«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 7


CHAPITRE 7. — Administration de l'évêque. — Il protège les communautés religieuses. — Mlle Marie-Thérèse Deliva. — Fondation d'un hôpital à Tesson, à Barbezieux. — Baigne et Saint-Liguaire. — Mort d'Alexandre-François de La Rochefoucauld, frère aîne de Francois-Joseph et de Louis-Pierre, le 7 janvier 1786. — L'évêque de Beauvais à Saintes. — Séjour au château de Crazannes. — Souvenirs qu'il y a laissés. — Les voisins, les Sainte-Hermine, les La Trémoille, les Grailly. — Son affabilité envers les paysans. — Traits touchants. — Boischarmant. — Les vicaires généraux : Joseph de Liniers, Joubert de Douzanville, Augustin-Alexis Taillet, Mathieu Delord, Joseph du Cheyron du Pavillon, Guérin de La Magdeleine, Gaspard Mondauphin, Augustin Hardy. — Attaques des Jansénistes. — Notes de bas de page.


Cette animosité contre les bénédictines de Saintes ne nous paraît nullement justifiée, ni contre les Sainte-Claire, ni contre les Notre-Dame. L'évêque, gardien de l'orthodoxie, défenseur de la foi, devait préserver son troupeau de l'hérésie, y compris les communautés religieuses. Et s'il dut prendre des mesures de préservation, qui oserait l'en blâmer ? La Rochefoucauld avait résolument reconnu l'autorité du pape et accepté sa décision dans l'affaire de la bulle Unigenitus ; même il n'avait pas proscrit quelques prêtres de son diocèse, chassés d'ailleurs, recommandables par leur savoir et leur piété ; bien plus il leur avait procuré le moyen de vivre dans des cures et autres bénéfices. Quel crime plus grand pouvait-il commettre ? La secte lui voua une haine féroce. Il n'est sorte d'insinuations malveillantes, dont elle ne l'injurie, de calomnies dont elle ne l'outrage. Tous ses actes les plus inoffensifs, ou les plus louables, sont indignement travestis. Les reproches les plus puérils se mêlent aux accusations les plus méchantes. Il est l'esclave des Jésuites ; il est farci de préjuges ; il est fier, arrogant, ambitieux ; il aime la flatterie : «il méprise les curés et leur parle toujours avec le ton d'un général à ses soldats... (1). Il a pour principe qu'un supérieur ne doit jamais reculer, qu'autrement il ne lui resterait plus qu'à se faire capucin, propos qu'on lui a entendu tenir en 1788... L'esprit de domination dirige toutes ses démarches.» Et l'on cite «pour exemple deux curés respectables» qu'on ne nomme point, «l'un de la paroisse de Saint-Pierre de Juillé, et un autre curé à Pons. Ce dernier était un vieillard qui (2), affaibli par l'âge, ne put supporter ces duretés ; il en perdit totalement la tête (3).»

En outre, il publia, le 3 décembre 1785, un règlement sur l'usage des chapelles domestiques, où, article III, «il déclarait qu'un prêtre interdit n'y pourra, sous quelque prétexte que ce soit, célébrer sous peine d'interdit sur la chapelle». Étrange abus d'autorité ! Despotisme abominable ! Or, il s'agissait de Jean Desting (4), prêtre du diocèse de Clermont, qui, vicaire à Asnière, avait mérité l'interdiction, et qu'un bourgeois de la paroisse, Hardy, avait autorisé à dire la messe dans sa chapelle. Il faut vraiment être pauvre de faits pour alléguer de pareils griefs. Ce vicaire, dont on fait le plus grand éloge, jura en 1791.

Qui pourtant protégea plus que lui les communautés, qui s'occupa plus des églises, qui administra plus sagement ?

C'est chez les sœurs de Notre-Dame, filles de Mme de Lestonnac, qu'il plaça une jeune orpheline nommée Deliva, dont il paya généreusement la pension.

L'histoire de cette jeune fille est tout un roman. Enlevée enfant par des saltimbanques dans un pays qu'on supposa être l'Italie à cause de son nom, elle se souvenait d'un grand parc et d'un riche château. Elle jouait avec un petit garçon, lorsqu'elle fut saisie et emmenée par des gens qui passaient. Le petit garçon avait pu s'enfuir. À Pons, le chef de la troupe dont elle faisait partie et qui se rendait à Saintes pour la Saint-Eutrope, tomba malade, et à son lit de mort révéla le rapt de l'enfant. Il trépassa avant d'avoir pu indiquer le nom, les parents, le domicile (5). Ce fut grand émoi à Saintes. On s'intéressa à la jeune fille ; on écrivit partout ; on fit des recherches. Inutilement. L'évêque se chargea d'elle. Mais quand ses revenus eurent été supprimés, l'orpheline s'adressa à ceux qui les lui avaient ôtés. Le 9 décembre 1790, le directoire du district la prit sous sa protection ; on lui accorda un traitement égal à celui qu'elle touchait. Le 12 mai 1791, il lui alloua de nouveau 150 livres pour les six premiers mois de l'année. Enfin, le 11 octobre 1792, il rédigea cette singulière délibération, toute pleine de la phraséologie sentimentale de l'époque : on s'apitoyait sur les malheurs qu'on causait :

«Le directoire, ayant pris communication d'une requête présentée par la demoiselle Deliva, fille dont on ignore l'origine et le lieu de sa naissance, par laquelle elle sollicite des secours de l'administration ; Ouï le procureur syndic ;

«Considérant qu'il est de notoriété publique que la réclamante a été enlevée dans son enfance à ses parents ; qu'elle est étrangère en France ; qu'elle n'a droit à aucun secours particulier, et que l'administration a déjà recueilli des renseignements à cet égard ;

«Considérant que cette fille malheureuse, continuellement nourrie de l'espoir de découvrir ses parents, et prévenue qu'elle tenait à une famille riche et distinguée, a toujours vécu dans l'indifférence de toute profession industrielle, et qu'après avoir perdu les ressources qu'elle trouvait dans un clergé opulent, elle était soutenue par la communauté des filles Notre-Dame où il lui avait été accordé un asile ; et que, dans ce moment où cet établissement est supprimé, il ne lui reste plus qu'à se jeter dans les bras d'une nation grande, généreuse et hospitalière ;

«Considérant que les secours d'humanité et de bienfaisance tiennent un rang dans l'état des dépenses à la charge du département, et que ces fonds ne peuvent être plus dignement employés qu'à adoucir le sort d'une intéressante étrangère, arrachée à une famille dans le sein de laquelle elle eût pu trouver toutes les douceurs de la vie ; que ce devoir est d'autant plus sacré qu'il peut soutenir la vertu dans le cœur d'une femme, et couvrir sous ses pas l'abîme du déshonneur où pourrait la précipiter l'horreur de l'indigence ;

«Nous sommes d'avis qu'il y a lieu d'accorder à la citoyenne Deliva, sur la somme de trente mille livres imposée avec la contribution de 1791 pour la destruction de la mendicité, le secours de 300, et qu'il soit écrit au ministre pour l'intéresser en faveur de cette infortunée, afin que la convention nationale lui accorde une pension.

«VANDERQUAND. HILLAIRET. P.S. GODET, secrétaire.» (6)

Marie-Thérèse Deliva épousa plus tard Gabriel Templier dont elle était veuve à son décès le 21 décembre 1838. Elle mourut dans le presbytère du curé de Corme-Royal, Jean-Joseph-Marie Méchain, qu'elle avait élevé. Elle avait 80 ans, et était respectée de toute le monde.

On voit l'évêque donner aussi des marques de bienveillance au carmel. Le 20 janvier 1786, il assista aux vœux solennels de Mlle Laroche, jeune Américaine, dont, racontent les Affiches de Bourignon, le «dévouement religieux, poussé jusqu'a l'héroïsme, a arraché des pleurs à plusieurs personnes de l'assemblée. Placée aux côtés d'une sœur tendrement chérie et d'une généreuse amie, elle a eu la force de résister aux gémissements de la nature et de l'amitié... Elle a consommé le sacrifice avec une piété calme et réfléchie», ce qui n'empêchera pas dans quelque temps le même écrivain de crier contre l'esclavage du cloître et de vouloir délivrer les victimes du fanatisme qu'on y tient renfermées (7).

Nous savons en outre que l'évêque allait souvent visiter son séminaire dirigé par les prêtres de la mission, depuis sa fondation par saint Vincent de Paul. Il s'y entretenait familièrement avec les jeunes clercs et les encourageait dans leurs travaux. Il apprenait ainsi à les connaître et s'en faisait aimer.

C'est «en sa qualité de protecteur né des pauvres et chargé de veiller à l'accomplissement des fondations des œuvres pies», que «Pierre-Louis de La Rochefoucauld, évêque et seigneur de Saintes», intervient, à la prière de Jean-Frédéric de La Tour du Pin-Gouvernet, mari de Cécile-Marguerite Guinot de Monconseil, dans le règlement (1er décembre 1785) de l'hôpital, fondé à Tesson, par le marquis de Monconseil, pour seize lits dont quatre de malades et douze de vieillards, et desservi par quatre religieuses de la Sagesse, chargées en outre d'apprendre à lire et à écrire aux jeunes filles, de visiter les malades de Rioux, Thenac et Tesson, et «de leur fournir gratuitement les drogues de leur apothicairerie (8).»

Il autorisa pareillement la fondation de l'hôpital de Barbezieux faite en 1783, par Louis-Alexandre, duc de La Rochefoucauld et de La Roche-Guyon, marquis de Barbezieux. Le 18 mai, en présence des membres du bureau : maître Paul Drilhon, avocat en parlement, juge sénéchal du marquisat ; maître Paul-François Drilhon, procureur fiscal dudit marquisat, et messire François-Hector de Pressac de Lioncel, écuyer, curé de la paroisse de Saint-Hilaire, puis de différentes personnes notables : messire Gabriel-Jean Châteauneuf, curé et archiprêtre de Barbezieux ; Pierre-François-Étienne Réveillaud, vicaire, mort en 1855, curé de Saint-Pierre de Saintes ; Louis de Malet, écuyer, capitaine des vaisseaux du roi, chevalier de Saint-Louis ; Jacques-Philippe Frichou de Lamaurine, procureur du roi en l'élection de Barbezieux ; Jean Demontis, médecin consultant de la comtesse d'Artois ; Pierre-Zacharie Dodart, sieur des Bouchardières, etc., deux religieuses, venant de l'hôpital de la ville de La Rochefoucauld, Marie Sauvo des Versannes et Élisabeth de Péry de Malerant, passent avec les administrateurs un traité en II articles, par lequel, moyennant 250 livres par an, chacune se charge de diriger et conduire ledit hôpital, tenir «classe ou salle pour l'éducation des jeunes filles», d'y recevoir «gratuitement les pauvres qui leur seront présentés par le bureau, lesquelles elles instruiront dans la religion et leur montreront à lire, écrire et leur inspirer, autant que possible le goût du travail.» Le premier août de l'année suivante, l'évêque donnait sa pleine approbation au traité. Et huit ans après, à douze jours de distance, ces deux La Rochefoucauld périssent l'un aux Carmes de Paris, l'autre à Gisors. Les pauvres, les malades s'en trouvaient-ils mieux ? Les officiers municipaux de Barbezieux, le 20 janvier 1792, «l'an IV de la liberté», constatent que l'hôpital n'avait plus que 560 livres de revenu et était dans un état déplorable.

Il songea aussi à sa cathédrale, «pauvre et nue». Pour l'embellir il conçut le projet (1787), ce qu'autorisaient les lettres patentes du 25 mars 1770, ce qu'avaient fait ses prédécesseurs pour d'autres bénéfices, d'unir la mense conventuelle de Baigne et celle de Saint-Liguaire à la fabrique de son église cathédrale. «Ces deux abbayes ne peuvent subsister ; les bâtiments sont dégradés. Dans l'une il n'y a qu'un religieux, trois dans l'autre» ; et «l'église cathédrale de Saintes est pauvre et nue ; elle manque de tout. Il est urgent d'y faire un maître-autel, de changer le pavé du sanctuaire et du chœur, d'y faire des stalles neuves. La sacristie n'a que peu de vases sacrés, point d'ornements, point de linge, point d'argenterie. Cela nuit nécessairement à la dignité du culte public, surtout dans un pays où les protestants sont nombreux.» On le voit solliciter l'évêque d'Autun, «d'interposer ses bons offices pour procurer à l'église une somme payable par les économats ou par la loterie de piété, qui sera appliquée à décoration de cette église (9).» La Révolution se chargea d'achever la ruine commencée par les protestants. La cathédrale, dépouille de ses ornements, privée de ses revenus confisqués, devint une salle de réunion pour les électeurs.

Il serait long d'énumérer les actes de son administration. À la suite de la visite aux paroisses par lui ou par son vicaire général, Taillet, il rend des ordonnances pour des réparations aux églises ou à leur mobilier : le 6 juillet 1787, Saint-Laurent des Combes (10) ; le 28 juin 1788, Saint-Pallais du Né et Restaud (11). Le 29 août 1788, il délègue Fabre, curé de Pisanni, pour bénir la nouvelle église (12). Le 5 septembre 1785, il fixe au dimanche après le 22 septembre, la fête de saint Maurice qui se célèbre à Salles (13). Si les archives de l'évêché de Saintes n'avaient pas été solennellement brûlées sur la place des Cordeliers, le 10 août 1793, quel nombre considérable de faits nous aurions à raconter ! Ce n'est qu'avec des bribes retrouvées çà et là qu'on a pu reconstituer un peu l'histoire de son administration. Mais combien elle est incomplète !

Dans toute sa carrière épiscopale il n'y a eu qu'un fait qui ait valu à La Rochefoucauld de la part des ses injustes et acharnés ennemis des éloges et des félicitations pour «ses bonnes intentions». C'est que, l'année dernière (1786), il logea chez lui un excellent prédicateur pour le carême, le père Limonas, supérieur de l'Oratoire de La Rochelle, qui prêcha la doctrine de l'Église dans toute sa pureté : «On dit que depuis longtemps, une telle lumière n'avait éclairé cet horizon.» Un protestant ne se fût pas servi d'autres expressions (14).

En face des diatribes des Jansénistes, citons les vers suivants insérés dans le Journal de Saintonge et d'Angoumois, 24 août 1788, à l'occasion de la Saint-Louis, par «François-Marie Bourignon, membre de plusieurs académies, rédacteur du Journal». Ils vantent précisément le zèle, la foi, la piété du prélat :

L'un de vos deux patrons, l'apôtre Simon-Pierre,
A travers les dangers, sous le fer des tyrans,
De l'église du Christ jeta les fondemens ;
Vous imitez son zèle en suivant sa carrière.
L'autre eut l'honneur de naître au milieu des Français,
Et régna par ses droits moins que par ses bienfaits.
Le saint Roi, de Jésus préférant la couronne,
Abdiquait, en priant, la majesté du trône.

Qui n'aimerait, en comparant ces traits,
A trouver, comme moi, la ressemblance entière ?
Car si la piété (la base des vertus)
L'humanité, la foi sincère,
Étaient au rang des Saints du bréviaire
Vous auriez trois Patrons de plus.

Un deuil domestique montra l'affection qu'on avait pour le prélat.

Son frère, Alexandre-François, comte de La Rochefoucauld-Bayers, ancien lieutenant des vaisseaux du roi, chevalier de Saint-Louis, était mort à Paris, le 7 janvier 1786 (15).

C'est le 11 janvier que la nouvelle fut connue en ville. Le lendemain Bourdeille, syndic du chapitre (16), assembla les chanoines après vêpres et leur proposa d'envoyer une députation présenter au prélat leurs compliments de condoléance. Ce qui s'accomplit. Mais le fait était si insolite qu'on décida de ne pas l'inscrire sur les registres afin de ne point créer un précédent pour l'avenir.

Le 13, l'évêque remercia et demanda un service. «Sur quoi, dit Legrix, la compagnie délibérant a arrêté qu'on ferait ce service que désirait le dict seigneur évesque, avec toute la cérémonie requise en pareil cas ; que M. le doyen, assisté de deux chanoines, ferait la cérémonie ; que tous les corps de la noblesse seraient invités au nom du chapitre.» L'on poussait tellement loin le zèle que le chœur et la nef furent tendus de noir exactement comme si c'eût été «l'enterrement d'un chanoine».

La cérémonie funèbre eut lieu le 20, à Saint-Pierre. L'évêque officia. Le chapitre de Taillebourg, composé de quatre chanoines et un doyen, imita Saintes, le 21. Le curé de Romegoux, Arnaudau, en fit de même le 25 janvier. Et le journal de l'époque, les Affiches de Saintonge et d'Angoumois, page 22, écrit à ce sujet :

«Les chanoines donnent une preuve éclatante de leur attachement pour un prélat respectable, qui honore le siège épiscopal par la pratique des vertus patriotiques et religieuses.»

Recueillons ce témoignage : il a son prix dans la bouche de Bourignon. On doit certainement y voir l'expression de la vérité. Quand plus tard, La Rochefoucauld sera dénoncé à l'accusateur, on ne lui reprochera rien que sa résistance au décret de l'Assemblée. Mais alors on exaltait ses vertus.

Un mot nous frappe dans ces lignes ; c'est l'épithète de «patriotiques». Ce n'est pas un adjectif banal qui devance seulement un peu son époque. Mgr de Saintes passait pour avoir des idées, qu'on appelle «avancées» depuis que les rétrogrades sont venues, c'est-à-dire qu'il était de son temps. Comme tous les esprits intelligents, il sentait la nécessité des réformes ; et ce besoin, le clergé et la noblesse le partageaient avec le tiers état. Il le montra bien quand le moment arriva.

Au milieu des fatigues de l'épiscopat, Pierre-Louis de La Rochefoucauld eut la consolation d'embrasser son frère, l'évêque de Beauvais. On sait combien étroitement ils étaient unis. Depuis deux ans, ils ne s'étaient pas vus. L'évêque de Beauvais arriva à Saintes, le 23 avril. En cette circonstance le chapitre crut devoir se départir de sa réserve. Il n'avait pas coutume d'envoyer saluer les évêques ou archevêques de passage à Saintes ; mais il députa Delaage, son doyen, Dudon, Pichon et d'Hérisson pour présenter ses hommages à un pair de France, comte de Beauvais, vidame de Gerberoy, frère de son évêque, et lui offrir une place de chanoine honoraire. Ce que François-Joseph accepta avec joie. Le 12 mai, il fut installé. Mossion de La Gontrie, d'Aiguières, Croizier et Pichon le reçurent à la porte de l'église. Le premier lui fit un compliment auquel il répondit. On le conduisit à la première stalle du côté gauche ; il officia. Le soir, il traita tout le chapitre. Le 30 juin, ce fut le tour des chanoines. Guéau de Réversaux, l'intendant, assista au dîner. Le comte de La Tour du Pin, commandant en second de la province, s'excusa.

L'évêque de Beauvais séjourna plusieurs mois en Saintonge. Il y était encore le 29 juillet 1784 (17).

Les deux évêques allèrent à Angoulême voir leur sœur Hippolyte. Mme de Corlieu, leur petite-nièce, morte centenaire en 1882, m'a raconté qu'ils ne manquaient jamais, au premier de l'an et à certaines époques de l'année, de lui offrir quelques présents. On conserve encore précieusement des robes qu'ils lui avaient envoyées. Détail sans doute insignifiant, mais qui sert à peindre le cœur.

François-Joseph dut pendant son séjour à Saintes passer quelques semaines à Crazannes (18). Pierre-Louis avait loué ce château au fils de l'acquéreur, Jacques Chaudruc, chevalier d'honneur au bureau des finances et chambre des domaines de la généralité de La Rochelle, seigneur de Crazannes, qui, s'étant marié en 1781, habitait presque constamment depuis cette époque, Saintes ou le Midi (19).

Monseigneur y demeurait une partie de l'été. Après ses courses pastorales et les travaux de son administration, «ce digne évêque, dit l'abbé Briand (20), aimait beaucoup le séjour enchanteur et silencieux du château de Crazannes ; sans doute que le ciel y comblait son âme de tous ses dons et le préparait au grand combat que ce saint pontife devait livrer à l'erreur en mourant pour la foi.» La petite église de Sainte-Madeleine, qui a été remplacée par une plus spacieuse, bénite le 19 mai 1874, le voyait chaque jour s'agenouiller au pied de l'autel (21).

Il se faisait un devoir de donner, comme un simple paroissien, l'exemple de l'assiduité aux offices du dimanche. Il y connut deux curés ; l'un, Goyard, mourut en 1785 après 18 ans de séjour à Crazannes ; l'autre, Jean-Baptiste Gounin de La Coste, né en 1748, ancien curé de Haimps, devint, le 10 avril 1791, curé assermente de Saint-Vivien de Pons, puis vicaire général de Robinet, et mourut curé de Saint-Martin en l'île de Ré.

Pierre-Louis, au milieu des agitations qui préparaient la chute de l'ancien monde, se plaisait dans cet antique manoir riche de souvenirs, entouré d'une si active végétation. L'œuvre vieillie et debout de l'homme à côté de l'œuvre toujours jeune et sans cesse renaissante de Dieu ! Quoique mutilé, ce château est encore intéressant avec ses créneaux, ses salles aux solives sculptées et sa porte d'entrée si splendidement décorée, joie des archéologues, plaisir des touristes, orgueil des propriétaires. Il a vu bien des événements. Depuis le 9 octobre 1447, il appartenait aux Acarie, famille célèbre dont quelques membres furent protestants au XVIe siècle. Géry Acarie est bien connu par ses prouesses sous le nom du capitaine Bourdet. Son neveu, Zacharie Acarie, baron du Bourdet et de Crazannes (22), était la terreur des papistes. Un jour, il s'empare de Taillebourg au moyen de poignards fixés dans les murailles qui lui servent d'échelle à lui et à ses compagnons. Une autre fois, il s'embarque à Cosnac sur une frêle patache, et avec trente-cinq hommes déterminés va piller le riche couvent des Chartreux de Bordeaux. La même année 1569, il prend Tonnay-Boutonne, et s'en revient chargé de butin. Saintes fut par lui surpris une nuit, et le gouverneur de la ville, Gombaud de La Gombaudière, n'eut pas le temps de prendre ses habits.

Parmi les anciens possesseurs, l'évêque de Saintes retrouvait quelqu'un de sa famille. Angélique de La Rochefoucauld (23) avait épousé, en septembre 1611, René Acarie, seigneur du Bourdet et de Crazannes (24). Et si nous voulions chercher auprès de Crazannes nous trouverions une cousine d'Angélique de La Rochefoucauld, Catherine, religieuse à Saintes : une autre, mariée en 1640 à Gabriel Gombaud, seigneur de Champfleury en la paroisse de Bords. Nous venons déjà de citer les noms de La Vallée et de L'Houmée, limitrophes de Crazannes, tout fiefs de la famille de La Rochefoucauld.

Le prélat avait bien choisi sa maison campagne. Le château domine l'immense prairie qu'arrose la Charente. En automne, au printemps, c'est un vaste lac. En été, c'est une mer de verdure. L'aspect varie avec les mois. En juin viennent les faucheurs. La plaine alors est semée de robustes travailleurs. Courbés vers le sol, on les voit à peine se mouvoir. Ils avancent cependant ; car à leur approche s'inclinent, pour ne plus se relever, ces milliers de plantes renversées par une faux invisible. Derrière eux, un peu plus loin, les faneuses armées de fourches et de râteaux. Il faut que tout soit sec et que pas un brin ne soit perdu. Les bœufs attelés ruminant, heureux et pacifiques. Peu à peu le foin s'entasse sur le chariot, empilé avec une habileté d'artiste et un équilibre de prestidigitateur. Le soir tombe ; la tour de Taillebourg s'assombrit. L'heure du retour a sonné. Et pendant que le soleil dore encore les cimes, la prairie baigne déjà dans l'humidité du crépuscule. Un brouillard léger court sur les bords de la Charente. Il monte. Quel air sauve on respire ! Il a passé sur le fleuve profond ; il s'est imprégné des odeurs de la sève qui sèche. Assis sur la terrasse, appuyé sur la balustrade, on le reçoit comme a dû le recevoir Pierre-Louis, tout chargé de fraîcheur et de parfums. Senteurs balsamiques, qui donnent de la vigueur au corps et réjouissent l'âme ! Les grands peupliers frissonnent, touchés par la brise qui passe. Quelques beuglements de troupeaux, quelques bruits de lourds essieux qui crient, parfois un chant plaintif et monotone, voilà la vie. Et l'œil se repose avec ravissement sur ces champs, sur ces prés, sur ces châteaux. Et l'esprit va de l'un à l'autre, se souvenant. Tout près, à deux pas, Panloy, caché dans son riant parc qu'arrose un gai ruisseau ; en face Coulonges, à gauche Saint-Savinien, petite ville coquettement assise au bord de l'eau où elle baigne ses pieds, et qui garde, en la personne de son pasteur, futur évêque du département de la Charente-Inférieure, une des grandes douleurs de l'évêque de Saintes ; à droite, Taillebourg sur sa hauteur, la chaussée de Saint-Louis et prieuré de Saint-James. Quel champ ouvert à la rêverie !

Cette nature féconde, ce calme parfait allaient bien au caractère paisible de l'évêque. Dans le voisinage, il y avait quelques familles qu'il voyait fréquemment. D'abord à Taillebourg, les La Trémouille, qui venaient parfois habiter leur manoir reconstruit (25).

À Coulonges, c'était René-Louis, marquis de Sainte-Hermine, seigneur de Coulonges, d'Agonnay, de La Brossardière et de Mérignac, alors maréchal de camp (26).

À Panloy, c'était Marie Sary de La Chaume, dame de La Chaume près de Pont-l'Abbé, de Nancras et de Panloy (27). Mme de Saint-Dizant, femme de beaucoup d'intelligence, offrait à l'évêque de Saintes une hospitalité toute cordiale. Elle avait près d'elle sa fille, Marie-Anne Michel de Saint-Dizant, qu'elle avait, le 18 juillet 1785, mariée à Henri, comte de Grailly, marquis de Touverac, seigneur de Lavagnac, de Sainte-Terre et de Castéjans (28). Après la villégiature on se retrouvait à Saintes. La Rochefoucauld allait tous les vendredis dîner chez Mme de Saint-Dizant ; et l'on avait soin de lui servir toujours quelques mets bien simples qui étaient fort de son goût. L'hôtesse du prélat mourut le premier février 1796 ; son mari était décédé le 8 décembre 1789 en son château du Treuil, paroisse de Dolus (29).

Allant de pair avec les plus anciennes et les plus nobles familles de la province par son nom et par sa naissance, sachant tenir le rang que lui donnait sa dignité, Mgr de La Rochefoucauld pouvait, sans s'abaisser, se livrer, au château de Crazannes, à tous les mouvements de son cœur et à tout son amour de la simplicité. Le souvenir de sa bonté est toujours vivant dans la paroisse. On s'y répète encore (30), combien il aimait à parler aux paysans, combien il était heureux de vivre à Crazannes, combien il chérissait le pays et ses bons habitants. Le dimanche, entre messe et vêpres, il faisait venir tout le monde dans la cour du château et y organisait lui-même plusieurs jeux de quilles, de boules et autres, un pour les hommes, un pour les femmes, un autre pour les enfants. Il allait de l'un à l'autre, encourageant la partie et louant les plus adroits. Après vêpres, il se mêlait aux groupes, s'entretenait avec chacun. Puis, son carrosse attelé, il se rendait dans la prairie où toute la population allait s'ébattre et chercher la fraîcheur. Les enfants couraient après la voiture. Les plus hardis l'escaladaient, grimpaient au marche-pied, se cramponnaient partout, au grand désespoir du cocher qui ne pouvait plus avancer et se fâchait. Le prélat riait de bon cœur, s'amusait de leur agilité et recommandait de bien faire attention à ne leur point faire de mal. Aussitôt qu'il paraissait, vite il était entouré. On lui faisait raconter des histoires. Une bonne femme morte au commencement de 1869, à La Touche de Crazannes, âgée de 93 ans, Marie Vinet, disait, ce sont ses propres paroles : «Sa Grandeur avait une physionomie si agréable, si souriante, si belle que nous étions attirés vers lui comme par un aimant.»

Cet évêque que son clergé trouvait un peu fier, parce qu'il était timide, montrait à Crazannes une bonhomie charmante. Il faisait répéter leur catéchisme aux enfants. L'histoire peut-être n'a que faire de certains détails qui paraissent futiles et sont parfois puériles. Mais la biographie peut ne pas dédaigner ces petites anecdotes qui peignent l'homme. Un jour qu'assis sous un arbre dans la cour, il faisait à ses jeunes auditeurs quelque récit (31) comme ils les aimaient, le prélat se mit à éternuer. Les garçons se turent ; mais une petite fille : «Dieu vous bénisse, monseigneur, et vous rende sage». C'était le mot de monseigneur en pareille circonstance. — «Merci, chère enfant, répondit-il à l'espiègle, merci ; il faut demander la sagesse au bon Dieu, tout le temps de sa vie.» Le lendemain la fillette fut mandée au château. Elle arriva ; et ce qu'il n'avait pas voulu faire la veille en public, de peur de l'humilier, il lui fit de paternelles remontrances sur le respect dû aux prêtres et à l'évêque ; et après l'avoir amicalement grondée de son étourderie, il la congédia en lui frappant doucement du doigt sur la joue. L'enfant devenue femme se rappelait avec bonheur cette petite caresse de l'apôtre.

Crazannes est le lieu qui conserve le mieux, je devrais dire seul, quelques traces du passage de Mgr de La Rochefoucauld dans le pays natal; rien dans l'église où il a été fait chrétien ; rien dans sa cathédrale (32) ; rien, sauf une inscription, dans la chapelle près de laquelle il reçut la mort. Ici on ne peut faire un pas sans le retrouver. Sans chambre est restée telle. M. le baron Oudet (33), le dernier propriétaire de Crazannes, son gendre, M. Denis d'Aussy (34), ont scrupuleusement respecté l'ameublement. On n'y pénètre pas sans émotion. Voici la salle où il recevait les pauvres et les hébergeait ; elle conserve encore le nom de cuisine des pauvres ; voici la longue terrasse où il s'asseyait pour respirer le frais. Voila l'allée de charmille où il lisait son bréviaire. Ce banc de pierre tout moussu sous ces charmes deux fois séculaires, c'est le sien. Il venait y faire sa méditation dans le coin le plus reculé du jardin, tout près d'un ruisseau qui arrose de hauts peupliers. Bien des mois ont passé ; bien des années passeront encore, et ce site qu'a admiré le martyr, ce château qu'il a habité, ce parc où il a posé ses pieds, cette église où il a prié, ce lit où il a dormi, seront visités avec respect et contemplés avec piété. Ah ! si les bourreaux se doutaient de l'intérêt qu'ils attachent à leurs victimes, ils seraient tolérants, ne serait-ce que par haine pour elles.

Chaudruc de Crazannes mourut à Saintes, le 14 décembre 1788. Ses héritiers voulurent sans doute jouir de la propriété ; il fallut quitter tout cela, linquenda domus, et ce château dont on s'était fait une douce habitude, et cette population qui vous était attachée. Un vieillard mort en 1850 dans le presbytère alors inoccupé, Nouraud, se rappelait avoir conduit Pierre-Louis à Saintes le jour où il dit adieu pour jamais à Crazannes. C'est de là qu'il partit pour les états généraux de Versailles. Ce départ, que le prélat ne croyait pas sans retour, était le commencement du voyage qui le conduisit à la chapelle des Carmes.

L'évêque alors loua à Joseph-Louis Faure-Douville, receveur des tailles à Saintes, charge où il avait succédé à son père fermier général, le château de Boischarmant, paroisse des Nouillers, près de Tonnay-Boutonne. Faure, homme des plus recommandables par l'esprit et par le cœur, et dont nous avons lu la correspondance ravissante, était très lié avec Monseigneur de Saintes. Vite il se hâta de faire les réparations nécessaires. 1789 arriva, puis 1790 ; Boischarmant ne reçut point La Rochefoucauld.

Son portrait, demi-grandeur, y resta jusqu'à la Révolution. À ce moment, il fut transporté à Saintes dans la maison qu'habite aujourd'hui Mme de La Sauzaye, rue Eschassériaux. Il passa l'époque orageuse entre les deux toiles d'une porte matelassée, pendant que Faure était en prison à la Charité de Saintes. Boischarmant fut vendu à la mort de la veuve de Faure-Douville vers 1820 (35).

Les enfants habitent l'Orléanais ; qu'est devenu le portrait ? Ainsi ce château n'a pas vu l'évêque ; Crazannes reste comme sa dernière étape et son plus paisible séjour. Déjà la tempête grondait.

L'évêque pouvait se retirer quelques temps à la campagne, même aller à Paris. L'administration épiscopale ne souffrait ni de son repos, ni d'une absence. Il avait des vicaires généraux dévoués, actifs, intelligents collaborateurs qu'il trouva en fonctions ou qu'il choisit lui-même. Les attaques de la secte janséniste ne leur ont pas manqué non plus qu'a lui-même. Elle a rassemblé contre eux tout ce que l'esprit de parti peut imaginer de plus odieux, ou recueillir de plus mesquin, cancans de salons, racontars de sacristie, murmures de confessionnal, bruits de table d'hôte, tout lui est bon ; et la calomnie va son train. Cependant à travers toutes ces diffamations, il est facile de voir la valeur de ces hommes, leur mérite et leurs vertus.

Amable-Joseph de Liniers, né en 1724, fils du comte de Liniers et de Henriette de Bremond de Céré, et frère de Jacques de Liniers, comte de Buenos-Ayres, vice-roi de la Plata. Il mourut en 1787.

Pierre-Raphaël Joubert de Douzanville, abbé de Saint-Sauveur de Lodève, fut nommé grande chantre de Saintes, le 10 février 1780. C'était un homme important ; ancien jésuite, il n'est pas ménagé par les Nouvelles ecclésiastiques qui disent de lui (36) : «Peu de temps après la suppression de la société, il se rendit à Saint-Denys auprès de madame Louise, dont il fut sous-chapelain. Cette princesse l'ayant fait nommer à une petite abbaye, il retourna à Saintes avec toute la morgue qu'inspire ordinairement la faveur de la cour. Il devint grand chantre et l'un des premiers grands vicaires de M. de La Rochefoucauld, qui semble lui avoir donné la principale part dans sa confiance, et qui lui passe le ton et les manières les plus familières, qu'il ose se permettre même aux yeux du public. Ces privautés lui donnent un tel crédit que chacun lui fait la cour et que les ambitieux croiraient manquer leur but s'ils ne l'avaient pour appui. Plusieurs sont devenus grands vicaires par son protection. D'ailleurs il n'est dévot, ni sévère. Il fait journellement sa partie dans les sociétés les plus brillantes. Ami de la bonne chère, il a secoué tout l'extérieur jésuitique, et paraît avoir oublié qu'il fut jadis le P. Joubert. Il ne confesse point, mais il prêche quelquefois le Pichonisme et la morale d'Escobar. Il a fait peindre à Paris un tableau, dont tous les personnages sont habillés en Jésuites, et il l'a placé à l'autel des filles de Notre-Dame, sans que M. l'évêque ait eu le courage de l'empêcher.» Ce prêtre qu'on nous peint si mondain eut la fermeté de refuser le serment et mourut déporté en Espagne (37).

Nous avons déjà parlé d'Alexis Taillet, l'alter ego de l'évêque, son ami. Taillet avait été nommé chanoine de Saintes à l'unanimité le 10 juin 1787, à la place d'Hilaire-Marie d'Hérisson, décédé le 9. On veut bien reconnaître qu'il a quelque valeur : «Il passe pour un homme capable ; mais il n'ose, dit-on, résister à la cabale jésuitique par la crainte que M. Douzanville, très puissant dans le chapitre, ne lui souffle un jour le doyenné dont il a grand' envie.» Une preuve de son immoralité, c'est que, prêchant à la cathédrale sur l'utilité de la religion pour la société civile, il ne parla «ni du péché originel, ni de ses suites, ni de la rédemption du genre humain, ni de Jésus-Christ...» ni de la messe, ni des vêpres, etc. Aussi «ce discours scandalisa les personnes qui connaissent encore à Saintes les éléments du christianisme (38).» Tant d'omissions dans un sermon! Il y avait en effet de quoi se scandaliser (39).

Jean-Mathieu Delord, prêtre du diocèse de Cahors, vicaire général et official de Saintes, avait été par Louis XVI, en vertu du droit de joyeux avènement, présenté, dès le 22 août 1774, au chapitre de Saintes pour être pourvu de la première chanoine qui viendrait à vaquer. Il fut élu chanoine en 1777 ; le chapitre le nomma un des quatre vicaires capitulaires à la mort de La Chastaigneraie. «Ardent champion de la bulle, il s'était,» disent les Nouvelles, «signalé dans la capitale du royaume pour ses refus schismatiques des sacrement. Aujourd'hui ce zèle fougueux contre le jansénisme s'est changé en fureur pour le jeu...» Delord émigra en Espagne à Calahorra.

Pierre-Joseph-Pascal du Cheyron du Pavillon (40), né à Périgueux le 1er mars 1740, de Jacques-Joseph du Cheyron, et de Marguerite de Féletz, chanoine de Périgueux, était investi de toute la confiance de La Rochefoucauld. Il fut déporté sur les pontons de l'île d'Aix. Rendu à la liberté, il revint à Saintes, puis retourna dans sa famille. Il fut forcé par suite d'une nouvelle persécution de passer en Espagne. Rentré dans sa patrie en 1801, il refusa toutes fonctions ecclésiastiques, même la dignité de grand vicaire, que lui offrait Mgr de Lostanges, et le traitement de pension auquel il avait droit, se contenant de son patrimoine qu'il partageait avec les pauvres. Il mourut le 7 novembre 1823.

Elie-François-Dominique Castin de Guérin de La Magdeleine fut chanoine et official de Saintes en 1772, chapelain de Sainte-Catherine de Marestay en 1771, des Faures dans l'église Saint-Michel de Saintes en 1781, abbé de Saint-Étienne de Vaux en 1777. Il fut forcé de s'expatrier pour refus de serment. Mais il se reprochait d'être éloigné de tant de malheureux sans pasteur : il saisit avec l'empressement l'occasion de revenir en France et débarqua à Quiberon. Condamné le 28 juillet 1795 à Auray, il fut exécuté à Vannes, le 29. Il jouissait à Saintes d'une haute considération. Mais il avait le malheur de n'être point fanatique du père Pasquier Quesnel ; donc c'était un ingrat : car il persécuta le père Second, de Villefranche en Rouergue, professeur de théologie chez les jacobins de Poitiers, qui avait dirigé l'éducation de l'abbé de La Magdeleine, mort en 1789, chanoine de Poitiers, neveu du grand vicaire de Saintes, et avait publié à Saintes un Mémoire à consulter au sens commun, où il prêchait la morale chrétienne, «totalement défigurée par les Jésuites». De plus c'était un ambitieux. «Quoique ex-oratorien, il n'a pas rougi de faire bassement sa cour aux Jésuites, est s'est avancé par leur protection... Il est d'un caractère qui se fait à tous pour parvenir : avec les personnes d'une bonne doctrine, il est de leur avis ; avec les Jésuites, il est jésuite ; avec les indifférents, il est indifférent... et on lui a entendu dire qu'il appellerait volontiers de la bulle, pour avoir un abbaye ; de même qu'il la signerait si on l'exigeait de lui.» On exigea de lui un serment que bien d'autres prêtaient ; et ce sceptique sacrifia ses bénéfices, préféra au parjure la pauvreté, l'exil et la mort.

Charles-Gaspard Mondauphin, prêtre et chanoine de Saintes, vicaire général de ce diocèse, aussi vicaire général depuis le 3 juillet 1773 et official métropolitain de Bordeaux, supérieur du séminaire de Saint-Raphaël, mort à Bordeaux le 5 février 1784, âgé de 61 ans. Les Jansénistes l'ont aussi décrié. Le chanoine Legrix, son confrère, dit de lui : «C'était un ecclésiastique dont la régularité, la science et la solide piété lui avaient justement mérité l'estime, l'attachement et la confiance de tout ce diocèse, et de celui de Bordeaux. M. le prince de Rohan, ci-devant archevêque de Bordeaux et actuellement archevêque de Cambrai, et M. de Cicé, archevêque actuel de Bordeaux, avaient mis en lui toute leur confiance. Il était l'âme et la lumière de ce vaste diocèse par sa science et son travail assidu qui a beaucoup contribué à avancer ses jours. Ses charités l'ont fait regretter des pauvres et particulièrement de plusieurs indigentes et honteuses dont il était le soutien et la ressource.» Par son testament du 30 mai 1781 il donna sa bibliothèque au chapitre, un quart de ses biens à son héritier Charles Dangibeaud du Pouyaud, conseiller du roi au présidial de Saintes, les trois autres quarts aux pauvres, et sa propriété de Mons à ses héritiers naturels (41).

Louis-Augustin Hardy, né à Taillebourg en 1737, maître ès arts en l'université de Paris, vicaire général, principal du collège le 17 octobre 1766, démissionnaire et pensionné à 800 livres le 11 juin 1778 (42), archiprêtre de Saintes en 1803, mort le 9 août 1807, frère de Modeste Hardy, prieur de Montboyer, de Charles-Augustin, dit le père Martial, célèbre prédicateur, et de Jacques Hardy, maire de Cognac, juge au tribunal de Saintes. Hardy a laissé une excellent réputation d'intelligence et de zèle. Les Jansénistes ne l'ont pas épargné, parce qu' «il passait pour un valet des Jésuites». Ils le dépeignent ainsi : «C'est un homme qui croit à toutes les folies de la Légende dorée (43), qui favorise toutes les dévotions minutieuses, toutes les superstitions ; qui s'est montré partisan du surnaturel dans les extravagances des religieuses de Saint-Pallais. Il y a du divin «dans les visions,» disait-il (44).»

Les persécuteurs de 1793 ne tenaient pas sur lui un autre langage. Pendant toute la Révolution il resta en Saintonge, exerçant son ministère. On le recherchait activement. «Malheureusement, citoyen ministre, écrivait (17 novembre 1797) le commissaire du directoire exécutif (45), le plus dangereux des prêtres de ce département et celui qui a provoqué la rétraction de la plupart de ses confrères, le nommé Hardy, que je vous ai signalé plusieurs fois, se trouve, comme sexagénaire, compris dans les exceptions portées par votre lettre, et je crains fort qu'il n'abuse de la faculté de rester dans la commune de Saintes pour continuer à fanatiser les habitants qui ne sont que trop disposés à se laisser influencer par les hommes de cette espèce...» Puis, le 16 frimaire an IV (6 décembre 1797) : «J'ai reçu, avec votre dépêche du 4 de ce mois, ampliation d'un arrêté du directoire exécutif du 28 brumaire dernier, portant que le prêtre Hardy, ex-principal du collège de Saintes, sera arrêté et déporté... Malgré les recherches qu'on a faites, il n'a pas été possible de le découvrir. On croit que ce prêtre dangereux est sorti de ce département et peut-être de la république... J'ai chargé le commissaire exécutif près l'administration de la commune de Saintes, lieu de sa résidence habituelle, de requérir l'inscription de son nom sur la liste des émigrés...» Et le 25 avril 1798, il attribue les troubles qui ont eu lieu dans plusieurs communes «aux menées du prêtre Hardy, se disant fondé de pouvoirs du pape et exerçant dans ce département une autorité sans borne sur l'esprit de ses sectateurs...» Grâce à Hardy, à Pichon, à Bonnerot, la messe ne cessa pas un seul jour d'être célébrée pendant toute la révolution (46).

Et voilà que ces prêtres, dénigrés, insultés, traités même de voleurs, préfèrent la mort au parjure et finissent glorieusement sous la hache, dans les tortures des pontons ou sous la pique des Septembriseurs, tandis que les autres, vantés comme seuls probes, seuls vraiment catholiques, seuls droits et éclairés, achèvent dans le schisme constitutionnel une vie passée dans l'hérésie janséniste.

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[Notes de bas de page.]

1.  Nouvelles ecclésiastiques d'août 1790 : «Il aime, dit-on, la flatterie, et il trouva dans les Jésuites des hommes attentifs à le satisfaire, pourvu qu'il ne s'écarte pas de leur empire. M. l'évêque, d'après leurs leçons, méprise les curés et leur parle toujours avec le ton d'un général à ses soldats ; il ne craint pas même de les maltraiter publiquement en présence de leurs paroissiens. Nous citerons, par exemple, deux curés respectables, l'un de la paroisse de Saint-Pierre de Juillé, près Saint-Jean, et un autre curé à Pons.»

2.  Marie, nommé en 1761, par l'évêque, curé de Saint-Pierre de Juillers, refusa le serment, fut remplacé en 1791 par Roquet, curé-jureur de Puyrolland, et devint curé de Sousmoulins en 1803.

3.  L'auteur aurait pu tout aussi bien ajouter «et en mourut». Il s'agit, je crois, de Dominique Fortet, né à Pons le 2 octobre 1721, vicaire à Saint-Pierre d'Oléron, nommé curé de Saint-Martin de Pons en mai 1750, mort dans le couvent des Cordeliers le 19 décembre 1783, âge de 63 ans, auquel succéda, l'année suivante Guillaume Ferret, alors âgé de 34 ans. Voir Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (XI, 371 et 382).

4.  Jean Desting, né en 1746, nommé vicaire à Asnière par Delord, fut, après quelques mois d'interdiction, replacé à Saint-Denis du Pin. Il prêta serment à la Constitution civile du clergé : en effet, il avait mérité les éloges et la protection des Jansénistes. Il fut nommé curé d'Autezan en 1803.

5.  Une autre version moins digne de foi dit que Deliva battue, maltraitée par les bateleurs, s'échappa de leurs mains.

6.  Archives départementales de la Charente-Inférieure (Registres des délibérations du district de Saintes).

7.  Dans le numéro du 12 janvier même année, le rédacteur, qui depuis... raconte fort dévotieusement «l'accomplissement d'un vœu». On lit dans les Affiches des provinces de Saintonge et d'Angoumois (n° 11, p. 3) : «Pierre Lambert, matelot, natif de Saintes, paroisse de Saint-Vivien, vient de donner un exemple bien touchant de piété filiale. Le mercredi 4 janvier, il s'est rendu, en chemise et pieds nuds, avec un cierge à la main, à l'église paroissiale de Saint-Vivien où il a entendu la messe, pour l'accomplissement d'un vœu qu'il avait fait à Dieu s'il trouvait sa mère vivante au retour d'un long voyage : quoique son vœu n'ait point été exaucé, il n'a pas cru devoir s'affranchir du pieux engagement qu'il avait contracté, et s'est soumis sans murmurer aux décrets de la providence. Ainsi la religion, cette tendre mère des affligés, est la seule consolation qui nous reste dans nos calamités ; et c'est souvent dans cette classe d'hommes, utiles, à qui nous donnons la dénomination vile de bas peuple, que se trouvent la douce humanité, la foi et les vertus évangéliques.»

8.  Pour les détails, voir Louis Audiat, Fondations civiles et religieuses en Saintonge (1877)¹, ou les Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (IV). Étienne Guinot de Monconseil (1695-1782), lieutenant général des armées du roi, gouverneur de la Haute-Alsace, après fondation de lits à l'hôpital de la Charité à Saintes, d'un atelier de charité à l'hôpital général, d'une école de chirurgie et d'un jardin botanique à Saintes, avait constitué, par une dépense de 133000 livres, un hôpital pour recevoir les malades des trois paroisses de son marquisat, et cela après consultation du suffrage universel (acte capitulaire à la porte de l'église de Tesson à la réquisition du syndic électif, du 2 septembre 1781) : preuve nouvelle que, dès avant 1789, les paysans étaient tenus dans l'esclavage et leurs enfants dans l'ignorance par les curés et les seigneurs. [¹ Pas en la base de données en ligne de la Bibliothèque nationale de France, sous ce titre, en 2003.]

9.  Pour les différentes pièces sur ce sujet, voir les Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (XXIII, pages 220 et suivantes), ou Louis Audiat, Le Diocèse de Saintes au XVIIIe siècle (Paris, 1894 ; cf. Bibliothèque nationale de France, Notice n° FRBNF31740118).

10. Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (XXIII, 376), ou Louis Audiat, Le diocèse de Saintes au XVIIIe siècle (Paris, 1894).

11. Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (III, 248).

12. Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (III, 159).

13. Archives historiques de la Saintonge et de l'Aunis (X, 142).

14. Nouvelles ecclésiastiques du 4 septembre 1787 : «Ce qui est bon de remarquer et qui annonce les bonnes intentions du prélat, c'est que l'année dernière, 1786, il logea chez lui un excellent prédicateur pour le carême, le P. Limonas, supérieur de l'Oratoire à La Rochelle, qui prêcha la doctrine de l'église dans toute sa pureté... La cabale ennemie en frémit ; mais elle n'osa murmurer qu'en secret, ce ministre de évangile étant sous l'égide du prélat, qui lui faisait les plus belles caresses.»

15. Alexandre-François de La Rochefoucauld ne paraît pas avoir laissé grande fortune : car, le 13 avril suivant, par acte passé par-devant devant Bigot, notaire à Saintes, Pierre-Louis, en présence des témoins Pelletant et Baudry, praticiens, «renonce à la portion héréditaire qu'il aurait pu prétendre dans la succession mobilière et immobilière de feu très haut et très puissant seigneur Alexandre-François, comte de La Rochefoucauld-Bayers, son frère, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis, décédé à Paris en son hôtel, rue Saint-Maur, paroisse Saint-Sulpice, considérant que sa part en la dite succession pourrait lui être plus onéreuse que profitable.»

16. Thomas Bourdeille, né à Saintes, vicaire de Chaniers, curé de La Chapelle-des-Pots, le 23 décembre 1768, chanoine en 1772, syndic du clergé, refusa le serment et mourut en réclusion aux Carmélites de Saintes, le 26 septembre 1794. Il était probablement frère de Jean-Nicholas-Antoine de Bourdeille, conseiller du roi en la maréchaussée et présidial de Saintes, doyen de sa compagnie à la suppression des présidiaux (3 décembre 1790). Voir Louis Audiat, Études, documents et extraits relatifs à la ville de Saintes, par M. le Bon Eschassériaux,... (Saintes, Orliaguet, 1876 ; p. 89).

17. Ce jour-là, en présence d'André Naudin et de François Richard, praticiens, par acte passé par-devant Bigot, notaire, il constitue mandataire pour ratifier une quittance donnée en son nom, le 14 juillet, à François-Gabriel Desaugremel de Clérigny, administrateur et receveur général des domaines privés du roi et de Monsieur¹, d'une somme de 15000 livres, montant des droits de quint et requint féodaux, de lods et ventes et tous autres à lui dus au sujet de la vente fait à Monsieur par le prince de Conti, le 7 octobre 1783, et aussi pour recevoir 36000 livres, droits de lods et vente à lui dus à raison de la vente de la terre et seigneurie de Thoix. [¹ Le titre de «Monsieur», quand employé absolument, comme ici, fait référence à l'aîné des frères du roi.]

18. Suivant la mort du marquis de Civrac, — Emery de Durfort, comte de Blagnac, baron de La Lande, captal de Buch, sénéchal et gouverneur de Bazas, qui mourut le 22 juillet 1759, âgé de 100 ans, — Crazannes fut vendu, le 17 avril 1760, par son fils Emery, menin du dauphin, brigadier des armées du roi, époux de Marie-Françoise de Pardaillan de Gondrin d'Antin, à Jean Chaudrac, négociant à La Rochelle, qui mourut à La Rochelle en 1762, époux d'Ester Bonneau, fille de César, chevalier, et de Josèphe de Malartic.

19. Jacques Chaudruc, qui mort à Saintes le 14 décembre 1788, après s'être converti au catholicisme, eut de Suzanne-Paule-Joseph-Victoire-Anne Dumas, qu'il avait épousée par contrat du 2 août 1782, passé par devant Pellet, notaire à Montricoux, dans le Lot, un fils né à Crazannes le 20 juillet 1782, — à Agen dit par erreur la Biographie Michaud —, Jean-César-Marie-Alexandre Chaudruc, appelé le baron Chaudruc de Crazannes, auteur de la Notice sur les antiquités de la ville de Saintes ("Mediolanum Santonum"), découvertes en 1815 et 1816 (Paris, Le Normant, 1817), et de plusieurs autres ouvrages. Sur l'acte de naissance le père est dit «Jacques Chaudruc de Crazannes, écuyer, seigneur châtelain du dit Crazannes, ancien capitaine des canonniers gardes-côtes de la division de Soubise». Le curé refusa d'enregistrer les enfants sous le nom de Chaudruc de Crazannes, prétendant que les gentilshommes seuls avaient le droit d'ajouter à leur nom celui de leur terre : un jugement du présidial de Saintes lui donna tort ; voir Revue de Saintonge et d'Aunis (XII, 150).

20. L'abbé Briand, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843 ; tome II, p. 707).

21. C'est ce que fort heureusement rappelle une inscription gravée dans cette chapelle en mai 1874, date de la consécration de la nouvelle église, par les soins de MM. Denys d'Aussy et Amédée Oudet, qui ont acheté cet édifice pour en faire une chapelle funéraire de famille :

D.O.M.
PETRO . LUDOVICO . DE LA ROCHEFOUCAULD .
ULTIMO . SANTONUM . EPISCOPO .
PARISIIS . DIE II . SEPTEMBRIS . MDCCXCII .
PRO . FIDE . CATHOLICA . NECATO .
QVI .
CASTELLVM . CRAZANNES . VT . VILLAM .
INTERDVM . INCOLENS .
IN . HOC . SACELLO . SACRA . FREQVENTAVIT .
GENEROSI . MARTYRIS . MEMORIAM .
PIE . SERVANTES .
HVMILLIMEQUE . INTERCESSOREM .
ADPRECANTES .
D'AUSSY . ET . A . OUDET . POS .
ANNO . DNI . MDCCCLXXIV .

22. Géry était fils de Jean Acarie et de Catherine Goumard, dame de Romegoux, et frère de Jacques, marié vers 1545 à Marie de La Roche Landry. — Zacharie Acarie du Bourdet, fils de Jacques et de Marie de La Roche Landry, avait pour frère aîné Jean, époux, en mai 1584, de Catherine de Belcier, fille de Pierre de Belcier, baron de Cozes. Pierre-Damien Rainguet, Biographie saintongeaise (Saintes, Niox, 1851), confondu les deux frères, a marié Zacharie à sa belle-sœur et lui a donné pour mère sa grand' mère. Sur Crazannes, voir l'étude si approfondie de Denys Joly d'Aussy, Un Château de Saintonge, Crazannes (1312-1789) (Pons, Texier, 1885).

23. Angélique de La Rochefoucauld était fille de Louis II, seigneur de Bayers, La Bergerie, La Vallée et L'Houmée, chevalier de Saint-Michel¹, gentilhomme ordinaire de sa chambre, et de Suzanne de Beaumont, dame de La Motte-Fouquerand et de La Jarrie. [¹ On dit aussi chevalier de l'Ordre du Roi.]

24. Angélique signa comme marraine sur les registres paroissiaux en 1613 ; et en 1634 tient sur les fonts un neveu de Jean Amyot, curé de Crazannes. Le 20 juillet 1615, son père, qui testa en 1621, fut parrain d'une de ses filles ; et le 20 mai 1619, Louis Acarie, probablement son fils, fut improprement appelé seigneur de La Rochefoucauld.

25. Jean-Bretagne-Charles Godefroy, duc de La Trémoille et de Thouars, comte de Taillebourg, de Laval et de Montfort, baron de Vitré, pair de France et maréchal de camp, qui mourut en émigration à Chambéry, ou bien son fils, Charles-Bretagne-Marie-Joseph, duc de La Trémoille, prince de Tarente, chevalier des ordres du roi, pair de France et lieutenant général des armées du duc de Bade, dont le petit-fils, Charles-Louis, a épousé Mlle Duchâtel.

26. René-Louis, né à Saintes le 15 octobre 1741, était fils de Louis-Clément de Sainte-Hermine, seigneur de Coulonges et de Mérignac, page de la reine en 1725, puis capitaine au régiment de Vibraye dragons, et de Marie-Anne-Élisabeth Guiton de Maulévrier. René eut pour parrain René-Louis de Sainte-Hermine, aumônier de Sa majesté, prieur de Saint-Étienne d'Ars. Il fut gentilhomme d'honneur et premier écuyer en survivance du comte d'Artois, chevalier de Saint-Louis, puis en 1789, colonel attaché au régiment d'Artois dragons. Il épousa, le 25 mai 1775, Aimée de Polignac-Chalençon, dont il eut deux filles ; il mourut à London en émigration. Son frère, Henri-Louis, était né en 1743 ; et une sœur, Marie-Angélique, née le 26 novembre 1744, eut pour parrain François de Sainte-Hermine, capitaine de vaisseaux, et Marie-Angélique Daide de Boisseul. Coulonges était venu aux Sainte-Hermine par le mariage de Marie Guibert de Landes avec un Sainte-Hermine.

27. Le 8 juillet 1760, Marie Sary de La Chaume épousa Jacques Michel de Saint-Dizant, né à Dolus le 12 juillet 1732, baron de Saint-Dizant du Château d'Oléron, lieutenant colonel d'infanterie, capitaine général des milices garde-côtes de l'île d'Oléron, aide de camp du maréchal de Belle-Isle et chevalier de Saint-Louis.

28. Henri, comte de Grailly, capitaine au régiment de Royal Piémont cavalerie, appartint à la branche de Lavagnac, sortie de l'illustre maison de Foix-Grailly.

29. Son gendre, Henri de Grailly, mourut le 31 janvier 1847 ; sa fille, le décembre 1834. C'est du petit-neveu et de la petit-nièce de Mme de Saint-Dizant, le marquis de Grailly et Mme de Blossac, que nous tenons ces détails, pieuses traditions de famille. Pour les Grailly depuis 1459, voir Raymond Guinodie, Histoire de Libourne et des autres villes et bourgs de son arrondissement,... (Bordeaux, Faye, 1845 ; tome III, pp. 125-142).

30. Notes recueillies et communiquées par le curé, M. Ferdinand Fellmann, plus tard doyen de Courçon.

31. [Note de l'éditeur.  On ne peut s'empêcher de se demander si l'un de ces récits fut Le Chat Botté, extraité de Charles Perrault, Contes de ma mère l'Oye, ou Histoires ou contes du temps passé avec des moralités (Paris, Barbin, 1697).]

32. Il faut ajouter que, le 25 juin 1892, M. l'abbé Henri Valleau, curé et archiprêtre de Saint-Pierre, depuis évêque de Quimper et Léon, a fait placer dans la cathédrale un médaillon de marbre, œuvre de M. Mora, sculpteur à Bordeaux. Au-dessous on lit :

A LA MÉMOIRE
DE P. L. DE LA ROCHEFOUCAULD-BAYERS
DERNIER ÉVÊQUE DE SAINTES,
MASSACRÉ AUX CARMES, A PARIS,
LE 2 SEPTEMBRE 1792
MARTYR DE LA RELIGION
ET DE L'AMOUR FRATERNEL.

33. Jacques-Nicolas-Éliacin, baron Oudet, né à Saint-Martin-de-Ré le 11 juillet 1805, fils de Jacques-Joseph Oudet, colonel du 113è régiment de ligne, qui mourut à la bataille de Wagram (6 juillet 1809), et à qui Charles Nodier, Souvenirs, épisodes et portraits pour servir à l’histoire de la Révolution et de l’Empire (Paris, Levasseur, 1831), a consacré quelques pages pleines de poésie, «un des officiers de l'armée française les plus intrépides et les plus brillants... Si le colonel Oudet avait survécu d'un an à la bataille de Wagram, la face du monde était changée.» ; voir aussi Denys Joly d'Aussy, Le colonel Oudet : 1792-1809 (Vannes, Lafolye, 1889). Élève distingué de Saint-Cyr, sous-lieutenant à 18 ans, il abandonna bientôt, pour céder aux désirs de sa mère qui le voulait auprès d'elle, une carrière qu'il aimait et où il paraissait appelé à un brillant avenir. Fixé à Crazannes, il devint en 1840 juge de paix du canton de Saint-Porchaire ; en 1845, il fut élu membre du conseil général où il siégea jusqu'à sa mort en 1866. Chevalier de la Légion d'honneur en 1855, il avait été, pendant 25 années consécutives, nommé président du comice agricole de Saintes.

34. Denys Joly d'Aussy, conseiller général et juge de paix de Saint-Porchaire, décédé le 5 juin 1895 — voir Louis Audiat, Denys Joly d'Aussy (Saintes, Mortreuil, 1895) — était fils d'Alexandre-Guillaume-Hippolite Joly, chevalier d'Aussy, sous-préfet de La Rochelle, et petit-fils de César-Jean Joly d'Aussy, commissaire provincial des guerres de la généralité de La Rochelle, qui, à seize ans, entré dans la compagnie des gendarmes de la garde du roi, y resta 30 ans et retiré du service fut fait chevalier de Saint-Louis et prit une part active aux travaux de dessèchement des marais entrepris par l'intendant Reverseaux. Pendant la Terreur, il fut traduit devant le tribunal révolutionnaire d'Orléans. Un de ses anciens soldats devenu général, Dufour, obtint sa mise en liberté. Sous l'empire il fut président du collège électoral de Saint-Jean d'Angély et membre du conseil général. Il était très lié avec Mgr de La Rochefoucauld et ami très intime de son vicaire général, l'abbé Taillet. Pour les Joly d'Aussy, voir Combes d'Auriac, Hippolyte Acquier, Léopold Nivoley, et Vicomte E. de Gennes, Armorial de la noblesse de France (Paris, Bureaux Héraldiques, 1854-1868 ; tome X).

35. C'est à Boischarmant que l'abbé Briand trouva un certain nombre de portraits d'évêques de Saintes. Ils lui ont servi à former la collection qu'il a léguée à l'évêché de La Rochelle et qui est aujourd'hui dans le plus triste état de dégradation ; voir la Revue de Saintonge et d'Aunis (XV, p. 181). Boischarmant fut acheté par Théodat de Socciondo, fils de Nicolas-Joseph-Théodat de Socciondo, seigneur de La Vallée, et de Marie-Angélique Frottier, frère de Marie-Élizabeth, née à Archingeay le 13 juillet 1770 ; de Marie-Adélaïde, née le 4 janvier 1777 ; de Nicolas-Joseph, baptisé le 2 février 1790, et de Charles, né en 1780, mort le 21 mars 1860. Théodat de Socciondo eut de Marie Binaud, morte aux Nouillers le 30 avril 1867, âgée de 83 ans, Angélique de Socciondo, morte le 4 septembre 1869, qui fut femme de Pierre-Auguste Beaussant, de Rochefort, président du tribunal civil de Marennes, de La Rochelle, conseiller à la cour impériale de Poitiers. Mlle Beaussant épousa M. Gillot Saint-Evre, professeur à la faculté des sciences de Poitiers. Le propriétaire actuel de Boischarmant est un paysan.

En 1736, Boischarmant appartenait au grand louvetier de France, Pons-Auguste Sublet, marquis de Haudicourt, seigneur deSaint-Paire, La Brosse, Bezulelong et Le Mesniel, qui, en avril 1715, épousa Juliette Hautefort, fille de Louis-Charles, marquis de Surville, lieutenant général des armées du roi, et d'Anne-Louis de Crevant d'Humières. Le Journal de Saintonge du 27 avril 1788 en annonçait la mise en vente ajoutant que «c'est dans ce même endroit qu'Ausone¹, poète du quatrième siècle, avait une maison de campagne appelée Noverus, dont il fait une description si animée dans ses poésies.» [¹ Ausone Melania (environ 310-395), se dit Decimus Magnus Ausonius, poète gallo-romain d'expression latine, fut professeur de lettres puis rhéteur à l'université de Bordeaux.]

36. Nouvelles ecclésiastiques ou mémoires pour servir à l'histoire de la constitution Unigenitus, du 4 septembre 1777 (p. 142).

37. Voici l'extrait d'une lettre écrite de Paris, le 27 juin 1789, à son filleul, le chevalier Pierre-Raphaël Paillot de Beauregard, alors lieutenant colonel de dragons, plus tard maréchal de camp en 1791 et enfin général de division, chevalier de Saint-Louis, qui mourut au Cormier, près Saintes, le 30 septembre 1799.

Cette correspondance conservée par M. Anatole de Bremond d'Ars, qui en reproduit une partie dans un ouvrage sous presse, démontre combien les esprits sages s'effrayaient de cet enthousiasme irréfléchi pour des principes dont ils prévoyaient les terribles conséquences, enthousiasme que partageait Pierre de Beauregard et qu'il eut lui-même plus tarde à regretter lorsque, victime d'injustes accusations, il fut enfermé dans la citadelle d'Arras en 1793 :

«Mon cher filleul, vos deux dernières lettres me sont fidèlement parvenues, et j'espère que vous aurez la complaisance de me continuer vos nouvelles. Elles sont bien intéressantes ; mais je ne les vois pas du même œil que vous. Nourrie de bonne heure des principes monarchiques, mon âme se révolte contre tout ce qui tend à les saper ou les détruire. Or, il me semble que la marche tenue jusqu'ici par le tiers est diamétralement opposée à la constitution sous laquelle nous avons vécu depuis des siècles. Croyez-vous qu'il soit conforme à l'esprit monarchique de vouloir réduire le souverain au pouvoir exécutif, et de lui refuser le pouvoir législatif ? A-t-on jamais entendu dire qu'une portion d'une nation ait le droit de supprimer des impôts et de les proroger selon son caprice ? La délibération prise dans le jeu de paume annonce-t-elle des vues pacifiques ? Est-elle l'effet d'une patriotisme éclairé ? N'annonce-t-elle pas un esprit d'indépendance qui peut nous mener très loin ? Ou je me trompe fort, mon cher ami, ou le plan de ces messieurs est de changer la constitution françoise et de lui substituer le gouvernement démocratique, de tous les gouvernements le plus despotique et le plus arbitraire. Ce n'est pas ainsi que l'on procède quand on n'est animé que de l'amour du bien.

«Je gémis sincèrement sur tout ce qui se passe, et je crains fort que la guerre civile en soit la malheureuse suite.

«Le ministre qui a organisé cet ouvrage n'imaginoit probablement pas qu'il dût produire d'aussi funestes effets. Il en résulte que l'on peut être un excellent calculateur, sans être un homme d'état. Quelle énorme distance de l'un à l'autre ! Je ne veux pas m'étendre davantage: mes réflexions n'aboutiroient à rien : vous vous en moqueriez peut-être. Quoi qu'il en soit, si le génie tutélaire de la France ne se hâte pas de remédier à nos maux ; si, malgré nos vœux et nos supplications, il nous abandonne à l'ivresse qui nous transporte, le parti le plus sage pour moi sera de chercher quelque asile où je puisse pleurer en repos sur le bouleversement d'une patrie qui m'est chère. Mon uniforme m'interdit les moïens de la deffendre ; et d'ailleurs il n'est que trop évident que le tiers menace surtout le bataillon auquel je suis attaché : il l'honore du nom de stipendiaire, et prétend démontrer la nécessité de lui enlever ses possessions, tout en déclarent les propriétés sacrées. Ces sentiments gagnent la province, et les membres du tiers de cette ville¹ s'expliquent sur cet objet, ainsi que sur l'autorité légitime, avec une hardiesse et une violence dont vous n'avez pas l'idée.» [¹ Saintes]

L'abbé Joubert de Douzanville cacheté ses lettres à la cire rouge : le cachet représente un écusson ovale dans un cartouche surmonté de la couronne comtale accostée d'une mitre et d'une crosse comme abbé de Saint-Sauveur ; l'écu est écartelé : au 1er d'azur, au lion de..., aux 2 et 3 d'or à 3 coquilles, au 4me d'azur, à 3 cygnes d'argent, 2 et 1. — Était-ce ce sceau qui faisait taxer l'abbé de Douzanville d'homme fier, etc. ? D'où tirait-il ce nom de Douzanville ?

Il fut le confesseur de Mme Louise de France¹, et il est cité plusieurs fois dans la vie de cette sainte princesse. C'est lui qui ménagea l'alliance (bénite le 22 août 1772 à Saint-Roch) de son filleul et parent Pierre-Raphaël Paillot de Beauregard, avec Mlle Louise-Françoise de Sarps d'Arracq, dont la mère était filleule de Mme Louise de France, et le père Jean-François de Sarps, écuyer, seigneur d'Arracq près de Saint-Sever (Landes). [¹ La cinquième fille de Louis XV et de Marie Leczinska.]

38. Nouvelles ecclésiastiques du 26 novembre 1788.

39. Nouvelles ecclésiastiques du 26 novembre 1788 : «Il n'y a, dit-on, ni Bonze¹, ni Musulman, ni déiste, ni épicurien, qui ne pû le prononcer sans contredire ses principes.» [¹ Moine bouddhiste.]

40. [Note de l'éditeur.  Pierre-Joseph-Pascal était frère cadet de Jean-François du Cheyron du Pavillon, capitaine de vaisseau et auteur du Mémoire sur la tactique et le code de signaux (Brest, Malassis, 1776) ; né à Périgueux le 29 septembre 1730, il fut tué à son bord, le 12 avril 1782, durant la bataille des Saintes aux Antilles.]

41. Claude-Furcy-André Legrix, Journal (1781-1790 ; publié en 1867 ; p. 6).

42. Quand le 13 mai 1788, pour raison de santé, Hardy se démit des fonctions de principal, après 22 ans de service, le bureau d'administration du collège lui accorda une pension exceptionnelle de 800 livres. L'évêque qui présidait tint à constater qu' «il s'agissait non pas seulement de salarier un travail de vingt-deux années, mais d'honorer les vertus les plus pures et de reconnoître cette longue suite de peines et de soins qui, en épuisant la santé du dit sieur Hardy, ont assuré au collège de Saintes la célébrité dont il jouit partout ; que sy le bureau par la manutention la plus sage est parvenu, après avoir réédifié tous les bâtiments du collège, et lui y avoir donné par la grandeur et la noblesse de ces constructions un air aussi imposant que le nom de collège royal qu'il a l'honneur de porter ; que s'il est parvenu, malgré tant de dépenses, à placer un capital de quinze mille livres sur le clergé, il semble qu'il ne peut faire une meilleure applications des fruits de son économie qu'à procurer aux agens de l'instruction une retraite douce et honnête ; que, d'après ces considérations, tous invite le bureau à donner audit sieur Hardy une marque particulière de la satisfaction qu'il a de ses services, et que quelque chose qu'on fasse en sa faveur, on aura à regretter de n'avoir pu mettre une juste portion entre ses travaux et leur récompense.»

43. [Note de l'éditeur.  Jacques de Voragine, La Légende dorée. Compilé vers 1260, ce manuscrit raconte la vie de cent quatre-vingt saints et saintes; son retentissement fut tel qu'en quelques années elle devint, sauf la Bible, l'œuvre la plus copiée, lue, écoutée, racontée et paraphrasée dans les pays de la chrétienté.]

44. Nouvelles ecclésiastiques du 26 novembre 1788 (p. 189).

45. Registre de la correspondance secrète du commissaire du directoire exécutif près l'administration du département de la Charente-Inférieure au ministre de la police générale, dans Louis Audiat, Saint-Pierre de Saintes,... (Saintes, Mortreuil, 1871 ; pp. 86-89).

46. Ainsi les neuf vicaires généraux de La Rochefoucauld en 1790 : Croizier, Delord, Douzanville, du Pavillon, Hardy, Delaage, La Magdeleine, Luchet et Taillet, ont tous souffert la persécution, l'exil ou la mort. L'abbé Taillet, L'Église de Saintes depuis 1789 jusqu'à la fin de 1796, les a indirectement vengés des attaques des Jansénistes en racontant simplement leur conduite dans les temps difficiles : «Quand vint le moment du fatal serment civique, on les consultait pour savoir si ce serment pouvait être proféré. Les uns consultaient pour s'éclairer, quelques-uns peut-être pour tendre des pièges. Les vicaires généraux répondaient à tous : «Ne faites point le serment, il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes.» Ils faisaient circuler les écrits que le prélat leur envoyait de la capitale ; ils répandaient beaucoup d'exemplaires des brefs de Sa Sainteté qui mettaient au grand jour la turpitude de la Constitution civile.

«Quelque-uns avaient-ils prêté cet odieux serment plutôt par imprudence ou par faiblesse que par malice, ils les pressaient de renoncer à leur erreur, et provoquaient des rétractions. Le schisme étant consommé, nouveaux embarras. La loi des tribunaux leur disait que, l'évêque constitutionnel étant installé, ils ne devaient plus faire aucun acte de juridiction ; mais leur conscience leur disait d'en faire, et ils en faisaient, et toujours ils les faisaient contraires à ceux de l'intrus.

«L'intrus avait autorisé un mariage par des dispenses : eux, ils le faisaient réhabiliter comme nul ; et ils accordaient encore des dispenses, et ils conféraient encore des pouvoirs, et ils distribuaient des saintes huiles légitiment consacrées, et ils donnaient des dimissoires, pour faire ordonner par des évêques légitimes les sujets restés fidèles à l'autorité. Dieu leur a fait la grâce de ne point trahir le dépôt qui leur était confié ; de sorte que les schismatiques n'ont pu tromper, ordinairement parlant, que ceux qui consentaient à être trompés.

«Ainsi ont agi les vicaires généraux jusqu'au décret de déportation du 26 août 1792 ; ainsi ont-ils agi, en dépit des clubs qui cherchaient à les intimider, en dépit de l'accusateur public auquel on les dénonçait, en dépit des menaces qui étaient continuelles, et qui furent poussées à un tel point que l'un d'entre eux fut obligé de changer de domicile et de se cacher durant 6 mois dans une maison, d'où il ne sortait pas. Le même fut obligé de prévenir le décret de déportation. Le 18 août, la municipalité vint mettre le scellé sur ses papiers, et les visita ; elle se saisit de quelques brochures et de quelques lettres anti-révolutionnaires, et aussitôt lui fit dire de se rendre en prison ; il jugea que le poste n'était plus tenable : il se déguisa en laïc, s'évada nuitamment de la ville, et après avoir erré plusieurs jours dans diverses maisons de campagne, il gagna la côte, et s'embarqua à Royan le 2 septembre pour l'Espagne.

«Des neuf grands vicaires, sept ont été en exil : deux sont restés en France : ces deux ont beaucoup souffert pour le nom de Jésus-Christ. L'un (M. Hardy, ex-principal) a été enfermé deux fois ; mais durant ces deux détentions longues et dures, surtout pour un vieillard, il a conservé cette égalité d'âme et même cette gaieté que la religion seule peut donner ; l'autre (M. du Pavillon) a été plus d'un an sur un vaisseau où régnaient les maladies et la mort, et, après avoir vu périr un très grand nombre de ses compagnons, il est sorti, dévoré de misère et de scorbut, et profita de son élargissement pour se rendre encore utile.

«Des sept autres, trois sont morts en exil ; savoir : M. Joubert à Bilbao, M. Delaage, doyen du chapitre, à Lugo. Ce vieillard respectable, dans un âge où les privations sont plus sensibles, surtout après une longue et grande aisance, a supporté jusqu'à la fin, avec une fermeté évangélique, ce que son changement d'état avait de rigoureux. Le 3e (M. de La Magdeleine) embarqué en Angleterre avec monseigneur l'évêque de Dol, avec l'intention de passer dans la Saintonge, sa patrie, et d'y travailler au salut des âmes, a partagé la gloire et le sort de ce prélat martyr ; il a été fusillé à Quiberon.»


Trois photographies du château de Crazannes, la maison de campagne de
Pierre-Louis de La Rochefoucauld de 1782 à 1788 ; de gauche à droite,
le façade nord, la chapelle romane du 11è siècle et le façade sud.

Photographie du château de Crazannes (façade nord) ; permission de Sylvain Fougerit, webmaster du site www.crazannes.com    Photographie du château de Crazannes (chapelle romane du XIè siècle) ; permission de Sylvain Fougerit, webmaster du site www.crazannes.com    Photographie du château de Crazannes (façade nord) ; permission de Sylvain Fougerit, webmaster du site www.crazannes.com



«Deux victimes des Septembriseurs» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 8

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]