«DEUX VICTIMES DES SEPTEMBRISEURS [LES BIENHEUREUX FRÈRES LA ROCHEFOUCAULD]» DE
LOUIS AUDIAT ; CHAPITRE 21
CHAPITRE 21. — Entrée solennelle de Robinet. — Scellés à l'évêché. — Réception officielle. — Accueil à
La Rochelle. — Vicaires généraux. — Il supprime quatre paroisses à Saintes à la demande du département. — Son ordonnance. — Arrêté relatif aux chantres et aux officiers de chœur. — La psallette. — Notes de bas de page.
La cérémonie faite, Robinet s'en fut à Saintes. Daniel Massiou, qui ne connaît pas sa
consécration, et qui lui fait quitter définitivement le 31 mars, son humble presbytère de Saint-Savinien pour venir prendre possession de son palais épiscopal, s'écrie tout ravi
(1) : «Ce dut être, il faut l'avouer, un sujet de grand scandale, parmi les ci-devant privilégiés de l'Église, que de voir un simple curé de village, sans naissance et sans fortune, s'élever du dernier degré de l'échelle sacerdotale au siège épiscopal qu'avaient illustré les grands noms des Rochechouart de Mortemart, des Soderini, des
Bassompierre, des La Chataigneraye, des La Rochefoucauld, et sur lequel s'était assis un prince de la maison de Bourbon. L'humble condition où les électeurs du département allèrent chercher un évêque semble au moins
prouver en faveur du nouveau prélat ; et l'on doit supposer qu'il rachetait par ses vertus évangéliques, autant que par son dévouement aux institutions du pays, ce que le sort lui avait refusé du côté du rang et de la fortune.»
La supposition de l'historien est peu flatteuse pour son personnage. Du reste, il nous semble que Robinet n'était pas le seul évêque de Saintes qui se fût «élevé du dernier degré de l'échelle sacerdotale au siège épiscopal». Tristan de Bizet, qui succéda au cardinal de Bourbon en 1550, était un pauvre moine de Clairvaux ; et Raymond Péraud, l'avant-dernier prédécesseur des deux Soderini, était fils d'un artisan de Surgères. De plus, la délibération par laquelle l'assemblée générale du clergé de France, où se trouvaient seize archevêques ou évêques, aussi compétente pour le choix d'un évêque que 212 électeurs catholiques ou protestants
pris dans les diverses paroisses de la Saintonge, présentait Pierre-Louis de La Rochefoucauld au roi pour un évêché, ne fait pas trop mauvaise près du scrutin où Robinet fut ballotté. Et si l'on va jusqu'au bout, la fin «d'un prélat de cour», massacré pour ne point apostasier sa foi, vaut bien celle de «l'évêque du peuple» mourant un jour dans une vigne à la suite de ses
vendangeurs (2).
Le 28 mars, le directoire du district invite la municipalité à faire préparer un logement convenable dans le palais épiscopal à Robinet qui doit arriver sous trois jours, à apposer les scellés au séminaire et à l'évêché, enfin «les pâques étant ouvertes depuis quelques jours, à prendre les plus grandes précautions pour faire observer le bon ordre dans toute la ville» : car «il
pourroit y avoir quelques rumeurs à l'arrivée de M. l'évêque» (3).
La municipalité docile s'exécute. Elle veillera à ce que la communion pascale ne cause aucune émeute ; à ce que les fidèles, après ce devoir accompli, ne
cherchent à renverser ni le district, ni la municipalité, ni la royauté. Pour les scellés on envoie Gout et Boisnard au séminaire et à l'évêché (4).
Les scellés apposés sur les papiers, on mit dehors les meubles de Mgr de La Rochefoucauld. La place est vide. Robinet peut entrer. Le conseil municipal associant son amour du roi au zèle pour son nouveau pasteur, ordonne, le 31 mars 1791, sur la demande du directoire du département, que d'abord le corps ira attendre
Mgr Robinet au pont, selon l'usage, et le conduira au palais épiscopal ; ensuite que «la convalescence de Louis XVI, notre roy le bien-aimé, le régénérateur de l'empire français, ayant mis la
joie dans tous les cœurs des citoyens», il sera chanté un Te Deum, le dimanche suivant. Le soir du 31 mars, pour fêter l'entrée de Robinet, tous les habitants de la ville et surtout les maisons religieuses devront «illuminer depuis huit heures jusqu'à onze heures, sans pouvoir s'en dispenser sous quelque prétexte que ce puisse être, se réservant la
municipalité, en cas de contravention à la présente ordonnance, de faire punir ceux qui y deviendraient contraires par les voies que sa prudence lui suggérera.» Voilà de l'allégresse tout spontanée !
Dès neuf heures du matin, sur la route de Saint-Jean d'Angély, s'échelonnaient deux bataillons de la garde nationale de Saintes en grande tenue. La
gendarmerie et la troupe à cheval s'étaient avancées jusqu'à une demi-lieue de Saintes. Après trois heures d'attente, l'évêque parut ; il descendit de voiture. Savary, membre de la Société des Amis de la Constitution, le harangua à la tête d'une députation. Puis, au milieu des grenadiers, précédé des tambours et de la musique, il arriva à la barrière de la ville. Il y fut reçu par la municipalité, au bruit des cloches et de l'artillerie, aux acclamations de la foule, et se rendit au palais épiscopal entre deux haies de soldats, salué par les citoyens qui garnissaient les fenêtres. On n'alla pas l'église. Cette visite était réservée pour un autre jour. Le reste de la journée fut occupé par les réceptions des corps constitués. Le soir, la
ville s'illumina, on sait avec quel élan et quelle bonne volonté. Ainsi se termina l'intronisation du nouveau pontife.
Massiou remarque que «les élus du peuple ne dédaignaient pas non plus cette pompe officielle que le journaliste reprochait aux créatures du pouvoir absolu».
Le 8 avril, Robinet se rendit à l'hôtel de ville ; il exhiba ses papiers, c'est-à-dire le procès-verbal de son élection et l'acte
notarié de sa consécration. Les bulles du pape manquaient dans le nombre. Nul ne songea à les exiger. Il demanda à être installé et à prêter serment, le dimanche suivant.
Et advenant le 10 avril à dix heures du matin, «tous les corps civils, militaires, judiciaires, se réunirent à l'église de Saint-Pierre pour assister à la prise de possession de Robinet.»
Quand tous furent placés, «M. Robinet en ses habits pontificaux est entré par la principale porte du chœur, accompagné de son clergé, pour y célébrer la sainte messe avec les cérémonies usitées ; après laquelle le conseil général de la commune s'est avancé à l'hôtel —
[lire autel] — et placé en ordre, M. Boisnard, procureur de la commune, a requis qu'il fût donné lecture du procès-verbal de réquisition d'institution canonique et conformation de l'élection de mon dit sieur Robinet, de même que celui de sa consécration (5)...»
Robinet jura donc, en présence des officiers municipaux, du peuple et du clergé, de veiller avec soin sur les
fidèles du diocèse qui lui est confié, d'être fidèle à la nation, à la loi et au roi et de maintenir de tout son pouvoir la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale, acceptée par le roi. Le serment prêté, Gout lui dit : «Nous vous invitons, monsieur, à venir occuper la place que vos vertus et votre patriotisme vous ont méritée.» Aussitôt il l'accompagne à la place désignée par la municipalité ; et Gout ajoute : «Au nom de la loi, dont nous somme ici l'organe, nous installons et mettons en possession du siège épiscopal du département de la Charente-Inférieure, M. Jean-Étienne Robinet, élu et proclamé évêque par M. le président de l'assemblée électorale, le premier du mois de mars dernier (6).»
Il serait intéressant d'avoir le discours de l'intronisé et la harangue de l'intronisant. Le scribe du collège municipal, malgré la
décision prise, oublia de les transcrire. Nous ne pourrons même combler cette lacune par la lettre que la Société des Amis de la Constitution, enflammée d'un beau zèle pour la religion et son nouveau ministre, adressa à la municipalité.
Robinet avait juré d'être fidèle à la nation ; la nation lui devait la pareille. Le conseil général de la commune ne se le fit pas dire deux fois. Au reçu de la missive de la Société, séance tenante, il jura le 4 juin 1791, «de reconnaître M. Isaac-Étienne Robinet pour seul légitime évêque du département de la Charente-Inférieure... et d'accepter, comme par le passé, toutes les charges, contributions patriotiques,» y compris le droit de patente (7).
Robinet, un peu plus tard, visita en tournée pastorale La Rochelle, ce chef-lieu d'un évêché supprimé, et deuxième capitale du département de la Charente-Inférieure en attendant qu'elle devînt la première. La municipalité envoya, le vendredi 19 août 1791, jusque aux Trois-Canons, à moitié chemin de Rochefort, Perry, officier municipal, et Morin, procureur de la commune, avec un
carrosse à six chevaux. Il arriva en ville à onze heures du matin, précédé de la cavalerie Rochelaise, de la garde nationale et suivie de celle d'Aytré. La garde nationale-infanterie était sous les armes ; et la troupe de ligne sous l'autorité du général M. de Verteuil, «aussi bon patriote que les Rochambeau et les Luckner,» formait double
haie depuis la porte Saint-Nicolas, jusqu'à la maison de M. Dezilles, hôtel Garesché, dans la rue Porte-Neuve, où il devait loger. Il entra à pied, escorté de deux
municipaux, au bruit de douze coups de canons et les cloches sonnant à la volée. Il reçut la visite du général et de quelques officiers attachés à la place. Une députation de la Société des Amis de la Constitution, ayant à sa tête M. Labadie, chevalier de Saint-Louis,
ancien capitaine d'artillerie, vint le complimenter, ainsi que le district et le tribunal. L'Académie de La Rochelle lui fit un beau discours, dont nous extrayons ce passage :
«La religion, si pure dans sa naissance, était défigurée par plusieurs siècles de barbarie et par des abus multiples qui la rendaient méconnaissable. Ces abus, cet
attirail gothique ont été renversés, malgré la résistance que l'orgueil et la cupidité opposaient aux représentants de la nation Française. Alors la tourbe innombrable qui s'en repaissait, de nouveau
a fait retentir l'Europe de ses gémissements...
«Vain efforts ! rage impuissante ! L'éloquence et la philosophie avaient préparé elles-mêmes le triomphe de la religion. Ces divinités bienfaisantes de l'humanité ont juré sur l'autel de la patrie une alliance éternelle, et le premier fruit de cet accord céleste a été la déclaration des droits de l'homme...
«La dignité éminente de l'épiscopat, trop longtemps prostituée au hasard de la naissance ou à l'intrigue, a été rendue au choix libre des délégués du peuple et sera désormais le prix de la vertu, la récompense des longs travaux apostoliques.
«Courage, pontife vénérable ! achevez avec fermeté la noble, la sainte mission que vous avez acceptée avec tant de modestie et de résignation ; rassurez par votre présence ce bon peuple qui vous est confié...»
Le soir, il y eut illumination. Le lendemain, le maire Daniel Garesché «traita magnifiquement l'évêque constitutionnel, et lui donna pour convives d'excellents patriotes.» Les Affiches de La Rochelle, du 26 août, qui publient ces détails, ajoutent:
«En général le peuple Rochelais a reçu avec respect son nouveau pasteur ; il a paru touché de son air vénérable et de ses mœurs simples. Un seul domestique composait toute la suite de M. l'évêque et
des deux vicaires généraux. On n'a pas manqué de rapprocher ce cortège de
celui de nos ci-devant mitrés par la grâce du Saint-Siège apostolique, cortège insolent qui se mêlait jusque dans le sanctuaire au milieu des cérémonies les plus augustes de la religion.»
Avant son départ Robinet donna la confirmation dans l'église Notre-Dame. Les chroniqueurs du temps ne parlent plus des guêtres de laine ; mais en revanche ils n'oublient pas le
carrosse à six chevaux. La réception n'eut rien à envier à celle qu'on avait faite, il y avait peu de temps, à Mgr de Coucy (8).
Le premier acte de Robinet à Saintes, fut de reprendre son nom d'Isaac que lui avait imposé son frère sur les fonts
baptismaux. Il avait trouvé sans doute que ce vocable hébraïque jurait un peu avec sa nouvelle dignité d'évêque catholique ; et, n'en sachant plus que faire, il l'avait remplacé par celui de Jean. C'est ainsi qu'il s'appelle dans son acte de prise de possession, dans son procès-verbal de consécration ; et il signe J.-E. ROBINET sur sa prestation de serment et installation. Le Moniteur ne l'enregistre que sous le nom de Jean. Mais c'était irrégulier. Désormais il ne s'appellera plus que Isaac-Étienne.
Ensuite, il se choisit des vicaires. L'article IX du décret du 12 juillet 1790 lui en accordait douze, qui, avec un vicaire supérieur et trois vicaires directeurs chargés du
séminaire, devaient former son conseil permanent (9). Sinécures et superfétation. Un conseil ! à quoi bon ? c'était le suffrage universel qui nommait les curés ; c'était le district ou le département qui administrait et réglait tout, même la psallette. Un ou deux vicaires auraient suffi pour les sacrements ; personne n'allait aux jureurs, et les fonctionnaires publics qui exaltaient les assermentés, qui assistaient même à leurs cérémonies officiellement, ne s'étouffaient pas à leurs confessionnaux. L'évêque faisait les offices curiaux ; et son premier acte comme curé de Saint-Pierre, fut un enterrement, où il signe : X j. e. Robinet, évêque du département de Charente-Inférieure. Des directeurs de séminaire ! «Son
séminaire était un lieu de scandale et de licence où les jeunes gens réunis, sans frein, sans règle, sans étude, fréquentaient les cafés bien plus que les offices, adoptaient des manières et un langage qu'on n'eût point pardonnés à des dragons. Ils étaient bien sûrs d'arriver aux ordres par le chemin même qui aurait dû les en écarter pour toujours et par des désordres que les hommes les plus corrompus n'ont jamais entrepris d'excuser.» Mais c'était la loi, et Robinet, docile, ne pouvait qu'obéir en cette circonstance surtout où il pouvait satisfaire quelque ambition et être agréable à certaines recommandations. Ses choix lui furent pour ainsi dire imposés. Il ne pouvait prendre pour collaborateurs que ceux qui avaient juré, et qui par leur
conduite avaient déjà donné des gages à la Révolution. Son premier vicaire, avec un traitement de 3000 livres, fut Henri-Benjamin Chassériau du
Chiron (9 avril), prêtre du diocèse de La Rochelle, nommé curé de la paroisse de Saint-Michel de Saintes au mois de septembre 1788 par le doyen du chapitre, sur la résignation de Jean-Baptiste-Antoine Deaubonneau (10), puis Joseph Martineau, vicaire de Saint-Eutrope (10 avril), Jean-Baptiste Gounin, curé de Crazannes, son ancien voisin ; Bigot (11) était vicaire directeur (11 avril). Puis vinrent Fournier (12), ancien bénéficier (17 mai) ; René-Alexis Gastumeau, chanoine de La Rochelle, 2è vicaire épiscopal (19 avril) avec 2400 livres de traitement ; Jean-Claude Delataste (22 avril), qui avait été son vicaire à Saint-Savinien,
devint son neveu en épousant Sophie Chédaneau (13), et mourut receveur de l'enregistrement à Surgères ; Alexandre Huon, curé de Juicq. Pierre Dalidet était vicaire-supérieur du
séminaire, après avoir été quelques mois principal du collège (14). Citons encore Nicolas Chaudon, vicaire de Dolus (1760-1772), curé de Fouilloux et de Revignac son annexe en 1772 (15) ; Martin, ancien religieux ; Arnoult, Bousseron, vicaire directeur ; Rempnoux, etc. Les simples vicaires épiscopaux avaient 2000 livres ; les trois vicaires directeurs du séminaire 800, et le supérieur 1100.
L'abbé Taillet ecrit, L'Église de Saintes depuis 1789 jusqu'à la fin de 1796
: «Je n'ai pas le dessein et je n'aurois pas le courage de faire l'histoire entière de ce honteux conseil ; je ne veux pas même en nommer tous les membres, je me contenterai de citer les plus méprisables et les plus méchants.» C'est d'abord Chassériau qui a été dépeint (16) et Forget, jeune professeur au collège de Saintes (17).
En second lieu, Jean-Baptiste Gounin de La Coste, Angoumoisin, curé de Crazannes en 1785. Il jura, fut intrus de Saint-Vivien de Pons, et employé à la
salpétrière de cette ville. «Il étoit curé dans le lieu même où étoit la maison de campagne de monseigneur de La Rochefoucauld, qui chaque jour l'admettoit à sa table, et le combloit de bontés, et il a été l'un des premiers à aller s'emparer de son palais épiscopal d'un air insultant et comme par droit de conquête, joignant ainsi la plus noire ingratitude au
parjure et au schisme. Des aventures antérieures à la Révolution, mais qui n'ont été connues que depuis, ont prouvé que cet indigne pasteur, outre l'ingratitude, avoir le cœur gâté par bien d'autres vices.»
Puis «Huon, qui sur soixante ans de sa vie en a passé trente à maudire son sort, furieux contre le légitime évêque qui ne lui avoit point donné un bénéfice digne de son mérite, furieux contre le chapitre qui ne l'avoit point fait chanoine, furieux contre tout l'univers, qui ne l'apprécioit point ce qu'il valoit. Il a cru devenir un personnage par la Révolution ; il a juré et pour se signaler il a adopté une fort singulière formule de serment ; il a déclaré qu'il juroit comme citoyen, comme prêtre, comme curé, c'est-à-dire, qu'il a voulu mettre en évidence qu'il étoit un mauvais citoyen, un prêtre sans principes, et un pasteur indigne. On trouveroit difficilement un homme d'une imagination plus allumée et d'une âme plus tristement inquiète.»
Puis «Dalidet, ex-récollet, apostat. Dès qu'un décret licentieux eut ouvert la porte des cloîtres, il en sortit avec une impudente précipitation et abjura ses vœux. Dès que le serment civique fut proposé, sans en être requis, il se hâta de le prêter et le fit avec une audace froide qui désigne une conscience impie et gangrenée, et pour prix de ce double parjure, il fut mis à la tête du collège, quoique son ignorance fût stupide, et bientôt à la tête du séminaire, quoique sans mœurs. Ensuite admis à la confiance intime du sieur Robinet, il a fait sous son nom tout le mal qu'il a pu faire. Enfin, quand il a fallu faire le dernier pas et remettre ses lettres d'ordre, il les a remises ; et par un
parjure plus coupable que les deux autres, il a abjuré son sacerdoce et après
quarante ans de religion et de prêtrise, il a pris femme...»
«Enfin, le sieur Gastumeau, chanoine de la Rochelle. Il a accepté ou plutôt brigué la place de vicaire de cathédralle non par besoin, mais pour pouvoir faire plus de mal, et pour déclarer une guerre ouverte à la
vertu. On ne sçait ce qu'il respiroit le plus, ou la cruauté, ou le vice. Il étoit du nombre de ceux que saint Pierre a si énergiquement peints dans sa seconde épître : Oculos
habentes, plenos adulterii et incessabilis delicti, et n'a eu qu'un seul chagrin dans la Révolution, celui de n'avoir pas massacré lui-même quelque prêtre et de n'avoir pas lavé ses mains dans son sang. On seroit surpris qu'un homme de cette trempe n'eût pas poussé l'impiété jusqu'où elle pouvoit aller en remettant ses lettres de prêtrise. Sous l'habit sacerdotal, il étoit couvert d'infamie ; sous l'habit laïc, il ne l'est pas moins. Il s'est marié à soixante ans avec une jeune ouvrière, qui trois mois après, soit dégoût, soit remords, l'a abandonné ; et aujourd'hui conspué par les intrus mêmes, conspué par les plus libertins, on le montre au doigt comme un vieux prêtre impur, apostat et immoral, et l'excès de sa dépravation n'a pas peu servir à décréditer l'Église
constitutionnelle et ses suppôts.» (18)
Avec de tels conseillers et un tel entourage, que pouvait faire ce malheureux évêque ? Il n'était point méchant et avant son élévation à l'épiscopat, il jouissait dans son importante paroisse d'une
certaine réputation d'honnêteté et de bonté ! «On l'accusoit cependant, c'est un ecclésiastique qui parle, d'être très relâché dans ses principes et d'étendre outre
mesure les bornes de la juridiction, sans respect pour la réserve des cas. Ses amis s'étonnèrent qu'il eût accepté une place qui le rendoit doublement odieux et parce qu'il devenoit usurpateur et parce que celui qu'il dépouilloit passoit pour avoir quelque droit à sa reconnaissance. On croit
assez généralement qu'il eût refusé, s'il n'eût été subjugué par des
parents pauvres et avides, qui voyoient dans cette dignité une élévation qui les flattoit et une augmentation de fortune qu'ils comptoient bien partager. En voyant les
choix qui ont été faits dans la plupart des autres départements, on est tenté de se féliciter d'avoir eu un intrus de cette trempe, d'un caractère faible et mou, incapable de se plaire dans le trouble et porté à respecter la tranquillité d'autrui par respect pour la sienne. Il est à
présumer que, s'il n'eût pas été livré à des impressions étrangères, il eût fait très peu de mal ; que
peut-être même, il se fût opposé au mal ; mais s'il ne s'y est pas porté par volonté et par goût, il s'y est laissé entraîner par faiblesse ; et d'ailleurs, n'eût-il fait que le mal
inséparable de sa place, n'eût-il fait que se prêter au schisme, les catholiques auroient droit de s'élever contre lui, et l'Église auroit droit de le flétrir.»
D'abord, il fallait des prêtres au nouvel évêque et au nouveau diocèse. Robinet
ordonnait contre toutes les lois antiques de l'Église qui ont fixé le temps des ordinations, l'âge des ordinands et les intervalles qu'ils doivent
garder. Il fit prêtre des moins apostats, des vagabonds, des ignorants, des libertins et tous ceux que le légitime évêque
avait refusé d'ordonner, et tout ce qu'il pouvait ramasser de plus déshonoré, de plus immonde pour en faire l'ornement et l'appui de son nouveau sanctuaire, qui se trouva rempli de toute espèce de gens, à qui l'on
conférait en même temps tous les ordres. Tel s'éveillait laïque qui, après quelques heures, se trouvait sous-diacre, diacre et prêtre. Ainsi se comblaient les vides.
Un autre moyen était de diminuer le nombre des paroisses. Du premier coup, il interdit les
quatre églises paroissiales de Saintes, Saint-Pierre, Saint-Maur, Sainte-Colombe et Saint-Michel. C'était la loi : une paroisse pour six mille âmes ; s'il y a plus de six mille âmes, on aura autant de paroisses que les besoins du peuple le demanderont. Il faut pourtant rendre à l'évêque cette justice : il ne fit qu'obéir en cette occasion.
Le 15 avril 1791, le procureur général syndic disait au directoire du département :
«Messieurs, M. l'évêque a été installé dimanche dernier ; ce prélat, plein de zèle pour l'exercice des fonctions
importantes dont ses concitoyens l'ont honoré, a déjà composé en grande partie son conseil ; le service dans l'église cathédrale est dans le cas d'être fait avec exactitude et solennité. La loi du 24 août
veut, article 15, que, dans les villes qui ne composent pas de plus de six milles âmes, il n'y ait qu'une seule paroisse, et que les autres soient supprimées et réunies à l'église
principale. Notre population, dans l'intérieur de la ville, n'excédant pas ce nombre, nous sommes donc dans le cas de faire fermer les quatre églises de
Saint-Michel, Saint-Maur, Saint-Pierre et Sainte-Colombe, pour les réunir à la cathédrale qui sera l'église paroissiale de toute la ville ; et il est d'autant plus instant de faire
provisoirement exécuter cette disposition de la loi que trois des ci-devant curés de ces
quatre paroisses ont ouvertement manifesté des principes qu'il serait dangereux de leur laisser plus longtemps propager.
«Quant aux curés des trois paroisses des faubourgs, comme elles ont le bonheur d'avoir pour pasteurs des
ecclésiastiques amis de la loi et de leurs devoirs, et que d'ailleurs nous ne sommes pas bien fixés sur l'utilité de leur suppression ou de leur conservation, je requiers que, de concert avec M. l'évêque et MM. du district, qui, sur notre invitation, ont bien voulu se rendre au département pour se concerter avec nous, nous commencions par statuer pour le moment que les quatre curés de la ville demeureront supprimés provisoirement, en
prenant à cet égard les mesures convenables pour que cette exécution de la loi se fasse avec décence et tranquillité, et qu'il soit renvoyé à un autre jour, sur le parti à
prendre relativement aux curés des faubourgs.
«GARNIER.»
Et aussitôt, le département prit un arrêté conforme à ces conclusions (19).
Ainsi étaient punis par la fermeture de leurs églises les habitants dont les pasteurs n'avaient pas juré. Les fidèles de Saint-Eutrope, de Saint-Pallais et de Saint-Vivien, heureux d'avoir des prêtres assermentés, conservaient leurs paroisses et leurs curés.
Robinet publia en conséquence l'ordonnance qui suit :
«Nous, Isaac-Étienne Robinet, par la miséricorde divine et dans la communion du Saint-Siège apostolique
constitutionnellement élu évêque du département de la Charente-Inférieure.
«Vu le réquisitoire de M. le procureur général syndic, et l'ordonnance de MM. les administrateurs du directoire du département ci-dessus, pour nous conformer aux dispositions de la loi du 24 août dernier, déclarons que les églises de Saint-Pierre, Saint-Michel, Saint-Maur et Sainte-Colombe dénommées, sont réunies à notre église cathédrale paroissiale, et
demeureront de ce moment interdits ; et qu'en conséquence elles seront fermées par qui il appartiendra pour n'y être plus fait aucun service paroissial ; et commettons, pour faire la visite des tabernacles et vases sacrés des dites églises, la personne de M. Dalidet, principal du collège, que nous chargeons de transporter avec décence et piété dans la sacristie de la dite cathédrale, pour y demeurer en dépôt jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'administration.
«Donné à Saintes, de l'avis de notre conseil, le quinzième avril mil sept cent quatre-vingt onze.
«ROBINET, évêque du département de la Charente-Inférieure. CHASSÉRIAU, premier vicaire. MARTINEAU, vicaire. GOUNIN, vicaire. BIGOT, vicaire directeur. Par monseigneur. ARNOUT, secrétaire.»
On s'exécuta. Le directoire du district avait décidé que ces églises seraient fermées à clef, que les vases sacrés seraient portés en dépôt chez Dalidet, principal du collège.
Canolle et Gout, officiers municipaux désignés, vont à Sainte-Colombe. Guillebot, le curé, remet calice, soleil, ciboire et croix d'argent. Dalidet, revêtu des habits sacerdotaux, prend à l'autel le ciboire et «l'emporte avec les espèces». Même opération aux autres églises. Le tout fut remis à la sacristie de la cathédrale.
La délimitation de la paroisse centrale et des trois paroisses suburbaines fut alors réglée telle à peu près qu'elle est maintenant (20).
Du reste, en fermant les églises, on n'en voulait pas au culte, provisoirement ; ainsi, le 3 janvier 1792, le prélat en grande pompe alla bénir processionnellement un nouveau cimetière dans le jardin du prieuré de Saint-Vivien, sur la réquisition de la municipalité — toujours l'autorité civile commande et l'évêque obéit — et interdit les autres cimetières de la ville et de Saint-Vivien (21) ; on cherchait même à augmenter l'éclat des cérémonies. Le directoire du district n'avait rien plus à cœur que la magnificence des cérémonies. «Considérant, disait-il, le 29 juillet 1791, à propos du tableau des musiciens nécessaires au service de la cathédrale, que l'évêque avait présenté au département et qui avait été communiqué au district, le 28 avril, considérant que, quoique la religion chrétienne soit tout intérieure et toute spirituelle, les chrétiens sont des hommes
qui ressentent, comme les autres, les impressions des sens et de l'imagination ; que la majeure partie, incapable de s'appliquer aux opérations purement intellectuelles, a besoin que la piété soit aidée par les choses sensibles ; que si, par cette conséquence, les yeux doivent être frappés par la grandeur et la netteté des objets extérieurs et propres à orner le temple du Seigneur, la musique est également essentielle, puisque la douceur et l'agrément de ses accents dégagent pour ainsi dire l'âme de la matière, l'élèvent et l'environnent de sentiments divins ;
«Considérant que ces dispositions ne nous éloigneront point de la simplicité des premiers chrétiens : car ceux-ci, simples seulement dans leurs mœurs, avaient des temples magnifiquement ornés et un clergé nombreux et bien
réglé, parce qu'ils savaient que l'ordre et la grandeur des objets extérieurs soutient la noblesse et la pureté dans les pensées ; que celles-ci dirigent les affections, et que l'âme s'applique difficilement aux bonnes choses tandis que le corps souffre, et que l'imagination est blessé ; qu'enfin la piété était assez importante pour l'aider en toutes manières ;
«Considérant que l'Assemblée nationale a consacré l'exercice de la religion catholique, et l'a regardé comme le premier objet des devoirs du peuple français, en décrétant que la dépense nécessaire à ce culte serait la première des charges de l'État ; que l'économie nationale ne peut point être rigoureusement observée à ce sujet, et se porter sur la pompe indispensable au service divin ;
«Considérant que l'église paroissiale de Saintes est la première du département, et celle où le premier des fonctionnaires publics ecclésiastiques exerce le ministère sacerdotal avec un clergé nombreux ;
«Considérant qu'indépendamment des motifs ci-dessus établis, il est important de convaincre les ennemis de la Constitution
que cette constitution n'a porté aucune atteinte à notre respect pour la religion, et à notre attachement aux cérémonies qui en soutiennent la majesté et la grandeur...», il fut «d'avis qu'il y avait lieu d'adopter la proposition de M. l'évêque et son conseil, et d'attribuer en conséquence à l'église paroissiale de Saintes une
belle musique et un nombre de serviteurs proportionné à son importance», c'est-à-dire quinze personnes, y compris le fossoyeur, le bedeau, le sonneur, l'organiste, un chef d'orchestre et deux
serpentists à 700 livres chacun (22).
Le département fut encore plus généreux. En approuvant le tableau, le 13 août suivant, il ajoutait deux enfants de chœur. Le district ne négligeait rien. Les enfants de chœur devaient être habillés tous les deux ans. Pour leur vêtement, on s'en rapportait à l'usage. Du reste, selon lui, il fallait nommer à ces nouveau emplois ceux qui les remplissaient sous l'ancien régime. «Leur
conduite et leur zèle à exercer leurs fonctions, depuis que l'église est ouverte à l'évêque constitutionnel, exigeait cette préférence.» Heureux clergeons !
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[Notes de bas de page.]1. Daniel Massiou, Histoire politique, civile et religieuse de la Saintonge et de l'Aunis (Saintes, Charier, 1846 ; tome VI, p. 112).
2. C'est la version de l'abbé Briand, Histoire de l'Église santone et aunisienne depuis son origine jusqu'à nos jours (La Rochelle, Boutut, 1843). Voici l'acte officiel du décès :
«Aujourd'hui vingt-trois fructidor, l'an cinq de la république française [9 septembre 1797], une et indivisible, étant dans la maison commune, sur les huit heures du matin, par devant moi Pierre Meneau, officier public de la commune de Torxé, canton de Tonnay Boutonne, département de la Charente-Inférieure, est comparu Louis Susane, propriétaire, âgé de cinquante-deux ans, lequel, accompagné de Pierre Bernard, propriétaire, âgé de vingt-six ans et de Jacques Longuet, cultivateur, âgé de trente-un ans, demeurant les uns et les autres dans cette commune, section de Chez-les-Benets, m'a déclare que Izaac-Étienne Robinet, ex-évêque de Saintes, est décédé dans sa maison de Péray, le jour d'hier sur les six heures du soir, âgé de soixante-six ans, fils de feu M. Robinet et de Marguerite Picot.
«D'après cette déclaration certifiée sincère et véritable par les témoins, je me suis transporté dans la maison de Péray où je me suis assuré de son décès, et j'ai rédigé le présent acte que j'ai signé avec le déclarant et Pierre Bernard, Longuet ne sachant signer. A la maison commune de Torxé, les jour, mois et an susdits.
«SUZANE. BERNARD. PIERRE MENEAU, officier public.»
3. Le directoire assemblé, un membre a dit :
«MM. nous avons appris que M. Robinet, évêque de ce département, a été sacré le dimanche vingt du présent mois et
qu'il doit se rendre vers la fin de cette semaine ; dans ces circonstances, je pense qu'il devient instant que les scellés soient apposés sur les effets et portes du secrétariat de l'évêché, sauf sur le registre courant et journalier qui devra être laissé ès mains du secrétaire afin de ne pas interrompre dans cette partie le service public ; il n'est pas moins instant encore d'aviser aux moyens de faire vider une partie des appartements de l'évêché, dont les meubles appartiennent à M. de La Rochefoucauld, afin que M. Robinet puisse s'y loger à son arrivée, et ne soit pas dans le cas d'avoir recours à une maison étrangère. Au surplus, messieurs, je ne vous dissimulerai pas que la conduite que tiennent dans ce moment les ecclésiastiques de cette ville réfractaires à la loi, inquiète les bons citoyens ; il court des bruits que les discours séditieux qu'ils se permettent chaque jour et surtout l'affectation qu'ils ont eue de devancer les pâques, ont eu l'effet qu'ils ont pu s'en promettre ; qu'ils sont parvenus à soulever quelques citoyens contre la Constitution ; et qu'enfin il pourroit y avoir quelque rumeur lors de l'arrivée de M. l'évêque. Je pense donc, messieurs, que nous devrions écrire à la municipalité de cette ville pour l'inviter : 1° à apposer les scellés au secrétariat de l'évêché ; 2° à faire préparer les appartements de cette maison de manière que l'évêque puisse y loger à son arrivée ; 3° pour qu'elle prenne toutes les précautions que sa prudence et sa sagesse lui suggéreront pour le maintien de la paix, de l'union et de la concorde, soit en faisant doubler les patrouilles, soit en prévenant les troupes armées de se tenir toujours prêtes à la première réquisition. Je demande, messieurs, que nous délibérions de suite sur ma proposition.»
«Sur quoi délibéré, et ouï le procureur sindic, le directoire, adoptant la proposition ci-dessus, a arrêté qu'il serait écrit sur le champ à la municipalité de cette ville et qu'elle serait invitée de s'y conformer en tous points.
«DUBOIS. ESCHASSERIAUX. ARDOUIN. DUGUET. GODET, secrétaire.»
4. Archives municipales de Saintes (registre des délibérations du conseil municipal, 1791, II, 30) :
PROCÈS-VERBAL DE L'APPOSITION DES SCELLES À L'ÉVÊCHÉ.
«De suite, nous Claude-Antoine Gout, premier officier municipal, et Étienne Boisnard, procureur de la commune, commissaires nommés par la délibération ci-dessus, nous sommes transportés au palais épiscopal de cette ville aux
fins d'apposer sur le secrétariat et sur le trésor contenant les archives du dit évêché les scellés ; et y étant parvenus, nous avons trouvé dans le secrétariat, M. l'abbé Rollet, auquel nous avons annoncé le sujet de notre mission ; à quoi déférant, nous avons de suite fait apposer les scellés sur trois armoires du bureau, après en avoir reçu de M. l'abbé Rollet la clef. La visite desquels ayant été faite, ils ont été refermés, et nous nous en sommes nantis, ainsi que la clef de la porte d'entrée, après avoir remis entre les mains de M. l'abbé Rollet deux registres de dispenses et de commissions, concernant les mariages, commençant par ces mots : «du 23 novembre 1789», et finissant par «le 29 mars 1791» : plus un autre registre intitulé : Commissions pour les abjurations et visites d'église, commençant du 7 février 1784 et finissant le 28 février 1791, lesquels registres sont restés à la garde de mon dit sieur l'abbé Rollet pour en faire remise toutes fois et quand il en seroit requis par la municipalité ; lequel à signé avec nous le présent procès-verbal ; et avons laissé à la garde de Pierre Vieuille, portier de l'évêché, les dits scellés ; lequel s'en est chargé et a signé avec nous. En reconnaissance des deux registres qui m'ont été laissés. ROLLET, prêtre. C.-A. GOUT. BOISNARD, procureur de la commune.
«Et de suite montés à l'appartement au-dessus du secrétariat, dans lequel est déposé les archives du dit évêché, nous nous sommes fait remettre la clef ; après avoir fait la visite, nous avons apposé les scellés que nous avons également confiés à la garde du dit Vieuille ; et la clef déposée entre les mains de notre secrétaire-greffier.
«Fait, clos et arrêté au palais épiscopal, sur les onze heures du matin, les dits an et jour sus dits.
«C.-A. GOUT. BOISNARD, procureur de la commune.»
5. «De suit, M. Gout a, au nom de la municipalité, ordonné que par le secrétaire-greffier il soit à l'instant fait
lecture des dits procès-verbaux ; après quoy il sera procédé à la réception du serment, installation et prise
de possession de mon dit sieur Robinet, les dits procès-verbaux ayant été enregistrés au greffe de la municipalité pour y
avoir recours, où lecture faite par le secrétaire-greffier, MM. Robinet et Gout ont prononcé un discours analogue à la circonstance, lesquels seront transcrits à la suite des présentes.»
6. Archives municipales de Saintes (Registre des délibérations du conseil municipal, 1791, II, p. 36) : «Ce fait, il a été chanté un Te Deum en musique en actions de grâces, pendant lequel toutes les cloches de la ville ont sonné de vollée ; et il a été fait par la garde nationale une salve de douze coups de canon durant la cérémonie. De tout quoy il a été dressé le présent procès-verbal en la dite paroisse cathédralle, sur l'heure de midi. D'après laquelle nous avons été faire visite en corps à mon dit sieur Robinet ; et nous sommes ensuite rendus au présent hôtel. Et arrêté qu'en exécution de l'article XXXIV du titre II de la loi sur la Constitution civile du clergé, le présent procès-verbale sera transcrit au long sur le registre particulier à ce destiné.
«X J. E. ROBINET, évêque du département de la
Charente-Inférieure.
C. A. GOUT, officier municipal président. NÉRON, officier municipal. LOUIS SUIRE, officier municipal.
CANOLLE, officier municipal. LESACQUE. APERT. CRUGY, off. municipaux. MARESCHAL.»¹
[Note de l'éditeur. ¹ Pour «l'article XXXIV du titre II» il faut lire «l'article XXXIX du titre II». Donc, l'article XXXIX «Il y aura, tant dans l'église cathédrale que dans chaque église paroissiale, un registre particulier, sur lequel le secrétaire greffier de la municipalité du lieu écrira sans frais le procès-verbal de la prestation du serment de l'évêque ou du curé, et il n'y aura pas d'autre acte de prise de possession que ce procès-verbal.» : cf., l'article XXXIV «[... bénéfices] Seront pareillement éligibles aux cures tous ceux qui ont été ci-dessus déclarés éligibles aux évêchés, pourvu qu'ils aient aussi cinq années d'exercice.»]
7. Archives municipales de Saintes (Registre des délibérations du conseil municipal, 1791, II, p. 54) : «Aujourd'hui, quatrième juin mille sept-cent quatre-vingt onze, le collège général de la municipalité assemblé, présidé par M. Gout, premier officier municipal, M. le procureur de la commune a dit qu'il aurait été adressé à la municipalité une lettre de la Société des Amis de la Constitution, y joint un extrait de deux délibérations en date des vingt-neuf et trente-et-un du mois de mai, par laquelle elle invite la municipalité de vouloir bien donner son adhésion au serment qui a été prêté à leur séance du vingt-neuf par tous les membres
qui la composent. Sur quoy, le collège général, à ces fins assemblée pour délibérer sur la demande qui lui est faite, arrête, à la plus grande majorité, que le serment fait par tous les membres de la même manière énoncée de la dite délibération. En conséquence, M. Gout président, a, le premier, prononcé le serment de reconnaître M. Isaac-Étienne Robinet pour seul légitime évêque du département de la Charente-Inférieure, ainsy que tous les autres pasteurs qui seront constitutionnellement élus, de leur donner secours et protection ainsi qu'à tout fonctionnaire public et prêtre qui se sont soumis à la loy, d'accepter comme par le passé toutes les charges, contributions patriotiques
auxquelles nous serons légalement assujettis, et le droit de patente à raison des états que nous professons. M. Néron l'a juré aussi, de même M. Lesac l'a fait aussi ; M. Apert également ; Mareschal l'aussi prêté ; M. Moreau de même ; M. Boisnard, procureur de la commune, l'aussi proféré ; de même M. Buisson, substitut ; MM. les notables Gillet, Baudris, Rongé, Arnauld, Crouzat, Guérin, Savary, Cornillon, Mailler, Eymeri, Hubert l'ont également proféré, à l'exception de MM. Grégoireau et Hubert, aussi notables, qui se sont
retirés. MM. Suire et Métayer, Viollaud, Comminges, Dumey, Lemet, Bellou, Bonnin, Lafaye, Limail s'étant trouvés absens.»
8. Jean Brumault de Beauregard, Memoires (Poitiers, Saurin, 1842 ; tome II, p. 588
et passim), dit : «M. de Coucy était né de l'illustre maison de ce nom, en Champagne. Un frère de M. de
Coucy père, qui était chanoine régulier de la congrégation de Sainte-Geneviève, et M. de Belloy, auteur du Siège de Calais et de Gabrielle de Vergy, firent reconnaître cette illustre famille. Le dernier fit imprimer un mémoire justificatif des preuves de sa haute origine. M. de La Roche-Aymon, archevêque de Reims, soutint l'abbé de Coucy dans ses études à Saint-Sulpice, et par la suite lui donna une riche abbaye et le fit nommer aumônier de la reine. Il devint évêque en 1789. Le roi lui ayant fait don des revenus réservés, M. de Coucy donna aux pauvres en 1790 et 1791 plus de 100,000 fr. [lire 100000 livres]» ; Mgr de Beauregard, évêque d'Orléans, avait été son vicaire-général. Voir aussi les biographes Michaud, Didot, etc.
9. [Note de l'éditeur. L'article IX «Il y aura seize vicaires de l'église cathédrale dans les villes qui comprendront plus de dix mille âmes, et douze seulement où la population sera au-dessous de dix mille âmes.» et l'article XII «Pour la conduite et l'instruction des jeunes élèves reçus dans le séminaire il y aura un vicaire supérieur et trois vicaires directeurs subordonnés à l'évêque.»]
10. Jean-Baptiste-Antoine Deaubonneau, né à La Rochelle le 14 octobre 1751, chapelain de La Fouqueraire en l'église d'Argenton-le-Château, diocèse de la Rochelle, prit possession de la cure de Saint-Michel de Saintes, dont le revenu était de 600 livres, le 23 août 1783. Nommé par M. de Saint-Légier, chanoine de Saintes, à la cure de Saint-Séverin de Nieuil-le-Virouil, qui valait 2000 livres, il prit possession le 26 septembre 1787. Il
prêta serment, émigra en Angleterre, se rétracta le 23 juillet 1795 entre les mains de Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, en présence entre autres de Jean-Baptiste Merlin, curé de Saint-Barthélemy de La Rochelle, et de Samuel Saint-Médard, curé de Nantillé ; il mourut curé de Cozes.
11. Probablement Eutrope Bigot, chanoine régulier de Chancelade de la maison d'Aubrac en Rouergue, qui, laissant son couvent, s'était établi à Saintes, le 1er mars 1791. Il y a aussi Jean-Baptiste Bigot, curé de Thézac, puis de Préguillac, qui jura, fut cependant emprisonné comme suspect (6 janvier 1794); il fut curé de Neuillac en 1803 et mourut le 12 mai 1836. Un certain Bigot était greffier de l'officialité en 1788.
12. Est-ce Fournier, aumônier de l'hôpital de Saint-Martin-de-Ré, qui jura le 6 février 1791 ?
13. Jean-Claude de La Taste était fils de Jean-Jacques, avocat en la Cour, conseiller du roi, président civil et criminel de l'élection en chef de Saintes, seigneur du Chatelet, paroisse de Saint-Coutant-le-Grand, et de Catherine Dangibeaud. Le 28 novembre 1778, ses parents lui constituèrent une rente de cent livres à titre clérical pour la tonsure, au séminaire de Saintes. Il fut secrétaire de la mairie à Surgères.
14. Le 17 novembre 1790, un Dalidet fut nommé procureur de la commune de Saintes, mais refusa, pour cause de santé, par une lettre datée de Chermignac le jour même. — Pierre Dalidet, né à Saintes le 4 février 1729, d'Élie Dalidet, notaire royal, et de Marguerite Jobet, frère de Jean-Baptiste, né le 31 décembre 1731, avait été
Récollet à Mirambeau. Le 20 mai 1794, à l'âge de 64 ans, assisté de son frère Jean Dalidet, notaire national, et de Louis Valleing, propriétaire, il épousa à Saintes Jeanne-Suzanne Mestayer, née le 25 novembre 1759, fille majeure de François et de Catherine Châteauneuf. En 1797, il était maître d'école à Escoyeux, canton de Burie.
15. Nicolas Chaudon fut remplacé comme curé en juin 1793 par Jean Flandrin, Récollet de Bordeaux dit frère François et ordonné prêtre par Robinet probablement, puis devint curé de Sousmoulins en 1801 jusqu'à sa mort, le 6 décembre 1811.
16. Pour Henri-Benjamin Chassériau du Chiron, voir note 2 au chapitre 17.
17. Pour Jean-Baptiste Forget, voir note 8 au chapitre 17.
18. Pour René-Alexis Gastumeau, voir note 12 au chapitre 14.
19. «Vu le réquisitoire du procureur général sindic, en présence de M. l'évêque du département et des administrateurs du directoire du district, assemblés en la salle ordinaire des séances des administrateurs du directoire du département, pour travailler de concert à l'exécution de la loi du 24 août dernier sur la formation et l'organisation de la cathédrale et la réunion des différents cures de la ville à la cure principale, le directoire du département, considérant que la population des quatre paroisses de la ville de Saintes ne s'élève pas au-dessus de 6,000 âmes [six mille]; que, par conséquent, il ne peut y avoir qu'une paroisse dans cette ville, a arrêté provisoirement que les cures de Saint-Pierre, Saint-Michel, Saint-Maur et Sainte-Colombe seraient et demeureraient réunies à l'église cathédrale et principale de la ville, dont M. l'évêque est le premier pasteur. A cet effet, M. l'évêque sera invité de donner ses ordres pour faire cesser tout service dans les dittes églises ; et les
administrateurs du directoire du district ou la municipalité par eux déléguée, chargés de prendre toutes les précautions nécessaires pour mettre les effets des églises en sûreté, et en faire fermer les portes ; et en ce qui est relatif aux paroisses des trois faubourgs, le directoire a sursis a statuer jusqu'au travail général qui sera incessamment fait sur la circonscription des paroisses.
«JEAN-JOSEPH JOUNEAU. RONDEAU. BRÉARD. ESCHASSERIAUX. RABOTEAU. DUCHESNE. RUAMPS. RIQUET. Par le directoire. EMON.»
20. «Messieurs les administrateurs du district de Saintes qui procèdent à la démarcation des paroisses de l'arrondissement dudit district, ayant demandé à M. l'évêque et à son conseil leur avis sur la démarcation de la paroisse cathédrale Saint-Pierre, et la fixation des bornes qui doivent séparer irrévocablement la ditte paroisse cathédrale d'avec les paroisses du faubourg de Saint-Vivien, de Saint-Pallais et de Saint-Eutrope, Mgr l'évêque et son conseil, après avoir délibéré sur l'objet dont il s'agit, sont d'avis, que, quant à la paroisse de Saint-Pallais, les bornes qui doivent la séparer de celle de la cathédrale étant fixées par la nature qui a placé une rivière entre les deux paroisses, la dite rivière ainsi que le pont qui est dessus doivent en être les bornes, de manière que l'arc de triomphe qui fait à peu près le milieu dudit pont séparera les deux paroisses irrévocablement.
«Quant à la séparation de la paroisse Saint-Pierre d'avec celle de Saint-Eutrope, l'avis du conseil est que celle de Saint-Pierre doit s'étendre jusqu'au faubourg de la Bertonnière, et comprendre les maisons qui sont à droite et à gauche dudit faubourg de la Bertonnière, savoir : 1° celles qui sont sur la gauche comme on va à Saint-Eutrope jusqu'à la première rue que l'on trouve sur la gauche sur laquelle perce la maison du sieur Fourestier apoticaire dit Pouillade ; laquelle en tournant vient joindre la rivière de la Charente et celles qui sont sur la droite comme on va aussi à Sainte-Eutrope, jusqu'à la rue qui est la première qui est sur la droite et qui monte à la Cabaudière jusqu'au chemin nouveau de l'ancienne citadelle et suivant le dit chemin nouveau toutes les maisons qui se trouvent sur la droite du dit chemin jusques à la rivière de la Charente.
«DELATASTE, vic. épiscopal. J. ROBINET, évêque du département de la Charente-Infér. FOURNIER, vic. épis. HUON, vic. épiscopal. ARNOUT, vicaire, directeur, secrétaire.»
21. «L'an de grâce mil sept cent quatre-vingt-douze et le trois janvier, nous soussigné nous sommes
transporté processionnellement avec notre clergé au lieu ci-devant appelé le jardin du prieuré Saint-Vivien, au réquisitoire de la municipalité de cette ville, où étant rendu nous l'avons pontificalement béni et consacré pour servir de cimetière et de sépulture aux fidèles tant de la paroisse cathédrale de Saint-Pierre que de celle de Saint-Vivien, les autres cimetières de la ditte ville et de la paroisse de Saint-Vivien demeurant pour toujours interdits tant de droit que de fait ; laquelle bénédiction nous avons faite en présence d'une grande affluence de citoyens de cette ville et des soussignés :
«FS. FAVRE, fabric. J. VIAULD, l'aîné, fabriqueur. NADAUD, fabriqueur. DULAC. F. B. CHASSERIAU, 1er vicaire épiscopal. GASTUMEAU, 2e vicaire épis., FOURNIER, vic. épis. X I. E. ROBINET. év.»
22. Voir Louis Audiat, Saint-Pierre de Saintes,... (Saintes, Mortreuil, 1871 ; p. 127), où la pièce entière est imprimée.
«Deux victimes des Septembriseurs» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 22
[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]