«FAVERNEY, SON ABBAYE ET LE MIRACLE DES SAINTES-HOSTIES» ; 3e PARTIE - CH. 1


TROISIÈME PARTIE

Le Miracle des Saintes-Hosties conservées dans les flammes en 1608


CHAPITRE PREMIER

Invasion de l'hérésie protestante en Franche-Comté avant le miracle

«Pendant les trois siècles qui suivirent les croisades, l'Occident délivré des appréhensions musulmanes qui l'obsédaient, put dans une paix relative donner un libre essor à la culture et au développement des lettres, des sciences et des arts. Mais le calme de cette époque historique, appelée la Renaissance, fut brusquement troublé dans la première partie du XVIe siècle. Rouvrant sous une forme nouvelle les luttes un moment assoupies des hérésies primitives, l'esprit d'insurbodination se réveilla tout à coup. Grâce à un mot opportunément choisi et dont elle se couvrit comme d'un étendard, la révolte vint, une fois de plus, rompre l'unité de l'Église catholique en proclamant la Réforme» (1), je veux dire la révolution protestante. «Né d'un mouvement politique et social, bien avant la rébellion du moine Luther en 1520, a écrit Mgr Baudrillart, ce ne fut qu'un universel soulèvement de paysans affamés, de seigneurs cupides, de princes ambitieux, se précipitant à l'assaut du vieux régime, ou plutôt des biens d'église qui en étaient pour eux la plus tangible expression. Cette réforme protestante n'a été que la conséquence d'un mouvement politique et national en Allemagne, encore plus que d'un mouvement religieux». Mais des pays allemands où elle avait pris naissance, elle s'étendit bien vite dans les provinces des Pays-Bas qui portaient le nom de «Cercle de Bourgogne». «Là une noblesse besogneuse convoitait aussi les biens de l'église, là un clergé mal organisé manquait de formation sacerdotale, là une bourgeoisie parvenue perdait dans le luxe les austères vertus familiales, en un mot la nation entière supportait avec peine le joug des Espagnols (2). Le roi Charles-Quint, souverain des Espagnes, des Pays-Bas ainsi que du Comté de Bourgogne, s'était fait couronner empereur d'Allemagne au moment même où Luther faisait brûler la bulle du pape Léon X qui l'excommuniait. Maître absolu il essaya d'étouffer par une répression sévère la réformation protestante que, dès cette époque, le parti catholique désigna sous le nom de «lutherrie» (3). Mais par malheur un citoyen de Besançon, Jean Lambelin notaire, attaché depuis le 4 mai 1520 au secrétariat de la mairie, fut désigné par la municipalité bisontine pour aller porter à Worms au nouvel empereur Charles-Quint un mémoire rédigé contre l'autorite de l'archevêque. «Homme pasionné et haineux, dit Castan, pétri d'ambition et d'orgueil», il fut vite conquis à la nouvelle religion. «De Worms, il écrivit à quelques Bisontins des lettres pleines de choses abominables et même en détestation du Saint-Sacrement» ; puis «de retour à Besançon, il se fit l'écho des imprécations de Luther» (4). C'était le premier pas de l'invasion protestante dans notre catholique Comté.

Dès le mois de décembre 1523, l'archevêque Antoine de Vergy écrivit à la municipalité pour se plaindre du secrétaire d'État Lambelin, à raison de quelques cas d'hérésie qu'on venait de lui signaler en ville (5). Mais à la propagande clandestine vint bientôt s'adjoindre, au mois de juin ou juillet 1524, la parole ardente d'un des plus farouches disciples de Luther, je veux parler de Farel, petit-fils d'un juif et originaire de Fareau ou Farel près de Gap en Dauphiné. Alors dans le Comté de Montbéliard régnait, depuis 1505, le duc de Wurtemberg Ulric VI qu'on a appelé «le prince le plus fou et le plus prodigue de son temps». Expulsé de son duché par les paysans wurtembergeois que son avarice avait poussés à la révoltée armée, le duc Ulric qu'un auteur protestant Herminjard et Mgr Janssen qualifient de «prince trés méchant et homme pervers» et que Wolfangel de Tubingue signalait à tous comme «un tyran furieux et un rouge malfaiteur», s'était laissé séduire par les nouvelles doctrines dans un voyage à Bâle où il était entré en relations avec le moine défroqué Œcolampade. Sur la recommandation de ce dernier, Guillaume Farel qui, déjà ex-pieux étudiant de l'Université de Paris, ex-professeur patronné par l'évêque de Meaux en 1521, venait d'être expulsé par le sénat de Bâle en février 1524, accourut en toute hâte à Montbéliard où Ulric attendait impatiemment un prédicant du «nouvel Évangile». Dès son arrivée, «cet ange déchu, nain de taille», comme le stigmatise Audin dans sa vie de Calvin, «né pour le drame populaire, avec son œil de feu, son teint brûlé par le soleil, sa barbe rousse et mal peignée, sa tête cachée dans une touffe épaisse de cheveux» (6), y alluma le feu de la discorde religieuse par ses prédications et ses extravagances d'énergumène. Aussi le 10 novembre, Antoine de Vergy excommunia «Ulric de Wurtemberg, Guillaume Farel et tous leurs complices, pour les blasphèmes et pour les hérésies dont ils sont coupables», et jeta l'interdit sur la ville de Montbéliard, en même temps que le parlement de Dole et la noblesse, celle-ci dans des assemblées tenues à Montbozon, à Gray et à Salins, avaient pris des résolutions énergiques pour aider le clergé à combattre les nouvelles doctrines (7).

Toutefois, afin d'appuyer plus efficacement ses sanctions spirituelles, l'archevêque de Besançon, d'un caractère noble et élevé et d'une grande piété, s'adressa aux cantons suisses, protecteurs du duc, pour se plaindre de ce que celui-ci avait admis des prédicants à Montbéliard. Ulric fut donc contraint, au mois de mars 1525, de congédier Farel dont le célèbre écrivain Erasme a écrit dans une lettre adressée à l'official de l'archevêque, «qu'il n'a jamais vu homme aussi menteur, aussi violent, aussi séditieux». Mais Farel expulsé, ses disciples montbéliardais, comprenant la nouvelle religion à la manière des princes d'Allemagne, voulurent immédiatement en faire une entreprise lucrative. En conséquence, on les vit s'armer, former des bandes, parcourir les campagnes, attaquer les châteaux, les couvents, les prieurés, aux cris de : «Luther ! Luther !». Partout la terreur précédait ces hordes de pillards qui rançonnèrent les catholiques de la ville et du comté de Montbéliard, le chapitre de l'église de Saint-Maimbœuf, les terres de Belfort, de Granges-le-Bourg, de Lure et de Faucogney, les prieurés de Saint-Valbert et de Lanthenans, les abbayes de Belchamp, des Trois-Rois et de Bithaine, les seigneuries de Ternuay, de Mathay, de Dampierre, de Beutal, de Grammont et de Saulx. La ville de Vesoul elle-même fut menacée par eux au mois de mai. Un avis du 10 de ce mois l'an 1525 ordonnait à Thiébaud Ponsot, procureur de l'archiduchesse des Pays-Bas, de mettre sous les armes tout son monde, tant de Vesoul que des villages voisins, pour repousser «les Luthériens qui se jactaient de surprendre et de détruire la ville». Cette fois, Vesoul échappa aux violences de ces furieux que les documents du temps appellent mutins ou bonshommes : leurs éclaireurs ne dépassèrent pas le village de Colombier-lès-Vesoul. Mais ils se portèrent avec fureur sur Montbozon, puis au château de Granges où ils établirent garnison ; et ce ne fut que sur la fin du mois d'août, après avoir exercé toutes sortes de ravages à Héricourt, à Plancher et à Champagney, que ces bandes de paysans des environs de Belfort et de Montbéliard dont le signe de ralliement était un vieux soulier au bout d'une perche, purent être anéanties dans un combat terrible aux environs de Villersexel (8).

La force ayant échoué, les prédicants eurent recours à la ruse, plus dangereuse peut-être que la violence. Durant les trois années qui suivirent, on ne voit pas, dit l'abbé Tournier, qu'il y ait eu de prédicant dans le Comté ; toutefois leurs émissaires à «belles manières et beau langage» parcouraient les campagnes et cherchaient surtout à s'établir dans les villes. Sous prétexte d'instruire la jeunesse ; ils ouvraient des écoles libres et faisaient des lectures publiques, destinées à répandre leurs idées et à miner les croyances dans le cœur des jeunes catholiques. Pour cette fois la cité de Vesoul ne put être préservée : le premier qui y vint dès 1525, Nicolas Selvit en fut chassé au bout de deux ans par le peuple ; pour le second il y resta plus longtemps, il se nommait Nicolas Bucheron, et tous deux étaient d'Amance. En même temps, à Besançon le fils aîné d'une famille noble, originaire des Flandres et émigrée d'Anvers, Antoine d'Emslkerck adhérait publiquement au luthéranisme, tandis qu'un religieux minime, Pierre Coquillard, frère de l'official d'Arras, prêchait à l'église Saint-Pierre un sermon contraire à la foi catholique et qu'un prêtre Jean Colombier, esprit faible et ambitieux, complétait par un mariage sacrilège son adhésion au protestantisme (9).

Mais au dehors de la Franche-Comté déjà entamée, le «nouvel Évangile» étendait ses rapides conquêtes et par l'appui de l'autorité civile et par les armes et le pillage. Dès le mois de janvier 1528, Berne appelait le protestantisme dans ses églises et parmi le peuple. En décembre 1529, Guillaume Farel envoyé par les Bernois allait prêcher dans les rues de Neuchatel et le 4 novembre suivant «une amende de dix livres y devint le châtiment de ceux qui iraient à la messe». Dans l'année 1530, le prince Ulric avait banni le catholicisme dans son duché de Wurtemberg où le landgrave de Hesse et Henri de Brunswick, princes réformateurs, venaient de le ramener triomphant. Six ans après, la Réforme, soutenue par les armes des Bernois, régnait dans tout le pays de Neuchatel, et le 25 mars 1536, la dernière messe était célébrée au Locle ; puis le 17 novembre 1538 paraissaient les ordonnances du frère d'Ulric, Georges comte de Montbéliard et de Wurtemberg, qui abolissaient la messe et les cérémonies du culte catholique dans la ville de Montbéliard et son territoire (10).

Alors, devant Montbéliard et Neuchatel soumises à la Réforme, n'était-il pas à craindre que Besançon, ne se laissât entraîner dans cette voie par imitation ; «bien que, pas plus alors qu'aujourd'hui, dit Castan, le tempérament des citoyens ne comportait l'enthousiasme et la précipitation : on demeurait attaché au culte qui résumait les traditions du foyer domestique». Cependant les Bernois dont Guillaume Farel était l'apôtre permanent, venaient de conquérir Genève à la nouvelle doctrine. En moins de 20 jours (8 août - 27 août 1535), Farel avait amené cette ville dont la jeunesse était tombée dans une corruption extrême, à abjurer solennellement la foi romaine, et la propagande huguenote ne s'arrêta pas là. Aux mois de janvier et de février 1536, les soldats bernois enlevèrent au duc de Savoie le pays de Vaud ; le 21 mars, l'évêque de Lausanne fut chassé, et dans toutes les paroisses de ce canton très catholique, la Réforme appuyée de la force armée s'y implanta par le pillage, l'incendie et la destruction des croix, des images et des autels. Les prêtres, les religieux et les ennemis du protestantisme furent traités sans miséricorde par les soldats arrivés de Berne (11).

Une fois maîtresse de Neuchatel, de Lausanne et de Genève, la Réforme se trouva à la limite de la frontière comtoise, et son ambition était de la franchir. Au mois de février 1537, les huguenots de Neuchatel avaient établi un prédicant à Morteau et injurié un prêtre. Sur ces entrefaites, un des co-gouverneurs bisontins, Gauthiot d'Ancier, issu d'une vieille famille bourgeoise de Gray, fils d'un avocat fiscal au parlement de Dole, «esprit remuant, dit Castan, dévoré d'ambition et avide de popularité», froissé de n'avoir pas été choisi par le ministre d'État Nicolas Perrenot de Granvelle comme avoué de l'empereur Charles-Quint auprès de la commune de Besançon, poussé à la vengeance par l'hérétique Lambelin secrétaire des gouverneurs, envoya à son instigation un messager à Neuchatel où il exposa sa mission ainsi : «Il n'y a pas grandement à faire à prandre Besançon ; les Leuthers sont jà à Neufchastel et s'ilz peuvent venir jusqu'à Vercel, nous sumes tous riches, car il ne fauldrait que pour un soir de nuy et seullement prandre tous les navois qui som dez Baulme à Besançon, qu'estoient à son commandement et qui estoient en sa puissance, les assembler, et les accoupler avec force cordes pour passer grand nombre de gens et arriver au port d'essoubz le Sainct Esprict pour facilement entrer en la dicte cité ; que les plus gros de Besançon estoient de leur ligue et Leuthériens». Fort heureusement la Providence permit cette fois que, grâce à l'habileté du ministre Granvelle, Gauthiot d'Ancier ne fût pas réélu aux élections communales de l'année 1537, et le secrétaire Lambelin fut mis en état d'accusation. Aussitôt le traître Gauthiot se hâta de prendre la fuite et mourut en 1556 à Gray, sans avoir été réhabilité par Charles-Quint. Quant à son complice huguenot, reconnu coupable de traîtrise, d'hérésie, de fraude et de concussion, il fut condamné à mort et décapité le 12 juin 1538 (12).

Ces actes de répression, dûs à l'autorité civile, furent appuyés par le zèle vigilant du digne abbé de Luxeuil François Bonvalot, que le chapitre métropolitain parvint à maintenir administrateur spirituel et temporel du diocèse durant l'étrange minorité de Claude de la Baume, enfant de sept ans, choisi comme son successeur à l'archevêché de Besançon par son oncle le cardinal Pierre de la Baume. Aussi pendant plusieurs années, les protestants se tinrent calmes et ne donnèrent plus signe de vie, surtout après le triomphe de l'empereur Charles-Quint sur les princes protestants d'Allemagne, à Mühlberg le 24 mai 1547. Malheureusement les armes redevinrent défavorables à Charles-Quint qui fut obligé de signer avec les princes allemands la transaction de Passau (2 août 1552). L'une des clauses du traité imposait aux luthériens l'obligation «de ne point empêcher les catholiques de jouir du libre exercice de leur culte, cérémonie et religion, et de ne leur causer aucun trouble ni empêchement là-dessus». Mais à Montbéliard on ne tint pas compte d'abord d'un traité dont les armes ne pouvaient pas imposer l'observation ; et comme il avait été encore stipulé à Passau qu'une nouvelle diète serait assemblée à l'effet d'examiner de quelle manière on pourrait le mieux terminer les disputes de religion, cette réunion se fit à Augsbourg en 1555. Hélas ! la religion catholique n'eut pas à s'en féliciter. Il y fut décidé, en effet, que ni l'empereur ni aucun seigneur catholique ne pourrait molester ceux de la confession d'Augsbourg pour les lois et les cérémonies qu'ils avaient établies ou qu'ils établiraient par la suite (13).

Du reste, la propagande protestante trouvait aussi un auxiliaire puissant dans la diffusion des livres hérétiques, entre autres d'une Bible imprimée à Neuchatel, et dans la manière uniforme de procéder qu'employaient tous les partisans des nouvelles doctrines : publiquement, ils s'affichaient «être gens de bien, vertueux et bons catholiques, sans avoir aperçu de leur part aucun acte contraire à la religion» ; et dans les entretiens privés, ils chantaient les psaumes de David, s'occupaient d'interpréter les saintes Écritures et déclaraient que pour cela «il suffisait de l'esprit de Dieu». Jamais ils ne parlaient ni de la Sainte Vierge ni des saints. C'était l'hypocrisie sous son côté le plus vil ! Vers cette époque également les protestants de Besançon «se réjouirent grandement et menèrent grand triomphe» des avantages que les huguenots calvinistes de France, érigés en parti contre leur roi et leur patrie à l'instigation de l'amiral de Coligny, commencèrent à remporter dans le Dauphiné, le Languedoc et la Provence. Aussi leur propagande en devint-elle plus active, d'autant plus que sur les frontières de la Comté, dans le pays de Montbéliard, l'amende, la prison ou l'exil étaient le châtiment infligé à celui qui pratiquait le catholicisme. La lutte des huguenots dans la cité imperiale de Besançon devenait donc chaque jour plus vive et plus ouverte contre la religion catholique, lorsqu'en 1564 l'établissement de la Ligue des Gueux, appelée aussi «confrairie de Sainte-Barbe» afin de donner le change au public, excita leur courage et leur donna l'espoir de devenir bientôt maîtres de la cité. C'était là le second pas décisif de l'invasion protestante dans notre catholique Comté (14).

La nouvelle manière de «posséder et pratiquer l'Évangile » selon Toussain, prédicant en chef de Montbéliard, avait depuis longtemps aussi séduit dans «le Cercle de Bourgogne» Guillaume Ier de Nassau, prince d'Orange, dit le Taciturne. Tour à tour luthérien, catholique et calviniste, il avait habilement profité de tous les éléments révolutionnaires, accumulés dans les Pays-Bas, pour préparer à son heure et sûrement le soulèvement populaire contre la domination espagnole. Après l'abdication en 1556 et 1557 de l'empereur Charles-Quint, Philippe II son fils cadet régnait sur l'Espagne, les Pays-Bas et la Franche-Comté. Malheureusement il était trop loin de ces deux dernières provinces pour y surveiller les agissements ténébreux des disciples de Luther, de plus en plus nombreux et audacieux. Lors donc en 1564, Guillaume le Taciturne imagina hypocritement de fonder une sorte de confrérie ou «saincte association de tous les bons et vrays fidelles chrestiens, tous vrays frères et unis en Jésus-Christ» pour maintenir la primitive Église, «selon la tradition récente et catéchisme de M. Calvin». Le règlement secret stipulait que si, «par faulte de cœur, aulcung ne vouldrait tenir ferme et stable le serment presté», il serait puni et châtié rigoureusement par la force. Il ajoutait que «ceulx des villes lesquels refuseront estre des nostres..., on leur courra sus, attendu que ceulx qui ne sont pas pour nous sont contre nous». Cette association, élaborée et signée par le prince d'Orange, par ses deux frères les comtes d'Egmont et de Hornes, et six autres conjurés, fut baptisée du nom trompeur confrairie de Sainte-Barbe et reçut pour insignes une médaille, portant d'un côté une besace avec deux mains jointes et, de l'autre, cette inscription menteuse : «Fidèles au roi jusqu'à la besace». Son nom véritable était Ligue des Gueux (15).

Le caractère réel de «cette saincte association de tous les bons et vrais fidelles chrestiens... tant du Pas d'Embas [Pays-Bas] que du Comté de Bourgogne», nous est indiqué on ne peut plus clairement par le trop fameux calviniste Théodore de Bèze, par le grand historien catholique Janssen et par l'auteur protestant Bor que cite Janssen. En effet, le premier déclare dans le courant du mois d'août 1564 que «le jour de la révolution est arrivé» ; le second ajoute : «l'effervescence populaire éclate bientôt en voies de fait, les églises et les chapelles sont envahies, et les images des saints, emblèmes de l'idolâtrie romaine, arrachées et brisées» ; enfin le troisième conclut : «il n'est pas permis de doute que les brisements d'images n'aient été prémédités ou tacitement permis par les gentilshommes confédérés «sous le nom de Gueux» et qui se donnent comme les sauveurs de la patrie (16).

D'après les registres du parlement de Dole, ce fut en mai 1565 que Moureaud dit d'Andelot arrivait de Flandre en Franche-Comté pour enrôler dans la confédération les seigneurs de Bourgogne. La propagande commença secrètement, et ce fut vers le gardien de l'abbaye de Faverney que le traître d'Andelot avait ordre de venir en premier lieu. À cette époque régnait à Amance Marc de Rye, seigneur de Dissey, Montaigu et Bourguignon, chevalier de la Toison d'Or, gouverneur et capitaine de Dole. «C'était un homme d'esprit, a écrit le cardinal de Granvelle, mais chagrin, médisant, sarcastique, enivré de la grandeur de sa race, altier et impérieux, et par-dessus tout l'ennemi le plus déclaré de la famille des Perrenot» qu'il appelait des parvenus. Sa haine se traduisait tantôt par des épigrammes, tantôt par des menaces de mort que déjà il faisait entendre en Flandre, avant le départ du cardinal pour l'Espagne. Très lié avec le comte d'Egmont, frère de Guillaume de Nassau, il se jeta par haine et dépit dans la Ligue des Gueux dont il accepta d'être le chef en Comté. Par son influence le sire de Saint-Remy Nicole de Savigny, mécontent de l'archevêque Claude de la Baume qui avait refusé d'autoriser son mariage avec la marquise de Rénel, sa cousine germaine, sans les dispenses voulues par le concile de Trente, adhéra à la nouvelle confrérie de Sainte-Barbe. Les deux sires de Vienne qui tenaient Vauvillers, consentirent aussi à devenir des confédérés et affichèrent de suite leurs sympathies pour la religion nouvelle. Le seigneur de Vellefeux vers Vesoul fit de même, aussi bien que le sire de Vantoux et Jean-Jacques seigneur de Grandvillars. Ainsi en quelques semaines, Marc de Rye avait converti au «nouvel Évangile» six seigneurs ses voisins et son propre fils Claude-François de Rye, jeune étourdi qu'il venait d'émanciper. Mais il osa plus. Poussé toujours par sa haine, il chercha un noble à Faverney même et réussit à gagner Jean de Citey qui commandait le château de Faucogney, une des clefs de la défense du pays. Ce fut le neuvième seigneur comtois qui fit partie des Gueux (17).

Dès lors le château d'Amance devint un foyer ardent de propagande au grand jour. Durant dix-huit mois et jusqu'à la fin de l'année 1566 la médaille des Gueux, ayant l'image de la besace avec les mains jointes, s'y porta assez ouvertement ainsi que dans les pays circonvoisins. On fit mieux. Le samedi avant la semaine sainte, aux noces de la fille de sa seconde femme Marie Raguier, «pour plaire aux parens de sa femme qui sont françois et huguenots», le seigneur Marc de Rye affecta de faire servir dans son manoir un repas somptueux en gras, «scandale et offense de manger de la chair en temps défendu plus qu'en tout autre». Et le jour «des Pasques ses gens à la table sainte portaient la livrée de la ligue». De pareils exemples venus de si haut étaient contagieux. Aussi «j'ai èntendu, écrivait au cardinal l'avocat Claude Belin de Clerval, que maintes personnes d'Amance sont bien troublées». Et de fait, l'hérésie protestante avait gagné Faverney, Conflans-sur-Lanterne, Fleurey-lès-Faverney, Contréglise, Montureux-lès-Baulay, Jussey, Jonvelle, Magny-lès-Jussey, Passavant-la-Rochère, Bouligney, Courchaton, Moffans, Lure, Luxeuil, Clairegoutte, Le Magny d'Anigon, Saulx-lès-Vesoul, Calmoutier, Rupt, Mailley, Oiselay et surtout Vesoul où Marc de Rye comptait de chauds partisans. Et toujours «le feu dangereux d'hérésie et de liberté s'allumait journellement dans la province». Un marchand d'Amance, «parent depuis gros du village et d'un serviteur du château», avait parlé à Montbozon contre la messe (12 janvier 1667). Le vicaire d'Oiselay et le prieur du couvent des capucins de Jussey s'étaient affiliés à la confrérie nouvelle. Dans tous les villages circulaient des colporteurs qui vendaient à vil prix des livres hérétiques et des images obscènes ou blasphématoires ; et des maîtres d'école, «habiles en beau langage» et vendus à la secte, essayaient de s'établir dans les centres de quelque importance, tandis que des domestiques huguenots se louaient dans les meilleures maisons pour apprendre en cachette les psaumes de Clément Marot et les faisaient chanter pendant la nuit. Il était donc à craindre que «ce venin ne s'étendit bien avant et ne causât la perdition du pays» (18).

Du baillage d'Amont le seigneur Marc de Rye transporta le centre de la nouvelle «confrairie de Sainte-Barbe» dans son château de Bouclans, aux portes de Besançon. De là il correspondait avec les habitants de la ville dont les gouverneurs favorisaient les prédications secrètes des calvinistes. On dit même, ajoute le président Clerc, que Claude-François de Rye, son fils âgé de 20 ans et marié depuis peu, mais «cerveau inquiet et peu reposé», s'était chargé de façonner aux idées de la Réforme son jeune cousin l'archevêque élu de Besançon, Claude de la Baume aussi léger que lui, et «l'avait conduit aux prêches des huguenots à Lyon». De plus, six conseillers de la Cour souveraine de Dole étaient gagnés à la cause protestante ou y inclinaient. Aussi, à la fin de l'année 1566, le protestantisme se flattait-il d'avoir bientôt à sa dévotion le chef de la magistrature franc-comtoise, ainsi que le chef spirituel du diocèse, et dans toute la Comté la Ligue des Gueux avait jeté l'épouvante un peu partout. «Le climat règne étrange et ne parlé-t-on que du mal, écrivait à Granvelle l'écuyer de Chavirey, tellement qu'il convient aller sur sa garde comme si l'on était en une fouret pleine de brigants». Heureusement Dieu veillait ! (19).

Le 2 février 1567, Claude-François de Rye, envoyé par son père afin de mieux cacher son jeu, arrivait à Bruxelles pour faire le serment de sa majorité aux mains de son altesse l'archiduc. Tandis que, toujours bouillant étourdi, il descendait de cheval dans la cour de l'hôtel du comte d'Egmont, le grand ami de sa famille et l'un des chefs flamands des Gueux qu'on surnommait la grande Barbe, sa dague pendue à son côté sortit de sa gaine et tomba. En se précipitant à terre pour la ramasser, soit vivacité soit maladresse... il se fit une blessure mortelle ; et sept jours après, le 9 février, mourant entre les bras du seigneur huguenot de Citey et de Mont Saint-Ligier, tous deux gentilhommes écuyers de sa maison, plein de remords d'avoir quitté le catholicisme, il demanda et reçut avec piété les derniers sacrements. Il voulut être enterré à Bruxelles ; et ce fut la grande Barbe qui vint annoncer la triste nouvelle à la jeune veuve d'Amance et au seigneur de Rye à Bouclans. Cette mort si brusque du plus jeune seigneur de la Réforme parmi les comtois, de cet apôtre infatigable allant sans cesse du Comté de Bourgogne dans les Pays-Bas et choisi déjà par le prince d'Orange pour être le conseil principal de son fils, jeta «dans un très-grand et publicque regret ceulx de sa faction qui commencèrent fort de baisser les cornes» (20).

Toutefois la haine farouche qui faisait déjà sécher de dépit le vieux conspirateur Marc de Rye quand il voyait les grands emplois de la province aux mains des parents du cardinal de Granvelle, s'attisa encore plus sous le coup de la mort de son fils lorsqu'il apprit que le duc d'Albe arrivait de l'Espagne avec une armée de 10.000 hommes tant cavalerie qu'infanterie, composée des débris des légions victorieuses à la tête desquelles l'empereur Charles-Quint avait fait trembler l'Europe. Il n'y avait pas à s'y méprendre : le terrible duc était déjà à Lons-le-Saunier, s'avançant avec une lenteur calculée à travers la Comté pour monter dans les Flandres afin d'y réprimer les entreprises des Gueux protestants. Alors Marc de Rye paya d'audace : il fit annoncer qu'il allait venir habiter Besançon, car il était l'espoir et l'idole de ses nombreux affidés. On était en juillet, et le château de Bouclans n'avait cessé d'être secrètement fréquenté, durant tout le mois, par les confédérés effrayés de la venue du si redouté duc d'Albe, lorsque le dimanche 9 août le seigneur d'Amance fut assailli par un catarrhe, et le jeudi suivant il n'était plus ! Cette mort des deux conspirateurs de Rye, arrivée en six mois, porta un coup décisif à l'association huguenote, et les victoires du duc d'Albe dans les Pays-Bas, suivies de l'exil des seigneurs compromis et de la confiscation de leurs biens, mirent fin à la «confrairie de Sainte-Barbe» ou ligue protestante des Gueux (21).

Mais le danger imminent n'était qu'ajourné. Tandis qu'à Besançon les étrangers, agents pour la plupart de l'amiral de Coligny et du Berne, Genève ou Neuchatel, faisaient régner une grande effervescence et excitaient à bon droit les inquiétudes des honnêtes gens, en Allemagne le duc Christophe de Wurtemberg et le duc Wolfgang des Deux-Points levaient de nombreuses troupes et préparaient dans l'ombre un coup de main sur la Comté et la cité de Besançon. Le 20 janvier 1569, en effet, avec l'approbation du Comte palatin et de tous les princes protestants, du duc Guillaume de Nassau exilé et même de la reine d'Angleterre, le sinistre duc des Deux-Ponts à la tête de 20.000 hommes environ, tant cavaliers que fantassins, se dirigea comme un ouragan sur la partie du bailliage d'Amont où se trouvait Faverney. Les 8.000 cavaliers de son avant-garde étaient commandés en personne par le prince d'Orange, chef de la ci-devant «confrairie de Sainte-Barbe» ; les nobles comtois félons et huguenots, Jean de Citey capitaine de Faucogney, Nicole de Savigny seigneur de Saint-Remy, François de Vienne dit le chevalier de Chevroz, Claude-Antoine de Vienne baron de Clairvaux, les sires de Vantoux, de Vellefaux et de Grandvillars en étaient les lieutenants. Dans les premiers jours de mars les 8.000 reîtres allemands arrivèrent à Montbéliard, et, dès le 19, ils commençaient l'exécution du plan secret de campagne dont le duc Wolfgang avait écrit hypocritement, le 18 mars, au gouverneur-comte de Vergy : «Il est interdit à mes troupes de faire violence en quelque manière que ce soit aux comtois». Et de fait, d'une part l'abbaye de Bithaine est pillée, son église profanée, le prieur âgé de soixante-dix ans est tué, trois religieux, un prêtre et deux novices, sont emmenés prisonniers ; la ville de Faucogney livrée par le traître Citey, celle de Luxeuil et tout son bailliage sont ravagés entièrement ; plusieurs villages sont incendiés. D'autre part le 20 mars, l'abbaye de Clairefontaine était brûlée, les calices de prix et les ornements étaient devenus la proie des envahisseurs, et le village d'Ormoy était rançonné (22).

Dès le 23 mars le duc des Deux-Ponts se trouvait avec le gros de son armée à Conflans-sur-Lanterne ; et le 24, jour du Vendredi saint, les traîtres Nicole de Savigny et Jean de Citey entraient à Faverney qui, malgré sa puissante enceinte de fortification, n'essaya même pas de résister «par la faulte de ceux dudit lieu qui leur ont faict ouverture de leurs portes» : ainsi en écrivit au parlement le gouverneur de Vergy. Non contents d'en être les maîtres, les seigneurs de Saint-Remy et de Citey mirent le feu à la ville et à l'hôtel abbatial. Quatre-vingts maisons au moins furent brûlées, l'habitation du chapelain de Notre-Dame la Blanche fut incendiée avec le palais contigu de l'abbé ; le feu se communiqua à la charpente de l'église et la dévasta au point que les voûtes du collatéral de droite furent endommagées, et celles du transept s'effondrèrent et brisèrent tout dans le sanctuaire. «Les pertes s'élevèrent à plus de 100.000 francs», a écrit de Vergy. Après le feu, le meurtre : «quatre hommes d'église l'un desquels est le curé du lieu, furent tués» ; et le pillage suivit. Au milieu de la nuit, pendant que les flammes projetaient au loin leurs sinistres lueurs, les soldats de Savigny et de Citey ravagèrent église, sacristie et abbaye, puis allèrent porter l'effroi dès la pointe du jour dans les villages voisins. Plusieurs maisons furent incendiées à Fleurey-lès-Faverney ; à Villers-sur-Port, soixante hommes du sire de Mairolle furent égorgés ; les églises de Pusey et de Pusy furent saccagées ; les villages de Flagy, Auxon, Epenoux, Charmoille, Bougnon, Grattery, Vaivre et La Villedieu furent rançonnés (23).

En quittant Faverney le 25 dans la matinée, les reîtres protestants emportèrent sur eux ou sur leurs montures tout le vestiaire des religieux et de leur sacristie. Traversant la Saône à Cendrecourt soit en barques soit à la nage, ils tombèrent sur le village de Raincourt grotesquement affublés, les uns de casaques, de robes et de scapulaires de moines, les autres de chapes, de dalmatiques et de chasubles. C'était le samedi-saint, à l'heure où les fidèles étaient réunis pour les vêpres et sortaient de l'église avec croix et bannières pour la procession d'usage. Les hugnenots se ruèrent sur la foule éperdue et la poursuivirent dans l'église et dans les maisons aux cris féroces de : «Tue ! tue les papistes ! Ville gagnée ! Au pillage !» Les malheureux habitants s'enfuirent épouvantés dans les bois, abandonnant le saint lieu et leurs propres demeures à la merci de ces brigands. Ceux-ci séjournèrent trois semaines, dans ce village, prirent tout dans la sacristie et ne laissèrent dans l'église que les murailles et les cloches, et pas un meuble dans les maisons.

Le duc de Wolfgang arriva à Jussey le jeudi de Pâques 30 mars et y établit son quartier général. Il fit immédiatement barricader la porte de l'église, et le dimanche de Quasimodo fit prêcher aux halles en convoquant tout le peuple avec des trompettes au lieu de cloches. Puis de là son armée, forte de 8.000 chevaux et 3.000 Gascons à pied, sans compter un nombre presque égal de valets, de goujats, de femmes et de voleurs à la suite des bagages, se répandit à Purgerot, Morey, Bourguignon-lès-Morey, Fouvent et dans plus de trente autres villages, saccageant et brûlant tout, tuant tout ce qui résistait et emmenant prisonniers tous ceux dont on pouvait espérer quelque rançon. Les prieurés de Saint-Marcel et d'Enfonvelle furent incendiés ; l'église de Cherlieu dont l'archevêque Claude de la Baume était abbé commendataire, fut profanée et sa toiture en plomb enlevée et fondue. Le monastère abandonne par les religieux fut ravagé par Savigny qui y mit ensuite le feu et voulut en rester le spectateur tant que l'incendie dura. En même temps à Saulx-lès-Vesoul, à Port-sur-Saône, à Membrey, à Vaîte, à Neuvelle-lès-la-Charité, à Frasne-le-Château et à Vezet recommençaient les mêmes horreurs. Trois hommes furent pendus à Betoncourt-lès-Ménétriers ; le château et la grange d'Aroz, le prieuré de Dampierre-sur-Salon, une partie de l'abbaye de Theuley, l'église et la cure d'Autrey, le village de Leffond furent incendiés, et les cloches de l'église de Mantoche mises en pièces. Les soldats huguenots du duc des Deux-Ponts ne sortirent d'aucun village sans y laisser la misère et les larmes ; et c'est ainsi que la Bible à la main, pour implanter le «nouvel Évangile», quatorze à quinze cantons autour de celui de Faverney «furent tondus à la volonté de tels bouchiers», une multitude de villages brûlés et pillés, les églises de soixante à soixante-dix paroisses profanées et volées, et des milliers d'habitants dépourvus de tout, sinon de la vie (24).

Mais si, le 26 avril, le Comté de Bourgogne se trouvait à jamais débarrassé du terrible duc de Wolfgang qui, ayant pénétré en France par Chalindrey, mourait au mois de mai suivant à la Charité-sur-Loire d'une fièvre causée, dit-on, par les excès du vin, la Réforme était loin d'avoir abandonné son projet de s'emparer de Besançon par la force et la ruse. Les bisontins, partisans des doctrines protestantes, étaient devenus à cette époque de vrais perturbateurs du repos public : les enquêtes en font foi. Du reste, en mars 1570, ils avaient réussi à faire pénétrer dans les murs de la cité impériale le trop fameux prédicant et conspirateur Théodore de Bèze. Né à Vézelay, non loin d'Avallon en Bourgogne l'an 1519, de bonne heure il se distingua par des vices abominables, à ce point que son vieux père mourant le répudia par-devant notaire comme «ennemi de Dieu, traître à son roi et rebelle à son père». «Débauché et dissolu, sodomiste et adultère, larron et traître, instigateur de meurtres, guerres et invasions, de brûlements de villes, palais et maisons et de saccagements de temples», tel est en raccourci le portrait que nous ont laissé de lui les historiens Launay, Bolzec, Audin et Rohrbacher. Très ami de Calvin qui en fit comme un autre lui-même, il lui avait succédé en 1564 et c'est comme grand chef des calvinistes qu'il vint à Besançon. Ce fut Jean Vuillard qui le cacha dans sa maison, située Grande-Rue à côté de l'hôtel des d'Anvers. Pendant le jour, sa retraite était impénétrable ; le soir, il n'admettait sans doute dans sa société que des privilégiés. Aucun catholique, pas même le Chapitre qui était alors tout oreilles et tout yeux contre l'hérésie, ne soupçonnèrent sa présence ; et pourtant les assemblées de nuit se multipliaient dans Besançon, les rues y retentissaient de propos luthériens jusque sous les fenêtres de l'archevêque Claude de la Baume, revenu converti de Rome ; les divisions entre citoyens s'accentuaient ; six des gouverneurs et leurs femmes allaient au prêche la tête levée et ne se cachaient plus ; les catholiques en étaient épouvantés et commençaient à se dégoûter, «disant qu'on veut les laisser perdre» (25).

Cette propagande, audacieuse et impunie des hérétiques bisontins, portait des fruits au loin dans le diocèse. À Ornans, Vuillafans, Orchamps-Vennes et autres lieux de la montagne les doctrines nouvelles avaient pénétré. Mais il y eut plus. Aux élections des magistrats de la cité, plus de la moitié des gouverneurs élus furent des huguenots ; il s'en suivit une émeute où tous les protestants, armés et conduits par un co-gouverneur, parcoururent les rues de la ville en criant: «Nous tuerons tous ces papaulx». À la suite de ces troubles, une cinquantaine d'hérétiques furent expulsés ; mais les coupables de la classe élevée qui avaient attisé le foyer de la crise, furent épargnés. Toutefois aux élections de 1573, aucun gouverneur huguenot ne fut élu, et alors les gros coupables furent bannis à leur tour ; c'est ainsi qu'en septembre 1573, il y avait cent cinquante-trois protestants bisontins, soit expulsés soit fugitifs, qui se trouvaient réunis à Montbéliard. Mais, écrivait le 28 janvier 1574 le comte de Vergy au gouverneur des Pays-Bas, «la ville n'est encore si bien répurgée qu'il n'y reste encore bon nombre de séditieux» ; et, en effet, pendant le Carême de 1575, le prédicateur de Saint-Jean, un religieux carme, osa affirmer du haut de la chaire, à deux reprises différentes, qu'il y avait, au su des gouverneurs, «beaucoup de huguenots dans la cité et des livres suspects en quelques maisons». Or la vérité était qu'en ce moment les protestants étrangers, d'intelligence avec ceux de Besançon, préparaient dans le plus grand secret un hardi coup de main contre la cité impériale dont ils convoitaient la conquête depuis plus de quarante ans, et le moment d'agir était enfin arrivé (26).

Le 20 juin, «entre les six et sept heures du soir», on fut informé à Baume-les-Dames «qu'en divers lieux, aux environs et par les villages voisins, passaient en grand nombre et par bandes plusieurs soldats tant à pied qu'à cheval, venant du côté de Montbéliard et tirant hativement contre le dit Besançon». En même temps la municipalité de Baume apprenait que ces soldats, venus de Montbéliard, de France et d'Allemagne, devaient sous la conduite de Paul de Beaujeu, gentilhomme lorraine retiré à Montbéliard pour ses opinions religieuses, et des bannis de Besançon, «s'emparer dudit Besançon, et par après de Vesoul et de Baume». À minuit le 21 juin, le messager de la municipalité de Baume et un autre venant de Pont-de-Roide apportaient le même message d'alarme à la porte Taillée. Mais les sentinelles dormaient et leur appel demeura sans écho ; et à cette même heure, Beaujeu qui vers la nuit tombante avait caché ses soldats à Palente, arrivait avec une troupe de 120 à 130 hommes à la tour de la Pelotte, et grâce à «dix petits naveteaux dextrement faits» en forme de barques qui s'accrochaient bout à bout, il parvint à former un pont sur lequel les huguenots purent franchir le Doubs, quoique fortement gonflé par suite d'une pluie torrentielle qui était tombée la veille. Cet obstacle franchi, soixante ennemis entraient dans la ville ; les uns se rendent chez leurs parents et complices, sept courent forcer la porte de Battant, et toute la troupe alors, cavaliers et gens de pied, éclairés par deux torches, gagnent le pont de Battant. Il n'était pas encore trois heures du matin (27).

Réveillés en sursaut, le gouverneur de Vergy et quelques notables se précipitent hors de chez eux les armes à la main et courent du côté du pont de Battant ; mais ils durent reculer devant les calvinistes qui s'avançaient en trois bandes par la rue des Granges, la Grande-Rue, les rues Poitune et Saint-Vincent, en vociférant de toutes leurs forces : « Tue ! tue !... Ville gagnée !... Evangile !...» Ces trois groupes d'assaillants montent ainsi jusqu'à la place Saint-Maurice, conjurant leurs amis de se joindre à eux ; puis ils redescendent assiéger l'hôtel-de-ville où ils blessent l'un des douze ou quatorze courageux catholiques qui s'y étaient barricadés. Mais se voyant incapables de prendre la place, ils regagnent le pont de Battant, poursuivis faiblement par les quelques bisontins que la peur des huguenots n'a pas terrorisés. Là, ils amènent les deux pièces d'artillerie des portes d'Arène et de Battant et envoient dans la Grand-Rue, prise en enfilade, des décharges qui jettent les catholiques dans un effroi indescriptible. Heureusement le canonnier éperdu ne parvient plus à recharger ses pièces. À ce moment survient le jeune archevêque Claude de la Baume, qui, habitant loin du théâtre du combat, fut un des derniers à entendre les cris : «Aux armes ! les Huguenots sont maîtres de la ville !»

La lutte durait déjà depuis près deux heures et l'on n'en prévoyait pas la fin, quand arrive le pontife se couvrant de «sa randache» ou grand bouclier. Il est escorté du comte de Vergy et d'un grand nombre de prêtres, de religieux, de familiers de Saint-Jean et de Saint-Étienne qui traînent les trois bombardes de l'hôtel-de-ville. S'armant de courage, Claude de la Baume fait braquer ces gros canons contre les assaillants. Ô stupeur ! la première pièce ne part pas, la seconde vole en éclats. Les catholiques deviennent pâles de terreur ; les hugnenots postés dans les maisons voisines du pont redoublent leur tir, et appellent à la rescousse, mais en vain, les trois cents protestants qui habitent dans la ville. Aucun n'accourt auprès d'eux. Alors l'archevêque ordonne de braquer le troisième canon : cette fois deux décharges successives sèment l'épouvante parmi les assaillants qui, effares, déguerpissent des maisons envahies et bientôt prennent une fuite précipitée. Les uns, en proie à une terreur panique, se jettent dans le Doubs où ils sont noyés ; les autres furent pris comme dans une souricière à la porte de Battant dont on avait abattu la herse. Besançon était délivrée ! La lutte avait duré au moins six heures (28).

Aussitôt que l'abbé de Faverney, Antoine d'Achey apprit la stupéfiante nouvelle de l'attaque de la ville archiépiscopale par les protestants, il réunit ses hommes d'armes et, accompagné des abbés de la Charité et de Rosières, il s'avança à marches forcées au secours de la cité où il arriva aussitôt que la milice de Vesoul. Cette démarche toute à son honneur lui valut une lettre de remerciement de la part du gouverneur des Pays-Bas pour «le bon deboir qu'avez fait avec vos gens et sujets de vous trouver ces jours passés au secours de la suprise de Besançon attentée par anciens rebelles et sectaires» (29).

Vaincus, les suspects qui restaient dans la ville en éprouvèrent un violent dépit ; ils continuèrent, du reste, à tenir des assemblées clandestines, si bien que l'archevêque crut bon d'en instruire le gouverneur à Anvers et concluait ainsi : «Nous sommes en aussi grand hasard que paravant». Toutefois, en 1576, après les élections du corps municipal qui ne portèrent à l'hôtel-de-ville que de «bons catholiques», Claude de la Baume obtint du pape les indulgences du grand jubilé pour tout le diocèse ; la cité de Besançon se fit remarquer alors entre toutes les autres par son ardeur religieuse, à ce point que les protestants eux-mêmes cédèrent à l'entraînement général et que presque tous les citoyens accomplirent les œuvres pieuses du grand pardon. La paix commença donc à se rétablir et l'ardeur huguenote, après une forte poussée en 1605, s'éteignit lentement (30).

Mais si l'hérésie protestante disparaissait à Besançon, elle était tellement vivace dans les alentours de Faverney que le Cardinal de Granvelle écrivait au comte de Vergy : «Il serait grand temps que Claude de la Baume purgeât Conflans, Fontenois-en-Vosges et autres lieux infectés». Les villages d'Ambiévillers, Pont-du-Bois, Auxon-lès-Vesoul, Bougnon, Cuve, Purgerot étaient devenus de nouveaux centres de «lutherrie». À Passavant-la-Rochère, le seigneur Nicolas de Campredon venait d'embrasser l'hérésie et laissait le riche huguenot Barret donner asile dans sa maison à un pasteur de Genève. Dans les villages voisins, des moines apostats allaient injurier la Sainte Eucharistie dans les églises en y célébrant des messes sacrilèges, et cherchaient à ébranler la foi des populations avec un raffinement infernal de perfidie et d'impiété. À Amance aussi en 1607, les fils de Nicolas Bucheron, l'ancien maître de «lectures publiques protestantes» à Vesoul vers 1530, ne cessaient de répandre le «venin calviniste», soit en chantant «souventes fois tant à la maison qu'aux champs» les psaumes des huguenots de France, soit en «détenant plusieurs livres d'hérésie entre autres un ouvrage de Calvin», soit en prononçant «plusieurs propos injurieux pour les gens d'église», soit en mangeant publiquement «du jambon, des andouilles, du boudin certains jours défendus par l'Église, notamment le samedi-saint». Le scandale qui durait depuis de longues années, devint alors si manifeste que, le 28 mars 1607, «le procureur d'office des terres, justice et seigneurie d'Amance, Maistre Philibert de Bresse», commença l'instruction criminelle d'un procès d'hérésie, d'attentats à la pudeur et de sortilèges contre Jacques et Claude Bucheron. Sur au moins cent soixante chefs d'accusation il y eut à comparaître 144 témoins, et l'interrogatoire ne fut terminé sur la place publique d'Amance que le 1er juin vers midi. Du reste, les deux accusés ainsi qu'une femme hérétique de Cuve étaient encore dans les prisons de Vesoul au mois de mai 1608 (31).

Et même dans l'antique abbaye de Faverney on eut dit que le «nouvel Évangile» avait hélas ! pénétré : ils n'étaient que six religieux avec un novice et un petit novice de treize ans, et pour toute autorité un prieur claustral qui n'imposait aucune vie régulière et monastique. Plus de salle capitulaire, a déclaré M. Jean Guiraud, pour la lecture de la règle et l'accusation quotidienne par la «coulpe», plus de réfectoire pour les repas en commun, plus de dortoir pour la nuit, plus de bibliothèque pour l'étude journalière, plus de costume religieux habituel, plus de tonsure monastique, plus d'office divin durant la nuit si ce n'est aux grands jours de fête, plus de messe et vêpres conventuelles régulièrement chaque jour de la semaine, plus de confession hebdomadaire, plus de vœu de pauvreté, plus de permission pour les voyages, plus de dignité dans la conduite ni dans la tenue au dehors, plus de clôture aussi. On entrait dans l'intérieur du monastère et on en sortait comme l'on voulait, à n'importe quelle heure du jour et de la nuit. Dans l'église et à la sacristie l'état matériel était aussi déplorable que l'état moral des religieux : le culte y était célébré sans la moindre solennité, et les ornements comme les vases sacrés présentaient l'aspect du plus complet abandon et de la malpropreté la plus grande. Les livres de chœur pour chanter l'office étaient à l'avenant, déchirés et usés. En un mot, depuis plus de cent ans la règle bénédictine n'y avait été ni lue, ni expliquée, ni méditée, ni observée : même elle y était inconnue (32). Quelle proie facile et toute désignée à la conquête de la Réforme, de plus en plus agissante tout autour de Faverney, et qui sait ?... peut-être même dans Faverney, car les partisans de Citey n'étaient sans doute pas tous morts ! Une chute prochaine et cette fois irrémédiable était donc à prévoir ; et alors c'était la fin de l'antique et béni sanctuaire de Notre-Dame la Blanche, c'était le triomphe de l'hérésie contre l'auguste Mère du Christ, c'était le serpent huguenot écrasant la tête de l'Immaculée !... Voici donc venir l'heure de Dieu !

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[Sources bibliographiques et Notes de bas de page.]

1. Mgr Petit, Compte rendu des travaux du Congrès National eucharistique à Faverney du 20 au 24 mai 1908, p. 4 (Instruction pastorale de l'archevêque de Besançon).

2. Alfred Baudrillart, L’Église catholique, la renaissance, le protestantisme, Paris, Bloud, 1904, I, pp. 10 à 20 ; L'abbé Fernand Mourret, Histoire générale de l'Église, 4e éd., Paris, Bloud, 1910, V, pp. 446, 447, 455 et 456.

3. Charles Duvernoy, Ephémérides du Comté de Montbéliard, Besançon, Dies, 1832, volume 316, p. 163.

4. L'abbé Constant Tournier, La crise huguenote à Besançon au XVIe siècle, Besançon, Jacquin, 1910, p. 51. — Auguste Castan, Mémoire sur le protestantisme à Besançon dans la Société d'Emulation, 1905.

5. Antoine de Vergy, précepteur de l'empereur Charles-Quint, fut le 84e archevêque de Besançon et le second successeur de Charles de Neufchâtel, fils du seigneur d'Amance et abbé commendataire de l'abbaye de Faverney de 1418 à 1480. — Archives du Doubs, G. 192, 9 décembre 1523 ; Tournier, La crise huguenote, p. 48 ; Paul-Edmond Tuefferd, Histoire des comtes souverains de Montbéliard, Montbéliard, Barbier, 1877, p. 295 ; Ludwig Friedrich Heyd, Ulrich, Herzog zu Württemberg, ein Beitrag zur Geschichte Württembergs und des deutschen Reichs im Zeitalter der Reformation, Tübingen, Fues, 1843, II, p. 438.

6. L'abbé Constant Tournier, Le protestantisme dans le pays de Montbéliard, Besançon, Jacquin, 1889, ch. II passim ; Jean Janssen, L'Allemagne et la Réforme, Paris, Plon-Nourrit, 1887-1911, III, p. 285 ; Aimé-Louis Herminjard, Correspondance des réformateurs dans les pays de langue française, Paris, Lévy, 1866.

7. Archives du Doubs, G. 192, 26 mai 1524 ; Tournier, Le protestantisme, p. 61 ; Tournier, La crise huguenote, p. 52

8. Tournier, Le protestantisme, pp. 58, 60, 62, 63 et 66 ; Lettre d'Erasme du 29 décembre 1524. — Tournier, La crise huguenote, p. 53. - L'abbé Joseph Morey, La Chronique de l'église de Vesoul, Montbéliard, Hoffmann, 1886, p. 41. — Archives de la Haute-Saône, E. 22. — Duvernoy, Ephémérides, Règne d'Ulric, titre allemand. — L'abbé Joseph Morey, Notice historique sur Faverney et son double pèlerinage, Besançon, Jacquin, 1878, p. 42.

9. Tournier, Le protestantisme, p. 69 ; Morey, La chronique de l'Église de Vesoul, p. 81. — Archives de la Haute-Saône, B, 2e, 4155, pp. 132 à 144. — Nicolas Bucheron d'Amance, après son prosélytisme à Vesoul, devint fermier d'Honorable Clande Aymonnet de Vesoul qui avait amodié au seigneur d'Amance «les fruits et profits dépendant de la seigneurie d'Amance». — Antoine d'Emslkerck était le fils aîné de Guillaume, seigneur de Velleclair, qui appartenait à une famille d'armateurs flamands. Ses parents, ayant été ruinés dans leur commerce de pêcherie lors de l'inondation du 19 novembre 1421 qui submergea soixante-douze villages aux environs de Dortrecht, étaient venus se réfugier à Anvers, d'où leur vint le surnom d'Emslkerck d'Anvers. Après la mort de ses parents, Guillaume d'Anvers émigra d'abord à Salins où il épousa Marguerite Prevostet, puis à Besançon où son premier séjour, à l'angle de l'ancienne rue des Chambrettes, fit donner à cette ruelle le nom d'Anvers. Guillaume d'Emslkerck d'Anvers eut sept enfants : 1er Antoine d'Anvers, négociant ; 2e Guillaume, chanoine de la métropole Saint-Étienne ; 3e Jean, évêque suffragant de Besançon, abbé des Trois-Rois et chanoine de Saint-Jean ; 4e et 5e Louis et Denis qui furent emprisonnés comme luthériens ; 6e ... ... ... ; et 7e Philiberte, femme de Jean Malarmey. Cette famille, dans la suite, donnera trois religieux bénédictins, un abbé à l'abbaye de Theuley-lès-Lavoncourt, et quelques religeuses à différents monastères. Ne serait-ce pas pour réparer l'apostasie de son fils aîné que Guillaume d'Emslkerck dit d'Anvers se fit religieux bénédictin à Faverney, à l'âge d'environ soixante-douze ans où il mourut, le onzième mois de son noviciat, en réputation de sainteté ? — Tournier, La crise huguenote, pp. 54 et 55.

10. Tournier, Le protestantisme, pp. 53, 83 et 86 ; Tournier, La crise huguenote, pp. 57, 61, 67, 69 et 103 ; Herminjard, Correspondance, II, p. 292, et III, p. 332.

11. Castan, Mémoire, p. 127.

12. Tournier, La crise huguenote, pp. 50, 57, 70, 81, 83, 90, 94, 96 et 107 ; Castan, Mémoire, 1905, pp. 104 et 140.

13. Tournier, La crise huguenote, pp. 108, 111 et 113 à 116.

14. Tournier, La crise huguenote, pp. 73, 122, 124, 128, 129, 134 et 136. — D'après Jacques-Auguste de Thou, Thuani historiarum sui temporis, Paris, Droart, 1604-1608, livre XXXIII, p. 189, en 1561 et 1562, les calvinistes dans le Dauphiné, le Languedoc et la Provence dévastèrent et détruisirent plus de 10.000 églises. Dans la seule province du Dauphiné, ils égorgèrent 250 prêtres, 112 moines, et brûlèrent 900 villes ou villages. Tous les prêtres du Quercy (pays de Cahors et de Montauban), au nombre de 170, furent égorgés à Lauzette où ils s'étaient réfugiés. — À la bibliothèque de la ville de Besançon se trouve un petit livre intitulé : Théâtre des cruautés des hérétiques de notre temps*, qui nous donne une épouvantable idée des supplices inventés par les sectaires protestants pour martyriser les catholiques [* écrit par Richard Verstegan en 1587 et réédité en 1995 chez Chandeigne à Paris].

15. Tournier, La crise huguenote, pp. 96, 144 et 145 ; Édouard Clerc, Histoire des états généraux et des libertés publiques en Franche-Comté, Lons-le-Saunier, Declume, 1881, I, p. 339 ; Mourret, Histoire, V, pp. 448 et 449.

16. Tournier, La crise huguenote, 145 ; Mourret, Histoire, V, pp. 448 et 449 ; Janssen, L'Allemagne et la Réforme, IV, p. 293.

17. Pierre d'Andelot, seigneur de Montchoux, était fils de Jean d'Andelot, baron de Jonvelle, capitaine et bailli de Dole. Il fut pris le 5 mai 1567 avec plusieurs autres gentilhommes révoltés contre le roi Philippe II et mis à la torture. Il fut exécuté à Bruxelles le 1er juin 1568. — Charles Piot et Edmond Poullet, Correspondance du cardinal Antoine Perrenot de Granvelle (1565-1586), Bruxelles, 1877, I, p. 200 ; L'abbé Jean-Baptiste Coudriet et l'abbé Pierre-François Châtelet, Histoire de Jussey, Besançon, Jacquin, 1876, pp. 65 et 69 ; Louis Moreri, Le Grand dictionnaire historique, Paris, IX, p. 447 ; Morey, Notice historique, p. 44 ; L'abbé Joseph Morey, Discours prononcé dans l'église de Notre-Dame de Faverney, le 11 août 1874, au pèlerinage du séminaire de Luxeuil, Besançon, Jacquin, 1874 ; L'abbé Léopold Loye, Histoire de l'église de Besançon, Besançon, Jacquin, 1901-1903, III, p. 214 ; Tournier, La crise huguenote, pp. 145 et 162.

18. Clerc, Histoire, I, pp. 345 et 351 ; Charles Weiss et Charles Duvernoy (Éds.), Papiers d'État du cardinal de Granvelle, Paris, Imprimerie royale, VII, 1841-1852, pp. 501 et 526 ; Prosper Levesque, Mémoires pour servir à l'histoire du cardinal de Granvelle, Paris, Desprez, 1753, XXV, p. 100 ; Tournier, La crise huguenote, 149 et 151. — Pour Contréglise, l'abbé Hippolyte Adam curé en 1841 déclare dans les registres paroissiaux «qu'il ne peut expliquer l'indifférence religieuse de ses paroissiens que par le protestantisme». — L'abbé Jean-Baptiste Bullet, Histoire manuscrite de l'abbaye de Faverney, p. 137.

19. Clerc, Histoire, I, pp. 345 et 346 ; Weiss et Duvernoy, Papiers d'État du cardinal de Granvelle, IX, p. 234 ; Tournier, La crise huguenote, pp. 148 et 150 ; Louis Suchaux, La Haute-Saône. Dictionnaire historique, topographique et statistique des communes du département, Vesoul, Suchaux, 1866, II, pp. 12 et 13 : Lettre du président Desbarres au cardinal de Granvelle. — Collection Granvelle, XXV, p. 12.

20. Ces détails sont tirés du testament de Claude-François de Rye que le président Clerc a retrouvé enfoui dans la vaste collection des archives voûtées de la cour de Besançon, intitulée : Procureur, année 1567 ; Clerc, Histoire, I, p. 360. — Correspondance de Granvelle, II, pp. 241, 318 et 384. — Tournier, La crise huguenote, pp. 151 et 152.

21. Clerc, Histoire, pp. 360 et 361 ; Tournier, La crise huguenote, p. 152 ; Levesque, Mémoires, XXV, p. 113, et XXX, p. 60.

22. Tournier, La crise huguenote, pp. 157, 162 et 163. — Tournier, Le protestantisme, pp. 272 à 274. Aux archives du Doubs, fonds de Montbéliard, dans l'inventaire des titres de la seigneurie de Grandvillars (année 1616, p. 12), figure cette note écrite en allemand : «Lettres séparées envoyées par Wolfgang et Georges Jean, comte palatin du Rhin, à Jean-Jacques de Grandvillars, afin qu'il prépare bien certains coups et machinations contre la ville de Besançon». — Coudriet et Châtelet, Histoire de Jussey, p. 66.

23. Pour la résistance que le bourg fortifié de Faverney aurait pu opposer aux envahisseurs huguenots, s'il n'y avait pas eu ne traîtres dans la place, voir la fort intéressante Vue cavalière de lieu dit «la ville de Faverney» vers l'an 1600. C'est la reconstitution des fortifications de la ville abbatiale, d'après les documents historiques et les vestiges encore subsistants et déjà indiqués ci-dessus. Ce dessin à la plume et au crayon est dû au talent de Mlle Esther Perignon qui, sous la direction de son père M. Victor Perignon, sculpteur si apprécié à Faverney, a bien voulu accomplir cette œuvre difficile, mais nécessaire pour compléter l'histoire de son pays natal. Que tous les deux veuillent bien agréer ici l'expression de ma sincère gratitude pour leur concours généreux, bienveillant et empressé ! Je remercie également toutes les personnes de Faverney qui m'ont accueilli et renseigné avec tant d'obligeance, tandis que je recherchais les traces du passé glorieux de leur cité antique. — Tournier, La crise huguenote, p. 163 ; Tournier, Le protestantisme, pp. 274 à 276 ; Archives du Doubs, B. 650.

24. Tournier, La crise huguenote, p. 165 ; Tournier, Le protestantisme, pp. 275 à 277 ; Coudriet et Châtelet, Histoire de Jussey, p. 68. — Archives de la Haute-Saône, E. 772 ; Archives du Doubs, correspondance du Parlement, B. 50 ; Archives de la Côte-d'Or, t. 25, p. 242. — Mémoires de Granvelle, XXVII, fol. 18 et 22 ; Dom Pierre-Phillipe Grappin, Mémoires historiques sur les guerres du XVIe siècle dans le comté de Bourgogne, Besançon, Couché, 1788, p. 69.

25. Tournier, Le protestantisme, p. 278. — Voir à la bibliothèque du chapitre de la cathédrale Saint-Jean le recueil des titres collectionnés par le chanoine Denizot. — Tournier, La crise huguenote, pp. 159, 160, 170, 173, 176, 190 et 191 ; Archives du Doubs, B. 51 ; Coudriet et Châtelet, Histoire de Jussey, p. 71.

26. Tournier, La crise huguenote, pp. 195, 198, 200, 224, 225, 229, 234, 235 et 253 ; Archives du Doubs, B. 52.

27. Tournier, La crise huguenote, pp. 258, 261 et 263 ; Bibliothèque du chapitre, Ms. Hugon ; Académie de Besançon, Documents inédits, I, p. 348 ; Bibliothèque de Besançon, Ms. 1043.

28. Tournier, La crise huguenote, pp. 263 à 267. — Académie de Besançon, Documents inédits, II, p. 331 et 355.

29. Bullet, Manuscrit, p. 138. — La cure de Faverney, Archives spéciales : lettre de remerciement à l'abbé par Dom Luis de Requesens, commandant-major de Castille et gouverneur-général des Pays-Bas, 22 juillet 1575. — Morey, Notice historique, p. 47.

30. Tournier, La crise huguenote, pp. 287, 290 et 299. — Archives du Doubs, B. 54. — L'abbé Tournier, Compte rendu des travaux du congrès de 1908, p. 184.

31. Tournier, Compte rendu des travaux du congrès de 1908, p. 183 à 186 ; Tournier, La crise huguenote, p. 216 ; Bullet, Manuscrit, p. 137 ; Morey, Notice historique, p. 40 ; Morey, Discours, p. 9. — Actes du chapitre de Besançon. — Notes et documents, 2e édition, procès-verbal de Mgr dr Corinthe, p. 163 et note 1. — Introduction des archives civiles de Vesoul, B-II, pp. 10 et 11. — Archives de la Haute-Saône, B. 6567, Livre des interrogatoires criminels, folio 39 au folio 44 & B. 5048, Second livre des sentences du lieutenant-général pour 1608 et 1609, folio 39. Parmi les 144 témoins convoqués soit de Conflans, de Faverney, de Polaincourt, de Montbéliard, d'Hurecourt, de Venisey, de Vesoul, d'Espenoux, de Pusy, de Port-sur-Saône, de Demangevelle, de Jussey, de Montrond, de Baulay, de Fleurey, de Buffignécourt, de Senoncourt, de Fouchécourt, de Saint-Hilaire, de Saint-Remy, de Contréglise, d'Auxon-lès-Vesoul, de Mersuay, de Cintrey, d'Ormoy, de Port d'Asthelier, d'Arbecey et de Bonnevent, ce qui donne une idée de la propagande protestante par la seule famille Bucheron dans ces 29 pays, il y a 23 habitants de Faverney et parmi eux je trouve 9 témoins du miracle de 1608. Voici leurs noms : Jean Sarron, prieur de l'abbaye de Faverney, 3e du miracle et 53e du procès ; Nicolas Clamey, de Breurey, religieux de l'abbaye, 8e du miracle et 79e du procès ; Bénigne Godichard, 9e du miracle et 59e du procès ; Jean Delatour, 11e du miracle et 131e du procès ; Hubert Oudot, curé de Faverney, 12e du miracle et 117e du procès ; Thiébaud Brenier, marchand, dont le témoignage pour le miracle est attesté par ledit curé Oudot, 78e témoin du procès ; Estienne Damisey, 18e du miracle et 54e du procès ; Nicolas Cheulin, 21e du miracle et 60e du procès ; enfin Nicolas Fert, 32e du miracle et 74e du procès. — Je trouve également comme 122e et 123e témoins Jehan Vuillard de Besançon, âgé de 27 ans, et sa femme Dame Jeanne Bavelier de Besançon, âgée de 21 ans et tous deux demeurant à Amance. Ne serait-ce pas le même Jehan Vuillard que l'abbé Tournier donne comme un des plus zélés partisans de Théodore de Bèze, puisqu'il le logea dans sa maison située Grande-Rue, à côté de celle des d'Emslkerck d'Anvers ? Mis en prison le 2 juin 1575 pour avoir caché des livres hérétiques, il n'en sortit que le 4 septembre suivant. Ne fut-il pas banni de Besançon comme Pierre Vuillard-le-vieux et Pierre Vuillard-le-jeune ? ce dernier était notaire et le père de Frédéric Vuillard, orfèvre que nous verrons assister au miracle de Faverney et se convertir quatre ans après. — Tournier, La crise huguenote, pp. 304 et 312.

32. M. le curé-doyen Brune, Notes et documents, 2e éd., p. 9 et note 2 (Premier rapport des six religieux de Faverney à Mgr de Rye, lundi matin 26 mai 1608). — Jean Guiraud, Compte rendu des travaux du congrès de 1908, p. 49 et suiv.


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[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]