«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 13


CHAPITRE 13. — Lettre pastorale de l'évêque de Saintes sur l'autorité spirituelle, le 24 octobre 1790. — Comment elle est appréciée. — Il est dénoncé au directoire du département. — Réquisitoire de Jacques Garnier, procureur général syndic du département. — Arrêté du département. — L'évêque est dénoncé à l'accusateur public. — Son mandement interdit. — Notes de bas de page.


L'évêque de Saintes ne se contenta pas de signer l'Exposition des principes avec ses confrères. Il voulut, dans un écrit spécialement destiné à ses diocésains, mettre en garde contre des erreurs funestes les âmes confiées à ses soins. Il composait un mandement pour éclairer les doutes, montrer le péril, faire la lumière et prémunir les fidèles contre des paradoxes habilement présentés. Ainsi venait d'agir, avec beaucoup d'autres évêques, le savant professeur d'hébreu à la Sorbonne, Jean-René Asseline, évêque de Boulogne (1). Il avait publié, le 24 octobre 1790, une Instruction pastorale sur l'autorité spirituelle (2).

Cette instruction, la quatrième du prélat depuis sa nomination, la première où il s'occupait des événements de l'époque, formait un petit traité, historique et dogmatique à la fois, sur les deux pouvoirs, religieux et civile. Écrit de circonstance, il n'a pas cessé de l'être. Car la question, traitée dès 1790, n'est pas encore résolue, bien qu'elle ait été examinée sous toutes ses faces. «La puissance civile, dit Boisgelin, est souveraine, absolue, indépendante dans tout ce qui est de son ressort.» Il faut lui être soumis «en tout ce qui est de sa compétence, non seulement par crainte de châtiment, mais aussi par devoir de conscience.» On lui doit, selon la parole de saint Paul, le tribut, la crainte, l'honneur. Le chrétien en outre montrera par sa conduite que la religion forme les meilleurs citoyens.

Mais la puissance civile a des bornes. À côté d'elle existe l'autorité spirituelle ; et les prescriptions qu'elle pourrait faire contre cette autorité sacrée ne seraient que des erreurs où elle tomberait, non des lois qu'elle aurait le droit d'imposer. «Cette autorité spirituelle est aussi souveraine, aussi absolue, aussi indépendante, en ce qui est de son ressort, que la puissance civile dans ce qui est du sien, et comme ce n'est pas aux dépositaires de l'autorité spirituelle qu'il appartient d'administrer l'empire, de même ceux qui exercent la puissance civile n'ont point le droit de gouverner l'Église.»

Jésus-Christ est le principe unique de l'autorité spirituelle, et cette autorité ne peut appartenir qu'à ceux à qui il l'a communiquée. Ce n'est pas aux agents du pouvoir civil qu'il a donné le droit d'enseigner les dogmes, et d'administrer les sacrements. Et toujours cette vérité a été reconnue et admise. Aux temps primitifs du christianisme, les empereurs torturaient les chrétiens, mais ne se mêlaient pas de leur administration. Quand le souverain devint l'évêque du dehors, l'Église fut encore libre, quoique protégée ; et si quelques monarques entreprirent parfois d'avoir dans les affaires religieuses une influence qui ne leur appartenait pas, de généraux pontifes les rappelèrent courageusement à leur devoir, et leur fixèrent des limites qu'ils ne pouvaient franchir.

Or, «dans quel ordre faut-il ranger la suppression, l'érection, la circonscription des métropoles, des diocèses et des cures ; la suppression des églises cathédrales et autres titres de bénéfice ; les règles concernant le choix, l'institution des pasteurs et la manière d'exercer la juridiction spirituelle ?» Évidemment dans l'ordre spirituel. C'est l'autorité ecclésiastique, et historiquement cela a toujours eu lieu, qui seule peut ériger ou supprimer une circonscription religieuse, c'est-à-dire donner à quelqu'un, métropolitain ou évêque, pouvoir sur un clergé et des fidèles. «Mais donner la juridiction spirituelle, ôter la juridiction spirituelle, sont évidemment des actes de l'autorité spirituelle. Comment donc la puissance civile pourrait-elle se le permettre ?» Sans doute, elle peut proposer ses vues sur ces importants objets, et s'entendre avec l'autorité spirituelle ; seule elle ne peut rien. Elle n'a pas ce droit. De qui le tiendrait-elle? La puissance civile n'est pas moins incompétente dans le choix des pasteurs et leur institution. «Donner le droit de choisir les pasteurs, fixer les conditions requises pour l'éligibilité, déléguer le pouvoir de confirmer ceux qui ont été élus, prescrire les précautions qu'il faut prendre pour s'assurer de la doctrine de ceux qui demanderont l'institution canonique, ne sont-ce pas autant d'actes de l'autorité spirituelle ? D'après quels principes la puissance civile pourrait-elle s'attribuer le droit de le faire ?»

À l'origine, Jésus-Christ choisit ses Apôtres et soixante-douze autres disciples. Les Apôtres se choisissent des successeurs, et règlent les qualités qu'ils doivent avoir ; et ainsi de suite. En vain prétend-on ramener la discipline primitive. Elle ne peut être rétablie que par l'autorité qui l'a établie. Mais où a-t-on vu, dans les premiers siècles, des élections d'évêques faites sans le clergé. N'est-ce pas chose inouïe que les laïques aient entrepris de choisir ceux, évêques ou curés, qui devaient leur dispenser les choses saintes ? À quelle époque les pasteurs du peuple catholique ont-ils pu être nommés par des hommes qui ne seraient pas membres de l'Église, et peut-être même ne seraient pas baptisés ?

Ces vérités sont confirmés par des textes de l'Écriture et des Pères, par des citations des historiens. La réfutation des erreurs à la mode est ainsi complète ; et plus d'un la signerait encore maintenant. Ajoutons même que ces idées d'indépendance réciproque des deux pouvoirs, toujours soutenues par l'Église catholique, font chaque jour des progrès ; et que si en certaines matières mixtes où le spirituel confine au temporel, on reconnaît l'utilité d'un accord préalable entre les deux partis, on constate de plus en plus, avec raison, la nécessité d'une séparation bien nette entre l'autorité administrative et l'autorité ecclésiastique pour tout ce qui est du domaine de la conscience.

Pierre-Louis de La Rochefoucauld reconnaissait ses propres sentiments dans ceux de son confrère. Avec une modestie et une abnégation qu'il faut admirer, il sacrifia son instruction commencée ; et, à l'exemple de plusieurs pontifes de France, entre autres de l'évêque de Metz (3), se borner à adopter celle de Mgr de Boulogne. Le 25 novembre, il l'envoya à toutes les paroisses, à toutes communautés de son diocèse. En tête, se trouve ce court mandement :

«Quels cruels reproches n'auriez-vous pas à nous faire, nos très chers frères, si, témoins des progrès rapides et aussi effrayans qu'affligeans, que font tous les jours des principes faux et destructeurs, nous n'employions pas tous les moyens que Dieu a remis entre nos mains, pour vous préserver des erreurs et des pièges dans lesquels vous pourriez tomber ! Nous ne pourrions y parvenir qu'en les combattant avec toute l'énergie et la force dont nous sommes capables. Notre tendre et continuelle sollicitude pour le salut des âmes que la divine providence a daigné confier à nos soins, nous en fait un devoir indispensable et sacré, et, quand il s'agit d'aussi grand intérêts, nous ne devons mettre aucunes bornes à notre zèle.

«Notre négligence, ou notre indifférence, nous rendrait coupable aux yeux de Dieu qui, au jour du jugement, appréciera les moindres actions des hommes, et les jugera avec la plus grande équité, et en même temps avec la plus grande sévérité, ainsi que nous l'apprennent les divines écritures.

«Animé du désir le plus sincère et le plus ardent de vous remettre sous les yeux vos devoirs et vos obligations dans l'ordre de la religion, nous nous occupions de vous adresser une instruction pastorale, lorsque nous avons eu connaissance de celle de M. l'évêque de Boulogne.

«Après nous être convaincu, N. T. C. F., de la solidité des principes qu'elle contient, et qui tous ont été puisés dans les sources les plus pures, et sont fondés sur les autorités les plus respectables, persuadé d'ailleurs que nous n'avions pas atteint le point de perfection que nous présente cet ouvrage, nous nous sommes empressé, à l'exemple de plusieurs de nos confrères dans l'épiscopat, d'adopter cette instruction pastorale.

«Nous vous l'adressons donc avec d'autant plus de confiance, que nous sommes dans la douce persuasion de son utilité et de ses avantages pour vous, et qu'elle fortifiera les vrais enfans de l'Église dans leur croyance et dans les seuls principes qu'ils peuvent et désirent reconnaître, comme ceux qui sont enseignés par l'Église, à laquelle Jésus-Christ a confié tous ses pouvoirs. Elle aura, du moins nous l'espérons, encore cet avantage d'éclairer et de ramener aux véritables maximes ceux qui auraient pu s'égarer, ou qui, étant chancelans, ont besoin qu'on leur prête une main secourable, pour les empêcher de se précipiter dans l'abîme entr' ouvert sous leurs pas.

«C'est dans les sentimens et avec l'espérance que Dieu, sans lequel nous ne pouvons produire aucun bien, et avec lequel nous pouvons tout, secondera nos efforts et nos pieux desseins, que nous vous adressons cet ouvrage, digne de toute votre attention.

«A ces causes, nous déclarons que nous avons adopté et adoptons l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne, sur l'autorité spirituelle de l'Église. En conséquence, nous ordonnons qu'il en sera adressé un exemplaire à toutes les paroisses de notre diocèse, ainsi qu'aux communautés ecclésiastiques, séculières et régulières, d'hommes et de filles, exemptes et non exemptes, pour en avoir connaissance, nous en rapportant au zèle et à la sagesse de nos fidèles coopérateurs dans le saint ministère, pour le moment et la forme de la publication.

«Donné à Paris, où nous sommes retenu par notre qualité de député à l'Assemblée nationale, le vingt-cinq novembre mil sept cent quatre-vingt dix.

«X P.-L. évêque de Saintes

La plus grande modération règne dans deux écrits. Il n'y est fait même aucune mention des événements qui leur donnaient naissance, et ils restent dans les régions des idées et des principes. Dirigés contre les décrets de l'Assemblée nationale, ils ne semblent pas les connaître. Et n'était leur date, on les pourrait croire indépendants des circonstances. Le devoir des deux prélats est de parler ; ils le font, sans aigreur, sans animosité. Ils manqueraient à leur mission s'ils n'instruisaient les fidèles, embarrassés entre la loi civile qui ordonne et la loi religieuse qui défend, entre l'Assemblée nationale qui impose une nouvelle organisation et leur conscience qui la refuse, entre la force qui commande et le droit qui n'a pour protection que la protestation.

C'est pourtant ces pages si paisibles du doux évêque de Saintes qui ont provoqué la colère de l'historien de la Saintonge. «A la tête de la coalition religieuse de la Charente-Inférieure, écrit Massiou (4), se trouvait placé, par sa fouge désordonnée plus encore que par sa position sociale, Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque de Saintes. Ce prélat n'avait cessé, depuis le commencement de la Révolution, soit par ses motions à l'Assemblée nationale, où il représentait le clergé de la sénéchaussée de Saintes, soit par des mandements et lettres pastorales, adressés à ses diocésaines, de s'opposer aux réformes décrétées par l'Assemblée nationale. La Constitution civil du clergé devint surtout le but de ses protestations et de ses attaques.»

Certes il est permis de se tromper, et l'on sait si à chaque page de ses six volumes Massiou use de la permission. Qu'il ait même une certaine tendresse de cœur pour la Constitution civile du clergé qui a peuplé les prisons, traîné des milliers de citoyens sur tous les chemins de l'exile, rempli la Guyane, entassé dans les pontons de Rochefort et de l'île d'Aix tant de prêtres fidèles, fait charrier des centaines de cadavres à la Charente dont les eaux en étaient empestées, et rougi si souvent l'échafaud, nous le comprenons. Mais la partialité la plus excessive jamais n'autorisera l'historien à altérer ainsi les faits.

Mgr de La Rochefoucauld était d'une mansuétude remarquable ; on le métamorphose en forcené. Cette «fougue désordonnée» éclate dans un mandement de deux pages où il est impossible de trouver un mot amer. «Ses protestations est ses attaques», surtout contre la Constitution civile du clergé, sont toutes dans ces quelques lignes nous avons citées ou que nous allons reproduire. Enfin «ses motions à l'Assemblée nationale», par lesquelles il s'opposait «aux réformes décrétées», se bornent aux simples paroles qu'il prononça pour défendre son frère. Donc monter une seule fois à la tribune et cela dans une circonstance où il y allait de la liberté, de la vie peut-être, d'un frère tendrement chéri, écrire à ses diocésains pour leur envoyer une instruction pastorale, non pas même la sienne, mais celle d'un autre qu'on se contente d'adopter, remplir un devoir de conscience, c'est être fougueux, c'est faire des motions violentes, c'est s'opposer aux réformes ! Ajoutons que donner son sang pour sa foi, refuser d'apostasier, et mourir martyr, c'est être séditieux.

Massiou, qui n'a que du blâme pour la courageuse conduite du pontife, et ne dit pas un mot de sa mort héroïque, est tout prêt à s'apitoyer sur le malheur de l'autorité civile ainsi maltraitée, à exalter sa bonté, sa patience, et à lui faire un mérite de n'avoir pas sur-le-champ envoyé le prélat à la lanterne. «Bien que, dit-il, la conduite de l'évêque de Saintes eût maintes fois embarrassé la marche de l'administration en excitant le clergé du diocèse à la révolte, et en jetant le trouble dans les consciences, l'autorité avait feint d'ignorer ces manœuvres par déférence pour leur auteur. Mais celui-ci, enhardi par la longanimité du pouvoir temporel, finit par se porter à des actes de rébellion si patents que le silence ne fut plus possible.»

On a entendu le langage du pasteur ainsi accusé de maints actes de rébellion. Or, cet acte de rébellion est le premier ; et voici ce qu'il y a de plus vif dans l'écrit de Mgr de Boulogne : «Soyez donc soumis à l'autorité spirituelle en tout ce qui est de son ressort... Et pour donner maintenant à cette autorité sainte, dont Jésus-Christ est le principe, la preuve de soumission qu'elle a droit d'attendre de vous, ne coopérez à aucun changement dans l'ordre spirituel avant qu'elle ait parlé. Demeurez inviolablement attachés à la chaire de Saint-Pierre, à la sainte Église romaine, mère et maîtresse de toutes les églises, centre de l'unité catholique... Demeurez-nous attachés comme à votre véritable évêque : car de même qu'il n'y a qu'une seule chaire de Notre-Seigneur, un seul autel, un seul calice, aussi n'y a-t-il qu'un seul évêque dans chaque église ; et ceux qui ne sont pas envoyés par la puissance ecclésiastique et canonique, mais viennent d'ailleurs, ne sont pas ministères légitimes de la parole et des sacrements... (Concile de Trente.) Vous ne pouvez donc reconnaître aucun autre évêque que nous, jusqu'à ce qu'il ait plu à Dieu de nous rappeler à lui, ou que l'autorité spirituelle ait délié le nœud sacré qui nous unit à vous... Demeurez aussi inviolablement attachés à vos pasteurs actuels qui veillent, sous notre conduite, pour le bien de vos âmes, vous ne pouvez en reconnaître d'autres, à moins qu'ils n'aient reçu la mission canonique de nous, ou de nos successeurs légitimes, ou de nos supérieurs dans l'ordre de la hiérarchie. Et vous, nos chers coopérateurs, conservez toujours les sentiments dont les sentiments dont vous avez été pénétrés jusqu'ici pour l'épiscopat.»

C'est là ce qui Massiou appelle «une sorte de manifeste lancé par l'évêque de Saintes contre le serment des prêtres et dans lequel étaient enseignées les doctrines les plus hostiles à la Constitution (5).» Dans ces pages le mot serment n'est pas même écrit ; et par une raison toute simple. Bien qu'inscrit dans la loi du 12 juillet 1790 sanctionnée par le roi le 24 août, le serment ne fut réellement exigible qu'en vertu du décret du 27 novembre, devenu légal par la sanction du roi seulement le 26 décembre et postérieur, par conséquent, de près de deux mois au mandement de l'évêque de Saintes. Le serment est un autre acte de ce drame qui se dénoue pas l'assassinat.

Chose bien triste à dire ! ce fut un prêtre du diocèse, Jean Vanderquand, curé de Virollet, qui se fit le dénonciateur de son évêque. La pancarte publiée alors dans tout le département l'appelle «un ecclésiastique recommandable par ses lumières et par son religion». Chacun sait qu'on est peu difficile sur les vertus des gens qui vous rendent de pareils services. Or, voici ce qu'un prêtre un peu plus recommandable par sa religion et aussi peut-être par ses lumières, Bonnerot, curé de Saint-Maur, plus tard vicaire général, disait de lui dans une note, que je n'ose, bien qu'en latin, transcrire tout entière : «Moribus jamdudum perditis, audax, factiosus, delator legitimi sui episcopa, ejus dignitatis ambitiosus appetitor, ancillæ suæ corruptor ac sponsus...» D'autre part, l'abbé Taillet le cite «comme un modèle d'incontinence, de libertinage...» avec «Guimberteau, intrus de Barbezieux, qui a épousé sa servante, et a causé une telle indignation que les habitants d'un commun accord l'ont chassé de la ville.»

Le malheureux ambitionnait le siège épiscopal de Saintes. Quand il vit que l'Assemblée nationale, sur la proposition d'un de ses secrétaires, envoyait (15 janvier), au comité des recherches, les instructions pastorales de l'évêque de Boulogne et l'archevêque de Paris, il crut l'occasion favorable pour déposséder La Rochefoucauld. Il ne réussit pas à s'asseoir sur son siège ; mais il contribua à l'envoyer aux Carmes (6).

Le 22 janvier 1791, trois mois après sa publication, le mandement de Mgr de Saintes sur l'autorité spirituelle de l'Église, qui n'était pas le sien, mais dont il était légalement l'auteur, puisqu'il en acceptait la responsabilité, fut apporté au directoire du département par le procureur général syndic. C'était Jacques Garnier, né le 31 mars 1775 à Saintes, en 1784 conseiller et avocat du roi, dont il devait voter la mort. Maire de Saintes le 26 juillet 1789 à la place de Gaudriaud jusqu'au 1er juillet 1790, il avait été élu procureur général syndic le 28 juin de cette année et fut envoyé le 6 septembre 1792 à la Convention, où il fut connus sous le nom de Garnier de Saintes (7). Il est avec Bernard, d'après l'abbé Taillet, un des «deux qu'on désigne et qu'on désignera toujours comme les plus grands perturbateurs de la province de Saintonge, comme les plus odieux artisans et exécuteurs de complots et de crimes. Le sieur Garnier, procureur syndic du département, s'est toujours occupé à sapper, tantôt sourdement, tantôt publiquement, les fondements de l'autel et du trône ; il travailloit de toutes les manières possibles à dégoûter les peuples de la religion catholique, et même de toute relligion. Il les soulevoit contre le roi, par de noires calomnies et par des déclamations fougueuses. On l'a vu durant quelqu'une des assemblées électorales, monter dans la chaire même de vérité, et crier que Louis XVI étoit un tyran, qu'il falloit le tuer ; aussi ayant été député à la Convention, non seulement il a eu part au régicide, mais il en a été l'apologiste et le panégyriste. Homme sans talents, sans caractère, incapable de jouer un rôle dans tout autre temps que dans un temps de révolution, il avait lu qu'Érostrate s'était rendu célèbre en brûlant un temple (8) ; et lui aussi il a voulu être célèbre et d'une célébrité plus honteuse encore ; il a surtout voulu arriver à la fortune, et il y est arrivé ; mais il n'a pas assès réfléchi que le chemin qu'il prenoit, était aussi le chemin de l'échaffaud.»

Voici la réfutation qu'il fit du mandement épiscopal. Imprimée à Saintes, chez Toussaints, elle fut lue à l'issue de la messe paroissiale et affichée dans toutes les communes. Sans vouloir déprécier ce petit morceau, il ne vaut pas l'écrit semblable que publia à Angers, chez Pavie, en 1791, par le curé d'Emberménil, Grégoire, futur évêque de Blois, sous ce titre : Légitimité du serment civique exigé des fonctionnaires ecclésiastiques.

«La plus belle des constitutions de l'univers, dit Garnier, vient de s'élever au milieu des orages et des conspirations ; cet édifice majestueux touche à sa perfection ; les efforts de la tyrannie et de la haine se sont vainement réunis pour l'ébranler. Un peuple libre et digne de l'être le gardien invincible de ce monument éternel du courage et du génie de nos représentants.

«Mais des hommes égoïstes, ennemis du bonheur de la patrie, lorsqu'il leur serait si doux de le partager avec elle, essaient un dernier moyen, celui de la séduction : ils n'ont pu ébranler le patriotisme des Français, ils s'efforcent d'effrayer leurs consciences. Vous avez vu un nombre de ci-devant chapitres, par un criminel concert, inonder le royaume de protestations, qui, sous le langage d'une piété simulée, renfermaient des principes propres à alarmer les peuples, et à les inviter à la désobéissance. Mon devoir m'avait réduit à l'obligation rigoureuse de vous en dénoncer une, contre les dangers de laquelle il était pressant de prémunir nos concitoyens. Éclairé par votre vigilance, rassuré par vos principes, ce bon peuple, qu'il est affreux de tromper, a eu le bonheur d'être désabusé. Aujourd'hui, on tente avec la même hardiesse de le séduire encore. On a recours à ces armes du fanatisme, qui autrefois ont été malheureusement si puissantes sur l'ignorance des peuples.

«Un ecclésiastique recommandable par ses lumières et par sa religion (9) vient de me dénoncer un imprimé ayant pour titre : Mandement de M. l'Évêque de Saintes portant adoption de l'instruction pastorale de M. l'Évêque de Boulogne sur l'autorité de l'Église. Cet écrit insidieux qui porte l'empreinte du mépris des lois et de leur infraction méditée, est d'autant plus pernicieux que le poison qu'il renferme est plus adroitement enveloppé. On a épuisé toutes les recherches de l'érudition pour démontrer que la puissance civile n'a point le droit de prononcer sur ce qui est de l'ordre spirituel, lorsque nul citoyen n'a tenté de contester ce principe, tellement reconnu par nos représentants qu'ils n'ont porté leurs regards que sur ce qui était civil dans la Constitution du clergé. Une telle réforme politique était sans contredit du ressort de l'autorité temporelle, et les riches de l'église ne pouvaient se soustraire à son exécution.

«Mais des hommes, plus versés dans la science tortueuse des sophismes, ont conçu le projet de démontrer que de circonscrire des métropoles et des diocèses, de supprimer des évêchés, et de réunir des cures, était attenter à l'autorité spirituelle de l'Église. C'est cette morale erronée que renferme le mandement que je vous dénonce.

«Si nous devons, messieurs, à nos concitoyens de prévenir par notre surveillance tout ce qui tend à troubler leur tranquillité, nous leur devons aussi de les éclairer sur les erreurs dont on cherche à environner leur croyance.»

Puis, après avoir essayé de démontrer que les Apôtres ayant reçu mission de prêcher partout, leurs successeurs les évêques ne pouvaient voir circonscrire leur ministère, et partant que c'était seule l'autorité civile qui avait déterminé et pouvait encore déterminer l'espace où ils exerceraient, il ajoute :

«Nos dogmes et notre foi ne peuvent être différents de ceux que le fondateur de notre religion nous a enseignés. Lorsqu'il institua ses Apôtres, il leur conféra la plénitude de la puissance spirituelle, et le droit infini d'aller prêcher son évangile par toute la terre. Cette puissance s'étant transmise aux évêques sans altération, ils ont nécessairement reçu la même étendue de pouvoirs.

«Lorsque les nations éclairées se sont soumises à la foi de cette religion sainte, les prêtres, après avoir été admis à la prédication, ne prétendront pas sans doute avoir donné eux-mêmes au culte l'existence civile, ni circonscrit et partagé entre eux la portion de territoire confiée à leurs soins. Leur régime politique fut nécessairement l'ouvrage de la nation qui embrassait cette nouvelle religion.

«L'intérêt public voulut que chaque évêque ou chaque disciple, au lieu de prêcher dans l'étendue du gouvernement, comme il en avait reçu le droit, eût une portion de territoire, dans laquelle il exercerait primitivement des fonctions dont la plénitude s'étend dans tout l'univers.

«Dès lors, tels prêtres ou tels évêques, qui, par l'imposition des mains et le don du Saint-Esprit, avaient reçu le pouvoir illimité d'annoncer indistinctement la parole de Dieu en tous lieux, obligés par le résultat de la volonté nationale et par des convenances sociales, de le restreindre dans tel territoire désigné à leurs prédications, n'ont reçu de limitation à leurs pouvoirs que dans l'exercice.

«Et certes ce pouvoir radical, quoique universel dans son institution, ne peut ôter aujourd'hui à la puissance temporelle le droit de restreindre ou d'étendre, suivant les avantages de la société, les limites territoriales qu'elle avait originairement fixées à chaque ministre de la religion.

«Des pasteurs, à qui on veut confier la conduite d'un plus grand troupeau, ne prétendront donc jamais, sans absurdité, qu'ils ont un caractère spirituel pour en diriger une partie ; et que ce caractère indélébile disparaît tout à coup lorsqu'il est question de conduire l'autre (10).

«Citoyens vertueux qu'on égare, apprenez que votre religion, désormais plus révérée, va être plus digne de l'Être suprême qui l'a instituée. Ne vous y trompez plus ; ce qu'une nation a pu faire, et a nécessairement fait dans l'origine sans hérésie, elle peut sans doute se le permettre encore, sans que Dieu s'en offense (11).

«Cette approbation, limitée à un territoire déterminé, ne doit son effet qu'au pouvoir temporel, qui en avait ainsi précédemment réglé les limites ; mais cette autorisation, une fois donnée, transmet pour toujours à celui qui la reçoit le pouvoir d'étendre, ou l'obligation de restreindre l'exercice de ses fonctions, à mesure que l'autorité temporelle resserre ou étend les limites de son territoire.

«C'est donc outrager la vérité évangélique que de l'invoquer pour prouver qu'une circonscription géographique est du pouvoir spirituel, lorsque le fils de Dieu lui-même a eu soin de dire à ses Apôtres, que son royaume n'est point de ce monde, et qu'il faut rendre à César ce qui est à César.

«Mais c'est outrager à la fois la religion et les lois, que d'inviter séditieusement les peuples à ne reconnaître pour évêques des évêques rebelles, lorsque, perdant leurs sièges par leur désobéissance et leur renonciation volontaire, ils seront remplacés par d'autres évêques, revêtus comme eux de la consécration, et nommés comme on les nommait dans la primitive Église.

«De tels conseils ne furent jamais ceux d'un véritable pasteur. L'homme de Dieu ne doit à son troupeau que des paroles de consolation et de paix. Le premier soumis aux lois, parce que la religion et la société lui en font un devoir, il doit par ses exhortations et son exemple y rappeler les peuples que l'égarement ou l'ignorance pourraient en éloigner ; et, lorsque par une conduite opposée, ils les prépare et les invite à l'insubordination, le nation ne peut plus voir en lui qu'un citoyen rebelle, que le ciel rejette et que la loi condamne.

«L'écrit de l'évêque de Boulogne, adopté par l'évêque de Saintes, est donc un écrit imposteur et séditieux, qui tend à abuser le peuple, à le rendre parjure, à le dégager de l'obéissance qu'il doit aux lois de sa patrie, et à le soulever contre leur autorité.

«Jusqu'ici le parti qu'on a pris de se contenter de dénoncer de tels écrits, n'a fait qu'enhardir leurs auteurs ; c'est aujourd'hui contre ces coupables citoyens que la justice outragée demande à sévir.

«A ces causes, le procureur général syndical requiert que l'imprimé dont il est porteur, ayant pour titre : Mandement de M. l'évêque de Saintes, portant adoption de l'instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne, sur l'autorité spirituelle de l'église, et finissant par ces mots : Jean-René, évêque de Boulogne, soit renvoyé à l'accusateur public, établi près le tribunal du district de cette ville, à l'effet de poursuivre, comme rebelle aux lois et perturbateur de l'ordre public, M. l'évêque de Saintes, qui a ordonné la publication et l'envoi du dit mandement ; qu'il soit défendu, sous pareilles peines, à tous curés, vicaires et autre ecclésiastiques, d'en donner lecture au prône ou ailleurs, ainsi qu'à toutes personnes, de le vendre ; que votre ordonnance à intervenir soit envoyée, sans délai, aux districts et municipalités du département, pour être publiée, affichée et lue à issue de la messe paroissiale, à la diligence du procureur de la commune de chaque municipalité, de laquelle lecture il certifiera le département dans le mois.»

Ce réquisitoire est singulier. L'auteur y est évidement plus docteur de Sorbonne qu'administrateur du département. Il avait trouvé l'occasion favorable pour développer une thèse de théologie, et pour convaincre d'ignorance ou de fausseté un professeur de Sorbonne et un licencié en théologie de la maison de Navarre. Il l'a saisie avec empressement. Mais ce domaine n'est pas le sien. Un procureur requiert au nom de la loi, au nom de l'ordre public. Les disputes dogmatiques et les querelles métaphysiques ne sont point de sa compétence. Toutefois, il nous a paru bon de citer ce morceau à côté de l'écrit qu'il prétend réfuter : on jugera mieux.

Le directoire du département écouta cette plainte, et prit aussitôt l'arrêté suivant :

«Nous, faisant droit au réquisitoire du procureur général syndic ; considérant que l'imprimé ayant pour titre : Mandement de Monsieur l'évêque de Saintes, portant adoption de l'Instruction pastorale de Monsieur l'évêque de Boulogne sur l'autorité spirituelle de l'église, contient des principes formels de désobéissance aux lois de l'état ; considérant que monsieur l'évêque de Saintes, non content de les transgresser, invite encore par la publicité de son mandement les peuples à l'imiter et à devenir désobéissants comme lui ; que cet écrit, propre à séduire ou à effrayer des consciences timides, peut devenir une arme dangereuse entre les mains des gens malintentionnés ; que la morale qu'il contient est absolument contraire aux lois et tend à soulever les peuples contre l'autorité légitime de la nation et du roi : arrêtons qu'à la requête du procureur général syndic, monsieur l'évêque de Saintes (12) sera dénoncé à l'accusateur public, à l'effet d'être poursuivi comme ennemi de la nation, de la loi et du roi ; faisons défenses sous les mêmes peines à tous curés, vicaires et autres ecclésiastiques de donner lecture du dit mandement au prône ou ailleurs, ainsi qu'à toutes personnes de la vendre, publier, ni colporter ; ordonnons également que notre arrêté sera envoyé sans délai aux districts et municipalités du département... Arrêtons au surplus que la présente délibération sera adressée à l'Assemblée nationale. Fait en directoire de département, ce 22 janvier 1791.

«Signé : RONDEAU, président ; BRÉARD. RIQUET, ESCHASSERIAUX, JOUNEAU, DURET, RUAMPS, RABOTTEAU, CHESNIER, GARNIER, procureur général syndic ; EMOND, secrétaire

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[Notes de bas de page.]

1.  Jean-René Asseline, Instruction pastorale de M. l'évêque de Boulogne sur l'obligation de s'attacher aux pasteurs légitimes (Paris, Guerbart, 1790).

2.  Pierre-Louis de La Rochefoucauld, Instruction pastorale sur l'autorité spirituelle (Paris, Guerbart, 1790). — L'évêque de Langres fit aussi une instruction de ce genre ; plusieurs prélats l'adressèrent à leurs diocésains ; de ce nombre fut Philippe-François d'Albignac de Castelnau, nommé évêque d'Angoulême le 2 mai 1784, qui publia à propos du serment divers écrits : Lettre de M. l'Évêque d'Angoulême à M. le procureur général du département de Charente, pour refuser son adhésion à la constitution civile du clergé, sans lieu, 24 décembre 1790 ; Lettre de M. l'Évêque d'Angoulême à MM. les membres du département de la Haute-Charente, contre l'assemblée qui doit être tenue pour procéder à sa destitution et à l'élection d'un nouvel évêque, au Triadou (Hérault), 4 février 1791 ; Instruction de M. l'Évêque d'Angoulême aux curés, vicaires et autres ecclésiastiques de son diocèse qui n'ont pas prêté le serment, au Triadou, 17 avril 1791 ; Lettres de M. l'Évêque d'Angoulême... de N. S. P. le pape sur le serment..., au Triadou, 24 mai 1791 ; etc.

3.  Louis-Joseph de Montmorency-Laval fut élu cardinal en 1789.

4.  Daniel Massiou, Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de l'Aunis (Saintes, Charier, 1846 ; tome VI, p. 169).

5.  M. le baron Eschassériaux, ordinairement exact, a cru aussi, parce qu'il s'en est rapporté à Massiou, que ce mandement de Pierre-Louis était «un manifeste contre le serment des prêtres.» ; voir Eugène Eschassériaux, Les Assemblées électorales de la Charente-Inférieure, 1790-1799 (Niort, Clouzot, 1868).

6.  Jean Vanderquand, né à Courcoury le 10 juin 1754, d'Eutrope, propriétaire, et de Catherine Sicard, a écrit ce qui suit :

«Ce jourd'hui 17 avril 1791, dimanche des Rameaux, je soussigné, ayant été nommé et proclamé, par l'assemblée électorale du district de Saintes, curé constitutionnel de la paroisse de Gemozac, et institué suivant les formes canoniques dans la susdite place par M. Robinet, évêque constitutionnel du département de la Charente-Inférieure, pour remplacer le sieur Robert, qui est destitué par son refus d'émettre le serment civique prescrit aux ecclésiastiques fonctionnaires publics par la loi du 26 décembre dernier, ai pris possession de la dite cure de Gemozac par émission légale de mon serment avant la messe paroissiale de ce jour, que j'ai célébrée en présence d'un grande affluence de peuple, de la municipalité et des gardes nationales, de cette paroisse. Que Dieu soit glorifié ! Que les Français soient heureux et libres ! VANDERQUAND, curé de Gemozac

Un an et demi après, le 20 janvier 1793, devant Pierre Pellisson, maire de Gemozac, il épousa Suzanne Renaud, âgée de 26 ans, née à Saint-Fort-sur-Gironde le 16 juin 1764, fille des défunts Pierre, cultivateur, et de Marie Charron, domiciliée à Gemozac, en présence de Philippe Girardeau, notaire, de Jean Généraud, meunier, de François Labbé, cultivateur, et d'Antoine Louvet, curé de Tanzac. Il eut quatre enfants. Vanderquand fut professeur à l'école centrale de Saintes, maître de pension. Il mourut aux Gonds le 9 octobre 1812. Sa sœur Marie Vanderquand épousa Antoine Louvet, vicaire de Gemozac, curé de Tanzac, puis aide bibliothécaire à Saintes.

7.  Jacques Garnier : député en mission sur les côtes de La Rochelle, dans la Manche, dans la Sarthe, dans la Gironde et dans les Pyrénées ; président de la société des Jacobins de Paris, le 14 octobre 1794 ; député suppléant au corps législatif, le 12 octobre 1795 ; secrétaire du Conseil des Cinq Cents, le 28 mars 1798 ; président du tribunal criminel de la Charente-Inférieure, le 15 avril 1798 ; maintenu par arrêté consulaire du 20 mai 1800, il reçut, le 14 juin 1804, le brevet de chevalier de la Légion d'honneur, et le 12 novembre, celui de chevalier de l'Empire. Représentant à la Chambre en 1815, puis atteint par l'ordonnance du 24 juillet 1815, et obligé de quitter la France, il se retira à Bruxelles, de là dans les États-Unis, où, en descendant l'Ohio, il se noya avec son fils. M. le baron Eschassériaux, toujours indulgent, a cité quelques actes où Garnier se montra meilleur que sa réputation ; voir Les Assemblées électorales... Nous ne voulons pas, le Moniteur en main, chercher ses paroles dans le procès de Louis XVI, citées par Pierre-Damien Rainguet dans la Biographie saintongeaise (Saintes, Niox, 1851), ses propositions de la peine de mort contre les agioteurs et tous les émigrés, son chant de triomphe en l'honneur de Robespierre ou son apologie de Carrier. Rappelons-nous qu'il fit sortir de prison son ancien professeur, l'abbé Hardy, détenu pour refus de serment, et aussi l'arrêté où, comme maire, il demandait que la religion catholique, apostolique et romaine fût seule proclamée religion d'État. Peut-être avait-il ce dernier acte à se faire pardonner.

Louis-Marie Prudhomme dans son chapitre des Crimes commis à Bordeaux sous le proconsulat de Treilhard, Mathieu, Tallien... le prête Garnier (de Saintes), de son Histoire générale et impartiale des erreurs, des fautes et des crimes commis pendant la Révolution française (Paris, Prudhomme, 1797), lui donne faussement à plusieurs reprises le titre de prêtre. Il le confondait sans doute avec son frère Henri Garnier, curé de Meschers, qui fut exilé en Espagne par refus de serment.

8.  [Note de l'éditeur.  Érostrate fut un Éphésien du quatrième siècle avant Jésus-Christ ; d'afin de rendre son nom immortel, il incendia le temple d'Artémis — une des Sept Merveilles du monde.]

9.  Le curé de la paroisse de V***.¹ [¹ sic]

10. «Quand les Apôtres allèrent porter la parole de Dieu de Smyrne à Antioche, de Rome à Corinthe, d'un royaume dans un autre, aucun d'eux ne s'avisa de dire que celui qui était sorti du territoire qu'il s'était choisi, n'avait plus de pouvoir dans un territoire voisin ; que la foi qu'il avait enseignée en un lieu, n'était plus la même foi parce qu'il la prêchait dans un lieu différent ; que les peuples convertis étaient mal convertis ; et que Dieu ne pouvait pas recevoir leurs hommages, parce que les prêtres qui leur avaient appris à l'adorer en esprit et en vérité, étaient sans mission et sans caractère hors de leur territoire.

«Voilà cependant le système mensonger à l'aide duquel on veut persuader au peuple qu'on a porté atteinte à notre sainte religion, comme si nos dogmes n'étaient plus les mêmes ; comme si nos mystères étaient méconnus, et que Jésus-Christ ne fût plus, pour nous, notre Rédempteur et le Fils de Dieu ; comme si enfin ceux qui sont chargés de nous prêcher l'évangile, ne doivent pas nous le prêcher tel qu'il est sorti des mains de son auteur.»

11. «On objecte, il est vrai, que tout ministre de l'Église a besoin, pour exercer ses fonctions, de l'institution canonique ; que cette institution n'est donnée que pour un territoire respectivement déterminé, qu'ainsi, en changeant les démarcations, la puissance temporelle entreprend sur la puissance ecclésiastique. Est-ce bien à l'aide d'un sophisme aussi captieux, qu'on ose se permettre de crier à l'anathème ? Tout prêtre, en recevant le sacerdoce, ne reçoit-il pas sans limitations le droit de lier et de délier ? n'est-il pas dès ce moment investi de la mission que Jésus-Christ avait reçue de son Père ? ne peut-il pas aller annoncer la parole de Dieu partout où il trouvera des hommes assez heureux pour l'entendre ? Et s'il lui faut l'institution de l'évêque, cette approbation autorisée par les canons et adoptée par l'ordre politique, ne peut rien changer dans l'institution divine qui est une, immuable, éternelle, et hors de l'atteinte des changements humains.»

12. Décret du 16 juin 1790. : «Il y a lieu à information même contre un député de l'Assemblée nationale, pourvu qu'il ne soit décrété qu'après que le corps législatif, sur le vu des informations et des pièces de conviction, aura décidé qu'il y a lieu à l'accusation.»



«Deux victimes des Septembriseurs» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 14

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]