«FAVERNEY, SON ABBAYE ET LE MIRACLE DES SAINTES-HOSTIES» ; 3e PARTIE - CH. 3


TROISIÈME PARTIE

Le Miracle des Saintes-Hosties conservées dans les flammes en 1608


CHAPITRE TROISIÈME

Influence et fruits du miracle de 1608

«Ce miracle de la benite Eucharistie» dont «ce monastere de Faverney a reçu en cet infortune temps une haute renommée, est si eclatant que toute la terre le doit regarder avec vénération». Cette attestation si précise d'un «des plus illustres, pieux et savants archevêques du mesme temps», Mgr Guillaume Simonin, suffragant-coadjuteur de Ferdinand de Rye et abbé des bénédictins de Saint-Vincent à Besançon, nous amène à reconnaître que la Providence qui ne fait rien au hasard, a voulu ainsi répondre par un coup de maître à l'hérésie la plus patronnée, la plus dangereuse, la plus subtile, la plus universelle, et la plus durable de toutes peut-être. En effet, sous le nom suggestif de Réforme, ayant pour lui, la puissance mondiale des princes de la terre aussi bien que l'influence intellectuelle des princes de la littérature et de l'appareil scientifique, selon la remarque du R. Père Janvier l'illustre orateur de Notre-Dame, «le protestantisme qu'on peut appeler le péché originel des sociétés modernes», porte dans ses entrailles le principe de toutes les négations et mène fatalement au scepticisme radical, autant dans l'ordre, de la raison que dans l'ordre de la foi.

«Mystère et miracle étaient deux mots» qu'il voulait abolir. Mystère de la personne divine et humaine du Christ-Dieu sur cette terre, et miracle de la réelle existence de ce même Christ-Dieu sous les voiles du pain de l'hostie consacrée ! Mystère de l'immolation renouvelée du Christ-Jésus sur l'autel à la sainte messe, et sainteté de nos églises catholiques dont le tabernacle est la demeure solitaire de l'Eucharistie ! Miracle reproduit par la parole sacramentelle du prêtre catholique, et sainteté de la vocation religieuse de nos moines et moniales qu'un mystique très moderne appelle «des bataillons d'oraisons et de mérites !» Sainteté enfin de la vénération due à la Sainte Vierge ainsi que des hommages accordés tous saints, et mystère permanent depuis dix-neuf siècles du magistère suprême du pape et de son pouvoir spirituel par les indulgences ! En un mot, «toutes les maximes de l'Évangile révoquées en doute par Luther et Calvin» sont affirmées contre les modernistes d'alors comme l'aujourd'hui par un coup de Dieu lui-même. Car «n'estoit-ce pas une belle et docte leçon», conclut Jean Boyvin, président du Parlement de Dole, «que ceste sapience éternelle faisoit à ces ignorans pour les relever de leurs erreurs ?» Et ce prodige si éclatant où ce même Jean Boyvin atteste «ensemble onze miracles qui se sont faicts en même temps à l'endroit des Sainctes Hosties», Dom Grappin le déclaré être «une triple merveille» qui déconcerta l'hérésie triomphante et qui seule suffirait à immortaliser un pays dans les fastes de l'histoire.

Or, ce miracle si miraculeux Dieu le produit, comme l'a écrit si justement M. l'abbé Perrod, non pas «en l'une de ces villes fières et pieuses, telles que Dole, Besançon ou Salins, comme notre province en comptait tant jadis» ; non plus «en l'un quelconque de ces cloîtres» illustrés déjà par la sainteté, tels qu'Acey, Baume-lès-Nonains, Saint-Claude ou Luxeuil ; mais «chez les moindres d'entre eux», en cette abbaye bénédictine de Faverney «qui n'était plus que l'ombre d'elle-même et qui paraissait vouée à une irrémédiable décadence» ; chez des moines enfin tellement rebelles à l'amour divin en ce dernier boulevard du protestantisme comtois, que leur abbaye, bien que favorisée d'une pareille grâce, après comme avant le miracle» donna le triste spectacle du relâchement et du désordre» (1).

Et pourtant c'est bien ici, à l'encontre de la double affirmation, soit de Littré qui a dit quelque part que «jamais miracle n'a lieu là où l'on pouvait l'observer à loisir», soit de Renan qui jadis proclama «qu'il n'y a jusqu'ici aucun miracle constaté», oui c'est bien ici que s'est produit un triple fait anormal, à savoir : la conservation des Saintes-Hosties au milieu des flammes, la suspension sans appui de l'ostensoir, et sa descente spontanée sur l'autel. Ce fait si extraordinaire est «observable», et il a été remarquablement «observé» par des milliers de personnes, et de tout près, et durant trente-trois heures consecutives. À ce fait observable et longuement observé on a appliqué sévèrement, selon l'opinion si judicieuse de M. le chanoine Laurent, toute la série complète et minutieuse des opérations de critique textuelle, de critique de provenance, et de critique d'interprétation. De plus, l'hostilité si connue des habitants de Faverney pour leurs moines relâchés et scandaleux, hostilité augmentée par leur négligence qui causa la destruction des tentures prêtées pour le reposoir brûlé, n'aurait pas manqué de signaler toute supercherie possible. Enfin, un total de cent sept témoins, témoins privés et témoins interrogés juridiquement, archiduc régnant aussi bien que présidents bisontin et dolois, dignitaires ecclésiastiques et civils, délégués épiscopaux et théologiens ou canonistes, archevêques titulaire ou suffragant et nonce apostolique, tous, devant l'autorité compétente ou pour l'histoire, ont déposé, écrit et signé ce qu'ils ont vu, ce qu'ils ont entendu, ce qu'ils ont cru touchant la triple merveille arrivée à Faverney les 26 et 27 mai 1608. Oui, ce miracle de Faverney porte indubitablement la signature de Notre Père céleste ! Digitus Dei est hic : le doigt de Dieu est là ! (2).

Aussi est-ce avec une prodigieuse rapidité que la renommée le publie partout. D'abord, trois jours après le miracle, le 30 mai, Amédée Morel, président du conseil des notables de Besançon, en envoie la relation au solliciteur du diocèse à Rome et termine sa lettre par ces mots violents, mais qui dépeignent bien le mal fait aux bisontins par les protestants : «C'est une très grande approbation de notre foi contre ces chiens d'hérétiques. Que le nom du Seigneur soit bien !» Ensuite, dans le courant du mois de juin est composée à Lyon l'Histoire miraculeuse du Saint Sacrement de Autel qui est demeuré en l'air sans estre soute nu de rien, l'Autel sur lequel il reposoit ayant esté bruslé sans que le Ciboire fut offensé des flammes. L'auteur anonyme reproduit déjà les deux attestations des religieux de Faverney, des religieux capucins et des prêtres familiers de Vesoul qu'avait rédigées Prudent Chalon le mardi 27 mai ; et cette plaquette de 24 pages est approuvée le 1er juillet par «Frère Robert Berthelot, evesque de Damas et suffragant de Lyon». Puis le 10 juillet, l'archevêque diocésain Mgr de Rye signe son célèbre mandement de reconnaissance du miracle, et la publication solennelle en est faite le dimanche 25 juillet dans toutes les paroisses de son immense diocèse. Aussi ce mandement qui authentique le miracle est tiré en volume à Paris chez Claude Chappelet, imprimeur à la Licorne, et une traduction latine en est faite dans l'année même par le docteur allemand «Mathias Leius Arvillarianus» du pays des Ubiens qui le fit imprimer à Cologne et le dédia aux archiducs Albert et Isabelle (3).

Ce n'est pas tout. Le 13 septembre 1608, l'archevêque de Rhodes Guido Bentivoglio de Ferrare, envoyé comme nonce à la cour de Bruxelles en 1607 et créé cardinal en 1621, transmet officiellement au pape Paul V, par l'intermédiaire du cardinal-neveu Scipion Cafarelli-Borghèse, la nouvelle du «très grand miracle du Sainct Sacrement arrivé en Bourgogne pendant les dernières festes de Penthecoste». Il ajoute dans sa lettre qu'il s'acquitte tardivement du devoir d'en avertir Sa Sainteté, «supposant fermement que Mgr l'archevesque de Besançon l'avoit faict depuis longtemps». Au même moment, à Paris un religieux trinitaire fait imprimer son Discours sur un miracle faict par le Sainct Sacrement, en l'Eglise de Nostre Dame de Faverney, et il le dédie au supérieur général de l'Ordre de la «Saincte Trinité et rédemption des captifs», en affirmant que ce miracle «de fraische date» lui semble «estre le dernier de tous». Ainsi à peine quelques mois se sont-ils écoulés que Rome, Paris, Lyon, Bruxelles et toute la Bourgogne connaissent le plus éclatant miracle accompli jusqu'alors en faveur du dogme catholique (4).

Mais si, dès les premiers jours après le miracle, l'opinion publique en Comté avait été vivement frappée, comme l'Eucharistie était devenue la cible de l'hérésie, la foi de nos pères, stimulée et ravivée par cette intervention du Ciel, s'exerça dès lors à la venger contre les protestants par un culte plus ardent ; et l'on peut dire que les Saintes-Hosties de Faverney vont devenir le drapeau autour duquel tous prêtres, moines et fidèles, lutteront désormais avec le courage le plus grand et la foi la plus vive. De fait, un des premiers résultats du miracle fut l'arrivée d'un saint abbé pour résider au milieu de ces six bénédictins sans discipline et sans conduite.

Depuis le 17 Septembre 1607 était trépassé le dernier abbé Jean Doroz dans son prieuré de Chaux-lès-Clerval ; c'est pourquoi durant les grands événements dont l'abbaye venait d'être le glorieux théâtre, l'autorité monacale à Faverney se trouvait entre les mains trop faibles du prieur claustral Dom Jean Sarron, vieillard de 63 ans. Le 18 avril précédent, leurs Altesses Sérénissimes, les archiducs Albert et Isabelle, souverains des Pays-Bas et de Bourgogne, avaient bien désigné, à son insu, pour le siège abbatial de Notre-Dame la Blanche, le grand prieur du célèbre monastère de Saint-Vaast à Arras, Dom Alphonse Doresmieux. C'était un choix providentiel. Originaire d'Arras même en l'an 1555, il appartenait à l'une des plus anciennes familles de la noblesse d'Artois. Novice bénédictin à treize ans, auprès de son oncle Jean Doresmieux qui était religieux d'une régularité parfaite et grand chantre de Saint-Vaast, le nouvel abbé avait passé plus de quarante années à remplir les fonctions les plus diverses, et ses travaux, non moins que ses vertus, lui avaient mérité en 1606 la haute dignité de grand prieur de l'abbaye. Né pour la houlette pastorale, selon qu'il est noté au nécrologe de Saint-Vaast, il était connu et apprécié à la Cour de Bruxelles comme ayant une conscience délicate et un goût décidé pour les réformes déjà projetées par les souverains, lors de la nomination à Faverney de Dom Jean Doroz. Aussi fut-il choisi, remarque Dom Bebin, «pour être abbé résidant et rétablir non seulement les bâtiments réguliers qui étaient entièrement ruynés, mais encor la discipline monastique et observance régulière» (5).

N'étant jamais venu en Franche-Comté, dit l'abbé Morey, Dom Doresmieux ignorait même jusqu'au nom de Faverney. Quand donc l'archiduc Albert lui eut révélé le triste état de décadence morale de notre abbaye et la tâche surhumaine qui lui était imposée, l'abbé Alphonse, autant par humilité et défiance de lui-même que par attachement sincère à ses religieux fervents, manifesta peu d'empressement à prendre possession du poste d'honneur où la Providence le plaçait. Même le bruit de l'éclatant prodige, advenu les derniers jours du mois de mai et connu immédiatement à Bruxelles, puis à Arras, ne fit que le confirmer dans ses hésitations. Le triple fardeau du miracle, de la réforme monastique et de la réparation claustrale lui parut trop lourd pour ses faibles épaules. Mais lorsqu'il apprit les détails merveilleux du «Sacrement de Miracle», bien que muni de son seul brevet de nomination et de ses lettres de naturalité, il quitta Arras le 6 juillet, n'emportant, avec les regrets unanimes de la communauté, que les vêtements dont il était couvert. Deux religieux de Saint-Vaast, Dom le Creux et Dom Lemmens furent désignés pour l'accompagner, autant par respect et déférence pour sa personne que pour l'assister en cas d'accident pendant le voyage (6).

Aussitôt après l'arrivée de Dom Alphonse, les bénédictins de Faverney procédèrent à son élection, selon les prescriptions de la Règle et les usages du monastère. En même temps, à Arras se faisait l'enquête canonique, relative à la vie et aux aptitudes du nouvel élu. Dans le courant du mois de juillet un envoyé spécial porta à Faverney les résultats absolument favorables. L'abbé Doresmieux était donc à peine installé, quand le dernier dimanche de juillet se fit la promulgation officielle du jugement doctrinal par l'archevêque de Corinthe, Dom Guillaume Simonin, abbé bénédictin de Saint-Vincent et suffragant-coadjuteur de Besancon. Or, «ce jour-là même», remarque l'abbé Morey, «commença la lutte fameuse entre les villes de Dole et de Besançon», lutte qui montre bien l'importance capitale attachée dès le premier instant aux saintes reliques de Faverney.

À peine, en effet, la magnifique cérémonie de la procession, à travers les rues richement ornementées, était-elle terminée que «Messieurs les suffragants et vicaire-général de Monseigneur l'Archevesque prétendirent rapporter à la Cité de Besançon» une des deux Hosties miraculeuses. Ils prièrent même le R. P. Fodéré de se joindre à eux «pour en faire instance». Comme supérieur métropolitain parlant sans doute tant au nom de l'archevêque qu'au nom de la ville et comme confrère en dignité abbatiale, Dom Simonin avait le droit d'être écouté ; mais l'abbé «esleu de Faverney en Flaman fort judicieux n'y voulut aucunement consentir, disant que ce n'estoit chose qui se deut transporter sans permission de sa Saincteté» le pape Paul V. Absolument inflexible sur ce point capital, Dom Alphonse accorda néanmoins en dédommagement à son collègue de Saint-Vincent d'abord le chandelier d'étain resté entier, puis quelques morceaux du métal fondu de l'autre, enfin des fragments du bois de l'autel portatif. Pour sa part de souvenirs, le R. P. Fodéré «eut le bonheur et permission de prendre un petit eschantillon de ce petit morceau de bois bruslé aux deux extremités, de la grosseur d'une noix», qui, durant les trente-trois heures de la suspension et inclinaison miraculeuses aussi bien que pendant comme après la descente spontanée du saint Reliquaire, nonobstant la «pente si droicte du pied en montant contre le pommeau», y était demeuré «arreste». C'était un fragment du «châssis sur lequel estoit attaché le ciel» du baldaquin. Jusqu'à sa mort arrivée en 1624, le R. P. Cordelier le porta sur lui comme «une relique» précieuse et ordonna qu'on mît ce pieux souvenir dans son cercueil (7).

D'autres personnes obtinrent certaines parcelles des cendres, du bois brûlé et du marbre calciné du reposoir, telle fut la famille Duchamp d'Assaut de Dole, écuyer et seigneur de Parthey et Choisey. En effet, la paroisse de Gendrey, au diocèse de Saint-Claude, a l'insigne honneur de posséder actuellement une très belle croix de cuivre ciselé, haute de 0,78 m. et large de 0,40 m., et qui contient, enchâssé sous cristal, un crucifix taillé dans un fragment de bois du reposoir brûlé. Au-dessous se trouve également sous verre un cœur composé de deux portions du marbre brisé. Sur les faces antérieure et postérieure du pied en cuivre sont gravées deux inscriptions latine et française, qui attestent et l'authenticité originelle des reliques et la confection du précieux reliquaire en l'an de grâce 1613 (8).

Il existe encore dans notre diocèse une dernière et insigne relique du saint «Sacrement de Miracle» de Faverney : c'est le corporal sur lequel le sacré Reliquaire-monstrance descendit le mardi matin 27 mai, vers environ dix heures. Il fut donné, non pas le dimanche 27 juillet à Mgr Simonin, abbé de Saint-Vincent, mais au T. Révérend Père René Ayraut, recteur du collège des Jésuites à Besançon ; et il lui fut remis par Dom Prudent Chalon lui-même, dès avant l'arrivée du nouvel abbé Dom Doresmieux et le dernier jour du mois de juin. Or, chose digne de remarque et inexpliquée ! ce corporal si précieux était accompagné de l'autre corporal sur lequel le même Dom Prudent Chalon, le plus jeune des religieux profès, avait consacré les deux Hosties à la grand' messe conventuelle du samedi 24 mai. J'ignore absolument pour quel motif ce bénédictin, originaire de Vesoul, se dessaisit si vite de cette double relique en faveur du jésuite comtois. Serait-ce par amitié personnelle comme concitoyen ou bien par suite de relation familiale ? Quoiqu'il en soit, il existe dans les archives de l'église Notre-Dame à Besançon un document datant du 22 août 1618, par lequel le T. Révérend Père Barthélemy Jacquinot, provincial de la Compagnie de Jésus pour la province de Lyon, atteste l'authenticité des deux corporaux possédés par le collège des Jésuites bisontins.

Selon une très respectable tradition de la famille de M. André Pidoux, archiviste paléographe à Dole et camérier pontifical, le corporal qui avait servi à la messe de Dom Chalon, aurait été offert au roi Louis XIV par le supérieur des Jésuites de Besançon, en reconnaissance du transfert du Parlement et de l'Université de Dole dans la cité impériale, devenue capitale de la Franche-Comté. Louis XIV l'aurait donné à Madame de Maintenon qui l'aurait mis dans le trésor de l'abbaye noble de Saint-Louis à Saint-Cyr.

Quant au corporal du reposoir donné jadis au R. Père Ayraut recteur du collège en 1608, il resta honoré dans ce magnifique établissement de Besançon jusqu'à la suppression de l'Ordre des Jésuites au mois d'avril 1765. À la fermeture du collège, le dernier recteur bisontin l'abbé Marcof, étant alors devenu curé de l'église paroissiale Notre-Dame bâtie autrefois dans le quartier de Chamars, eut l'idée d'y apporter cette insigne relique. Conservé avec un soin jaloux dans le trésor de l'ancienne paroisse Notre-Dame, sauvé providentiellement durant la grande révolution, ce corporal en toile très simple a été enchâssé au XVIIe siècle dans un cadre de broderie de lin et de passementerie au fuseau. Sur ce cadre on lit brodée l'inscription latine suivante qu'eut l'obligeance de me copier M. l'abbé P. Brune, curé-doyen de Mont-sous-Vaudrey, le vendredi 20 mai 1908 à la sacristie de Faverney, après une constatation très minutieuse :

CORPORALE FAVERNÆVM, IN QVOD
PENDVLV IN AERE SACROSANCTVM
CVM PYXIDE XTI CORP' SENSIM
DECIDENS CONQVIEVIT. AN. 1608. 26. MAII.

Maintenant il est placé dans un cadre-reliquaire de bronze doré dont la glace laisse voir l'extérieur du corporal plié avec une fraction de la large passementerie qui l'entoure totalement. Cette dernière et insigne relique de notre grand miracle est entourée d'un culte particulier dans l'église actuelle de Notre-Dame, anciennement église de l'abbaye bénédictine de Saint-Vincent. Son pieux souvenir s'y mêle avec celui de l'abbé Dom Guillaume Simonin, archevêque de Corinthe et suffragant-coadjuteur de Ferdinand de Rye, qui réclama en vain au nouvel abbé Dom Doresmieux l'une des deux Hosties pour la ville libre et impériale de Besançon dont l'antiquité, la force de sa citadelle et la gloire de son siège archiépiscopal méritaient bien cette faveur incomparable (9).

On est étonné de ne retrouver dans l'histoire aucune trace de nouvelles démarches ou d'instances plus pressantes de la part des Bisontins auprès de l'abbé de Faverney. Quel empressement religieux au contraire et quelle ténacité chez les Dolois rivaux pour la réalisation de leur audacieux dessein ! Car dès le 31 août, Noble Messire Jean-Baptiste Alix, docteur és-droits, premier échevin ou vicomte mayeur de la ville de Dole, en réunion du conseil des notables, émet l'idée de solliciter une des deux Saintes-Hosties miraculeuses. Le lendemain, la cour souveraine du Parlement qui pour la postérité a mérité le surnom «d'aréopage chrétien», applaudit à cette résolution et la fait sienne. Le surlendemain, le chapitre collégial de Notre-Dame l'adopte avec enthousiasme. Les trois assemblées de la capitale comtoise se concertent ; et le 6 septembre une ambassade, composée de deux chanoines et de deux conseillers munis d'une lettre du président du Parlement, s'achemine vers Faverney. Mais hélas ! nous dit M. l'archiviste Pidoux, dix jours après c'est un refus qu'elle communique au conseil des notables : l'abbé Doresmieux n'avait pas voulu, déclarant qu'il attendait que quelque généreux personnage élevât une chapelle pour la garde d'une des Saintes-Hosties ; quant à l'autre, il «pourvoieroit comme il trouveroit à propos» (10).

Les Dolois ne se découragent pas pour si peu, et aussitôt tout un plan stratégique de captation est conçu et élaboré. Le Parlement souverain va attirer à Dole même le nouvel «abbé esleu» en le convoquant d'urgence sous prétexte de la radiation des comptes de son abbaye, durant la vacance qui a précédé son élection, et là on usera envers lui de «toutes les prieres, caresses et offres que l'on pourra» ; on organise de suite à Faverney une étroite surveillance pour empêcher l'abbé de disposer des Saintes-Hosties ; en même temps on prévient à Bruxelles le président Richardot de se préparer des appuis à la Cour des archiducs ; on députe enfin sans retard auprès de Dom Alphonse un nouvel ambassadeur, Vénérable Messire Claude Othenin, docteur en décrets, prieur d'Autrey et premier chanoine de l'église de Dole, avec mission spéciale de s'informer, au moyen de prières et promesses, s'il pourrait avoir une des deux hosties du Miracle. En homme adroit, Dom Doresmieux le reçut avec courtoisie, complaisamment lui montra les Hosties sacrées «hors de la lunette où elles reposoient», et le bon chanoine put ainsi reconnaître que l'une d'elles était «beaucoup plus rousse et et teinte en noir que l'autre». Mais sur la question de cession, Dom Alphonse fut inflexible. En vain l'habile négociateur se décida de lui remettre en ce moment une lettre du Parlement par laquelle interdiction était faite aux religieux et à l'abbé de «porter hors du pays les Saintes Hosties miraculeuses». «L'abbé esleu» de Faverney, se retranchant dans une prétendue nécessité d'obtenir le consentement du Saint-Siège, persista opiniâtrement dans ses refus. C'était le 22 septembre (11).

Le désir des Dolois ne connaît alors plus de bornes. Un mois plus tard, le 25 octobre, une troisième députation retourne dans la cité du Miracle. Cette fois elle présente des lettres de jussion que Richardot, président du Parlement, a enfin obtenu à Bruxelles de l'archiduc Albert, souverain des Pays-Bas et de la Franche-Comté. «Nous vous disons Venerable Père en Dieu, cher et bien amé», écrivait le prince, «que ce nous sera service très aggréable que vous leur donniez et concédiez l'une des dictes saintes Hosties pour la transferer en la dicte ville». Devant cette réquisition royale et au souvenir de la bienveillance dont l'entourent les souverains, Dom Doresinieux n'a plus qu'à céder. Mais vraiment Dole joue de malheur ! Un défaut de forme existe : les lettres ne sont pas munies de la signature autographe de l'archiduc. Une troisième fois donc l'abbé Alphonse reste inflexible dans son refus. Toutefois il se défend contre plus fort que lui : la foi des Dolois vaincra. Dès le 1er novembre, en effet, le président Richardot, avisé à Bruxelles de ce contre-temps, agit en vrai croyant et en ardent patriote. Au nom du Parlement souverain qui contient tellement «tout le païs en l'intégrité du christianisme qu'il n'y a peuple au monde plus jaloux à sa religion», il représente d'abord aux archiducs Albert et Isabelle que Faverney, bourgade peu fortifiée et voisine de la frontière, étant exposée aux cours de main des protestants de Montbéliard, il importe d'en sortir une des Saintes-Hosties pour l'abriter derrière les bonnes murailles de Dole. Ensuite il montre aux princes que si Dole, capitale et boulevard militaire de la Franche-Comté, Dole, siège de l'Université et du Parlement, obtient la précieuse relique, ce futur palladium de la cité la couvrira d'un grand lustre et d'un grand éclat et que ce sera un argument des plus évidents et des plus probants en faveur de la foi catholique dont les illustrissimes Souverains s'affirment les dévots protecteurs (12).

Dès lors la cause est gagnée. Le 12 novembre, le souverain régnant Albert, archiduc et comte de Bourgogne, écrit un mandement autographe, y appose sa signature et l'envoie au Parlement dolois. Le 28 novembre, une quatrième ambassade de conseillers notables, sous l'éminente direction du premier chanoine Messire Claude Othenin, repart pour présenter à l'intraitable abbé de Faverney les lettres de sollicitation «de la part de Messieurs de la Cour souveraine, de Messieurs de l'Église, de Messieurs du magistrat et enfin de leurs Altesses Sérénissimes». En lisant ces dernières surtout, Dom Doresmieux comprit que toute résistance était devenue impossible. «Nous sommes estés advertys, Reverend Pere en Dieu, que vous faictes difficulté, ce que nous a meu à vous faire cette iteration et vous dire qu'entendons que vous satisfaciez au desir de ceulx de la dite ville de Dole et au notre sans y mouvoir ulterieure difficulté !» Il céda donc et «consentit d'en lascher l'une», comme s'exprime le chanoine Othenin. Immédiatement, celui en fin diplomate demanda à Dom Alphonse laquelle il désirait donner ; et comme il lui fut répondu que ce serait «la plus teinte pour être plus forte que l'autre», le chanoine en profita pour revoir de suite les Saintes-Hosties afin «de la mieux regarder et reconnoître». Puis la députation enchantée repartit, emportant un projet de traité que lui remit alors l'abbé au nom de ses religieux (13).

Obligés de s'incliner sur le fait de la cession de la précieuse relique, les bénédictins assez mécontents voulurent au moins sauvegarder les droits de leur abbaye et bien constater le lieu d'origine du miracle. Ils exigèrent donc comme condition essentielle que l'abbé de Faverney présidât chaque année et à perpétuité la procession solennelle qui se ferait à Dole le mardi de la Pentecôte. Voyant dans cette prétention une atteinte à leurs droits, les chanoines du chapitre collégial de Notre-Dame, malgré les instances de leur collègue Messire Claude Othenin qui se souvenait trop de la ténacité de Dom Doresmieux, refusèrent de l'admettre. Cet incident faillit rompre les négociations ; mais l'opinion publique qui déjà, à la nouvelle de la cession consentie, saluait la Sainte-Hostie promise comme «la gloire, l'honneur et le secours de la ville de Dole», ayant appris que l'archiduc avait déclaré qu'il ne voulait plus intervenir, craignit que l'archevêque n'adjugeât l'insigne relique à Besançon, la cité rivale. Aussi, devant l'exaspération de la population doloise, l'amour-propre collégial céda à son tour, et le 5 décembre le conseiller-notable Ozanne partit avec pleins pouvoirs de s'entendre à tout prix avec les bénédictins de Faverney (14).

De fait, le 7 décembre Ozanne rapportait une lettre de l'abbé Alphonse qui accédait définitivement aux demandes si instantes et si persévérantes de la ville de Dole ; et sans retard, le jour même, toutes les pensées des Dolois se tournèrent fiévreusement vers les préparatifs de la réception du trésor tant désiré. Une semaine s'est écoulée, et voilà qu'une ambassade quasi royale reçoit le 15 décembre «l'ordre d'aller querir ce precieux tresor avec le plus honorable appareil que faire se pourroit».

C'est d'abord «Révérend Sieur Messire Claude Froissard prêtre, docteur èz droits, chanoine et grand trésorier du chapitre de Besançon, prieur de Fay et de Laval, archidiacre de Faverney, premier conseiller ecclésiastique au Parlement et délégué par la Cour Souveraine de Dole» qu'accompagnent le baron Charles de Montfort, seigneur de Chavigney et de Saint-Ylie, et le baron François d'Oiselay seigneur d'Oricourt, tous deux chevaliers en la cour du Parlement ; c'est aussi Noble Messire Pierre Le Maire seigneur de Falletans, greffier en chef de la Cour et secrétaire de leurs Altesses Sérénissimes ; c'est ensuite Noble Messire Jean-Baptiste Alix, docteur ès-droits, premier échevin ou vicomte mayeur de la ville avec Noble Guillaume Guyon, docteur ès-droits, lieutenant local de la cité et échevin ; c'est aussi le doyen du chapitre avec cinq chanoines de la collégiale, quatre prêtres familiers de l'église principale et la musique de Notre-Dame ; ce sont encore trois professeurs de l'Université doloise, deux membres de la chambre des comptes, huit conseillers notables et quatre avocats ; ce sont enfin «soixante-dix signalés bourgeois, écuyers, marchands et autres d'honnêtes conditions», tous richement armés et habillés, tous à cheval selon l'usage du temps, et escortés par le Noble capitaine Ferdinand Bereur et ses cent hommes d'armes que suivaient les valets de pied et bon nombre d'habitants «poussés par la dévotion», en tout trois cents personnes qui sortirent de la capitale comtoise le lundi 15 décembre au matin, chargées d'adorer les Saintes-Hosties, de leur «rendre un million de grâces» et de leur «offrir les cœurs de toute la ville» (15).

Arrivée à Faverney dans l'après-midi du mercredi 17 décembre, la députation s'empressa d'aller saluer l'abbé Dom Alphonse Doresmieux, et alors le vicomte mayeur, au nom de Dole, lui fit présent «d'une bague d'or sur laquelle estoit enchassé un saphir gravé d'un crucifix». Puis, tous les membres de l'escorte reçurent ordre «de jeusner ce jour-la» et de se confesser durant la soirée et pendant la nuit. Le jeudi 18, avant jour, tous communièrent de la main de M. le chanoine Boutechoux doyen de la collégiale ; et à sept heures du matin, en la maison abbatiale et dans la chambre de l'abbé «esleu de Faverney», en présence du prieur Dom Sarron, de Dom Garnier sacristain et des quatre autres bénédictins prêtres et profès, par devant le vicomte mayeur Alix, le capitaine de l'escorte, le chanoine conseiller Froissard et quinze autres témoins, fut stipulé, écrit et signe le traité de cession d'une des Saintes-Hosties, comprenant les cinq points suivants :

1° Que, «ladicte Hostie s'appellera l'une des Hosties miraculeuses Nostre Dame de Faverney» et que les livres «des miracles qui seroient faicts a Dole» comme aussi les confréries et les indulgences s'intituleront toujours en «cette qualité» ;

2° Que dans «l'église abbatiale dudict Faverney et en celle de Dole sera mis» aux frais du conseil dolois «un marbre auquel sera escript en lettre d'or le transept et la concession de ladicte Hostie miraculeuse» ;

3° Que «pour la procession qui se fera annuellement le mardy des festes de Penthecoste, ils inviteront ledict sieur abbé de Faverney et ses successeurs abbés titullez ou résidens en ladicte abbaye pour pourter ladicte Sainte Hostie avec sa mitre et sa crosse» ;

4. Que «les indulgences, privileges, preeminences et aultres droits qui s'impetreront de Sa Saincteté en contemplation de ladicte Sainte Hostie, s'impetreront aussy pour celle qui restera à Faverney» ;

5. Que «pour perpetuelle souvenance d'un si grand bien receu par ladicte ville de Dole», est fondée une messe à haute voix «qui se dira, chaque an» à perpétuité au 18 décembre «jour auquel ladicte Hostie Miraculeuse leur aura esté delivrée» (16).

L'acte de «traité et cession» étant signé, à neuf heures le Révérend Père abbé plaça «sur le grand autel le Reliquaire auquel estoient les deux Hosties miraculeuses», puis il célébra une grande messe «qui fut solennellement chantée avec une agréable et dévote musique». Après la messe, en présence de toute l'assistance et sur l'invitation de Dom Alphonse, le vicomte mayeur s'approcha du maître-autel et devant lui l'abbé tira du «Reliquaire l'une des dites Hosties, laquelle estoit la plus enfumée et noircie de feu, et fit entendre a la compagnie que c'estoit celle qu'il vouloit donner». Et tandis que les bourgeois, soldats et valets se retiraient «chacun en son logis jusques environ le midy», le greffier en chef du Parlement Noble Messire Pierre Le Maire rédigea le procès-verbal de prise de possession de la Sainte-Hostie et le fit agréer par les six religieux profès auxquels s'adjoignirent les deux grands novices Nicolas Brenier et Jean Maillard. Ensuite tous les personnages de qualité, au nombre de trente-cinq, qui formaient l'ambassade doloise, ainsi que «plusieurs autres tant de Faverney que aultres lieux circonvoisins» se soussignèrent avec l'abbé «esleu de Faverney» et les huit bénédictins (17).

«A midy, toute la Compagnie se rassembla en ladite Eglise : Et lors le sieur Abbé, revêtu de ses habits pontificaux, en présence de ses Religieux» et d'une multitude de pèlerins accourus en procession avec leurs prêtres, tandis qu'on chantait «quelques hymnes et suffrages», fit approcher à nouveau du grand autel Noble Messire Jean-Baptiste Alix, vicomte mayeur de Dole, ainsi que Messire Edmond Boutechoux, docteur en décrets et chanoine-doyen de l'église collégiale de Notre-Dame. Puis, ouvrant la lunette du Reliquaire miraculeux, sa main tremblante d'émotion y saisit la Sacrée Hostie qui «estoit beaucoup plus rousse et teinte en noir et marquee des flammes que l'autre», et l'élevant bien haut afin de la montrer «a decouvert a toute la Compagnie», il l'abaissa respectueusement et la déposa en pleurant dans «une belle Boëte» que lui présenta à genoux le doyen de la collégiale. Alors, après l'avoir «adore en toute humilité et devotion», le doyen Messire Boutechoux se releva, puis entre deux corporaux et deux coussinets de taffetas «ressera la Sainte et miraculeuse Hostie» dans un coffret rectangulaire «de velours cramoisy, bordé de galons d'or, avec ferrements, serrures, clefs et clous dorés», que portait le vicomte mayeur lui-même.

Ce coffret dont, selon la tradition, la pieuse main de la Vénérable Mère Anne de Xaintonge avait ornementé la face principale d'une riche broderie représentant l'ostensoir supporté par deux anges, fermait à trois clefs ; le premier échevin «en donna deux au sieur Reverend doyen de Dole et se garda la troisieme». Aussitôt, au milieu des transports d'allégresse de toute la Compagnie, Messires le doyen du chapitre et le vicomte mayeur adressèrent à l'abbé et aux bénédictins les plus magnifiques remerciements au nom de leur ville ; puis Dom Doresmieux, tenant dans ses mains tremblantes le coffret précieux, descendit l'église abbatiale au milieu de la foule empressée et émue et s'avança jusque sous le porche extérieur. Là attendait une superbe litière, «revestue dedans et dehors de damas cramoisy chargé de clinquans et brodé de franges d'or, ayant le dôme à l'impériale avec ses pommes dorées, et au dedans des carreaux de velours rouge». Les deux chevaux blancs qui la portaient étaient couverts de housses d'écarlate à franges d'argent ; des estafiers ou laquais, richement habillés de longues casaques rouges et tête nue, les conduisaient par des brides dorées, quatre autres valets, semblablement costumés et nu-tête, se tenaient aux quatre coins de la litière, portant chacun, montée sur une longue lampe, une grande lanterne où brûlaient deux flambeaux. Le Révérend Père Abbé y déposa religieusement le vénérable coffret, et bientôt le cortège triomphal se mit en branle (18).

D'abord cinquante hommes à cheval, puis la musique et tous les bourgeois dolois et autres qui accompagnaient l'ambassade, ouvraient la marche. Ensuite venait la litière royale qu'escortaient à pied, placés de chaque côté, douze prêtres psalmodiant des hymnes et tenant un cierge à la main. Enfin suivaient l'abbé Dom Doresmieux avec deux de ses religieux, puis tous les membres nobles de l'ambassade ainsi que leurs valets. Une compagnie de cinquante hommes d'armes à cheval fermait la marche. Quand le cortège sortit de la cité du miracle en cette belle ordonnance, a écrit l'abbé Morey, le peuple de Faverney donna les marques de la douleur la plus naïve et la plus vraie. «Dieu puissant, pourquoi nous quittez-vous ?» s'écriait la foule attristée, justifiant ainsi les répugnances des bénédictins à se dessaisir du précieux dépôt, et témoignant hautement sa foi à la vérité du prodige (19).

De Faverney à Dole, le voyage de la Sainte-Hostie ne fut qu'un long triomphe. L'itinéraire suivi comportait près de cent kilomètres ; cela dura quatre jours et l'on était en plein hiver. Mais telle était la foi de nos aïeux qu'ils firent le trajet nu-tête. «Pour ayder à monter le carosse» au sortir de Faverney on dut prendre «deulx chevaulx», et les paroissiens de Fleurey et de Villers sous la conduite de leurs curés grossirent le pieux convoi et l'escortèrent dévotement jusqu'au territoire de Port-sur-Saône où la caravane doloise s'arrêta «pour souper et coucher». Déposée sur le maître-autel de l'église paroissiale dans le vénérable coffret, la Sainte-Hostie miraculeuse, soit pendant le repas soit pendant toute la nuit, fut gardée par quatre personnages de la Compagnie, désignés à tour de rôle par le vicomte mayeur pour l'adorer et la prier continuellement à genoux devant l'autel, ainsi que par «la présence de grand nombre de peuple dudit lieu, tant ecclésiastiques que séculiers qui la veillaient». C'était le 18 décembre.

Le vendredi 19 au matin, la pieuse caravane se dirigea sur Vesoul «pour prendre le disner», puis fit un arrêt au village de Rosey où l'on «dut prendre des chevaux de renfort», et enfin arriva à Gy où devait se passer la seconde nuit du voyage. Cette deuxième journée triomphale à travers les populations comtoises ne fut qu'une longue série de processions de toutes les paroisses avoisinantes qui accouraient de partout pour acclamer, prier et escorter avec allégresse la Sainte-Hostie de Faverney. Mais le précieux coffret était à peine déposé à Gy, dans l'église de cette cité seigneuriale des archevêques de Besançon, qu'arrivait en grande diligence le gouverneur de la Franche-Comté Cleriadus de Vergy, comte de Champlitte. Il avait fait quatre-vingts kilomètres pour se prosterner devant la Sainte Relique. Aussi en sa faveur Messire le doyen du chapitre et le vicomte mayeur Noble messire Alix s'empressèrent-ils d'ouvrir le coffret pour lui permettre de contempler un instant l'Hostie miraculeuse de Faverney. Le samedi 20 décembre, le dévot convoi reprit la route de Dole et arriva à Pesmes pour dîner. De là, le premier échevin, avant d'entrer sur la zone territoriale du bailliage, envoya des courriers pour prévenir les trois assemblées doloises des approches de la députation ; puis, après s'être reposé à Saligney où l'on engagea un charretier et des chevaux de renfort, la caravane s'arrêta à Rochefort pour la dernière couchée du voyage, et ce fut l'église Saint-Laurent qui abrita la Sainte-Hostie (20).

Enfin le dimanche, fête de l'apôtre saint Thomas, après-midi, toute la capitale de la Comté se mit en mouvement pour recevoir le palladium si convoité. Une procession, la plus solennelle qu'on y eût jamais vue et qui comptait, affirme l'abbé Morey, plus de vingt mille personnes tant de Dole que de toutes les paroisses des environs, se déroula sur une longueur de trois kilomètres. En même temps que le convoi venu de Faverney partait à midi de Rochefort, les cloches de toutes les églises doloises avaient convoqué le peuple et les deux cortèges devaient se rencontrer au village de Brevans.

Jeunes filles des ursulines en blanc costume et jeunes gens du collège des jésuites faisant entendre mélodieusement les litanies du très saint Sacrement ; religieux capucins et cordeliers couverts de leurs plus riches chapes et portant deux à deux sur leurs épaules les grands reliquaires d'argent ; curés et ecclésiastiques des lieux voisins portant de la même manière les images d'argent et autres reliques de la ville ; puis les prêtres dolois «tous revestus de leurs grands manteaux de drap d'or et de soye enrichis de broderies» et un cierge de cire blanche à la main s'avançaient derrière l'antique bannière ou gonfalon à trois fanons de l'église collégiale Notre-Dame.

Deux troupes de musiciens venaient ensuite, alternant leurs symphonies avec le chant des psaumes. Immédiatement après marchait la Cour souveraine du Parlement, ayant en tête son président, remarquable par ses ornements royaux et portant à la main son bonnet rond ou mortier de velours noir que couronnait un cercle d'or. À sa gauche se tenait le recteur magnifique de l'Université que distinguait sa longue robe d'écarlate et son chaperon au col doublé d'hermine. Ils étaient précédés des quatre huissiers de la cour et du bedeau général de l'Université qui portaient leurs masses ou bâtons à tête d'argent. Après les membres du Parlement venaient, ceux de l'Université, puis la Chambre des Comptes, les officiers du bailliage, les échevins et conseillers-notables de la ville qu'accompagnaient les quatre sergents à baguettes, vêtus de leurs livrées spéciales. Tous ces personnages remarquables des corps constitués tenaient un flambeau de cire blanche allumé. Enfin suivait la multitude du peuple, les hommes les premiers et les femmes ensuite, tous rangés deux à deux et se tenant avec grande dévotion, silence et modestie.

Arrêtés à la porte principale de l'église de Brevans où le convoi, arrivé de Rochefort, venait de déposer dans une chapelle encore existante l'Hostie du miracle, les cent hommes d'armes à cheval, aussi bien que les bourgeois et toutes les personnes de qualité de l'ambassade royale, avaient mis pied à terre, et tout bottés et éperonnés se munirent de cierges allumés, tandis que l'abbé Doresmieux et les deux bénédictins Dom Noirot et Dom Prudent Chalon se revêtirent à l'église de leurs ornements sacerdotaux.

Aussitôt que les deux cortèges se furent rejoints, le Révérend Père abbé de Faverney prit le coffret dans ses bras et vint se placer sous un dais de drap d'or, porté par le vicomte mayeur de Dole et par ses trois prédécesseurs. Quarante hallebardiers à la cuirasse brillante, avec écharpe en soie rouge et pertuisane ou hallebarde dorée, se rangèrent de chaque côté du dais : c'étaient les gardes du corps de l'hôte royal. Douze jeunes garçons des meilleures familles, vêtus de casaques de velours rouge et bleu avec galons d'or, le flambeau à la main, prirent place en avant : c'étaient les pages de la Sainte-Hostie. Quatre seigneurs allemands, comtes ou barons, étudiants de l'Université, s'avancèrent aux quatre coins du dais, portant chacun une grande coupe en vermeil où brûlaient des parfums et de l'encens. Six jeunes musiciens, habillés en anges, vinrent chanter trois fois devant le dais : «Béni soit celui qui vient au nom du Seigneur ! Louange au Fils de David !» ; et la procession se mit en marche par le grand chemin royal qui servait aux entrées solennelles des rois dans la capitale de la Comté et qui avait été soigneusement nettoyé, réparé et nivelé.

Lorsque le dais fut en vue des remparts de Dole, toutes les cloches de toutes les églises et de tous les couvents sonnèrent, et toutes les pièces d'artillerie de la place saluèrent ensemble l'approche du Sauveur par vingt-quatre volées de canon. Arrivé à la porte dite de Besançon, Dom Alphonse Doresmieux fut reçu au nom de la ville par Messire Claude Othenin, premier chanoine de la collégiale, qui le fit entra au corps-de-garde paré en chapelle pour la circonstance. Là, le vicomte mayeur et le doyen du chapitre ouvrirent le coffret aux trois clefs, et le Révérend Père abbé, assisté du curé-doyen, en tira la Sainte-Hostie et la plaça dans un riche ostensoir. À ce moment, l'abbé Doresmieux cédant sa place comme il avait été convenu, ce fut Messire Edmond Boutechoux, doyen des chanoines de Notre-Dame, qui reprit la sacrée Hostie miraculeuse et se rendit sous le dais d'or avec Dom Noirot et Dom Chalon comme diacre et sous-diacre.

Alors, un jeune homme habillé en nymphe, avec une longue robe bleu de ciel et brodée de lions et de billettes d'or, un corsage cramoisi semé de soleils d'or (21) et la tête couronnée des plus riches joyaux de la cité doloise qu'il représentait, se prosterna à deux genoux en pleine vue, fit l'éloge de la Sainte-Hostie de Faverney, la conjura de venir habiter la capitale d'une province qui lui était toute dévouée, lui offrit les cœurs de tous les habitants et la supplia de les prendre sous son inviolable protection. La nymphe fit ensuite avancer sept jeunes enfants qui portaient, dans un grand bassin de vermeil attachées d'un cordon de soie cramoisie, les clefs des sept portes de la ville. Ils les présentèrent en grande révérence au Saint Sacrement de Miracle, et, après avoir répété tous ensemble et trois fois de suite le cri de bienvenue : «Hosanna au Fils de David !», se placèrent à la suite du dais, entourant de leur gracieuse couronne l'abbé Doresmiéux qui suivait seul l'ostensoir en habits pontificaux.

À cet instant, la Sainte Relique franchit le pont-levis de la porte de Besançon, en passant sous un arc de triomphe formé par les portraits en pied des anciens souverains de Bourgogne. Plusieurs de ces tableaux étaient des chefs-d'œuvre de peinture : ils appartenaient au Parlement, et c'était par ses ordres que ces vieux princes étaient venus se ranger jusqu'aux portes de leur bonne ville de Dole pour y recevoir le Roi des Rois et représenter le souverain alors régnant. Tout en haut de l'arc de verdure qui encadrait les portraits, étaient hissées les armes de la capitale, et au-dessous on avait peint la représentation du «Miracle de Faverney» avec cette inscription chronographique : «IgnIs ante IpsVM præCeDet : le feu marchera devant lui» (22).

Toutes les maisons de la grande rue jusqu'à l'église «parochiale et collégiale» étaient magnifiquement tapissées à droite et à gauche, et toutes les troupes sous les armes formaient la haie et contenaient la foule innombrable des adorateurs et des admirateurs. Le portique de la tour de Notre-Dame se trouvait entouré de feuillages parsemés d'emblèmes et d'ingénieuses inscriptions. Au milieu de la place principale, devant l'église, se dressait un magnifique arc de triomphe en forme d'obélisque monumental, et sur sa base on lisait ce quatrain qui formule bien le jugement de l'opinion publique et universelle de la Comté :

Cette pyramide est trop basse
Pour arriver à la hauteur
De ce miracle, qui surpasse
Tous les autres en grandeur.

Enfin, comme on n'avait pas de fleurs durant cette saison d'hiver, en ce jour de la fête de l'apôtre saint Thomas, des jeunes enfants vêtus en ange, depuis une tribune du grand portail, jetaient des dragées à pleines poignées sur le passage du Pain de vie, pour rappeler et figurer la manne du désert ; et c'est par cette voie triomphale que la Sainte-Hostie du Miracle de Faverney pénétra dans l'immense collégiale de Dole dont la nef était toute tendue de tapisseries. À cet instant même, aussitôt que tout le peuple fut rassemblé dans l'église, a écrit le président Boyvin, le ciel qui «durant tout ce superbe convoy, avoit paru toujours fort chargé, l'air noircy de nuées grosses de pluye, les nuages s'estans crevés deschargèrent une très violente pluye qui dura jusques sur le soir».

Après la bénédiction solennelle donnée pour la première fois par l'heureux et habile négociateur Messire Claude Othenin premier chanoine, l'ostensoir avec la Sainte-Hostie fut «posé sur le grand autel» sous un magnifique pavillon, et alors commença la pieuse veillée d'adoration ardente par la population doloise. Durant toute la nuit les cloches sonnèrent, les trompettes résonnèrent et les feux de joie brûlèrent en signe de réjouissance. Sur le soir du lundi 22 décembre, après une journée de fêtes eucharistiques que présida l'abbé Doresmieux, «tous les Messieurs du Parlement et une multitude d'autres personnes» voulurent reconnaître l'Hostie miraculeuse de Faverney ; puis elle fut remise dans le précieux coffret à trois clefs et déposée dans le tabernacle ordinaire de l'église collégiale, «en attendant de la poser en la chapelle» qui déjà était «désignée de bastir» (23). L'abbé Dom Doresmieux ainsi que Dom Noirot et Dom Chalon restèrent les hôtes de la capitale jusqu'au vendredi 26 décembre. On tint à les garder afin de les combler d'hommages au jour de la grande fête de Noël, et une escorte d'hommes d'armes et de personnages de qualité fut chargée de les reconduire pompeusement à l'abbaye de Faverney. Dom Alphonse et sa suite couchèrent à Rochefort, à Gy et à Vesoul, et même en ces deux dernières cités «les filles apportèrent du vin en présent à l'abbé». Le lundi 29 décembre, l'escorte dirigée par l'apothicaire Jehan Bourgeois arriva enfin l'après-midi à l'abbaye. «Chevaux et hommes couchèrent à Faverney», puis les dolois reprirent le chemin de la capitale où ils rentrèrent le jeudi premier janvier 1609 (24).

Les démonstrations, si ardentes de foi et de dévotion dont les populations comtoises n'avaient cessé d'entourer avec transport «le Sacrement du Miracle» durant ce voyage triomphal, avaient fortement remué la conscience délicate du saint abbé Doresmieux. Il avait été vivement frappé aussi par l'activité débordante que la confrérie de Saint-Yves des avocats et le conseil des notables, de la ville de Dole avaient montrée pour inaugurer un culte remarquable envers leur Sainte-Hostie miraculeuse. Vite il comprit qu'il fallait fonder à Faverney. Mais quoi et comment fonder avec des religieux qui ne connaissaient ni règle ni retenue, et qui persistaient, malgré sa présence, à vagabonder librement jour et nuit ? Et puis, les dépenses insolites de ses moines dissipés et viveurs tarissaient la source des aumônes. Trop pauvre donc lui-même et jouissant d'une abbaye appauvrie, il n'avait pu parvenir encore à solder les frais de la chancellerie romaine ; et c'est pourquoi n'étant encore que simple «abbé esleu de Faverney» et sentant de plus en plus lourdement le triple fardeau du miracle, de la réforme monacale et de la restauration claustrale, il se mortifia, pria et attendit l'heure de Dieu. Enfin, pendant le carême de l'année 1609 il reçut à Lille l'investiture abbatiale (25).

Rentré à Faverney avec un zèle plus humble et plus enflammé que jamais, le nouveau prélat ne cessait d'aller gémir et prier soit devant Sa Sainte-Hostie du miracle soit aux pieds de Sa Madone miraculeuse, en constatant chaque jour l'affluence toujours croissante des pèlerins et la mauvaise édification qu'ils emportaient de la vie vagabonde de ses pauvres moines. Il gémissait et se résignait... quand voilà qu'il apprend que cinq dolois des plus notables sont allés officiellement présenter à l'archevêque de Besançon une magnifique «requeste», où «confessant qu'ils ont un extreme regret et deplaisir» d'avoir omis non «par mespris», mais dans «l'ardeur de leur zele et la haste», d'inviter Sa Grandeur illustrissime à la cérémonie de la translation, ils la supplient très humblement d'avoir «pour agreable» de constituer un conseil d'enquête, afin d'authentiquer celles des Sacrées Hosties «en laquelle estoit demeurée plus de marques et arguments des effets surnaturels de ce bel et grand miracle».

Mgr de Rye qui avait déjà favorisé la concession de la Sainte Relique à la capitale de la Comté, s'était empressé d'acquiescer à cette noble supplique ; et le jour même, 29 avril, Messire Philibert Pourthier, chanoine et vicaire général, assisté du premier avocat fiscal Jehan Morelot ainsi que de Bon Monnier comme secrétaire, avait entendu dans le palais archiépiscopal, à deux heures après-midi, les cinq notables comme principaux témoins. Le lendemain Ferdinand de Rye rendait son ordonnance attestant l'authenticité de la Sacrée Hostie transportée si triomphalement, et accordait lui-même une indulgence de quarante jours à gagner durant les fêtes prochaines de la Pentecôte qu'il se faisait gloire d'aller présider en personne à Dole (26).

Quelle solennité revêtit à Faverney ce premier anniversaire du miracle ? Je l'ignore absolument. Il est probable que, sentant d'une part l'indignité si connue et la pauvreté si profonde de sa petite communauté bénédictine, et d'autre part les faveurs et les préférences si marquées de l'archevêque pour la capitale comtoise dont le conseil des notables, dès le 15 avril, avait délégué des commissaires chargés de décorer les rues et de préparer pompeusement la première procession annuelle du mardi de la Pentecôte, l'abbé Dom Doresmieux se contenta de laisser libre la piété des pèlerins accourus en foule aux Quarante Heures accoutumées. Quant à lui, il partit pour assister avec l'abbé de Cîteaux au triomphe eucharistique de sa Sainte-Hostie à Dole.

Ce fut, en effet, un triomphe sans précédent. À l'entrée de l'église collégiale, sous le portique de la grande tour de Notre-Dame, au milieu de festons et de guirlandes, on voyait d'un côté les armoiries du pape Paul V ; de l'autre, celles de Philippe III roi d'Espagne ; au-dessous se trouvait le blason de Ferdinand de Longwy dit de Rye, et celui de Cléradius de Vergy, gouverneur de la Comté. Sur la grande place, vis-à-vis le portail, se dressait un magnifique obélisque imitant le marbre et couvert d'hiéroglyphes. La façade des halles, tendues des tapisseries du Palais, était enguirlandée de feuillage et décorée des portraits en grandeur naturelle des comtes souverains de Bourgogne ; une longue inscription couronnait la façade. Neuf arcs de triomphe et quatre reposoirs monumentaux avaient été élevés sur le long parcours de la procession ; et dans toutes les rues, parées des objets les plus précieux, on voyait de petits autels, garnis de fleurs odorantes et de cassolettes dans lesquelles brûlaient des parfums. Les jeunes écolières, sous la direction des sœurs ursulines, étaient parées et divisées en trois sections figurant les femmes illustres de l'Ancien Testament, les saintes femmes de l'Évangile, et les différentes congrégations de femmes à cette époque. Il en était de même des écoliers, répartis en trois bandes sous la direction des jésuites : la première représentait les figures de l'Ancien Testament ayant rapport au sacrifice eucharistique; la deuxième était une parade de l'empereur d'Allemagne Rodolphe Ier de Habsbourg-Autriche accompagnant à pied avec toute sa Cour un prêtre de campagne portant le saint viatique à un malade ; et la troisième figurait les différents hérésiarques qui ont attaqué le dogme de la présente réelle et que conduisaient les Pères de l'Église, défenseurs du dogme eucharistisque. Au sortir de cette apothéose de sa Sainte-Hostie, l'abbé Doresmieux s'en revint en toute hâté à Faverney pour prier et gémir encore auprès de ses six moines dégénérés, mais bien résolu cette fois à agir coûte que coûte (27).

Dieu eut alors pitié de sa douleur et de sa bonne volonté. Le jeune novice profès, Frère Claude-Hydulphe Brenier, déjà depuis deux ans au noviciat, attira particulièrement son attention. Ce religieux de vingt ans, à l'âme pure et ardente, se faisait remarquer par sa grande modestie, sa vie mortifiée et son grand désir de perfection religieuse. Dom Doresmieux comprit que dans ce cœur d'adolescent se trouvait le germe de la réforme de son abbaye. Dès lors, envisageant l'avenir sous des couleurs moins sombres et voulant uniquement s'appuyer sur la prière son premier œuvre fut de recourir pour son monastère, pour les pays avoisinants et pour toute la province de Comté, à la source miraculeuse de bénédictions que serait une adoration spéciale de la Sainte-Hostie préservée des flammes. Sans doute il n'ignorait pas que, depuis plus de deux cents ans déjà, soit à Saint-Pierre de Besançon soit à Vesoul soit à Sancey-le-Grand soit même, selon la rapport si substantiel de M. le curé-doyen de Scey-sur-Saône, dans le tiers des paroisses comtoises, existaient les confréries du Saint-Sacrement. Mais il est remarquable que ces statuts tant de Rome que de Besançon s'occupaient très peu de la vie intérieure des associés : l'élection des conseillers et du prieur, la réunion mensuelle, le paiement des cotisations, l'honneur à rendre au saint Viatique, les messes pour les défunts, les processions tant goûtées de nos ancêtres, voilà les points principaux du règlement. Au contraire, dans la pensée du pieux abbé Alphonse, c'est tout d'abord la préoccupation d'une vie chrétienne plus intense afin de raffermir la foi catholique qui doit triompher «icy où l'hérésie a été humiliée» ; puis la révérence et l'adoration de la sainte Eucharistie par l'assistance aux divins offices, par les confessions et surtout les communions plus fréquentes aux fêtes de la Pentecôte, aux principales fêtes de Notre-Dame, aux dimanches des octaves du Saint-Sacrement, «voire, si se peut faire, tous les premiers dimanches de chaque mois». Les règles et statuts furent approuvés par Mgr Ferdinand de Rye le 31 juillet 1609, et «le neuvième Août» suivant, dans «l'Eglise du monastère de Nostre Dame de Faverney en révérence du Tres Auguste et tres sainct Sacrement de Miracle advenu le 26e de May 1608» fut instituée la nouvelle «confrairie» (28).

Ce jour-là commença l'antique registre ou catalogue des confrères et y signèrent Dom Alphonse Doresmieux abbé et seigneur de Faverney, puis les cinq religieux prêtres et profès avec le grand prieur Dom Sarron, et enfin les deux novices Nicolas Brenier et Jean Maillard. Dom Pierre Royer y est désigné comme «conseiller en ladite confrairie» et Dom Prudent Chalon en qualité de secrétaire. Après eux ont signé comme confrères étrangers au monastère «Messire Oudot Hubert curé de Faverney» et «Messire Mauris Guyel curé d'Amance». Et trois jours après, le 12 août, fut choisi comme recteur de la confrérie Noble Claude II de Cicon, chevalier de Saint-Georges, baron de Choye et de Rançonnière. Durant la grande solennité de l'Assomption de Notre-Dame, fête patronale de l'abbaye, deux cents personnes s'inscrivirent à la suite de «Madame Bénigne de Grandmont», dame du seigneur de Cicon. On y lit encore aujourd'hui comme au temps de Dom Grappin, des noms illustres de tout état : les d'Andelot, d'Aly de Damas, d'Amandre, d'Andelarre et d'Autrey ; les de la Baume, de Bermont et de Breuille ; les du Châtelet, de Ceroz, de Choiseul, de Cantenay, de Champbellain, de Champvallon, de Cicon, de Clermont-Tonnerre, de Conflans et de Courtivron ; les de Duché et les d'Ernay ; les de Falletans, de Fallon, de Faudoas, de Fay, de Franchet de Rans et de Friand ; les de Grammont, de Genevrey, de Girardi, de Grivel et de Gustine ; les de Houx et les de Jacquelin ; les de Lavaux, de Lavie, de Launay et de Lubsbourg ; les de Massiles, de Montjoie, de Montlezun, de Montrichard et de Montrichier ; les de Ray, de Ronchamp, de Rabodange et de Ruthsanhausen ; les de Salives, de Saint-Mauris, de Saint-Supplix, de Samboing, de Saulnot, de Schauenbourg, de Scey, de Sonnet et de Suppleix ; les de la Tour et de Tranchant ; enfin les de Vaudrey-Valleroy, de Vergy, de Vesin, de Vitrey, de Watteville et de Wiltz (29).

Ces soixante seigneurs et chevaliers, barons comtois ou étrangers, enrôlés pour la plupart avec leur femme et leurs enfants, formèrent aussitôt une noble garde d'honneur à la Sainte-Hostie et réparèrent ainsi solennellement le scandale donné jadis par les seigneurs d'Amance et de Saint-Remy. C'était déjà la réponse du Ciel aux humbles et incessantes supplications de l'abbé Doresmieux. Mais il y eut plus.

À partir de cette époque, «ce miracle authentique aussitost tellement creû, comme par une inspiration divine, qu'avant mesmes son approbation, et dez aussitost qu'il fut fait, chacun l'a creû» ; connu en Espagne et dans les Pays-Bas par les relations officielles et les instances des Dolois ; raconté en tous ses détails par le R. P. Fodéré, visiteur officiel de tous les couvents de saint François d'Assise en Bourgogne et en Franche-Comté ; publié depuis quatre mois par le jésuite Jacques Gaultier à la colonne des évènements mémorables dans la première édition de sa fameuse Chronologie du Christianisme, arrêta net tout progrès de l'hérésie protestante dans les contrées circonvoisines de Dole et de Faverney. Désormais plus de prêche luthérien dans le bailliage d'Amont et plus de prédicant gyrovague. Les deux ou trois protestants d'Amance, sortis de prison pour faits d'hérésie doublés d'immoralité, disparurent sous le poids de l'indignation publique. À Esprels, un sabotier est banni pour avoir transgressé la loi de l'abstinence. Le seigneur de Passavant-la-Rochère Nicolas de Campredon, méprisé pour l'orgie légendaire qu'il avait autorisée dans la nuit même du miracle, a dû se réfugier à Langres avec toute sa famille, et le riche Barret aussi bien que ses complices ont fui en Allemagne, en Flandre et en France. À Besançon, l'hérésie essaya en vain d'y continuer timidement les efforts ; et dans le Jura, les calvinistes de Nozeroy qui y étaient assez nombreux comme sujets de la famille des princes d'Orange, sont partis insensiblement. Ainsi, selon la remarque si judicieuse de Sa Grandeur Mgr Petit archevêque de Besançon, «le miracle eucharistique de Faverney établit alors comme une barrière que le protestantisme ne franchit plus» ni en Comté, ni en Bassigny, ni en Lorraine. Il se cantonna désormais dans le pays de Montbéliard pour n'en plus sortir : et autour de ce prodige constaté par eux, les pasteurs firent la conspiration du mutisme le plus extraordinaire, et l'on peut affirmer avec le R. P. capucin Ludovic de Faverney, que «le silence de leur langue et de leur plume sur des sujets si décisifs contre leur dogme, vaut une nouvelle démonstration» (30).

Mais en même temps que s'éteignait dans notre province l'hérésie protestante, la foi toujours inlassable et toujours généreuse des Dolois s'ingéniait à répandre la dévotion à la Sainte-Hostie miraculeuse. En cette année 1609, le vicomte mayeur de la ville fit graver sur cuivre, par deux artistes de renom, l'un dolois, l'autre dijonnais, des représentations au naturel de l'insigne miracle de Faverney et de son transport triomphal dans la capitale de la Franche-Comté. Nicolas Spirinx qui habitait Dijon, s'est contenté de reproduire en trois tableaux contigus les diverses phases de l'embrasement de l'autel, de l'ostensoir suspendu miraculeusement, puis de sa descente au moment de la consécration. À la partie supérieure de l'estampe, on aperçoit une procession qui précède ou suit le dais sous lequel un prêtre tient la Sainte-Hostie qu'on apporte à Dole ; et à la partie inférieure on lit ce quatrain qui résume le sentiment universel, a écrit M. Jules Gauthier (31) :

Soubz la protection de ce pain admirable,
Dole, ne crain plus rien, tu es en seureté ;
Tant que la grande Troye au front de sa cité
A eust le palladion, elle fut imprenable.

Dans l'estampe rarissime due au burin comtois d'Anatoine Chastel qui fut orfèvre et graveur de la monnaie de Dole, l'artiste a voulu se surpasser. Cette gravure est unique, et c'est faire œuvre de bon patriote que de multiplier par des reproductions fidèles ce monument précieux de la foi de nos pères à l'égard de l'éclatant prodige de Faverney. Aussi la confiante communication de Madame la chanoinesse de Matherot, héritière de cet inestimable trésor aussi bien que de la pieuse bienveillance de Madame la Comtesse de Sarcus, née de Mayrot à Dole, me permet d'ajouter cette preuve irrécusable de la rapidité surprenante de la dévotion comtoise au «Sacrement de Miracle» dès l'an 1609. On remarque trois étages élégamment disposés dans cette gravure doublement large et doublement haute que celle de Spirinx. À l'étage central que divisent trois compartiments égaux et parallèles, sont retracés l'autel provisoire en flammes, la messe du curé de Menoux, et la descente spontanée du reliquaire-monstrance. Au-dessous de cet étage est dessinée la vue cavalière du territoire de Dole à Brevans, ainsi que la procession venant de Faverney au-devant de laquelle s'avancent les dix-huit groupes de la capitale. Enfin dans l'étage supérieur, et plus étroit que surmonte un fronton demi-circulaire et qu'accostent deux volutes avec feuillage, se trouve le tableau de la remise de la Sainte-Hostie par l'abbé Doresmieux dans l'église abbatiale de Faverney (32).

En cette même année 1609, la confrérie de Faverney, déjà à peine née, trouva de suite une digne émule dans celle que fonda à Gray le gouverneur de la province, Clériadus de Vergy lui-même à son retour de la brillante procession de Dole. L'archevêque de Besançon, excité lui aussi par le souffle divin du Miracle, dans l'approbation qu'il donna le 31 juillet aux règles et statuts, ne faisait que mieux rappeler à ses diocésains le respect et la bienséance que déjà, par son mandement du 25 juillet 1608, il avait prescrit pour «les Églises, Autels, Calices, Ciboires, Tabernacles» et le viatique aux malades. Surtout il enjoignait quand le Saint-Sacrement «sera exposé publiquement sur l'autel, qu'il y aye continuellement quelqu'un à l'église, tant pour faire prières, que pour remedier aux accidents qui pourroient survenir». L'abbé Doremieux qui, depuis trois ans, réclamait sans cesse à Rome ses lettres d'intronisation retardées pour raison de pauvreté, obtint alors du pape Paul V, l'an 6e de son pontificat, 15 juillet 1610, une bulle très élogieuse et très riche de privilèges en faveur de sa nouvelle confrérie. Le souverain pontife y appelle les confrères ses «chers enfants» et leur parle «des mers de grâces spirituelles et célestes qu'il leur accorde par les indulgences y consignées». Une bienveillance aussi marquée de Paul V consola vivement le cœur si bon de l'abbé de Faverney, et sa joie devint débordant lorsque, sur la fin de l'an 1611, le Pape lui fit enfin expédier gratuitement ses bulles d'intronisation et lui permit ainsi, selon l'affirmation de Dom Grappin, de prendre définitivement possession de son abbaye au commencement de l'année 1612. Muni cette fois de tous les pouvoirs canoniques et maître absolu de la situation, fort de l'approbation du Pontife Suprême et de l'appui des archiducs souverains, cédant à son goût décidé pour une vie religieuse plus parfaite, il se sentit alors vivement poussé par l'esprit de Dieu à entreprendre la réforme claustrale qui s'imposait à son monastère déchu (33).

Le moment, du reste, lui semblait favorable. L'abbaye bénédictine de Saint-Vincent à Besançon, grâce aux talents remarquables et à la piété de son abbé Dom Guillaume Simonin, coadjuteur-suffragant de Ferdinand de Rye, depuis 1604, sous le titre d'archevêque de Corinthe, venait d'être dotée avec grand succès, dès 1611, de la réforme de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe. Née en l'an 1600 dans le monastère de Saint-Vannes près de Verdun, cette réforme ou stricte observance de la règle primitive de Saint-Benoît qu'y avait pratiquée avec quelques novices le Vénérable prieur Dom Didier de Lacour, réussit pleinement et fut acceptée aussitôt par l'abbaye de Saint-Hydulphe à Moyenmoutier dans les Vosges. Ces deux maisons religieuses entrèrent ainsi en rapport intime et leur règle commune fut confirmée par le pape Clément VIII, le 7 avril 1604. Peu après, cette nouvelle méthode de vie monacale fut adoptée par les bénedictins de la Lorraine et de la Champagne ; et en 1613, Dom Guillaume Simonin était en Franche-Comté le seul abbé réformé qui pratiquât lui-même tout le premier les sévères observances, les autres abbés ayant énergiquement repoussé les visites de l'archevêque Ferdinand de Rye à ce sujet.

Ce fut donc à lui que s'adressa par exprès l'abbé Alphonse Doresmieux afin de recevoir conseils, aide et appui moral. La réponse de l'abbé de Saint-Vincent fut digne de celui que l'abbé Verdot déclare avoir été «vénéré dans le diocèse de Besançon comme un oracle et un modèle accompli de toutes les vertus ecclésiastiques». Mgr de Corinthe se mit entièrement à sa disposition, le félicita de ses bonnes intentions, l'engagea à ne pas se rebuter devant les difficultés humainement insurmontables que l'esprit malin ne manquerait pas de lui susciter, et l'assura qu'il voyait en lui «l'instrument dont Dieu, dans ses desseins éternels, voulait se servir pour faire revivre la règle de Saint-Benoît dans cette terre bénie, où le Seigneur venait de manifester sa puissance par un si redoutable et éclatant miracle» (34).

Le concours de l'abbé de Saint-Vincent lui étant acquis, Dom Alphonse Doresmieux en informa la Cour de Rome. Le pape Paul V accueillit favorablement sa requête, et, par un bref daté de Sainte-Marie Majeure le 4 septembre 1613, il chargea l'archevêque de Corinthe de procéder à la visite canonique et à la réforme de Faverney, au nom du Saint-Siège. Afin donc «d'arranger toutes choses selon son bon plaisir», et pouvoir plus facilement ici mener à bonne fin, de la même manière et dans le même esprit, l'œuvre déjà faite à Besançon, toute autorité lui était accordée pour «ordonner, corriger, changer, innover et informer comme il l'entendrait, pourvu que ce fût dans l'intérêt du monastère ; le prieur et les religieux devant lui obéir comme au délégué du pape lui-même, sous peine d'excommunication (35).

En même temps l'abbé Doresmieux sollicitait auprès du Révérendissime Dom Claude François, président de la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe, l'envoi sans retard de quelques-uns de ses religieux, car il tenait essentiellement à ce que les nouveaux venus pussent être installés dans son monastère quand le délégué du Souverain Pontife s'y présenterait. D'un commun accord il fut réglé qu'une colonie de douze moines bénédictins réformés, fournis tant par la Congrégation de Saint-Vannes que par l'abbaye de Saint-Vincent, sous la conduite du nouveau prieur Dom Mathias Pothier, grand prieur claustral à Besançon, accompagnerait la commission pontificale présidée par Mgr Guillaume Simonin (36).

Le 30 octobre 1613, les quatre commissaires canoniques, tous prêtres âgés, tous d'une prudence consommée et d'une piété remarquable, à savoir : Messire Pierre Rhody, docteur ès-droits et chanoine-trésorier de l'église collégiale de Saint-Maurice à Salins, Noble Jean de Pillot, doyen rural de Palme et seigneur temporel de Chastelard, Citey et Oigney, Messire Pierre Aillet, curé de Magny-lès-Jussey et doyen-rural de Faverney, les trois en qualité de conseillers, et Messire Vincent Vernerey, curé de Dambelin comme secrétaire, arrivèrent donc à l'abbaye sous la conduite du délégué apostolique archevêque de Corinthe. Derrière eux marchaient Dom Pothier et cinq religieux réformés de Saint-Vincent. À la porte même du monastère, l'abbé Dom Alphonse Doresmieux, entouré de ses six moines et du jeune novice Brenier, les reçut avec beaucoup d'égards ; puis tous se rendirent à l'église abbatiale pour adorer le Saint-Sacrement et vénérer la Sainte-Hostie du Miracle. Comme le jour touchait à son déclin, Dom Simonin remit au lendemain la visite des locaux consacrés au culte, mais il tint à expliquer nettement le motif de son arrivée. Aussi fit-il de suite lire, publier et fulminer à haute voix devant toute l'assemblée le rescrit qu'il avait reçu du pape Paul V, rescrit demandé au Pontif suprême par les archiducs souverains, rescrit qui lui donnait tout pouvoir pour corriger et réformer les abus qui existaient depuis si longtemps dans ce monastère (37).

Le lendemain matin, Mgr Guillaume Simonin tint à commencer sa visite canonique par le «Sacrement de Miracle». Le sacré Reliquaire reposait toujours dans le modeste tabernacle de bois que M. Chevroton avait fait placer, le lundi soir 2 juin 1608, sur le petit reposoir brûlé et réparé devant la grille du presbitéral, à l'endroit même du prodige. Grande fut l'émotion du délégué apostolique quand il put constater lui-même de ses propres yeux que «les saintes espèces miraculeuses» étaient aussi entières et intactes qu'il y avait cinq ans, alors qu'il était venu promulguer le jugement doctrinal du très révérendissime archevêque de Besançon. Séance tenante, il interrogea les religieux sur le fait même et ses circonstances extraordinaires, il examina toutes les pièces du procès ; et convaincu plus que jamais de la véracité tellement indéniable des témoignages, tant anciens que nouveaux, tant entendus que signés par écrit, qu'il «ne s'est treuvé personne qui ait pû donner aucune touche pour en faire le moins du monde doubte», il ordonna à Dom Doresmieux de prier l'illustre marquis de Varambon, seigneur d'Amance, de vouloir bien réparer sa chapelle seigneuriale «située tout proche le lieu du miracle», afin d'y pouvoir transporter le plus tôt possible, sur un autel honorable, la Sainte-Hostie et son précieux reliquaire-monstrance (38).

Puis, continuant la visite des autres chapelles de Saint-Étienne, de Saint-Genès et de Sainte-Anne, toutes situées au côté gauche de l'église comme celle des seigneurs d'Amance, il constata leur état lamentable d'abandon, et même les religieux durent lui avouer qu'ils avaient perdu toute trace des rentes autrefois constituées et des fondations qui s'y devaient acquitter. Lorsque les visiteurs apostoliques pénétrèrent dans la sacristie, ils furent stupéfiés de l'état de désordre qui y régnait, malgré leur venue annoncée et attendue, on l'avait laissée couverte d'ordures. Elle était presque entièrement dépourvue des objets, ornements et vases sacrés qui étaient nécessaires à la décence du culte. Ceux dont les bénédictins se servaient pour les offices, se consumaient de vétusté ; les livres de chant étaient tout déchirés et aussi vieux que les chapes dont une seule se trouvait convenable (39).

L'état moral de l'abbaye fut encore trouvé plus déplorable à tout point de vue. Parmi les religieux, «les uns étaient forts âgés, les autres extrêmement infirmes tant de corps que d'esprit, et tous quoique profès dirent qu'ils n'avaient jamais connu que de nom la règle de Saint-Benoît». Même l'un des six moines, à ce moment de la visite canonique, semble avoir pris la fuite pour ne pas comparaître devant la commission de réforme : c'est Dom Nicolas Noirot, le porteur des rapports du miracle à Besançon. Sa conscience et encore plus l'opinion publique le chargeaient, en effet, des fautes les plus graves. Il ne faut pas trop s'en étonner, car la règle bénédictine depuis plus de cent ans avait été négligée à la maison-mère de la Chaise-Dieu, elle devait donc l'être aussi à Faverney, surtout en l'absence d'un abbé régulier. Or, il y avait également plus de cent ans que des abbés commendataires se succédaient malheureusement dans notre abbaye, laissant les moines sans direction et n'apparaissant au milieu d'eux que pour toucher les rentes que la faveur des princes leur avait accordées. Aussi la loi monastique de la prière, la laus perennis nuit et jour de l'office divin, n'y existait plus. Le vice de propriété, cet abus jugé si grave par Saint-Grégoire-le-Grand que, dans ses Dialogues, il voue aux pires supplices de la damnation éternelle les religieux qui veulent conserver la libre disposition d'une somme d'argent, d'un simple objet, voire même d'un livre de prière, ce vice était général à Faverney. La règle de l'obéissance y était pareillement inconnue. Moines «laïcisés» quant au costume religieux et à la tonsure monacale dont ils s'étaient jadis affranchis, il leur arrivait souvent d'entreprendre de frais voyages sans aucune autorisation, et ce n'était certes pas pour édifier les populations. On les voyait oisifs et errants sur les marchés ou aux foires, oubliant leur caractère religieux dans le commerce inutile de laïques frivoles et bavards. Dans la cité même du miracle, ils n'avaient pas cessé de fréquenter les auberges et les jeux de quilles, et, à l'occasion, ne dédaignaient pas de boire avec les gens du pays ou les passants (40).

Après ces tristes constatations, l'abbé de Saint-Vincent réunit une dernière fois tous les religieux dans une salle commune, les adjurant au nom du pape d'accepter la réforme monastique qu'il leur proposait. Les infortunés moines, moitié inconscients, moitié blasés, lui déclarèrent accepter de cœur la réformation, et, comme marque de leur soumission complète aux ordres du Saint-Père, voulurent «baiser avec vénération le rescript pontifical». Seulement ils faisaient une réserve ; ils voulaient qu'il fût bien entendu : 1° qu'on ne changerait rien à leur manière de vivre ; 2° qu'on ne leur parlerait point de cette «antiquaille» nommée règle de Saint-Benoît ; et 3° qu'il ne leur manquerait rien au point de vue matériel. Que pouvait-on faire avec de telles gens ? Guillame Simonin le comprit ; aussi s'empressa-t-il de leur accorder ce qu'ils demandaient. Une règle mitigée dans une partie spéciale du monastère leur fut imposée. Conformément aux dispositions des saints canons, on résolut de faire trois parts égales des revenus de l'abbaye : la première pour l'abbé qui, tout en voulant l'étroite observance de la Règle, ne pouvait l'adopter pour lui-même vu la faiblesse de sa santé ; la seconde destinée à l'entretien de l'église et du culte ainsi qu'au soulagement des pauvres ; et la troisième pour l'entretien des religieux réformés avec la réserve des pensions assignées aux moines non réformés (41).

Toutes ces conditions étant réglées du consentement des commissaires apostoliques et des bénédictins anciens et nouveaux, l'archevêque de Corinthe, accompagné de ses quatre enquêteurs, se rendit processionnellement à l'église avec toute la communauté ; et là, prosterné à deux genoux dans le transept, sur la plate-forme de la calade, devant les balustres de bois qui entouraient l'humble chapelle du «Sacrement de Miracle», le saint nom de Dieu invoqué, le délégué du pape prononça solennellement l'union de l'abbaye de Faverney avec la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe. C'était le 31 octobre au soir. Le lendemain 1er novembre, fête de la Toussaint, avant la messe conventuelle, la nouvelle colonie de cénobites qui devait compter désormais «douze moines clercs ou prêtres, outre les frères convers nécessaires», avec son prieur claustral Dom Mathias Pothier, prit officiellement possession de l'église et des bâtiments de Faverney aussi bien que des archives et des biens de la mense. Sous réserve du quartier spécialement affecté aux anciens religieux, l'abbé Alphonse Doresmieux, tout heureux de ce dénouement si désiré, les installa dans le reste du couvent pour y commencer de suivre, dans toute sa rigueur, les strictes observances de la règle primitive de S. Benoît. Comme bienvenue et en témoignage de sa satisfaction, Dom Doresmieux donna à chacun une somme de 600 francs, destinée à l'achat des meubles dont ils avaient besoin, et une autre somme de 5.600 francs pour les aider à réparer les loca regularia et les brèches des murs de clôture (42).

Immédiatement après le départ des commissaires pontificaux, le premier soin du Révérend Père abbé fut d'envoyer au noviciat de Moyenmoutier son pieux novice Frère Brenier dont les vertus lui présageaient un grand avenir pour son abbaye. Ayant reçu en religion à Faverney le saint habit avec le nom prédestiné d'Hydulphe, l'an 1608, peu de jours avant le miracle, il était juste que le jeune moine allât se former à la vie parfaite des bénédictins dans cet antique monastère qu'avait fondé, longtemps avant 704, sur les frontières de la Lorraine, dans les solitudes montagneuses des Vosges, au diocèse de Toul, aujourd'hui diocèse de Saint-Dié, le très illustre noble bavarois S. Hydulphe, archevêque démissionnaire de Trèves. Transplanté enfin dans ce milieu si convoité de religieux fervents, le nouveau novice va se faire remarquer par sa grande modestie, sa vie mortifiée, son application à l'étude, et étonnera autant qu'il édifiera ses frères en religion durant son année de second noviciat. Admis à la profession solennelle dans la réforme de l'étroite observance dès le 10 juillet 1614, il continuera à Moyenmoutier ses progrès incessants dans la vertu et dans la science, laissant ainsi Dieu le préparer providentiellement pour revenir bientôt parachever à Faverney la réforme monastique qui commençait son œuvre de régénération (43).

Une année, en effet, s'était à peine écoulée et déjà, au lieu de ces six moines fainéants que nous avons connus, on y voyait douze véritables religieux, animés du désir de leur perfection et travaillant avec une sainte émulation à se surpasser les uns les autres dans la pratique de toutes les vertus évangéliques. Sous l'impulsion du nouveau prieur Dom Mathias Pothier, la ferveur, la ponctualité, l'assiduité à l'oraison et au saint office de nuit comme de jour avaient remplacé l'esprit de routine et de dissipation ; et à la vie plus ou moins mondaine dont notre abbaye avait donné si souvent l'attristant tableau, avait enfin succédé une vie de recueillement de prières et d'études. Le 9 janvier 1616, le pape Paul V approuva dans un bref élogieux la réforme de Faverney, et au chapitre général de la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe furent nommés les nouveaux officiers de l'abbaye. Cette fois l'abbé Doresmieux, au comble de la joie, voulut faire connaître cette bonne nouvelle à tous les sujets de sa seigneurie. Par son ordre, un héraut d'armes publia à son de trompe dans les villages de Mersuay, Cubry, Menoux, Amance, Buffignécourt, Venisey, Baulay, Purgerot et Faverney la bulle d'approbation papale de la réforme religieuse (44).

Tranquille du côté de la vie intérieure de son monastère, Dom Alphonse Doresmieux songea aux réparations urgentes des bâtiments claustraux et tout d'abord à l'édification d'un autel convenable pour la Sainte-Hostie miraculeuse, selon l'ordre donné le 31 octobre 1613 par le délégué pontifical Mgr Guillaume de Corinthe. Du reste, il s'y sentait poussé autant par l'ardente piété de ses religieux réformés que par l'exemple toujours si décisif des Dolois qu'accentuaient encore les préférences de plus en plus marquées de l'archevêque de Besançon. Dès 1614, le 15 mai, au lundi de la Pentecôte, Ferdinand de Rye s'était empressé d'accourir à Dole pour consacrer solennellement la Sainte-Chapelle, magnifique monument en style de la renaissance dont la très élégante façade, à trois ouvertures égales, est encastrée dans le mur qui ferme la nef de l'église collégiale, au côté de l'épître. Dom Doresmieux avait assisté à cette consécration et à la translation triomphale de la Sainte-Hostie doloise, enfermée dans son coffret à trois clefs et déposée le mardi, après la grande procession, dans le nouveau tabernacle à double compartiment. L'abbé de Faverney, fort de son droit nettement spécifié d'officier pontificalement à la procession annuelle de Dole, y avait bien assisté déjà dans les années précédentes ; mais il savait que l'archevêque refusait son consentement à cette clause de l'acte de cession, et il en éprouvait une plus grande peine en remarquant l'empressement affecté de Ferdinand de Longwy à présider les fêtes de Dole, tandis qu'il n'avait pas encore voulu comme pontife diocésain visiter le lieu miraculeux de Faverney (45).

Dom Doresmieux s'abstint donc, d'une part de venir aux processions doloises de 1616 et 1617 ; mais d'autre part, durant ce temps il négocia la restauration de la chapelle seigneuriale de Saint-Antoine de Padoue et obtint de Messire Christophe de Rye de la Palud et de Dame Léonor Chabot sa femme, marquis et marquise de Varambon, seigneur et dame d'Amance, l'autorisation d'y transférer la Sainte-Hostie miraculeuse. Sur les plans donnés par les Pères de la Réforme, a écrit Dom Bebin, furent construits un autel et un tabernacle en bois doré ; on y sculpta artistement les «figures du Sauveur et de la Vierge, des Anges, des Apôtres et des Evangélistes, de Saint Benoît et de Sainte Scholastique». À la Pentecôte de l'année 1617, la «chapelle du Saint-Sacrement de Miracle» fut inaugurée solennellement, et désormais elle ne sera plus connue dans l'histoire que sous ce nom privilégié. La marquise de Varambon donna son plein consentement à la translation des fondations seigneuriales de Saint-Antoine de Padoue dans la chapelle du Bourg amancéen ; et, pour bien affirmer sa dévotion à la Sacrée Hostie de 1608, elle fonda «chaque mois une messe devant le Saint-Sacrement de Miracle en la chapelle de Messeigneurs et dame d'Amance, sise en l'église abbatiale de Faverney» (46).

On eût dit que notre Sainte-Hostie n'attendait que ses hommages un peu tardifs pour rendre encore plus vive la foi de nos aïeux comtois. À dater de cette époque, les confréries du Saint-Sacrement s'établissent à Morey, à Traves, à Vuillafans, au Russey et dans les Franches-Montagnes. Les fondations de messes du Saint-Sacrement à exposition, complètement inconnues avant 1608, se multiplient avec rapidité et de la part des seigneurs comme aussi de la part des habitants, soit dans les terres de Scey-sur-Saône, de Guyans-Durnes, de Saules, de Vuillafans et de Montgesoye qui appartenaient à la noble famille des Bauffremont, soit dans les seigneuries d'Amance, de Maîche, du Russey et de la Chenalotte qui dépendaient des illustres sires de Varambon.

La ville de Dole elle-même se ressouvient alors de ses promesses passées : elle a doté déjà l'abbaye de Faverney pour sa messe solennelle de «chacun 18 de décembre», jour de la concession de l'Hostie miraculeuse ; elle fournit chaque année pour le lundi de la Pentecôte deux flambeaux de cire aux armes de la capitale ; mais elle vient encore de commander un ex-voto monumental aux deux artistes dolois, Guillaume Lulier et Hugues Le Rupt, qui ont déjà exécuté les splendides sculptures de la Sainte-Chapelle. Sur ce grand et beau tableau, taillé dans du marbre noir, du marbre rouge et de la pierre blanche, «embelli, remarque Dom Bebin, de plusieurs petits ouvrages bien travaillés et particulièrement de quatre figures d'une autre espèce de pierre blanche, façon de marbre, qui représentent les quatres évangélistes posés aux quatre coins, est escrit, gravé en grosses lettres d'or, le miracle arrivé en cette église». Cette inscription lapidaire est un document des plus probants. Rédigé par l'avocat Alix, ancien vicomte mayeur, le texte en fut remis le 22 mars 1622 à Hugues Le Rupt ; et le 30 avril suivant un chariot transporta le monument à Faverney. L'abbé Doresmieux trouva d'abord trop gigantesque cet ex-voto qui mesure 3 mètres de hauteur ; aussi fit-il des difficultés pour accorder la place que convoitait la ville de Dole. Il céda enfin et l'accord fut fait le 11 mai. Le monument commémoratif fut donc posé, d'après Dom Bebin, «dans le presbitéral, proche le maître autel du côté de l'Evangile et tout joignant l'entrée de la chapelle du Saint-Sacrement de Miracle». Au-dessous de l'inscription narrative du Miracle lui-même qui compte près de 500 mots, se trouve un cartouchè de marbre blanc, portant en lettres noires ces simples mots : MONUMENT DU MIRACLE 1608 (47).

Presque en même temps que l'église de Faverney était dotée de ce «monument de l'éternelle gratitude» des Dolois, l'abbaye réformée, devenue un monastère modèle, introduisait en 1618, par son saint prieur Dom Mathias Pothier, la réforme de Saint-Vannes chez les bénédictins de Saint-Hubert dans les Ardennes. Trois de ses meilleurs religieux, Dom Sylvestre Perreciot, Dom Timothée Bourgeois et Dom Anselme Gutschemont travaillaient infatigablement à l'établir à Paris chez les moines de Saint-Maur des Fossés, d'où sortira bientôt la Congrégation de Saint-Maur, maison-mère des monastères réformés de France. L'abbé Doresmieux lui aussi venait de recevoir du roi d'Espagne une preuve d'estime bien éclatamte : il avait été choisi pour présider les États de Bourgogne et de Flandre, et c'était la sixième fois, depuis bientôt cinq cents ans, que les abbés de Faverney occupaient ce poste honorable. Le renom de notre monastère se relevait sous la flamme ardente de la Sainte-Hostie préservée miraculeusement de l'incendie (48).

Alors la divine Providence intervint visiblement pour y parachever l'œuvre de sanctification dans ce lieu si privilégié. Dom Claude-Hydulphe Brenier n'avait pas encore quitté la maison mère de Moyenmoutier. Depuis bientôt dix ans, il s'y était distingué autant par ses vertus héroïques que par ses études brillantes. Avant même d'être élevé au sacerdoce, il avait surpassé ses maîtres «tant par sa conversation religieuse que par les leçons publiques de philosophie et de théologie». Aussi le chapitre général de la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe le choisit-il en 1622 comme prieur claustral de Faverney. Heureux de cet appui extraordinaire, Dom Doresmieux voyant que l'officialité de Besançon lui avait adjugé comme ressources exceptionnelles la 40e gerbe de froment et d'avoine, et que les terres de Poisseux et d'Andilly avaient consenti à se racheter à prix d'argent, se résolut à entreprendre la reconstruction des bâtiments claustraux et la transformation du presbytéral de l'église abbatiale en chœur des religieux réformés (49).

Sur la nature des travaux entrepris par l'abbé Dom Alphonse et son grand prieur Dom Brenier dans l'intérieur même du monastère, je n'ai trouvé d'autres indications précises que cette inscription (50), parfaitement conservée et gravée dans le soubassement du pilastre de gauche qui supporte actuellement la voûte, sous le passage souterrain du pavillon réservé à Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Besançon :

HOC. CONVENTVALE. ÆDIFICIVM.
CONSTRVCTVM. EST. SVMPTIBUS, R. R. D. D.
ALPHONSI. DORESMIEVX. ABBATIS.
ET. CONVENTVS. ANNO. 1. 6. 2. 3.

Devant les inévitables tracas des constructions nouvelles et des transformations projetées dans le sanctuaire de l'église, devant la faiblesse de sa santé toujours chancelante et qu'aggravaient maintenant les incommodités de la vieillesse, devant l'impossibilité physique de suivre désormais les exercices conventuels, pressentant même sa fin prochaine, l'abbé Doresmieux déjà septuagénaire prit alors devant Dieu une résolution aussi sage que généreuse. Se souvenant de l'affection princière dont l'avait toujours honoré l'illustre archiduchesse d'Autriche et souveraine de la Comté, l'infante d'Espagne Isabelle-Clara-Eugénie, veuve de l'archiduc Albert, il lui soumit humblement son désir ardent d'avoir pour coadjuteur et continuateur de son œuvre de réforme monastique à Faverney le prieur claustral Claude-Hydulphe Brenier, son fils de prédilection. Heureuse des merveilles de grâce que la Sainte-Hostie avait déjà opérées dans l'abbaye du Miracle, l'archiduchesse souveraine s'empressa d'accueillir favorablement la demande de l'abbé Dom Doresmieux. Dès le 2 août 1623 elle signa les lettres patentes qui nommaient Dom Hydulphe comme coadjuteur avec future succession tant au spirituel qu'au temporel ; toutefois elle réserva que, conformément au traité fait et agréé par l'archiduc, son défunt mari, lors de l'introduction de la réforme au Comté de Bourgogne, les revenus de la mense abbatiale demeureraient séparés de ceux des religieux, et que l'abbé comme le monastère conserveraient l'un et l'autre la libre gestion de leurs biens réciproques (51).

La nomination de Dom Brenier comme abbé-coadjuteur de Faverney semble avoir eu pour effet de provoquer enfin la visite tant désirée de l'archevêque diocésain. Aux fêtes de la Pentecôte 1624 qu'il voulut présider en personne, Ferdinand de Rye fut acclamé «par une multitude de peuple presque innombrable». Il eut la grande joie de contempler la belle «chapelle du Saint-Sacrement de Miracle» et l'agencement très commode et très favorable à la réforme des nouveaux bâtiments claustraux. Mais ce qui le frappa plus vivement, ce fut de retrouver, parmi les foules accourues en procession, l'impression si vive et même accrue de la dévotion populaire à l'Hostie miraculeuse. Aussi s'empressa-t-il cette fois d'envoyer à Rome sur ce fait si extraordinaire une relation fort détaillée, complétant ainsi par une sorte de seconde enquête, faite par lui-même à seize ans de distance, l'information juridique touchant l'indéniable miracle de 1608 (52).

Toutefois ce nouveau triomphe de la Sainte-Eucharistie sur l'hérésie protestante, cet accroissement toujours grandissant de la dévotion de nos pères à la sacrée Hostie, cette renommée de ferveur religieuse chez les nouveaux bénédictins devaient susciter une recrudescence de la fureur infernale. Les anciens moines qui, par un terrible châtiment de Dieu, s'étaient déjà montrés infidèles à la grâce du miracle, bien loin de subir maintenant l'influence bienfaisante de leurs confrères, continuaient comme par le passé à mener une vie oisive et dissipée. «Dans les cabarets et les maisons de jeux, fait remarquer Dom Bebin, ils ne cessaient de calomnier leurs frères réformés dont la vie angélique et mortifiée était une continuelle protestation contre leurs propres dérèglements».

La reconstruction du couvent ayant nécessité la coupe des bois de charpente, selon le droit d'usage immémorial, dans les forêts de Faverney, les bourgeois excités par ces mauvais religieux cherchèrent querelle à l'abbaye. L'abbé Dom Alphonse dut porter l'affaire devant les tribunaux. Le procès intenté et les premiers frais qui en furent la consequence, habilement exploités par les anciens moines, surexcitèrent à ce point la population qu'elle s'oublia jusqu'à couvrir de boue en pleine rue les bénédictins réformes et à poursuivre même à coup de pierres, au milieu des huées de la foule, jusqu'aux portes de son palais abbatial le seigneur-abbé Doresmieux (53).

Ce n'était pas encore assez. Quand au commencement du mois d'août de l'an 1624 fut connu l'arrêt du Parlement de Dole, arrêt affirmant les droits imprescriptibles de l'abbaye seigneuriale et condamnant les habitants à tous les frais de justice, alors l'indignation de la populace fut portée à son comble, et un incident fortuit, exploité par la jalousie des moines calomniateurs, vint faire éclater la révolte. Une jeune fille du pays, redoutant la colère paternelle pour une peccadille d'enfant, avait fui la maison de ses parents et était allée chercher un refuge chez un membre de sa famille qui habitait le voisinage. On la cherchait en vain depuis plusieurs jours, lorsque tout à coup le bruit se répandit que les fameux moines réformés la tenaient enfermée dans leur nouveau couvent cloîtré. Aussitôt les échevins font sonner le tocsin ; le peuple s'assemble, et, après une courte délibération, on décide qu'on va se porter à l'abbaye et qu'on en fera le siège, s'il est nécessaire (54).

Heureusement l'abbé Doresmieux, «en flamand judicieux», avait pressenti, dès la veille au soir, le complot qui se tramait. Durant la nuit le seigneur d'Amance, gardien du monastère, s'était empressé d'envoyer le capitaine du château s'embusquer avec une partie de ses hommes d'armes, et quand les mutins se présentèrent, ils trouvèrent le monastère gardé par les amancéens. En vain, le Révérend Père abbé, vieillard septuagénaire, s'avançant alors sur la porte de son palais, supplie la multitude furieuse de rentrer dans le devoir. Pour toute réponse il est traité de «pourceau, de parjure et d'ivrogne». Des pierres sont lancées contre les fenêtres et déjà on allait en venir aux mains, quand soudain on entendit crier dans la rue : «La voilà ! la voilà ! c'est elle !» C'était bien la jeune fille, en effet. Accompagnée de son oncle, elle rentrait tranquillement chez ses parents, ne se doutant pas de tout le bruit qui venait d'être fait à son occasion. Ainsi finit cet infernal complot, ourdi par des moines réfractaires à leur règle et infidèles à la grâce (55).

Mais cette fois la mesure était comble. Devant de tels désordres qui menaçaient d'arrêter l'élan religieux de l'abbaye et compromettre à jamais l'avenir de la cité du miracle, le seigneur d'Amance en gardien vigilant et le seigneur-abbé dénoncèrent ces scandales à la Cour souveraine du Parlement de Dole. Le procureur-général lui-même vint informer à Faverney et constata vingt-quatre attaques ou actes de violence contre les bénédictins réformes et leur abbé. Aussi fit-il d'abord saisir et garrotter par ses archers les six principaux meneurs de la ville. Puis, en vertu de sa suprême autorité, il ordonna la liquidation des prébendes des anciens bénédictins, et les fit expulser du territoire. Ensuite il traîna dans les prisons de la capitale les meneurs et les provocateurs ; et, par un arrêt définitif du 7 septembre 1624, le Parlement les condamna à une longue détention d'où ils ne purent sortir qu'après avoir payé des amendes qui s'élevaient de 300 à 850 livres estevenantes, selon leur degré de culpabilité. Or, il est bon de faire remarquer que nulle part dans l'histoire il n'est fait mention qu'au milieu de cette animosité excessive de la population de Faverney, pas plus que dans les menées sournoises des bénédictins dévoyés, quelqu'un ait émis l'idée de supercherie ou d'imposture à propos du miracle de 1608. Si donc aucune accusation de ce genre n'a été alors portée, même par les moines coupables et chassés, c'est bien une preuve irrécusable qu'aux yeux de tous les contemporains il n'existait pas le moindre doute sur l'authenticité et la véracité soit du prodige soit des témoins (56).

L'abbé Doresmieux profita du calme dont jouit dès lors son monastère pour achever l'œuvre de la réforme, en transformant complètement le presbitéral et le chœur des formes. Jusqu'à cette époque et selon le style bourguinon adopté dans les églises bénédictines en Franche-Comté, le chœur où les religieux se tenaient pour chanter leurs longs offices de nuit de de jour, était entièrement situé en dehors du chœur des prêtres et loin de l'autel principal. Placés dans leurs stalles établies de chaque côté de l'immense carré du transept, sans autre séparation du public que les dossiers des boiseries, les moines «étaient fort troublés et divertis par la vue des séculiers», a écrit Dom Bebin. Afin de favoriser «la plus grande commodité et récollection» des bénédictins réformés, l'abbé Dom Alphonse, sur les sages conseils de Dom Brenier son saint coadjuteur, voulut agencer le presbytéral en deux parties bien distinctes.

Afin de pouvoir transporter les stalles des formes avec leurs magnifiques sculptures dans la dernière travée de l'abside où sont les cinq hautes fenêtres, il fallut d'abord déplacer le sépulcre grandiose du prince amancéen Jean II de Bourgogne. «La grande dalle en marbre blanc, portant sa statue en relief, fut reléguée, dit M. Jules Gauthier, dans la chapelle du Saint-Sacrement de Miracle et placée dans l'enfonçure à droite, formée par la petite porte rectangulaire et murée qui jusqu'alors servait de communication entre cette chapelle absidiale et le presbytéral. Pour adapter la large tombe armoriée dans cette ouverture assez restreinte, on dut briser l'inscription du chanfrein ; et, reconstituée à peu près exactement, elle fut encastrée au-dessus de cette niche ou ouverture avec ces mots indicateurs : RENOVATVM ANNO. 1626 (57).

Le maître-autel qui primitivement «etait posé tout au fond du presbitéral», contre le chevet à trois pans, fut «ravancé» dans le sanctuaire, de sorte que, selon la remarque de Dom Bebin en 1670, «tout le chœur des religieux est à présent derrière l'autel principal». Au-dessus «des sièges et formes d'une fort belle menuiserie» qu'avait donnés jadis l'illustre abbé François de Grammont et qu'on rétablit dans la travée absidiale, Dom Doresmieux fit élever un magnifique retable en bois sculpté où son coadjuteur et lui étaient représentés à genoux aux deux côtés du crucifix. Un grand tableau de l'Assomption, patronne de l'église abbatiale, fut placé derrière l'autel, contre la grande fenêtre centrale, au chevet même du sanctuaire. Cette peinture sur toile représentait, au milieu d'anges et sur des mages, la Vierge au-dessus de la cité de Faverney, ville aux nombreux clochers. Sur le premier plan on voyait agenouillé, en grandeur naturelle, l'abbé Doresmieux lui-même, crossé et mitré, avec sa figure de saint ; à ses côtés, debout à gauche saint Jacques le majeur, pèlerin de Compostelle, et le pape saint Pierre, puis à droite saint François d'Assise et saint Antoine de Padoue, tous nimbés. Enfin, pour compléter la commodité du chœur des moines réformés et faciliter le recueillement des messes, il y eut même deux petits autels installés à l'arrière du maître-autel (58).

Après la transformation complète du sanctuaire, l'abbé Dom Alphonse voulut laisser encore un noble souvenir de sa générosité en embellissant, selon le goût de l'époque, soit le portique intérieur du porche donnant accès à la grande nef de l'église soit le portique de droite conduisant au nouveau cloître. À la place des ouvertures cintrées avec piliers et colonnettes d'angle comme ceux de la porte principale, il fit construire des portiques néo-grecs avec colonnes corinthiennes à frontons triangulaires échancrés au milieu et reposant sur des attiques où sont sculptés deux écussons identiques contenant ses armoiries : écartelé aux premier et quatrième d'or à trois roses de gueules, avec une tête de maure au naturel bandée d'argent mise au cœur ; aux deuxieme et troisième d'argent à trois fleurs de lis de gueules. Une jolie statuette en marbre blanc, haute de deux pieds, représentant la Vierge à l'Enfant, ornementa spécialement le portique ouvrant sur la grande nef. Il voulait ainsi témoigner aux pèlerins de la Sainte-Hostie, dès l'entrée de l'église abbatiale, sa grande dévotion envers Notre-Dame la Blanche qu'il appelait sa «bonne Dame» et au nom de laquelle il ne savait rien refuser de ce qui lui était demandé. Jusqu'alors la vénérable statue, remarque Dom Bebin, «était posé tout en haut du maître autel au pied du crucifix ; mais parce qu'elle n'était pas bien aperçue à cause de la hauteur, et que d'ailleurs il était difficile et dangereux de monter si haut pour l'orner et parer les jours de fête», et aussi par suite de l'agencement nouveau du presbytéral, le pieux abbé Doresmieux l'avait «transférée à un petit autel à moitié du grand et du côté de l'épître», dans la chapelle absidiale où il lui avait élevé «au milieu avec toute décence» un trône splendide ; et ainsi se trouvait parachevée l'œuvre de la réforme dans son église et dans son abbaye (59).

Sa santé qui avait toujours été délicate au point de l'empêcher de pouvoir suivre lui-même les règles de l'étroite observance, devint tellement affaiblie par tous les ennuis dont il fut abreuvé et les soucis que lui donnèrent l'embellissement de son église et la reconstruction du monastère, qu'il résolut alors de se démettre des soins de sa charge pastorale. Les bulles papales qui ratifiaient la nomination princière de son coadjuteur étant arrivées sur la fin de l'an 1627, le vieil abbé Doresmieux fit donc, au commencement de l'année 1629, son abdication volontaire et solennelle entre les mains de son fils de prédilection Dom Claude-Hydulphe Brenier dont il connaissait depuis longtemps et la haute sagesse et la grande habileté dans le maniement des affaires. Sentant chaque jour la vieillesse arriver à grands pas, il voulut ne plus vivre que pour Dieu seul, ses moines et ses pauvres. Aussi craignant que ses aumônes ne finissent avec lui, il assigna dans son testament des rentes considérables sur les terres de Fleurey, rentes qui ne devaient jamais être aliénées ni employées à d'autres usages qu'à secourir les nécessiteux. Complètement détaché du monde, il dut pourtant, afin d'obéir au pape Urbain VIII, quitter une dernière fois son couvent pour aller introduire la réforme de Saint-Vannes dans le prieuré de Jouhe dont dépendait l'antique chapelle de Notre-Dame du Mont-Roland. Malgré l'opposition des R. Pères Jésuites du collège de Dole qui s'appuyaient, comme l'a écrit Dom Bebin, «sur des raisons insuffisantes, frivoles, inutiles et erronnées» pour mettre obstacle à la mission papale de l'abbé de Faverney, et malgré l'intervention amicale et officieuse du sire de Varambon seigneur d'Amance, l'inexorable abbé Doresmieux, fidèle aux ordres du Souverain Pontife jusqu'à la dernière année de sa vie, réussit cependant à implanter les règles de l'étroite observance parmi les religieux bénédictins, antiques gardiens de la plus antique Madone miraculeuse, sœur aînée de Notre-Dame la Blanche (60).

Ce fut là le dernier service que notre vénérable abbé rendit à la Sainte Église. Rentré dans son monastère, il sentit plus que jamais le poids de ses infirmités et des longues années passées au service de Dieu. Mais l'envahissement de la vieillesse n'altéra en rien ni la tournure si vive de son intelligence, ni sa piété de plus en plus grande envers l'Hostie du Miracle, ni sa dévotion toujours plus tendre à Notre-Dame la Blanche, ni la délicatesse de son esprit de pauvreté. Quelques traits narrés par Dom Bebin qui était profès en 1630, nous feront encore mieux admirer la beauté de ce grand caractère.

Le Révérend Père Claude de la Barre, franciscain éminent en vertu, en science et en éloquence, sacré à Ornans en 1616 par l'archevêque Ferdinand de Rye comme son coadjuteur-suffragant et évêque d'Andreville, était venu consacrer l'autel de l'église de Fleurey-lès-Faverney. Accouru pour adorer «le Sacrement de Miracle», il fut accueilli comme un frère par le bon abbé Doresmieux. Durant le dîner, le Père de la Barre n'avait cessé d'admirer la croix pectorale que, pour faire honneur à son hôte distingué, portait ce jour-là le vieil abbé Dom Alphonse. Aussi celui-ci ne fut-il surpris qu'à demi d'entendre le suffragant de Besançon lui dire en riant, à la fin du repas : «Oh ! Révérend Père, la belle croix ! la belle croix ! Que vous êtes heureux d'avoir en votre possession un objet si précieux !» — N'est-ce pas, Monseigneur, répondit l'abbé Doresmieux, seulement elle n'est pas à moi : elle appartient à Notre-Dame. Aussi je ne vous dis pas à votre service, parce que vous êtes Cordelier et vous l'accepteriez». Le capucin sourit, tout en admirant la candide malice du vieillard et sa tendresse envers la Sainte Vierge (61).

Et de fait, continue Dom Bebin, le saint abbé passait des heures entières en oraison dans la belle chapelle de sa «bonne Dame» ; et chaque matin, malgré la goutte qui le torturait, malgré ses jambes qui ne pouvaient plus le porter, grâce à l'appui d'une crosse il célébrait le saint sacrifice de la messe avec une piété angélique dans la magnifique chapelle du Miracle. Rien n'égalait la confiance qu'il avait en son ange gardien. Chaque fois qu'il ouvrait une porte, il levait son chapeau et le saluait comme pour s'excuser de passer devant lui. Ce fut sans doute en récompense de cette dévotion que, cinq mois avant son décès, tandis que dans sa cellule il recommandait à Dieu sa dernière heure par de ferventes prières, il entendit clairement et distinctement une voix qui lui disait : «Prépare-toi à la mort : je serai là pour te secourir !» (62).

«Pieusement docile au céleste avertissement et en faisant son profit», écrivait l'abbé Dom Brenier à Dom Philippe de Caverel, abbé de Saint-Vaast, le saint vieillard «donna surtout pendant les trente jours de la maladie qui fut le terme de son existence, les plus édifiants exemples d'humilité, de patience, d'amour de Dieu et de charité envers le prochain. Enfin, dans un saint abandon à la volonté divine et couronné de mérites et de vertus, il échangea la vie d'ici-bas contre la bienheureuse vie du Paradis. Le 17 septembre 1630, le doigt de Dieu se posa sur lui et il s'endormit ! Il était âge de 76 ans et en avait passé 63 dans la vie religieuse» (63).

La piété reconnaissante de Dom Claude-Hydulphe Brenier, son coadjuteur-successeur, voulut que la dépouille mortelle de Dom Alphonse Doresmieux reposât devant le grand autel, au milieu du sanctuaire restauré par ses libéralités et son goût artistique. Sa tombe «sur laquelle sont taillées ses armoiries, embellies tout à l'entour d'un ouvrage bien ciselé», a relaté Dom Bebin, portait cette inscription :

HIC JACET RDUS IN CHRISTO PATER ET DOMINUS
ALPHONSUS DORESMIEUX HUJUS MONASTERII ABBAS,
QUI OBIT DIE DECIMA SEPTIMA SEPTEMBRIS ANNO
JESU CHRISTI 1630. — REQUIESCAT IN PACE.

Et depuis, la paix de la mort s'étendit sur la vie de cet humble moine qui fut l'artisan choisi par Dieu pour appliquer, au lieu même du prodige, les fruits de grâce d'un des plus grands miracles eucharistiques. Sa mémoire jusqu'alors restée dans l'oubli méritait d'être mise en lumière ; car c'est à lui, on peut le dire sans flatterie, que l'abbaye de Faverney est redevable de l'état florissant où elle persévéra jusqu'à la grande révolution en 1791. C'est à sa grandeur d'âme et à son profond esprit de foi que notre couvent doit de pouvoir désormais être gouverné par un éminent religieux aux mérites transcendants ; et l'éloge de tous les deux se trouve renfermé dans cette phrase qu'écrivit Dom Brenier, sur la fin de septembre 1630, aux religieux de l'abbaye de Saint-Vaast : «Dom Alphonse est mort. Je l'ai toujours vénéré comme un père, et aujourd'hui je l'invoque comme un saint» (64).

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[Sources bibliographiques et Notes de bas de page.]

1. Notes et documents, p. 169 (Procès-verbal de l'archevêque de Corinthe) et Dom Michet, Manuscrit, 15. — Compte rendu des travaux du congrès, p. 24 et passim (Discours d'ouverture du R. P. Janvier). — Récit miraculeux dans Notes et documents, pp. 189 et 194. — Dom Pierre-Philippe Grappin, Mémoires sur l'abbayé de Faverney, Besançon, Daclin, 1771, p. 89 — Compte rendu des travaux du congrès, pp. 170 et 171 (Rapport de M. l'abbé Perrod, aumônier du lycée de Lons-le-Saunier) et pp. 47 et 58 (Rapport de M. Guiraud).

2. Compte rendu des travaux du congrès, pp. 164 et 165 (Observations de Son Éminence le cardinal Dubillard, archevêque de Chambéry) ; pp. 159 et 162 (Rapport de M. le directeur Tuaillon) ; p. 551 (Rapport final sur les travaux et les conclusions des quatre sections par M. le chanoine Laurent, supérieur du grand séminaire de théologie) ; p. 188 (Explications données par M. chevalier Pidoux) ; p. 123 (Rapport de M. le directeur Joignery qui précise les 16 témoins privés, 54 témoins interrogés, 3 délégués épiscopaux, 8 théologiens, 2 archevêques, nonce apostolique, archiduc Albert, président de Besançon, magistrat de Dole, 21 dignitaires ecclésiastiques et civils de Dole).

3. Notes et documents, p. 169. Cette lettre d'Amédée Morel a été retrouvée aux archives vaticanes par le Rme P. Louis Antoine de Porrentruy, définiteur-général des Frères-Mineurs Capucins (Fonds Borghese, II, 23, 24, p. 154). — Pierre-André Pidoux, Histoire populaire du Miracle des Saintes Hosties de Faverney et leur culte à Dole et à Faverney, Dole, 1908, p. 12. — Notes et documents, pp. 149 à 151. Cette plaquette in-8 de 24 pages existe à la Bibliothèque nationale (L K7 2738). — Mandement de Ferdinand de Rye, plaquette in-8 de 8 pages à la Bibliothèque nationale. — La plaquette in-8 en 7 pages du mandememt en latin fut imprimée à Cologne chez Antoine Becker et fut découverte par M. Jules Gauthier au British Museum (Cote 4326 BB, achat du 1er juillet 1861).

4. Notes et documents, p. 117 (Lettre de l'archevêque de Rhodes, nonce à Bruxelles). — Archives vaticanes, Fonds Borghese, section II, VIII. — Bruxelles, archives de Rodi, 1608. — Notes et documents, p. 152. Ce sermon a été imprimé à Paris avec permission en 1608 chez Pierre Ménier. C'est une plaquette, petit in-8 de 24 pages, fort rare et qui fait partie de la collection de M. Octave Broch d'Hotelans à Besançon.

5. Notes et documents, p. 164 (Procès-verbal de l'archevêque de Corinthe). — Archives départementales du Doubs : Bullaire du Parlement, vol. III, fol. 244-247. — L'abbaye de Saint-Vaast fut bâtie vers la fin du VIIe siècle sur l'emplacement d'une petite chapelle, proche de la ville l'Arras, où avait été inhumé en 540 S. Vaast, évêque de Cambrai et d'Arras alors réunis (Supplément de Dom Piolin, I, p. 330). — Alphonse Doresmieux naquit à Arras, l'an 1555, sur l'ancienne paroisse de Sainte-Madeleine. D'après un ancien manuscrit, «il estoit fils aisné de Philippe et de Catherine Carbonel» ; bibliothèque communale d'Arras, Manuscrit des archives Godin, D, p. 225. Parmi ses ancêtres, Pierre dit Bridoux, seigneur de la mairie d'Oresmieulx, vivait en 1361 ; ses descendants se fixèrent à Arras en 1444, et Gilles fut reçu à cette époque bourgeois de la ville ; M. le chanoine Eugène Van Drival, Nécrologe de l'abbaye de Saint-Vaast d'Arras, publié pour la première fois au nom de l'Académie d'Arras en 1818, Arras, Courtin, 1878, p. 546. Les armes des Doresmieux ou d'Oresmieux sont : d'or à une tête de maure de sable tortillée d'argent, accompagnée de trois roses de gueules deux et une ; ibid. Alphonse Doresmieux n'avait que treize ans quand il reçut l'habit de bénédictin dans l'abbaye de Saint-Vaast ; avant de prononcer ses vœux de religion à 21 ans en 1574, le jeune novice se perfectionna dans les lettres et les sciences à Douai, puis à Courtrai ; il fit sa théologie à Douai, et en septembre 1576 fut ordonné prêtre à Amiens; successivement maître des novices, grand chantre et sous-prieur à Saint-Vaast, il remplit aussi les charges d'administrateur, de régisseur, de prévôt et de prieur dans d'autres prieurés dépendant de l'abbaye ; ibid, pp. 152 à 155. — Dom Odilon Bebin, Histoire manuscrite de l'abbaye de Faverney, (Bibliothèque de Vesoul, manuscrits 192, 193), p. 192. — L'abbé Joseph Morey, Discours prononcé dans l'église de Notre-Dame de Faverney, le 11 août 1874, au pèlerinage du séminaire de Luxeuil, Besançon, Jacquin, 1874, p. 9.

6. R. P. Chevallot (missionnaire apostolique), Arras et Faverney dans la Semaine religieuse d'Arras, n° 20, 15 mai 1908, p. 386.

7. Chevallot, Arras et Faverney, n° 20, p. 386 ; Morey, Discours, p. 11 ; L'abbé Joseph Morey, Notice historique sur Faverney et son double pèlerinage, Besançon, Jacquin, 1878, p. 91 ; Notes et documents, p. 187 (R. P. Fodéré) ; Compte rendu du congrès, p. 122 (M. le directeur Joignerey). — Dom Maur Michelet, Les divins mystères verifiez dans l'Hostie miraculeuse de Faverney, Bibliothèque de Vesoul, Ms. 94, p. 18. — Pour les détails concernant les chandeliers d'étain du reposoir, voir au chapitre 2 en 3° partie.

8. Pidoux, Histoire populaire, p. 13. — Choisey et Parthey font partie du canton de Dole, et Gendrey est un bourg de 620 habitants, chef-lieu de canton dans l'arrondissement de Dole. — Voici le texte des inscriptions de ce reliquaire qui repose actuellement sur la cheminée de M. l'abbé Duboz, curé-doyen de Gendrey depuis février 1912. Sur le soubassement hexagonal du pied, on lit en avant :

Lignea quam cernis Christi pendentis imago
Marmoris et frustum cordis habens speciem
Hœc, tibi sunt, ustis ex mensis, facta Faverni
In queis, vicit atros hostia bina rogos.


Et en arrière :

Noble Claude François Du Champ de Dole, Escuier,
Sieur de Partey et Choisey en partie et Damoiselle
Claudine Gerarde Laboré sa femme ont faict faire
La présente Croix en contemplation de Vénérable
Sœur Cœlestine de Jésus, Religieuse du Tier Ordre M. Saint François à Salins
Jadis appelée Claudine Du Champ leur fille, Lan de grâce 1613.


Nul parchemin accompagne ce reliquaire et nul à Gendrey ne sait comment la paroisse le possède : la tradition seule est formelle et générale pour attester que «le Christ en bois et le cœur en marbre proviennent bien du reposoir de Faverney». Tels sont les résultats de l'enquête que m'a transmis avec beaucoup de bienveillance M. l'abbé Duboz : aussi je lui adresse ici tous mes remerciements. — Pierre-André Pidoux, Histoire de la Confrérie de Saint Yves des avocats, de la Sainte Hostie miraculeuse et de la Confrérie du Saint Sacrement de Dole, Dole, Jacques, 1902, donne comme probable que cette croix, ciselée en 1613 par l'orfèvre dolois Anatoine Chastel, fut conservée aux Tiercelines de Salins, et, sauvée lors de la Révolution, tomba entre les mains d'une pieuse personne de Gendrey qui l'offrit à l'église de sa paroisse.

9. Voir au n° VIII des Notes et pièces justificatives la copie intégrale des authentiques des deux corporaux qu'a faite lui-même, en janvier ou février 1901, M. l'archiviste Pidoux chez M. le chanoine Colombot, alors curé de Notre-Dame à Besançon. — Pidoux, Histoire de la Confrérie de Saint Yves, pp. 315 et 316 ; Pidoux, Histoire populaire, p. 12. — Compte rendu du Congrès, p. 234. — Voici la traduction de l'inscription latine : «Corporal de Faverney sur lequel le Sacro-saint corps du Christ, suspendu dans l'air avec la pyxide, descendant doucement vint se repose le 26 mai de l'an 1608». Il y a erreur évidente pour la date : ce n'est pas le lundi 26 mai, mais le mardi 27 mai que cessa le miracle de 1608 ; pour la vérification des dates, il n'y a qu'a comparer les jours de l'année 1608 avec ceux de cette année 1913.

10. Compte rendu du Congrès, pp. 205 et 206 (Rapport de M. André Pidoux) ; Pidoux, Histoire populaire, pp. 15 et 16.

11. Compte rendu du Congrès, p. 206 (Rapport de M. André Pidoux) ; Pidoux, Histoire populaire, pp. 15 et 16. — Manuscrit de Faverney, p. 103 recto.

12. Pidoux, Histoire populaire, p. 16. — Notes et documents, p. 119 (Lettre de l'archiduc Albert à l'abbé de Faverney d'après une copie de la bibliothèque municipale de Besançon). — Manuscrit de la collection Chifflet, III, fol. 49. Cette lettre du 7 octobre 1608 n'est signée en effet que : Richardot et P. Le Comte. — Morey, Notice, p. 93. — Evidentissimum Fidei catholicæ argumentum, argument très évident de la foi catholique, comme il est marqué aux anciennes Litanies de la Sainte-Hostie de Dole (Rapport de M. André Pidoux, p. 207) — Morey, Discours, p. 11, qui cite le R. P. Fodéré.

13. Notes et documents, p. 120 et Manuscrit de Faverney, p. 103 verso. Cet acte authentique en papier des archiducs et comtes de Bourgogne, daté et signé : Albert, 12 novembre 1608, portant le cachet en papier de l'archiduc et la suscription suivante au dos : «Au reverend Pere en Dieu notre cher et bien amé de Faverney», est la pièce première de la liasse 455, série H, chez l'archives de la Haute-Saône. — Émile Mantelet, Histoire politique et religieuse de Faverney depuis les temps les plus reculés jusqu'à nos jours, Paris, chez l'auteur, 1864, p. 357, où se trouve consignée une pièce que communiqua à l'auteur M. l'abbé Edouard Camuset, curé-doyen de Faverney, par laquelle le cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, atteste le 22 octobre 1852 «avoir confronté la copie de la lettre de l'archiduc Albert avec l'original déposé aux archives de Vesoul, et l'avoir reconnue exacte».

14. Morey, Notice, pp. 94 et 95 ; Pidoux, Histoire populaire, p. 17 ; Compte rendu du Congrès, p. 204 (Rapport de M. André Pidoux).

15. Pidoux, Histoire populaire, pp. 17 et 18 ; Compte rendu du Congrès, p. 206 (Rapport de M. Pidoux). — L'abbé Fromond, Le Miracle de Faverney, Dole, 1908, p. 8 ; Manuscrit de Faverney, pp. 100, 104 et 105 recto, et p. 106 verso ; Morey, Notice, p. 97 ; Bullet, Manuscrit, p. 168 (Relation du R. P. Fodéré) ; Notes et documents, p. 133 note 1. — Généalogie de la famille Froissard aux Archives du Doubs, G. 202.

16. Pidoux, Histoire de la Confrérie de Saint Yves, p. 54 ; Pidoux, Histoire populaire, p. 17 ; Bullet, Manuscrit, p. 168 (Relation du R. P. Fodéré) ; Morey, Notice, p. 97 ; Notes et documents, pp. 120 à 124. — Traité et cession du 18 décembre 1608 aux Archives de la Haute-Saône, H. 450. La pièce deuxième est une copie sur parchemin de ce traité, et de plus elle porte l'acte authentique de la confirmatian de la donation par François-Joseph de Grammont, archevêque de Besançon, donnée le 26 février 1770.

17. Manuscrit de Faverney, pp. 105 et 107 recto ; Manuscrit de l'Arsenal, p. 141. — Archives de la Haute-Saône, H. 455.

18. Manuscrit de Faverney, pp. 105 recto et 107 recto ; Manuscrit de l'Arsenal, pp. 126, 138, 140 et 141 ; Fromond, Le Miracle, pp. 8 et 9 ; Bullet, Manuscrit, p. 169 (Relation du R. P. Fodéré) ; Pidoux, Histoire populaire, pp. 18 et 38. — Ce fut à Dole en 1590 que la Vénérable Mère Anne de Xaintonge, née à Dijon en 1561, fonda son Institut des Ursulines non cloîtrées du Comté de Bourgogne pour instruire les jeunes filles, sur le modèle de la Compagnie de Jésus pour instruire les jeunes gens. Elle mourut à Dole à l'âge de soixante ans en 1621, après avoir eu la consolation de voir s'établir des maisons de son Ordre à Vesoul (Haute-Saône), à Besançon (Doubs), à Arbois (Jura), à Saint-Hippolyte (Doubs), à Porentruy (Suisse) et à Gray (Haute-Saône) ; Petits Bollandistes, XV, pp. 425 et 426. — L'inestimable coffret qui a gardé la Sainte-Hostie à Dole durant cent quatre-vingt-six ans, est la seule relique subsistante de cette mémorable translation. Il est conservé précieusement chez M. le curé-doyen de Notre-Dame de Dole à qui l'a légué la piété de Mme la comtesse de Sarcus, défunte héritière de la noble famille de Mayrot ; Compte rendu du Congrès, p. 207 (Rapport de M. Pidoux). — Dom Grappin, Mémoires, p. 91.

19. Pidoux, Histoire populaire, p. 19 ; Compte rendu du Congrès, p. 208 (Rapport de M. Pidoux) ; Fromond, Le Miracle, p. 9 ; Morey, Notice, p. 99.

20. Morey, Notice, pp. 97, 98 et 100 ; Manuscrit de Faverney, p. 105 verso et 108 recto ; Manuscrit de l'Arsenal, p. 142 ; Pidoux, La confrérie de Saint-Yves, pp. 65 et 66 ; Pidoux, Histoire populaire, p. 19. — D'après le Procès des États, le bourg fortifié de Faverney comptait alors 700 habitants ; l'abbé Jean-Baptiste Bergier, Études historiques et philologiques sur l'origine, le développement et la dénomination des localités, Besançon, Morel, 1881, p. 101.

21. Les lions d'or aussi bien que les billettes et les soleils d'or, brodés sur les vêtements de la nymphe, représentaient les armes de la ville de Dole et celles de la Franche-Comté. — Morey, Notice, p. 103 ; Pidoux, La confrérie de Saint-Yves, p. 67.

22. Cette inscription IgnIs ante IpsVM præCeDet est tirée du troisième verset du psaume XCVI du prophète David. On crut y voir la date du miracle dans les lettres numérales MDCVIII (1608), on appliqua aussi aux protestants voisins de Faverney la suite du verset : «et inflammabit in circuitu inimicos ejus». Voici la traduction du verset entier : «Le feu marchera devant lui, et embrasera autour de lui ses ennemis». — Dom Grappin, Mémoires, p. 91.

23. Compte rendu du Congrès, p. 210 (Rapport de M. Pidoux). — Ce fut après la grand' messe du lundi 22 décembre 1608 que, dans une réunion des principaux de chaque ordre et des magistrats de Dole, a écrit le R. P. Fodéré (Bullet, Manuscrit, p. 170), il fut accordé définitivement aux avocats confrères de Saint-Yves l'autorisation de construire la Sainte-Chapelle, charmant édifice du style renaissance qui s'ouvre par un riche portail, au fond du collatéral de l'épître, dans l'église collégiale de Notre-Dame ; elle ne fut terminée qu'en 1614 et coûta 30.000 francs à la confrérie des avocats.

24. Tous les détails concernant la session d'une des deux Saintes-Hosties à Dole sont tirés de la Notice de l'abbé Morey, pp. 100 à 104 ; de La confrérie de Saint-Yves de M. André Pidoux, pp. 66 à 71 ; de l'Histoire populaire de M. André Pidoux, pp. 20 à 22 ; du Miracle de M. l'abbé Fromond, pp. 9 à 12 ; du Manuscrit de Faverney, p. 100 verso à p. 106 recto ; et du Manuscrit de l'Arsenal, p. 135 à p. 142.

25. Compte rendu du Congrès, p. 195 (Rapport de M. l'abbé Camuset) ; Chevallot, Arras et Faverney dans la Semaine religieuse d'Arras, n° 20, 15 mai 1908, p. 388. — Le compte général du mayeur Alix au sujet des dépenses faites pour le voyage de Faverney à Dole, soit du convoi de la Sainte-Hostie soit de l'abbé et de sa suite, porte cette mention qui indique bien le triste état où étaient les six bénédictins : «à Dom Noirot qui accompagne l'abbé pour un robe 24 francs» ; Pidoux, La confrérie de Saint-Yves, p. 68.

26. Compte rendu du Congrès, p. 195 (Lettre de Dom Doresmieux à l'infante Isabelle-Eugénie-Clara) ; Notes et documents, p. 128 (Procès-verbal d'enquête pour la reconnaissance de la Sainte-Hostie de Dole, 29 avril 1609), pp. 132 à 142 (Révérend Messire Claude Froissard, chanoine de Besançon, conseiller en la cour souveraine du Parlement à Dole, seigneur et prieur de Fay et de Lavaux, 1er témoin ; Noble Pierre Le Maire, seigneur de Falletans, secrétaire de leurs Altesses Sérénissimes et greffier en chef du Parlement, 2e témoin ; Vénérable Messire Claude Othenin, premier chanoine de la collégiale de Dole et prieur d'Autrey, 3e témoin ; Noble Messire Jean-Baptiste Alix, vicomte mayeur de Dole, 4e témoin ; Noble Guillaume Guyon, lieutenant local et échevin de Dole, 5e témoin), pp. 143 et 144 (Ordonnance de Mgr de Rye) ; Manuscrit de Faverney, p. 98 verso à p. 110 recto.

27. Pidoux, Histoire populaire, pp. 28 et 29 ; Mantelet, Histoire, p. 370 à 373, d'après J. Boyvin (président au Parlement de Dole), Relation fidèle du miracle du Saint-Sacrement arrivé à Faverney en 1608, Salins, Billet, 1882.

28. Dom Michelet, Manuscrit, pp. 33, 38 et 48. — Compte rendu du Congrès, pp. 196, 197, 200 et 201 (Rapport de M. l'abbé Camûuset, curé-doyen de Scey-sur-Saône). — Un décret de l'archevêque Gérard d'Athier, de l'an 1399, avait établi la confrérie du Très Saint-Sacrement dans l'église paroissiale de Saint-Pierre à Besançon sur la demande du magistrat de la cité ; et cette association, confirmée par plusieurs souverains pontifes, s'y est maintenue florissante jusqu'à nos jours ; M. le chanoine Jean-Marie Suchet, Adoration perpétuelle du Très-Saint-Sacrement à l'usage du diocèse de Besançon, Besançon, Jacquin, 1898, p. 27. — Ce vieux registre de l'antique confrérie est précieusement conservé dans les archives curiales de Faverney où je l'ai consulté moi-même le 11 mars 1913.

29. Antique registre de la cure de Faverney. — Dom Grappin, Mémoires p. 93 ; Mantelet, Histoire, p. 376. — Il me semble utile de signaler ici, à cette date 1609, que le voyage de saint François de Sales à Faverney, mentionné par M. François Pérennès, Histoire de saint François de Sales, Paris, Bray, 1864, p. 245, est une pure légende. En effet dans l'édition complète des Œuvres de S. François de Sales, Annecy, Nierat, 1892-1911, qui vient d'étre publiée par les religieuses de la visitation d'Annecy, M. le chanoine Petetin, aumônier des Visitandines d'Ornans, bien voulu me communiquer une lettre du saint à Mme de Chantal (tome XIV, IVe volume des Lettres). Dans cette lettre, datée du 11 décembre 1609, se trouve ce passage : «Nous avons fait, un fort heureux voyage en Comté et que j'y ai prié Dieu de bon cœur pour vous, au Saint-Suaire que l'on montra publiquement à ma contemplation, la Sainte-Hostie, et à notre cher Saint-Claude...» En note, l'éditeur affirme que c'est à Dole que notre saint vénéra la «Sainte-Hostie». Or, dans l'Histoire du Bien-Heureux François de Sales evesque et prince de Genève, instituteur et fondateur de l'Ordre des Religieuses de la Visitation Saincte Marie, composé premièrement en latin par son neveu Charles-Auguste de Sales de la Thuille, prévôt de l'Église de Genève (Lyon, in-4, MDCXXXIV, Liber VII, folio 320), et mise en français par le même auteur, divisée en dix livres et parue en 1634 (p. 386), et rééditée à Paris en 1857 par Louis Vivès, j'ai lu au tome II (pp. 25 à 27) que sur la fin du mois d'octobre 1609, le saint évêque vint en Franche-Comté, se dirigeant vers Baumes-lès-Nonnains pour y régler, de concert avec l'évêque de Bâle et sur commission spéciale du Saint-Siège apostolique, le différend survenu entre le clergé du Comté de Bourgogne et les archiducs Albert et Isabelle à propos des eaux salées, vulgairement appelées Muires. «Le dernier jour du mois d'Octobre arriva à Dole, où il n'eust pas plustost mis le pied dans le logis (estant des-jà nuict) que voyla les syndiques qui vindrent le saluer, et prier tout ensemble, voyre conjurer d'honorer leur ville d'une predication lendemain, qui estoit le jour solennel de Toussaincts ; et il le leur accorda à la fin. Le matin estant venu, sur les huict heures, il fut conduit par les Peres Jesuites au college, où il celebra environ sur les neuf heures, avec une si grande affluence de peuples que c'estoit merveille ; apres la messe il porta le tres-sainct Sacrement de l'Eucharistie dans la bouche de plus de huict cents personnes, et fut contrainct de demeurer à l'autel jusques à onze heures. Apres disner, aussi tost qu'une heure depuis midy fut sonnée, il monta en chaire dans la grande Eglise, et fit une tres-docte et tres-puissante prédication de la predestination ; et le peuple, qui croyait voir en luy un ange descendu du ciel, ne peut pas s'abstenir des applaudissements et acclamations. Là on luy montra la miraculeuse hostie de Faverney».

30. Morey, Notice, pp. 108 et 109 ; Morey, Discours, p. 12 ; Notes et documents, p. 131 (Requête de Dole, 29 avril 1609), p. 159 (Jacques Gaultier, Table chronographique de l'estat du christianisme depuis la naissance de Jésus-Christ jusques à l'année MDCVIII, Lyon, Roussin, 1609, p. 437). — Pour les détails sur le procès des frères Bucheron d'Amance, voir au chapitre 1 en 2° partie. — Archives de la Haute-Saône, B. 5040, 6067 et 6567. — Pour les détails sur le seigneur de Passavant-la-Rochère, voir au chapitre 1 en 2° partie. — «Natif de Castres en Languedoc», a écrit M. l'abbé Perrot, curé-doyen de Mandeure et ancien curé de Passavant, «Nicolas de Campredon après 1608 se réfugia à Langres où il embrassa plus tard le catholicisme ave sa famille» ; L'abbé Constant Tournier, La crise huguenote à Besançon au XVIe siècle, Besançon, Jacquin, 1910, p. 317. — Compte rendu du congrès, p. 9 (Instruction pastorale de Mgr l'archevêque de Besançon à l'occasion du Congrès national eucharistique de Faverney), pp. 186 à 188 (Rapport de M. l'abbé Tournièr) et p. 191 (Note de M. André Pidoux). — Pour les détails sur les princes d'Orange protestants, voir au chapitre 1 en 3° partie.

31. Nicolas Spirinx (Spirin ou Spirain) est le même orfèvre dijonnais qui grava, en 1614, le plan de Besançon pour le Vesontio de Jean-Jacques Chifflet ; Jules Gauthier, Notes archéologiques et épigraphiques sur l'église abbatiale de Faverney (Haute-Saône), Vesoul, Suchaux, 1894, p. 27. — Voir au IX des Notes et pièces justificatives la description détaillée de cette gravure de Spirinx en 1609.

32. Voir au X des Notes et pièces justificatives la description de cette remarquable gravure d'Anatole Chastel, orfèvre de Salins établi à Dole. — Il convient de signaler encore comme souvenirs anciens du Miracle de Faverney : 1° Une grande et belle sculpture de bois doré, représentant l'ostensoir entouré de flammes et qui provenant de l'église de Tarcenay (Doubs, canton d'Ornans), se trouve actuellement au musée archéologique de Besançon (don de M. Jules Gauthier archiviste). 2° Un joli petit autel du XVIIe siècle, portant une représentation du Miracle. Cet autel en bois, sculpté vers 1609 par Hugues le Rupt, serait celui de l'oratoire de l'ancienne maison de ville des notables dolois. Il se trouve actuellement dans maison de M. Raymond Garnier de Falletans à Dole. 3° Comme souvenirs récents et dignes de la postérité, on peut citer les vitraux soit de la chapelle désaffectée du grand séminaire de Besançon, soit de l'église de Foucherans (Jura). Le premier vitrail est dû à M. Gaudin de Paris et le second à M. Bégulle de Lyon. — Pidoux, La confrérie de Saint-Yves, pp. 322 et 323 ; Pidoux, Histoire populaire, p. 106.

33. Morey, Discours, p. 13 et Archives de Gray. — Notes et documents, p. 112 (Mandement de Mgr de Rye). — Dom Michelet, Manuscrit, pp. 37 et 39. La bulle approbative de la confrérie du Miracle de Faverney est intitulée : «Cœlestia et uberrima dona suo sanguine parta» ; l'acte authentique existe encore aux archives de la Haute-Saône, H. 440. Il y a en outre sept brefs d'indulgences et de privilèges du maître-autel de Faverney, accordés par les papes Clément XI, Benoît XIII, Clément XII et Benoît XIV. Aux mêmes archives, H. 155, la pièce 4e est l'acte authentique, sur parchemin avec signature de Philibert Pourtier, vicaire-général, et avec cachet en papier de l'archevêché de Besançon, «des statuts et règles de la Confrérie dressée en l'église Notre-Dame de Faverney à l'honneur de la Saincte Hostie miraculeuse, 21 Juillet 1609». La bulle de Paul V où sont énoncées toutes les principales circonstances du Miracle, est enregistrée dans le Bullaire du Parlement aux archives departementales du Doubs, vol. III, folio 246. — Dom Grappin, Mémoires, p. 95.

34. L'abbé Léopold Loye, Histoire de l'église de Besançon, Besançon, Jacquin, 1903, IV, pp. 65 et 66. Guillaume Simonin, né à Poligny, vers 1560, d'abord bénédictin à Saint-Vincent de Besançon, puis élu abbé en 1608, vicaire-général suffragant de l'archevêque de Rye depuis 1604 à 1616, consacra sa fortune à la fondation d'un séminaire dans sa ville natale, et fit refleurir la discipline et les belles-lettres dans son monastère soit par la réforme de Saint-Vannes établie en 1611, soit par une école d'érudition d'où sortirent au XVIIe siècle plusieurs savants religieux. — Dom Didier de Lacour, né à Mouzeville en 1550, novice de Saint-Vannes à dix-huit ans, prieur en 1598, commença vers l'année 1600 la réforme dans cette maison avec quelques novices ; Loye, Histoire, III, p. 331. — Compte rendu du Congrès, p. 195 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset) ; Petits Bollandistes, XIII, p. 408 ; Bullet, Manuscrit, p. 198 (Lettre de l'abbé Guillaume Simonin).

35. Compte rendu du Congrès, p. 56 (Rapport de M. Jean Guiraud, directeur de La Revue des questions historiques) ; Notes et documents, 2e éd., p. 161 (bref du pape Paul V).

36. Bullet, Manuscrit, p. 198 ; Compte rendu du Congrès, p. 57 (Rapport de M. Jean Guiraud).

37. Compte rendu du Congrès, p. 57 (Rapport de M. Jean Guiraud) ; Bullet, Manuscrit, p. 199 ; Notes et documents, p. 162 (Procès-verbal authentique de Mgr Guillaume Simonin, d'après le Bullaire du Parlement aux archives departementales du Doubs, vol. III, folios 244 à 257 et Archives de la Haute-Saône, H. 520). - Archives du Doubs, B, inventaire de Faverney du 9 septembre 1771, pièce 8e.

38. Dom Michelet, Manuscrit, p. 22 ; Notes et documents, p. 131 (Procès-verbal de l'archevêque de Besançon) et p. 169 (Procès-verbal de l'archevèque de Corinthe). — La chapelle actuelle de la Sainte-Hostie de Faverney fut construite en vertu du testament de Ferdinand de Neufchâtel, seigneur d'Amance, d'Amoncourt, d'Avanne, de Bouclans, Fondremond, Montaigu-lès-Vesoul et Vuillafans dans le Doubs. Elle fut fondée le 22 février 1510 en l'honneur la très sainte Trinité, de la Bienheureuse Vierge Marie, des saints Antoine abbé et Antoine de Padoue aussi que des saintes Barbe et Catherine ; Pouillé du diocèse de Besançon aux Archives du Doubs, II, Faverney-Gray, p, 111.

39. Compte rendu du Congrès, pp. 49 et 50 (Rapport de M. Jean Guiraud).

40. Dom Bebin, Manuscrit, p. 207 verso ; Compte rendu du Congrès, pp. 48, 52, 54 et 55 (Rapport de M. Jean Guiraud). — Pour les tristes détails sur la vie peu monacale des bénédictins de Faverney, voir au chapitre 1 en 2° partie.

41. Compte rendu du Congrès, pp. 56 et 57 (Rapport de M. Jean Guiraud), et pp. 194 et 195 (Rapport de M, le curé-doyen Camuset) ; Bullet, Manuscrit, p. 200.

42. Bullet, Manuscrit, p. 200 ; Dom Bebin, Manuscrit, p. 207 verso ; Compte rendu du Congrès, p. 57 (Rapport de M. Jean Guiraud) ; Dom Grappin, Mémoires, p. 96.

43. Petits Bollandistes, XIII, pp. 250 et 251 ; Dom Piolin, Supplément, II, p. 336. Ce monastère fut appelé dans la suite Moyenmoutier, parce qu'il était situé au milieu des abbayes de Senones, d'Étival, de Saint-Dié et de Bonmoutier. — Bullet, Manuscrit, p. 209 ; Dom Grappin, Mémoires, p. 99.

44. Bullet, Manuscrit, p. 201 ; Compte rendu du Congrès, p. 193 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset) ; Archives du Doubs, B, inventaire de Faverney du 9 septembre 1771, pièce 8e.

45. Pidoux, La confrérie de Saint-Yves, p. 72 ; Pidoux, Histoire populaire, pp. 35 et 39 à 41. — La confrérie de Saint-Yves des avocats a dépensé environ 30.000 fr. pour élever cette magnifique Sainte-chapelle (1608-1614), où fut transférée, ce mardi, 16 mai 1614 la Sainte-Hostie doloise, depuis le tabernacle de l'autel majeur de Notre-Dame. Pour plus de sûreté, le tabernacle nouveau fut divisé en deux par une grille dorée : dans le compartiment du fond était renfermé le coffret à trois clefs d'Anne de Xaintonge qu'on plaça encore dans une double boîte, afin de préserver de tout contact d'air la précieuse relique ; dans le compartiment du devant on tenait la Sainte-Réserve ; et ce fut ainsi jusqu'à l'année néfaste 1794.

46. Pidoux, Histoire populaire, p. 47 ; Dom Bebin, Manuscrit, ch. XIII, p. 37 verso ; Archives de la Haute-Saône, 1617, H. 474, et H. 438, 13 mars 1619, pièce n° 11 (Acte de récollection des fondations et conditions de la chapelle du Bourg d'Amance, avec l'approbation de Philibert Pourtier, vicaire génèral).

47. Compte rendu du Congrès, pp. 197 et 199 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset) ; Morey, Discours, 13, note 1 ; Gauthier, Notes archéologiques, pp. 18 et 19 ; Dom Bebin, Manuscrit, p. 38 verso ; Pidoux, Histoire populaire, p. 93. — Dans le Manuscrit de Dom Michelet, p. 31, il est dit : «Les Dolois avaient placé le monument de leur éternelle gratitude tout joignant la place où l'autel avait été enflammé». L'endroit assigné par Dom Doresmieux devait donc être au-dessus de la porte latérale large de 2 mètres qui, à cette époque, donnait entrée par le presbytéral dans la chapelle du Saint-Sacrement. Actuellement cette ouverture existe encore et sert d'armoire à ladite chapelle.

48. Dom Grappin, Mémoires, p. 91 ; Mantelet, Histoire, p. 381 ; Morey, Notice, p. 111 ; Compte rendu du Congrès, p. 196 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset). — L'abbe Paul Filsjean, Antoine-Pierre Ier de Grammont, archevêque de Besançon, 1615-1698, sa vie et son épiscopat, Besançon, Jacquin, 1898, p. 7.

49. Archives de la Haute-Saône, H. 452 (Attestation avec cachet du président et visiteurs de la Congrégation de Saint-Vannes et Saint-Hydulphe en Lorraine, ordre de Saint-Benoît, comme supérieurs du Régime, donnée à Verdun le 30 movembre 1622) et H. 438 (Sentence de l'officialité de Besançon) ; Bullet, Manuscrit, p. 210.

50. Voici la traduction de cette inscription latine : «Ce bâtiment conventuel a été construit aux frais des religieux et du Révérendissime Seigneur Alphonse Doresmieux abbé, année 1623».

51. Bullet, Manuscrit, pp. 200 à 203 ; Dom Grappin, Mémoires, p. 98.

52. Compte rendu du congrès, p. 120 et note 2 (Rapport de M. le directeur Joignerey) et p. 192 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset).

53. Bullet, Manuscrit, pp. 203 et 204 d'après Dom Bebin, Manuscrit.

54. Bullet, Manuscrit, pp. 203 et 204 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Mantelet, Histoire, p. 383 ; Dom Grappin, Mémoires, p. 98.

55. Bullet, Manuscrit, p. 204 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Mantelet, Histoire, p. 384.

56. Bullet, Manuscrit, p. 204 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Compte rendu du congrès, pp. 176 et 196 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset) ; Morey, Discours, p. 10.

57. Pour les détails sur le presbitéral ou chœur des prêtres et le chœur des formes ou chœur des religieux, voir au chapitre 1 en 2° partie. La dalle longue de 1,17 m., large de 0,36 m. qui est actuellement encastrée dans le mur, au côté de l'évangile, dans la chapelle de la Sainte-Hostie, porte cette indication : renouvelée en l'an 1626. Elle a été transportée là, lors de la restauration de la Sainte-Chapelle vers 1860, parce que la dalle armoriée et portant la statue de Jean II de Bourgogne en pierre polie a été brisée pendant la grande révolution et qu'on fit une armoire dans l'enfonçure de l'ancienne porte. — Dom Bebin, Manuscrit, p. 37 recto ; Gauthier, Notes archéologiques, p. 14 ; Archives du Doubs, B, inventaire de Faverney du 9 septembre 1771, pièce 8e.

58. Pour le chevet du sanctuaire et les stalles de l'abbé de Grammont, voir au chapitre 1 en 2° partie. — Dom Bebin, Manuscrit, p. 37 recto et verso ; Gauthier, Notes archéologiques, pp. 23 et 24. Cette grande toile, haute de 2,10 m. sur 1,60 m., par un singulier hasard est aujourd'hui suspendue dans l'église de Loray (Doubs). — Bullet, Manuscrit, p. 205.

59. Gauthier, Notes archéologiques, pp. 6, 7 et 9. La statue de la Vierge à l'Enfant est du XVIIe siècle. Les émaux des écus armoriés sont encore très visibles et presque lisibles, dit Jules Gauthier. — Dom Grappin, Mémoires, p. 99. — L'abbé Doresmieux fit don à l'abbaye : 1° d'un ciboire d'argent de forme assez ancienne, moitié argenté et doré et armorié à ses armes ; 2° d'un grand calice tout doré avec sa patène et dont le pied était armorié de ses armes et de celles de l'abbaye ; 3° d'un autre calice argenté et doré avec sa patène et portant ses amoiries ; 4° d'une aiguière d'argent à pans, ciselée au pied et armoriée d'un côté de ses armes et de l'autre de celles de l'abbaye ; 5° d'une paire de burettes d'argent ciselées et assortissant le bassin ; 6° d'un autre petit bassin d'argent en forme ronde, armorié d'un côté de ses armes avec sa devise : «Estote prudentes», et de l'autre d'une croix ancrée avec ces deux mots : «Sanctus Vedatus» (Saint Vaast) ; 7° de deux chandeliers d'argent cisilés ; 8° de deux bâtons d'argent destinés aux choristes ; 9° une navette en argent ; 10° de la belle et grande croix de procession qui contenait des précieuses reliques et qu'en 1616 l'abbé Doresmieux avait fait recouvrir d'argent de tous côtés et enrichie de pierreries avec ses armes et celles de l'abbaye (voir au chapitre 1 en 2° partie) ; 11° d'un reliquaire d'argent doré, cloisonné de cristaux, et renfermant la Vierge de Montaigu. C'est peut-être la Madone que s'honore de posséder actuellement l'église de Jussey et qui aurait été donnée aux capucins de Jussey ; Loye, Histoire, V, p. 49. — Gauthier, Notes archéologiques, pp. 24, 28 et 29 ; Bullet, Manuscrit, p. 205. — Dom Bebin, Manuscrit, p. 41 verso.

60. Bullet, Manuscrit, pp. 205 et 206 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Compte rendu du Congrès, pp. 196 et 199 (Rapport de M. le curé-doyen Camuset) ; Loye, Histoire, I, p. 138. — Dom Grappin, Mémoire, pp. 97 et 98.

61. Bullet, Manuscrit, p. 207 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Loye, Histoire, III, p. 278.

62. Bullet, Manuscrit, p. 208 d'après Dom Bebin, Manuscrit ; Loye, Histoire, III, p. 278. — Semaine religieuse d'Arras, n° 20, 15 mai 1908 (Lettre de l'abbé Dom Brenier à l'abbé de Saint-Vaast Dom Philippe de Caverel en septembre 1630).

63. Semaine religieuse d'Arras, n° 20, 15 mai 1908.

64. Dom Bebin, Manuscrit, p. 38 verso ; Bullet, Manuscrit, p. 208 ; Gauthier, Notes archéologiques, p. 20. — Voici la traduction française de l'inscription de l'abbé Doresmieux : «Ici repose le Révérend Père et Seigneur en Dieu Alphonse Doresmieux abbé de ce monastère, qui mourut le dix-septième jour de septembre l'an de Jésus-Christ 1630. — Qu'il repose en paix». — Dom Grappin, Mémoire, p. 98. — Semaine religieuse d'Arras, n° 20, 15 mai 1908. — Je crois accomplir un devoir de pieuse reconnaissance, comme historien de Faverney, en complétant les renseignements déjà donnés sur la famille de l'abbé Doresmieux, qui compte parmi les plus anciennes souches de la noblesse d'Artois. Elle remonte à plus de six siècles et elle tire son nom du fief Oresmieux qui existe encore comme désignation sur le cadastre de Wières, commune située en pays d'Artois et maintenant sur la limite départementale du Nord et du Pas-de-Calais. Selon tous les actes des XVIIIe et XIXe siècles, le nom doit régulièrement être orthographié d'Oresmieux ou d'Oresmieulx. L'abbé de Faverney Dom Alphonse, peut-être par humilité, l'écrivait Doresmieux. La branche aînée de la famille s'est éteinte avec lui et il légua sa terre seigneuriale probablement à l'abbaye de Saint-Vaast où tant de ses ancêtres et parents s'étaient signalés par leurs vertus monastiques. Dom Alphonse Doresmieux était le petit-neveu de Martin d'Oresmieulx, fils cadet de Robert d'Oresmieulx et de dame Catherine de Wailly. Cette branche cadette acquit, vers 1700, la seigneurie de Fouquières dont elle adjoignit désormais le nom à celui d'Oresmieulx, et ses derniers descendants M. René d'Oresmieulx de Fouquières, son frère M. Édouard et sa sœur Mademoiselle Jeanne, demeurent ensemble au château de Fouquières, situé à 3 kilomètres de Béthune (Pas-de-Calais). Ce sont les arrière-neveux du saint abbé de Faverney, Dom Alphonse Doresmieux, et c'est à leur bienveillance que j'ai eu recours pour me documenter sur «cette grande figure de moine unissant la fermeté à la plus profonde humilité». (Lettre de M. René d'Oresmieulx de Fouquières, 19 septembre 1913.)


«Faverney, son abbaye et le miracle des Saintes-Hosties» :
Table des Matières ; Lexique ; Carte ; Quatrième Partie — Chapitre 1

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]