«LES BRÛLOTS ANGLAIS EN RADE DE L'ÎLE D'AIX (1809)» DE JULES SILVESTRE ;
FRONTISPICE, RÉFÉRENCES, PRÉFACE, TABLE DES MATIÈRES ET VOCABULAIRE
LES BRÛLOTS ANGLAIS
en rade de l'île d'Aix
(1809)
PAR J. SILVESTRE
AVEC UNE PRÉFACE
DE M. Frédéric MASSON, de l'Académie française
ET
suivi d'un Dictionnaire des termes de marine
PARIS
ARTHUR SAVAÈTE, ÉDITEUR
15, RUE MALEBRANCHE, 15 (PANTHÉON), Ve.
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PRINCIPAUX OUVRAGES MIS À CONTRIBUTION
Barbier, Antoine-Alexandre, Dictionnaire des ouvrages anonymes et pseudonymes, Paris, Barrois, 1823.
Besnard, Jean, Bulletin de la Société de géographie de Rochefort, tome XXIV, n° 3, Rochefort ; «Lettres du canonnier Besnard (1809-1814)».
James, William, The Naval History of Great Britain, Vol. V, Londres, Bentley, 1837 ; «Lord Gambier at Basque Roads» (pp. 99-130).
Jurien de la Gravière, Pierre-Roch, Souvenirs d'un amiral, tome II, Paris, Hachette, 1860.
Hennequin, Joseph-François-Gabriel, Biographie maritime, ou notices historiques sur la vie ... des marins célèbres français et étrangers, Paris, 1835-1837 ; «Allemand».
Lacaille, Charles-Nicolas, Mémoire en révision pour le sieur Charles-Nicolas Lacaille, ancien capitaine de vaisseau, adressé au roi le 10 juin 1816.
Lafon, Julien, Histoire des brûlots de l'île d'Aix, Paris, Aymot, 1867.
Landelle, Gabriel de la, Le langage des marins, Paris, Dentu, 1859.
Le Moniteur, Paris, 11 octobre 1809.
Lesson, René-Primevère, Dans les Annales maritimes et coloniales, IIe Partie, Paris, 1820.
O'Meara, Barry Edward , Napoleon in Exile, Londres, Simpson & Marshall, 1822.
Michaud, Joseph-François (éditeur), Biographie Universelle, Paris, 1843 ; «Allemand».
Moulin, H., Drame de l'île d'Aix. L'Angleterre et ses brûlots, 1809.
Potestas, Louis-Pierre, (capitaine de corvette), Manuscrit, Rochefort, 1838.
Pouget, Pierre-Benjamin-Denis, Précis historique sur la vie et les campagnes du vice-amiral comte Martin, Paris, Bertrand, 1843.
Romme, Charles-Nicolas, Dictionnaire de la marine françoise, avec figures, Paris, Barrois, 1792.
Salneuve, E. (capitaine de frégate), Journal d'une escadre en temps de guerre, ou les Brûlots de l'île d'Aix en 1809.
Sue, Eugène, Histoire de la marine française, Paris, Bonnaire, 1835-1837.
Thiers, Adolphe, Histoire du Consulat et de l'Empire, faisant suite à l'Histoire de la Révolution Française, tome XI, Paris, Paulin, 1845.
Viaud, Jean-Théodore (dit Pierre Loti) et Fleury, Eugène-Flatron, Histoire de la ville et du port de Rochefort, Rochefort, Honorine Fleury, 1845.
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PRÉFACE
Depuis les premiers jours qu'il fut mêlé aux affaires et qu'il assuma une part, si médiocre fût-elle, des
destinées de la nation, Napoléon comprit à quel point était indispensable une flotte, composée de navires bien armés et munis de tout leur outillage, montés par des équipages disciplinés, braves et manœuvriers, commandés par des officiers instruits et entreprenants. Tant que la France n'aurait point acquis la puissance de la mer, elle serait, quels que fussent ses succès sur terre, en
infériorité absolue vis-à-vis de son éternelle rivale et, pour la domination du monde, rien ne compterait de ses victoires continentales si elle ne balançait pas, au cas où elle ne parvînt à l'écraser, la marine britannique.
Impuissant et désarmé, il avait, tout jeune officier, assisté, à Toulon, à la destruction, par les Anglais, alliés du roi de France, de la flotte, qui représentait vingt années d'efforts, et de l'arsenal, où étaient accumulées, depuis Louis XIV, des ressources qui semblaient inépuisables et qui assuraient pour des siècles le ravitaillement et l'armement des vaisseaux. Il s'était traîné ensuite à la remorque de cette escadre qui ne sortait de la rade que pour y rentrer aussitôt sur une fausse manœuvre ayant amené une collision, sur un gros temps ayant causé des avaries, sur la crainte d'un combat où, malgré sa supériorité numérique, l'amiral français n'osait se risquer. L'insubordination des équipages égalait leur ignorance, la nullité des officiers surpassait leur timidité. On se promena le long des côtes de Provence sans oser ni toucher la Corse, ni affronter Rome, et si on se risqua à envoyer un vaisseau à Naples, on l'y perdit.
Durant les campagnes d'Italie, le général en chef n'eut point directement à pâtir de notre infériorité navale ; les Anglais se retirèrent bénévolement pour laisser la France reprendre la Corse, dont ils étaient las et qui leur coûtait trop, à leur gré. On ne saurait dire qu'ils y aient été contraints. Les autres conquêtes insulaires que Bonaparte fit alors, comme les
Sept-Îles, demeurèrent toujours à la merci des Anglais. Être maître de la mer, c'est être maître des îles de la mer et les Anglais confirment chaque jour la
vérité de cet axiome.
Après Campo-Formio et Rastadt, lorsqu'il essaya, en inspectant les côtes de l'Océan, de se rendre compte des ressources utilisables pour une expédition maritime, il constata que les combats navals soutenus depuis 1793, la tentative manquée de Hoche, surtout le mauvais entretien des vaisseaux, la déplorable administration, l'exercice des influences politiques avaient réduit presque à néant la flotte dont le Directoire s'était flatté de disposer. Faire passer, de la Méditerranée dans l'Océan, la flotte de Toulon, reconstituée tant mal que bien, était une entreprise si hasardée qu'alors on la jugeait
presque impossible : on ne pouvait attaquer l'Angleterre que sur un point que la flotte de Toulon pût toucher. Quel pouvait être ce point, sinon l'Égypte,
grand'route désignée des Indes ? Si ce ne fut point là une des raisons théoriques, philosophiques, politiques, qui déterminèrent l'expédition, au moins doit-on penser que ce fut une des raisons pratiques, et sans doute des meilleures. Par une série de chances heureuses, l'expédition parvint à son but ; mais, aussitôt que la flotte se trouva livrée à elle-même, son chef, par son imprévoyance et son incurie, amena un désastre à jamais irréparable. Après les incendies de Toulon, la défaite d'Aboukir, tout honorable que l'ait rendue le courage de certains officiers, n'en a pas moins livré la Méditerranée aux Anglais pour seize ans. Quels efforts Napoléon déploya, dès qu'il fut en possession de l'Autorité, pour construire, partout où il pouvait placer un chantier, sur les côtes de Provence, de Ligurie ou du royaume de Naples, à Corfou et à Venise, des navires qui, sortant à son signal, devaient en même temps, prendre la mer, se former en divisions, se réunir en
escadres, s'agglomérer en flotte, forcer le détroit, pénétrer dans l'Océan, y rejoindre la flotte sortie, elle aussi, de tous les ports, depuis Anvers jusqu'à Bayonne, et, avec une supériorité de forces écrasante, aborder l'ennemi.
Mais, pour arriver à concevoir ce plan grandiose, que l'admiration obstination du génie britannique et les caprices de la fortune ne lui laissèrent pas le temps de réaliser, Napoléon avait traversé encore des épreuves qui lui avaient mieux montré la nécessité d'organiser la puissance navale de la nation. Ç'avait été l'impossibilité de secourir à temps l'Armée d'Égypte, d'y jeter un général, d'y porter des renforts, et toutes les tentatives à cet effet échouant l'une
après l'autre.
Puis, lorsqu'il se fut déterminé à tenter l'expérience d'une paix avec l'Angleterre et qu'il l'eut faite avec une entière loyauté, ce fut, par le gouvernement
britannique, le même jour, à la même heure, l'embargo mis sur tous les navires français et hollandais ; ce fut l'ordre à tous les vaisseaux anglais de courir sus aux Français, expédié deux jours avant que la guerre ne fut déclarée ; ce fut les navires anglais, s'approchant, sous pavillon tricolore, de nos navires en mer, au mouillage ou dans les ports, et appuyant le pavillon britannique de leur première bordée. Par là, un vaisseau, six frégates, une vingtaine de moindres bâtiments furent pris et leurs équipages jetés sur les pontons.
Il fallait répondre ; comment ? Pour construire des vaisseaux, que de temps, que d'argent, que de moyens ne faut-il pas ? Pour les mener, comment former à terre des équipages et leur enseigner les manœuvres ? Comment
créér des officiers, les instruire à ce métier le plus délicat et des plus aventureux qui soit, où le succès dépend, autant au moins que de l'habileté du commandant et de la valeur de ses matelots, du vent et de la mer ?
N'est-il point, pour attaquer l'Angleterre, porter chez elle une guerre, où nos soldats, invincibles sur terre, retrouvent tous leurs avantages, des moyens plus simples, plus expéditifs, moins onéreux, ceux qu'employèrent César le Romain et Guillaume le Normand, pour conquérir l'Île blanche ?
Pourquoi pas ? Que le Canal soit libre trois jours et le saut est fait, l'armée a passé, Londres est pris, la dynastie des Hanovre a cessé de régner.
Impossible, dit-on ; pourquoi ? Sur toutes les rivières de France et des Pays-Bas, on construit, sur un modèle uniforme, des prames, de trente-cinq mètres de long, de huit mètres trente de large, de deux mètres cinquante de tirant d'eau, mâtées et gréées en corvettes, portant douze canons de vingt-quatre, embarquant soixante cavaliers ou deux cents fantassins : on construit des canonnières, vingt-quatre mètres et demi de long, cinq mètres et demi de large ; on construit des bateaux canonniers, dix-neuf mètres et demi de long sur un mètre et demi de large ; puis des péniches, des caïques, et on achète tous les navires de commerce qui sont dans les ports. Que faut-il pour réussir ? Un bon vent, ou plutôt un moteur puissant et rapide. Avec les moteurs qu'on a trouvés de nos jours, qui hésiterait à passer ?
Mais il faut écarter la flotte anglaise de la Manche, et Napoléon imagine la combinaison stratégique la plus audacieuse et la plus admirable sans doute qu'ait
conçue son cerveau, mais où le terrien qu'il est n'a point tenu compte des vents et de la mer. Il donne ses ordres à ses vaisseaux comme à des régiments qui marchent sur leurs jambes et arrivent toujours, et il se trouve des contre-temps, des faiblesses, des erreurs de jugement, comme dit l'amiral Villeneuve lui-même, «de mauvais mâts, de mauvaises voiles, de mauvais officiers et de mauvais matelots.»
L'Empereur ne veut point entendre cela. Si on est battu, c'est trahison ou incapacité. Dès avant Trafalgar, lors de la rentrée de Villeneuve à Cadix, il a pensé à le faire traduire en conseil de guerre. Il l'a destitué et remplacé ; mais Villeneuve, croyant qu'on met en doute son courage personnel, a combattu dans des conditions formelles d'infériorité ; tout a tourné contre lui et il a succombé.
Et c'est à des causes semblables qu'est due la défaite de Leissègue au combat de
Saint-Domingue, où l'on perd vaisseaux et plusieurs milliers d'hommes tués, blessés ou prisonniers : insuffisance des états-majors, des équipages et surtout des canonniers. L'escadre anglaise, en totalité, a moins d'hommes hors de combat qu'un de nos vaisseaux :
soixante-quatorze tués, deux cent soixante-quatre blessés ; et notre Alexandre trois cents hommes hors de combat, notre Brave deux cent soixante, notre Jupiter deux cents. Quant à la bravoure des officiers et des équipages, elle a été magnifique, mais en pure perte. Le combat de
Saint-Domingue est du 6 février. Il fut le dernier livré en escadre sur l'Atlantique.
Désormais, c'est une tactique différente qu'adopte l'Empereur ; il attend qu'il ait forgé l'outil qui lui
assurera la victoire. Partout il construit des navires ; Anvers devient, au nord, un immense chantier ; Cherbourg sera le plus vaste des ports de refuge et les rades de Rochefort abriteront des flottes entières.
Les Anglais ne pouvant plus attaquer en pleine mer les escadres qu'on leur dérobe, viennent les chercher dans les ports et les rades. Enorgueillis par les succès qu'ils vont, remporter à l'île d'Aix, ils dirigeront, dans cette même année 1809, une expédition sur Walcheren et Flessingue, avec Anvers pour objectif ; mais alors c'est sur terre qu'ils combattent, et leur infructueuse entreprise échoue misérablement.
Pourquoi n'en a-t-il pas été de même à l'île d'Aix ?
En 1808, l'empereur avait ordonné qu'on y exécutât d'urgence des travaux qui eussent mis la rade à l'abri ; on a négligé de s'en occuper ; ils sont à peine commencés et, grâce à cette incurie, les Anglais
obtiennent, les 11 et 12 avril, un succès mémorable, qui doit d'autant plus les enorgueillir que, comme à Quiberon, le sang anglais n'a point coulé.
Le 24 février, l'escadre de Brest sous l'amiral Willaumez, était venue s'abriter dans la rade. Le 15 mars, Willaumez, relevé de son commandement, a été remplacé par l'amiral Allemand, qui s'est employé, sans trouver près de la marine les secours nécessaires, à construire une estacade et à mettre les onze vaisseaux et les quatre frégates rangés sous son pavillon à l'abri des brûlots avec quoi les Anglais se flattaient de les détruire. À la vérité, ce système de guerre ne leur avait point réussi contre la
flottille et le port de Boulogne, mais ils comptaient que le colonel Congreve l'avait perfectionné et ils l'avaient appelé, pour présider à la destruction, à rejoindre de sa personne la flotte anglaise, composée de onze vaisseaux, sept frégates, trois corvettes, treize petits bâtiments, quarante transports ou brûlots et trois navires-machines infernales à la Congreve.
L'histoire du combat de l'île d'Aix est demeurée singulièrement confuse. La France y perdit quatre vaisseaux, une frégate, des masses d'artillerie, de munitions et d'approvisionnements. Pourquoi ? En grande partie parce que les forts n'avaient pu utilement tirer contre les navires anglais. Le commandant Leclerc, commandant le poste de l'île Madame, écrivait, le 14 avril, à M. Quérangal, commandant d'armes : «On peut considérer toutes les poudres existantes ici comme hors de service pour la guerre ; elles sont détériorées et sans force, s'écrasant sous les doigts comme une pâte de charbon. J'ai reconnu, avec douleur, que les gargousses apprêtées avaient été saignées.» D'autres gargousses étaient composées de charbon et de terre, sans un grain de poudre.
L'Empereur ordonna qu'on fît toute la lumière et qu'on ne ménageât personne, qu'un conseil de guerre fût assemblé devant lequel comparaîtraient les officiers reconnus coupables d'avoir abandonné leurs navires ou de n'avoir point combattu avec énergie. Il ordonna qu'on publiât toutes les pièces. Or, une grande partie fut soustraite et a disparu ; l'amiral Allemand, qui eût dû porter la responsabilité la plus lourde, ne fut point inquiété et fut même récompensé, tandis que le capitaine de vaisseau Lafon était condamné à mort et exécuté ; que le capitaine de vaisseau Lacaille était puni de la destitution et de deux années de détention.
Déjà Lacaille lui-même, le petit-fils de Lafon, M. H. Moulin et M. Salneuve avaient consacré des mémoires, des brochures, même des ouvrages de plusieurs volumes (Lafon), à cette affaire des brûlots, mais ils n'avaient pu réunir la documentation nécessaire pour asseoir un jugement impartial. On doit penser qu'un tel arrêt va être rendu par le commandant J. Silvestre, ancien directeur des affaires civiles et politiques en Annam et au Tonkin, dont la compétence sur la matière asiatique est si bien établie qu'il en professe à l'École libre des sciences politiques, et qui, habitant Rochefort une partie de l'année, y consacre ses loisirs à des études d'histoire locale,
touchant essentiellement à l'histoire général. C'est ainsi qu'on lui doit un livre excellent, publié d'abord à Rochefort, sous le titre La Malmaison, Rochefort, Sainte-Hélène, puis, à Paris, sous le titre De Waterloo à Sainte-Hélène, et
qu'on lui devra demain Les brûlots anglais en rade de l'île d'Aix.
C'est l'œuvre d'un patriote en quête de justice et de vérité, qui apporte, il faut le reconnaître, des documents terriblement accusateurs contre le ministre et les bureaux de la marine, en même temps qu'ils justifient amplement l'attitude et la conduite de Napoléon, qui, exaspéré du désastre atteignant ses vaisseaux jusqu dans ses ports, était en droit et en devoir de demander des comptes et ne pouvait penser qu'on les lui fausserait.
Frédéric MASSON, de l'Académie française.
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TABLE DES MATIÈRES
I. ÉVÉNEMENTS ANTÉRIEURS À 1809
Napoléon à Boyard, le 5 août 1808. — Rochefort en butte aux attaques de l'ennemi
: les Hollandais en 1674, les Anglais en 1696, en 1703, en 1708, en 1748, en 1757.
— Le meunier de l'île d'Aix — Nouvelles menaces en 1799, la flotte espagnole et
l'amiral Mazarredo. — Projets incendiaires en l'an VIII.
II. SOLLICITUDE DE L'EMPEREUR À L'ENDROIT DE ROCHEFORT
III. SITUATION DE LA FRANCE EN 1809.
Corrélation entre les événements dans la péninsule, sur le continent et sur le
littoral français. — Le plan britannique. — Capitulation de Cintra. — Notre situation
en Espagne. — Napoléon à Erfurt. — La paix offerte une fois de plus à l'Angleterre. —
Napoléon entre en Espagne. — Déroute des Anglais. — Campagne de 1809. — Revanche
de la coalition contre la marine de la France.
IV. L'ESCADRE WILLAUMEZ.
La flotte de l'amiral Willaumez part de Brest, passe à Lorient, arrive en rade
de Rochefort. — L'amiral Allemand nommé commandant en chef de la flotte. — Arrivée
de l'amiral Gambier et des forces anglaises en rade des Basques. — Dispositions
prises par Allemand. — Concours prêté par le port de Rochefort. — Arrivée des premiers
brûlots. — Les projets anglais révélés par le British Critic. — Commencement des
hostilités.
V. LES FLOTTES FRANÇAISE ET ANGLAISE EN PRÉSENCE.
Situation des deux flottes le 11 avril 1809. — Préliminaires de l'attaque des
brûlots.
VI. ATTAQUE PAR LES BRÛLOTS.
Rupture de l'estacade. — Nos vaisseaux entourés par les brûlots. — Détresse générale.
— Tableau de la rade.
VII. LE LENDEMAIN DE L'ATTAQUE.
Le 12 avril. — La manœuvre des brûlots n'a pas tenu les promesses de Congreve.
— Tableau de la rade au point du jour. — Notre escadre est dispersée ; les Anglais
se décident à combattre, quatre contre un. — Le Calcutta abandonné et incendié.
— La Ville-de-Varsovie et l'Aquilon amènent leur pavillon. — Mort
du capitaine de vaisseau Maingon. — Le Tourville abandonné. — Tableau que
présente la rade dans la nuit du 12 au 13. — Lettre du canonnier Besnard.
VIII. SORT FAIT À NOS VAISSEAUX.
L'amiral Martin, préfet maritime à Rochefort, amène des secours ; le Tourville
est réoccupé. — Le Régulus, le Tonnerre et l'Indienne, échoués,
sont attaqués par la flotte anglaise. — Les Anglais tenus à distance, malgré l'inégalité
énorme de nos moyens. — Le Tourville, également attaqué, peut mettre à
la voile, mais s'échoue de nouveau ; le Régulus soutient tout l'effort de
l'ennemi ; le Foudroyant et le Jemmapes sont échoués ; l'Océan
entre en rivière le 14. — Le Jemmapes et le Foudroyant réussissent
à se relever et entrent en rivière le 15, ainsi que le Cassard. — Nouvel
échouage du Foudroyant ; le Régulus sauvé, le Tourville dégagé
définitivement. — Prudence de Gambier.
IX. RÉSULTATS OBTENUS PAR LES ANGLAIS.
Considérations générales ; méthode adoptée par l'ennemi. — Nos pertes ; notre situation
après l'affaire. — Mécontentement à Londres. — Responsabilité d'Allemand. — Ce qu'aurait
pu faire ce dernier. — Coup d'œil sur l'état de notre marine. — Nos pertes définitives
dans l'affaire. — Nos traîtres.
X. LE MINISTRE DE LA MARINE ET L'EMPEREUR.
Rareté des documents officiels sur l'affaire des brûlots ; premier rapport de l'amiral
Allemand. — Situation de l'empereur au cours des événements. — Rapport de Decrès en date du 24 mai ; décret du 2 juin relatif au Conseil de guerre qui doit juger Lafon,
Clément de la Roncière, Proteau et Lacaille ; composition du Conseil. — Allemand, excusé, est nommé au commandement de l'escadre de la Méditerranée. —
Opinion de l'amiral Jurien de la Gravière. — Un mot de Napoléon à Sainte-Hélène.
XI. LE PROCÈS.
Incarcération des quatre capitaines de vaisseau, mesures extraordinaires de rigueur.
— Opinion de l'amiral de Gourdon. — Lettre du 30 juin de Decrès à l'empereur.
— Séances du Conseil de guerre. — Réquisitoire de l'amiral L'Hermitte. — Plaidoirie
de M. Faure. — Rapport au roi pour la réhabilitation de Lacaille en 1816. —
Lettre du rapporteur L'Hermitte au ministre de la Marine. — Comment est conduite
l'instruction. — Le jugement. — Votes des juges ; vote rectifié de Krohm. — Lettre
de Maureau à Lacaille.
XII. L'EXÉCUTION.
Refus d'admettre le pourvoi en cassation ! : Lafon est fusillé, Lacaille interné
pour deux ans à l'île d'Oléron, Proteau condamné à trois mois d'arrêts simples, Clément de la Roncière acquitté. — Mesures ordonnées pour l'exécution de Lafon.
— Les dernières lettres de celui-ci et son testament. — Sa mise à mort à bord
du vaisseau amiral. — Circonstances qui auraient accompagné l'exécution et, le
lendemain, l'enterrement. — Napoléon a ignoré les circonstances du jugement et
n'a connu sa mise à exécution que près d'un mois plus tard. — Il ordonne la publication
de tous les documents, quoi qu'ils puissent contenir ; des documents mis
au Moniteur sont tronqués, d'autres passés sous silence. — Enquête ordonnée en 1814 ; le dossier ne se retrouve pas après les Cent Jours. — Lacaille est réhabilité et replacé dans son grade en 1816. — Renaudin et Lafon.
DOCUMENTS JUSTIFICATIFS.
VOCABULAIRE DES EXPRESSIONS TECHNIQUES EMPLOYÉES DANS CET OUVRAGE.
__________
VOCABULAIRE DES EXPRESSIONS TECHNIQUES EMPLOYÉES DANS CET OUVRAGE.
Comme toute science, tout art ou métier, la marine a sa technologie. Celle-ci
varie, naturellement, à mesure que le temps modifie les types et les moyens;
quelques expressions n'ont plus, en ce commencement de XXe siècle, la même signification
qu'il y a cent ans; par exemple, une «canonnière» de nos jours n'est pas le
même navire qu'on désignait sous ce nom en 1809.
D'autre part, les personnes étrangères aux choses de la mer ne connaissent que
bien vaguement le sens de certains mots spéciaux à la marine et, conséquemment,
ne pourraient se rendre un compte exact de conditions ou de circonstances rapportées
dans la présente relation.
C'est pourquoi il a paru utile de présenter ici l'explication précise des expressions
techniques qu'il a fallu employer pour suivre de très près les dires des témoins
auxquels l'auteur a dû recourir. On s'est borne, du reste, à celles employées
dans cet ouvrage.
[A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z]
Abattre. — Mouvement horizontal de
rotation que fait un navire obéissant au vent, à la lame, au courant, qui le jettent
hors de sa position ou de sa direction normale ; on dit aussi «abattre en carène»,
quand on incline un bâtiment sur son flanc pour quelque réparation or radoub.
Aborder. — Toucher une côte, une île, etc. Heurter un autre navire, volontairement
ou involontairement ; s'y accrocher pour l'attaque.
Accore. — Lisière, contour d'un banc ou d'un écueil à partir d'un point
où la profondeur de l'eau n'est plus appréciable à la sonde. Une côte est dite
«accore» lorsqu'elle est inclinée, coupée verticalement, élevée et escarpée.
Affourcher, s'affourcher. — Retenir un navire par deux ancres qui travaillent
ensemble dans des directions différentes et dont les câbles forment une fourche.
Aire. — Vitesse acquise par un bâtiment, son sillage, sa route.
Allège. — Petit bâtiment employé à recevoir une partie du chargement d'un
autre pour l'alléger.
Amener son pavillon. — Abaisser le pavillon national en signe de défaite
ou de reddition, dans un combat.
Ancre de retenue. — Ancre qui retient le bâtiment et l'empêche de céder
au courant ou au vent.
Apparaux. — Mot collectif qui désigne toutes choses nécessaires à un navire,
telles que câbles, ancres, voiles, etc.
Appareiller. — Mettre à la voile après avoir levé l'ancre, larguer ses
amarres et se mettre en route. Partir.
Appel. — Effort que fait une manœuvre, un câble qui se raidit et attire
le navire dans une direction.
Armer un carnot. — Y faire descendre les hommes nécessaires au service
qu'on en attend, avec mâts, voiles, etc.
Artifices. — Matières préparées à s'enflammer, telles que fusées, pots-à-feu,
etc.
Arrimer. — Distribuer avec soin et en vue d'un parfait équilibre, répartir
et ranger solidement les choses qui entrent sans le chargement d'un navire. D'un
bon arrimage dépend, pour une part, la marche du navire.
Assurer les couleurs. — Déployer son pavillon ou le saluant d'un coup de
canon à boulet.
Atterrir. — Prendre connaissance d'une terre, d'un port.
Aussière. — Cordage à trois torons ou cordons tordus ensemble. Trois aussières
ensemble forment un câble.
Bâbord. — Côté gauche d'un navire quand
on regarde de l'arrière à l'avant ; on dit aussi «bas-bord».
Baleinière. — Embarcation légère, étroite et longue, dont les deux bouts
sont semblables.
Banc. — Amoncellement de sable, graviers, galets ou vase, selon la direction
des courants. Certains bancs émergent à marée basse, d'autres sont toujours recouverts
de plus ou moins d'eau, tel celui de «Boyard».
Bande. — «Donner de la bande» : pencher, tomber sur un flanc.
Barre. — La barre du gouvernail est le levier en fer ou en bois, implanté
dans la tête du gouvernail et qui sert à le mouvoir, soit à la main, soit au moyen
de drosses enroulées sur une roue. On appelle, en géographie, du même
nom, les amoncellements de sable en travers de l'embouchure d'une rivière, ainsi
que la vague élevée et transversale que forme aux embouchures des fleuves la
rencontre des eaux de courants contraires.
Bâtiment. — Tout navire, depuis le plus grand jusqu'au plus petit.
Batterie. — Emplacement qu'occupent sur un navire de guerre les pièces
de canon et l'ensemble de ces pièces ; on le dit aussi du pont et des sabords où
sont placés les canons. Batterie haute, Batterie basse (la plus
près de la surface de la mer). Se dit également de la rangée de canons.
Beaupré. — Mât couché en saillie à l'avant du navire, plus ou moins obliquement.
Bombarde. — Bâtiment armé de mortiers pour lancer des bombes. «Galiote-à-bombes».
Bord. — Le côté d'un navire. Se dit aussi du bâtiment même : «monter à
bord».
Bordée. — Chemin que fait un navire en louvoyant. «Courir des bordées»
— Répartition d'un équipage pour le service alternatif. — Décharge simultanée
de tous les canons rangés de l'un des côtés d'un vaisseau.
Bossoir. — Pièces de bois en saillie à l'avant d'un navire, à tribord et
à bâbord, pour y suspendre les ancres prêtes à tomber.
Bouée. — Appareil en bois, en fer, etc., flottant sur un point déterminé
pour indiquer une passe, un danger ou une position. Il y a des bouées de sauvetage
que l'on jette dès qu'un homme tombe à la mer, comme premier secours.
Bout-dehors, Boute-dehors, Boute-hors. — Pièces de bois longues
et rondes qui s'ajoutent au bout des vergues et servent à établir des voiles légères
supplémentaires appelées «bonnettes».
Bouteille. — Parties appliquées à la poupe tribord et bâbord, en dehors
du bordé, pour servir de cabinets d'aisance aux officiers.
Brague. — Gros et fort cordage servant à limiter le recul d'un canon et
à le retenir en place.
Brasse. — Mesure de longueur de deux bras étendus ; l'ancienne brasse française mesure 1,624 m.
Brick ou Brig (l'abrégé de Brigantin). — Navire à deux mâts à voiles carrées, armant jusqu'à vingt
canons, sans batterie couverte.
Brider. — Lier ensemble deux pièces ou des cordages.
Brûlot. — Navire disposé pour incendier les vaisseaux ennemis en se consumant
lui-même par le moyen des artifices et matières combustibles dont il est chargé.
Câble. — Gros cordage en chanvre, de
la longueur de 120 brasses, servant à l'amarrage des ancres et des bâtiments, aux
manœuvres, aux remorques, etc.
Carnet de bord. — Sert à noter les ordres, faits, incidents du service.
Cale. — Fond intérieur d'un navire, s'étendant d'un bout à l'autre, sous
le premier pont ou le faux-point, et divisé en compartiments appelés «soutes».
Caler. — Se dit de l'enfoncement d'un navire dans l'eau, du déplacement
d'eau par sa masse.
Caler les mâts (de hune ou de perroquet). — Les descendre d'une certain
quantité, pour donner moins de prise à la tempête, aux projectiles, etc.
Canot. — Petite embarcation légère, non pontée, affectée au service d'un
navire.
Canonnière. — Bâtiment ponté, peu élevé au dessus de l'eau, assez long
et armé de quelques pièces de canon ; tant en batterie qu'à l'avant et à l'arrière.
La chaloupe-canonnière, pontée, porte un gros canon à chacune de ses extrémités.
Cap. — Avant d'un bâtiment considéré par rapport à la direction donnée.
Caronade. — Bouche-à-feu très courte, en fer, d'un poids bien inférieur
à celui des canons de même calibre, mais d'une portée moindre.
Chaloupe. — Petit bâtiment non ponté, allant à la voile et à l'aviron ; la plus grande des embarcations d'un navire.
Chasse-marée. — Petit bâtiment ponté, à deux mâts et voiles courbes, bon
marcheur, comme les lougres, sloops, etc.
Chenaler. — Piloter ou gouverner dans les bas fonds.
Civadière. — Vergue gréée en-dessous du beaupré pour servir à tenir les
haubans des bout-dehors des mâts de foc qui passent à chaque extrémité de cette
vergue.
Contre-bord. — Se dit de la position de deux navires qui passant à l'encontre
l'un de l'autre.
Corne. — Sorte de vergue qui embrasse le mât par une de ses extrémités
et s'y appuie. Le pavillon national flotte à la corne d'artimon.
Corvette. — Bâtiment de guerre classé après la frégate et avant le brick,
de vingt à vingt-six canons ou caronades sur deux étages. Les petites corvettes
ont toute l'artillerie sur le pont.
Culer. — Reculer, aller en arrière.
Cutter — Petit bâtiment de guerre, à un mât et à larges voiles, arme six et même huit canons. C'est le «côtre» français.
Debout. — Se dit lorsqu'on présente
l'avant du navire ; on dit «debout au vent», ou «à la lame», ou «au courant».
Dépasser. — Dépasser un mât de perroquet, de hune, c'est le faire descendre
assez pour reposer du pied sur le pont.
Dérive. — Déviation de la route d'un navire ou de la position, causée par
l'action du vent ou du courant. «Dériver» ou «aller en dérive» signifie aller
au hasard du vent ou des courants.
Désemparé. — Se dit du navire qui a éprouvé des avaries qui l'empêchent
de manœuvrer.
Dessouiller. — Dégager la coque de la vase ou de la fond couverte de boue.
Déverguer. — Séparer, ôter une voile de sa vergue. Le contraire se dit
«enverguer».
Division. — Groupe de trois bâtiments au moins, neuf au plus, formant le
tiers environ d'une escadre et placé sous les ordres d'un chef particulier.
Échouer. — Toucher le fond ou la côte
de manière à ne pouvoir flotter.
Embosser. — Faire présenter le travers à un bâtiment de guerre en vue du
combat.
Embrasure. — Ouverture percée dans le massif d'une fortification pour donner
passage à la bouche d'une pièce d'artillerie.
Empenneler. — Disposer une petite ancre sur le fond, en dehors d'une grosse
ancre, en la fixant à celle-ci, pour qu'elles travaillent ensemble à retenir plus
sûrement le navire contre un fort courant, une grosse mer ou un vent violent.
Encablure. — Longueur d'un câble de 120 brasses ou de 200 mètres environ ;
mesure de distance.
Endenter. — Disposer les bâtiments sur deux lignes parallèles, ceux de
la deuxième ligne en arrière des intervalles de la première, de manière à présenter
alternativement un navire en saillie et un en retraite.
Enrochement. — Amas de pierres sur un fond mobile pour le défendre des
affouillements et dégravoiements. Un enrochement avait été établi sur le banc
de «Boyard» pour la construction du fort projeté.
Entraverser, s'entraverser. — Action de présenter le flanc, le travers
à l'ennemi pour le canonner.
Entre-pont. — Intervalle qui sépare deux ponts d'un navire. Étage inférieur
d'un vaisseau, compris entre la batterie basse et la cale.
Escadre. — Réunion de dix navires de guerre au moins, vingt-six au plus,
sous un même commandement.
Espalmer. — Nettoyer la carène du navire depuis la quille jusqu'à la ligne
d'eau. Un bâtiment espalmé de frais fournit une meilleure marche.
Espingole. — Petit canon en cuivre, court et monté sur pivot, que l'on
place dans les hunes ou dont on arme les embarcations ; on charge les espingoles
de boîtes à balles.
Étale. — État de la mer au moment où elle ne monte plus et ne descend pas
encore, ou ne descend plus et ne monte pas encore.
Étrave. — Pièce courbe ou suite de pièces courbes écartées ensemble qui
s'élèvent à l'avant du navire, dans son plan diamétral, depuis l'extrémité de
la quille jusque sous le beaupré.
Éviter. — Changer de position sous l'effet d'un courant faisant tourner
le navire horizontalement sur ses amarres, qui servent alors de point fixe vers
l'avant. Le navire évité présente alors l'avant au vent ou à la marée, selon le
cas.
Feux. — Les bâtiments à la mer allument,
la nuit, des fanaux de couleurs variées, s'ils sont en route, ou blanc s'ils stationnent,
pour indiquer leur route ou leur position. Le feu d'une batteries est l'effet
des coups qu'elle tire.
Filer. — Lâcher lentement, par degrés, un câble tendu, pour soulager l'ancre,
par exemple.
Flot. — Flux, marée montante. «Être à flot» se dit d'un navire soutenu
sur l'eau sans toucher le fond. Demi-flot, trois quarts de flot : lorsque l'eau
a monté à la moitié, aux trois quarts du flux prévu.
Flotte. — Nombre considérable de navires naviguant ensemble, soit pour
la guerre, soit pour le commerce ; on dit aussi «Armée navale» quand plus de quinze
bâtiments de guerre sont réunis sous les ordres d'un même commandant.
Flûte. — Bâtiment de guerre dont l'armement et l'équipage ont été réduits
pour en faire un transport de vivres, d'approvisionnements, de troupes.
Foc. — Voile triangulaire qui se place à l'avant du bâtiment entre le mât
de misaine et le beaupré, ou entre ce dernier et le grand mât dans les bâtiments
qui n'ont pas de mât de misaine.
Fortune. — Qualificatif des agrès (voiles, gouvernails, mâts, vergues)
qu'on emploie accidentellement pour remplacer ceux perdus dans une tempête ou
pour toute autre cause fortuite.
Frais. — «Vent frais» vent médiocrement fort et bon pour faire route ; on dit «grand frais» quand le vent est violent.
Franchir. — Signifie, quand il s'agit des pompes, assécher les cales envahies
par l'eau.
Frégate. — Bâtiment de guerre ayant une seule batterie couverte et portant
de 40 à 50 bouches à feu, y compris celles du pont. Pour la force, la frégate
vient immédiatement après le vaisseau, mais sa marche est plus rapide.
Funin. — Cordage en général.
Gaillard. — Portions de pont établies
à l'avant et à l'arrière d'un bâtiment.
Galerie. — Sorte de balcon à l'arrière d'un vaisseau, régnant sur toute
la largeur et avec balustrade. Les vaisseaux à trois ponts de 120 canons avaient
deux galeries.
Galiote. — Moyen bâtiment, d'un petit tirant d'eau et sans mât de misaine.
Les galiotes de guerre, dites «à bombes», étaient construites pour porter ordinairement
deux mortiers établis sur une plate-forme en avant du grand mât.
Gargousse. Petit sac cylindrique en parchemin, serge, toile ou papier fort,
qui contient la poudre destinée à la charge d'un canon.
Goélette. — Bâtiment léger et rapide, à deux mâts, du port de 50 à 100
tonneaux, qui porte deux voiles inclinées sur l'arrière. Les goélettes de guerre
servaient de mouches dans les escadres ; elles portaient six ou huit canons.
Grains. — Changements violents et momentanés dans l'atmosphère et qui se
manifestent par un accroissement du vent, s'il en règne, ou qui s'élèvent dans
le calme.
Grappin. — Petite ancre à quatre ou cinq branches recourbées dont on se
sert pour accrocher un bâtiment, pour y attacher un brûlot ; on s'en sert aussi
dans les petites embarcations.
Gréement. — Tout ce qui sert à garnir un navire de ce qui le met en état
de naviguer : manœuvres, voiles, poulies, etc.
Grelin. — Petit câble de la longueur de 120 brasses.
Grenade. — Petite boule de fer, lancée à la main.
Haler. — Tirer horizontalement, ou
à peu près, un câble à l'aide d'un autre cordage. Si l'effort produit un effet
de bas en haut, on dit «peser», de haut en bas, «tirer».
Haubans. — Gros cordages qui tiennent les mâts à tribord et bâbord.
Haut-fond. — Élévation sous-marine, assez près de la surface de la mer
et qui constitue un danger pour la navigation.
Hisser. — Élever, hausser un objet à une hauteur déterminée au moyen d'un
cordage. En général, tirer en haut.
Hune. — Plat-forme élevée, en saillie, autour des mâts intérieurs et servant
à l'attache des cordages. Chaque mât a sa hune, dont le nom est emprunté au mât
qu'elle couronne.
Jusant. — Reflux de la marée.
Lest. — Choses pesantes, pierres, sable,
gueuses en fonte, etc., qu'on embarque en sus du chargement, pour maintenir un
navire en équilibre sur l'eau et dans la position la plus favorable à la sécurité
de la navigation et à la marche. À bord des bâtiments de guerre, la quantité de
lest est en rapport direct avec le nombre de canons, car ceux-ci, étant placés
dans les parties hautes, exhaussent le centre de gravité et exigent un
contrepoids dans les fonds.
Lest volant. - Celui qui peut être placé ou déplacé à volonté.
Liberté de manœuvre. — Faculté laissée par l'amiral à tout commandant de
navire de régler ses mouvements, de faire toute évolution, de prendre toute disposition
qu'il juge plus favorable à la manœuvre, dans une opération, un danger, etc.
Lit du courant. — Direction du flux et du reflux ; partie où cette direction
se fait sentir. Le «lit du vent» est la direction du vent.
Longe. — Banc de sable étroit et allongé.
Louvoyer. — Faire route en zigzag, au plus près du vent, en
lui présentant tantôt un bord, tantôt l'autre, et en avançant centre le lit du
vent.
Manœuvres. — En général, tous les cordages
qui servent à tenir la mâture, à gouverner, à faire agir les vergues, etc.
Mâts. — Colonnes en bois, plus ou moins grosses et longues, suivant la
force du navire, et qui s'élèvent au-dessus du pont supérieur pour porter la voilure.
On distingue le mât de misaine placé à l'avant, le grand mât au
centre, le mât d'artimon à l'arrière, le mât de beaupré couché en
avant de la proue. Aux bas-mâts sont superposés d'autres mâts dits mâts de
hune, de perroquet, de perruche, de cacatoès, etc.
Mortier. — Bouche-à-feu servant à lancer des bombes ou des matières inflammables.
Mouche. — Petit bâtiment de guerre léger, chargé d'observer les mouvements
de l'ennemi, de porter des ordres, etc. C'est l'éclaireur d'une force navale.
Mouiller. — Laisser tomber l'ancre, qui mord le fond, arrête et fixe le
navire.
Panne. — Situation d'un navire dont
les voiles sont placées de façon qu'il se maintienne sans marcher, soumis seulement
à la dérive.
Parer. — Préparer, éviter, se soustraire, dégager.
Passavant. — Passage ménagé à tribord et à bâbord pour passer du gaillard
d'arrière au gaillard d'avant.
Passe. — Sorte de canal de mer entre deux terres, deux bancs, deux écueils,
par où un navire peut passer sans échouer.
Péniche. — Embarcation légère, rapide à la voile et à l'aviron, présentant
tous les avantages des grands canots gréés en lougres. Les péniches sont employées
comme garde-côtes ; elles bordent un grand nombre d'avirons et sont armées de pierriers,
parfois d'un canon en cursive.
Pièce (de canon). — Bouche à feu de gros calibre. Selon que le canon peut
lancer des boulets de 8, 24, 36 livres, etc. On dit : «pièce de 8, de 24, de 36,
etc.» On dit pièce aussi en parlant de futailles, et selon la contenance on les
appelle «pièce d'une, pièce de deux».
Pierrier. — Sorte de petit et mobile pièce de canon dont on se sert principalement sur les vaisseaux pour tirer à l'abordage, et qu'on charge avec des cartouches remplies de pierres, de cailloux, de ferraille, etc.
Platin. — Endroit très plat.
Plein. — Être au plein (ou plain) signifie «échouer», «être à la côte».
Le «plein de l'eau» est l'état de la mer à la fin du flot.
Ponton. — Navire désarmé et incapable de se déplacer de lui-même, servant
de magasin, de caserne, etc.
Porte-haubans. — Pièces construites en bordage épais, liées au bord par
de petites consoles et chevillées dans la muraille du vaisseau, afin de fixer
les bas-haubans.
Poste. — Place, lieu réservé à bord, à diverses catégories de personnes
: poste des aspirants, des malades, etc.
Poulaine. — Espèce de tillac en caillebotis, à l'avant du vaisseau et suivant
ses contours.
Poupe. — Face arrière d'un navire. C'est l'opposite de la proue.
Préceinte. — Ceinture de bordage.
Proue. — La partie de l'avant d'un navire.
Raguer. Se traîner sur un fond, un rocher.
Ranger. — Passer près, prolonger sa marche parallèlement et à peu de distance.
Ras, Raz ou Rat. — Plate-forme flottante dont se servent les ouvriers pour
les travaux à faire à la carène d'un navire à flot.
Relâcher. — Se retirer pour un temps dans un lieu où le navire trouve un
abri ou des ressources pour ses besoins.
Relever. — Remettre à flot après un échouage.
Relever une position. — Déterminer la position d'un objet soit au moyen
du compas, soit à l'estime de l'œil, par rapport à l'observateur.
Retenue. — Cordage, ancre pour maintenir en une position voulue.
Sabord. — Ouverture quadrangulaire aux
flancs des navires par laquelle passe la volée de la pièce de canon ce que l'on
ferme au besoin, par des mantelets. Les sabords de retraite, percés
à l'arrière, permettent de tirer encore sur l'ennemi devant lequel on est obligé
de fuir ; par les sabords de chasse, à l'avant, on tire en poursuivant l'ennemi
en fuite.
Sainte-Barbe. — Emplacement d'un vaisseau réservé au maître-canonnier.
Serre-file. — Navire placé en arrière de la ligne des autres, pendant la
manœuvre ou le combat.
Souille. — Lit que se creuse, par son poids, dans le sable ou dans la vase,
un navire échoué ; rigole laissée à marée basse dans le sable ou la vase et où on s'enfonce brutalement.
Soute. — Compartiment dans la cale, où sont emmagasinés les vivres, les
rechanges, les poudres, etc.
Tangon. — Espar double, saillant
sur la largeur du navire et placé horizontalement, à l'avant du mât de misaine,
à tribord et à bâbord, pour amarrer les embarcations afin de ne pas heurter
les flancs du bâtiment.
Timonerie. — Lieu où se trouvent, près du mât d'artimon, la roue du gouvernail,
les compas et montres.
Toise. — Mesure de longueur de six pieds, ou environ deux mètres.
Ton. — Tête de la hune.
Toucher. — Heurter le fond.
Touine. — Grossière veste de toile.
Transport. — Navire ayant peu ou point d'artillerie et disposé pour transporter
des troupes, des munitions, des approvisionnements.
Travers (par le). — C'est-à-dire dans une direction approchée de la perpendiculaire à la longueur du navire.
Traverse. — Barre de graviers, de sable, de vase à l'entrée d'une baie,
d'une rade ou d'un port.
Tribord. — Côté du navire que l'on a à sa droite, quand de l'arrière
on regarde l'avant; on disait autrefois «stribord».
Vaisseau. — Grand navire de guerre,
ayant au moins deux ponts, conséquemment deux batteries couvertes, plus la batterie
découverte, sur le pont supérieur. Les vaisseaux étaient classés par rang : vaisseau
de 1er rang, à trois ponts, quatre batteries et cent vingt canons ; vaisseau
de 2e rang, à deux ponts, trois batteries, cent canons ; vaisseau de 3e
rang, à deux ponts, trois batteries, quatre-vingt-dix canons ; vaisseau
de 4e rang, à deux ponts, trois batteries, quatre-vingt canons ; certains vaisseaux,
pourtant, ne portaient que soixante-quatorze et même soixante-dix cannons.
Vaisseau de Compagnie. — Navire de commerce armé par la Compagnie des Indes,
de grande dimension et pouvant établir une batterie de canons ou de caronades.
Vents. — Considérés suivants la direction d'où ils soufflent, sont dits
: vent de N., d'E., etc. ; eu égard à leur force on les désigne par : presque calme, petit frais, joli frais, bon frais, grand frais, et gros frais.
Voilure. — Ensemble des voiles nécessaires à un navire.
Volée. — Décharge de plusieurs canons qu'on tire en même temps. La volée
d'un canon est la partie comprise entre les tourillons de la pièce et sa bouche.
«Les Brûlots anglais en rade de l'île d'Aix» :
Index et Carte ; Chapitre 1
[Dr R.
Peters : rpeters@wissensdrang.com]