporum, Episcoporum totiusque Cætus Ecclesiastici Cleri Galliæ nomine congregati.

Signatum : de La Rochefoucauld, antiquus Cleri Gallicani procurator, a secretis.

Lutetiæ Parisiorum, die 2 mensis octobris anno 1780.»

5.  Ces deux prieurés d'Ozillac et de Médis étaient à la nomination du prieur de Saint-Eutrope de Saintes ; Ozillac valait 2400 livres.

6.  François-Jean-Baptiste Gasse, clerc tonsuré, prieur de La Vallée, eut vers 1761 Ozillac sur la résignation de son cousin, René d'Aubourg, prieur de Saint-Eutrope de Saintes. Il soutint de 1766 à 1771 un procès contre Jacques Gazel, chapelain de Soubroche en l'église de Marennes (1753), vicaire de Marennes, curé de Saint-Just, nommé curé d'Ozillac en juin 1759, qui, réduit à la portion congrue de 300 livres, réclamait au prieur les dîmes novales. Après bien des débats, il y eut transaction le 24 juin 1771. Le prieur s'engageait à payer annuellement au curé, qui renonçait à toutes prétentions, 800 livres, plus tard 1000 et de plus sa portion congrue pour l'entretien d'un vicaire. Gazel mourut le 2 octobre 1787, âgé de 64 ans, après avoir fondé un bureau de bienfaisance.

Jean-Baptiste Gasse — est-ce un neveu du précédent ? — prêta serment en 1792, fut curé de Bonnet-Rouge, ci-devant Saint-Bonnet. Sa conduite fut tellement immorale qu'il fut obligé de partir ; plus tard il s'engagea dans les armées de la République. Voir Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (tome XX, p. 63).

7.  Voir Rapport de l'agence contenant les principales affaires du clergé qui se sont passées depuis l'année 1775 jusqu'en l'année 1780 (Paris, Guillaume Desprez, 1786).

8.  Procès-verbal de l'assemblée générale du clergé de France de l'année 1780 (p. 888).

Didot ne tarda pas à justifier ces espérances. Le volume des rapports de l'agence de 1785, fut imprimé par lui en 1788. On s'aperçoit bien vite qu'il y a là «intelligence et capacité», comme disait l'abbé de La Rochefoucauld.

9.  Cette collection reliée des procès-verbaux est le seul souvenir qui reste à Saintes de Mgr de La Rochefoucauld. À la vente, Marc Arnauld, banquier, ancien maire de la ville, cinq fauteuils qui avaient appartenu à l'évêque furent acquis pour 80 francs, l'un par des brocanteurs de Bordeaux, malgré les tentatives d'achat de la part de l'évêque de La Rochelle, Léon-Benoît-Charles Thomas, plus tard archevêque de Rouen et cardinal. Le sixième fauteuil avait été donné à l'abbé Thenon, directeur de l'établissement des Carmes à Paris, professeur au collège de Saintes à sa sortie de l'école normale supérieure. L'évêché d'Angoulême possède un des ornements de l'évêque de Saintes.

10. Procès-verbal de l'assemblée générale du clergé de France de l'année 1780 (p. 878).


Tableau d'après Gerrit van Honthorst (1590-1653),
dans l'église abbatiale de Chancelade,
intitulé Christ aux outrages.

Tableau d'après Gerrit van Honthorst, permission d'après la note «... copie et diffusion recommandées...» sur le site de Jean-Francois.Groussin ; http://perso.wanadoo.fr/jean-francois.groussin/



«Deux victimes des Septembriseurs» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 4

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]