«HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES» ; 13


CHAPITRE 13. — Simon du Bosc, 58e abbé (1391). — Nicolas Le Roux, 59e abbé (1418). — Notes de bas de page.


SIMON DU BOSC, CINQUANTE-HUITIÈME ABBÉ (1391).

Le célèbre Simon du Bosc, originaire de la ville de Rouen, fut fils de Mathieu du Bosc, seigneur de Bretteville, et de Guillemette de Vauricher. En remontant par ses aïeux, en droite ligne, Mathieu, conseiller du roi au Parlement de Paris ; Martin, seigneur de Tendos et de la Chapelle, lieutenant du grand-maître des Eaux et Forêts de Normandie, et l'un des quatre cents otages envoyés en Angleterre par le roi Jean II en 1360 ; Renaud, Geoffroy, Charles, Jean, Baudry, bienfaiteur de l'abbaye de Mortemer en Lyons ; Roger Viveton, fondateur du prieuré de Bourgachard ; Beaudoin, proche parent du duc Robert, dont il avait épousé la cousine ; Antoine, mort au siège de Jérusalem, en 1099, et le sire du Bosc, qui suivit Guillaume-le-Conquérant à la conquête de l'Angleterre, en 1066. On peut dire que Simon Dubosc, dont nous avons à parler, tirait son origine des premiers Danois établis en Neustrie en 912, sous la conduite de Raoul, premier duc de Normandie. Guillaume du Bosc, lieutenant-général de cavalerie, et Nicolas du Bosc, évêque de Bayeux, président, clerc en la Chambre des comptes de Paris, et chancelier de France, étaient oncles de Simon. Un de ses grands-oncles, nommé Guillaume, fut évêque de Dublin et chancelier d'Écosse en 1315, et un de ses petits-neveux, Antoine du Bosc, a été évêque de Béziers au commencement du XVIe siècle (1). Suivant les mémoires de sa main, il eut deux frères et une sœur qui se fit religieuse aux Emmurées. Ses deux frères étaient Mathieu et Jean, dont la famille subsiste encore aujourd'hui dans les personnes de MM. de Vitermont, de Coquereaumont, d'Ourville, de Radepond, d'Emendreville et Du Bois-d'Ennebout. Comme c'est uniquement en vue de l'abbé Simon que nous avons rapporté sa généalogie, nous ne pousserons pas plus loin l'histoire de ces différentes branches sorties de ses deux frères. Nous avons fait suffisamment connaître la noblesse de leur origine ; il est temps que nous reprenions l'histoire de leur illustre aïeul.

Simon du Bosc vint au monde vers le milieu du XIVe siècle, et fut élevé près de ses parents dans la ville de Rouen, jusqu'à l'âge de vingt ans, qu'il se consacra au service de Dieu, par la profession religieuse, dans l'abbaye de Saint-Ouen, où il était très assidu aux offices de l'Église. Il fit paraître tant de vivacité et de pénétration d'esprit dès le commencement de sa conversion, qu'après avoir étudié la logique et l'Écriture sainte sous le précepteur des jeunes religieux de l'abbaye, il fut envoyé à Paris pour apprendre le droit canon. Il s'y rendit si habile, qu'il mérita une chaire de professeur à la fin de son cours ; mais l'abbé de Saint-Ouen l'ayant fait revenir, il fut obligé de remercier et retourna dans son monastère, où, peu de temps après, on lui donna le prieuré de Sigy, au pays de Bray, vers la Ferté-en-Lyons, à 7 lieues de Rouen. Le désir d'apprendre le fit bientôt retourner à Paris, où il se fit licencié en droit canon, et obtint le degré de docteur en 1386. Il fut choisi de nouveau pour faire des leçons publiques de théologie, et le succès extraordinaire qu'il y eut lui acquit une merveilleuse réputation. Clément VII en ayant eu connaissance, lui donna l'abbaye de Cerisy, vacante par la translation d'Etout d'Estouteville à l'abbaye du Bec (2). Ses bulles sont du 13 mai 1388 ; mais la Providence divine fit juger bientôt qu'elle en disposait autrement. L'abbaye de Jumièges vint à vaquer l'an 1390 par la retraite de Geoffroy Harenc [le cinquante-septième abbé, qui mourut le 16 septembre 1389] ; le pape jeta les yeux sur Simon du Bosc, et lui envoya des provisions le 6 février 1391, avec ordre à l'archevêque de Paris et à l'évêque de Bayeux, son oncle, de recevoir son serment au nom du Saint-Siège, pour ne pas le détourner de ses exercices de professeur, qu'il continua en effet jusqu'à sa mort, mettant un régent pour faire les leçons à son défaut (3). Il prit possession par procureur dans le courant du mois de mars ; mais le mardi de la semaine de Quasimodo, 4 avril, il vint en personne et fit présent à l'église d'un magnifique reliquaire orné de pierres précieuses et de plusieurs images d'argent. Il donna à tous les religieux en particulier des marques de sa bienveillance, dont ils ressentirent les effets dans toutes les occasions qui se présentèrent pendant vingt-sept ans qu'il posséda l'abbaye. C'est ce qui les engagea tous à le presser par d'humbles remontrances de quitter la chaire de théologie, qu'il avait méritée préférablement à tant d'autres, pour résider avec eux ; mais leurs instances furent inutiles, et, jusqu'à la fin, ils eurent la douleur de ne le posséder qu'aux grandes fêtes de l'année et dans la vacance des classes. Il ne paraissait jamais les mains vides, mais ses présents étaient toujours dignes de lui et conformes au goût décidé qu'il avait pour l'étude. Les manuscrits dont il a enrichi la bibliothèque en sont une preuve éclatante. Trois sont inscrits de son nom : le traité de Pierre Bertrand sur le sixième des Décrétales et les Clémentines (4) ; la dispute de Nicolas de Lyre contre les Juifs, avec le traité du même auteur contre un Juif qui se servait du Nouveau Testament pour combattre la religion chrétienne (5), et le traité de Gille Colonne De regimine principum (6), écrit pour Philippe-le-Bel, dont il avait été précepteur.

Pendant le séjour de Simon du Bosc à Jumièges, le duc de Lancaster vint en France pour traiter de la paix avant que la trêve fût finie ; mais il ne put conclure, tant les propositions qu'il fit étaient déraisonnables. On ne laissa pas néanmoins de prolonger la trêve pour une année, de sorte qu'elle ne devait finir qu'à la Saint-Michel de l'an 1393. Simon du Bosc en profita pour rentrer dans le prieuré d'Helling, en Angleterre, que ses prédécesseurs avaient été contraints d'abandonner par la haine des Anglais contre la nation française. Il y envoya trois de ses religieux, qui rétablirent la discipline dans sa splendeur, et jouirent assez paisiblement des revenus du prieuré jusqu'en 1413, que les bénéfices étrangers furent attaqués dans le Parlement de Leicester et supprimés pour la plupart (7).

Il paraît, par une supplique de l'abbé Simon et de la communauté à Pierre de Lune, cardinal-diacre du titre de Sainte-Marie en Cosmedin et légat en France pour le pape Clément, que, depuis la fameuse contestation de Pierre Sevran, en 1365, les cellériers de Jumièges regardaient toujours leur office comme un titre dont on ne pouvait les dépouiller, ou que l'on appréhendait au moins que quelqu'un d'eux ne renouvelât dans la suite une prétention si préjudiciable aux intérêts communs. On résolut donc, en 1393, de faire décider la question. On représenta au légat que les revenus de la cellèrerie ayant été employés jusque-là pour les nécessités de l'abbé, des religieux et des hôtes, il serait étrange que l'officier en disposât comme il lui plairait, et ne donnât que ce qu'il jugerait à propos pour la dépense journalière en pain, vin, foin, avoine et autres besoins du monastère, sans craindre d'être déposé, ni même contraint à faire passer ses comptes par l'examen de l'abbé ou de ses préposés. Sur ces remontrances, signées de toute la communauté, Pierre de Lune déclara, par ses lettres du 24 février de la même année, que l'office de cellérier n'était point un bénéfice en titre (8), mais une simple administration, et que l'abbé pouvait donner à son gré, même à des séculiers, pour autant de temps qu'il le voudrait (9). Ce qu'il confirma par une bulle du 27 avril 1396, la seconde année de son pontificat.

Le 24 octobre de l'année suivante, 1397, Simon Du Bosc fit au roi Charles VI la foi et hommage, et lui rendit aveu des biens de l'abbaye, comme mouvants en plein fief de sa couronne (10). Deux ans après il présenta à la cure de Saint-Vaast-de-Dieppedalle, à cause d'un fief appartenant à son monastère, dans l'étendue de la même paroisse ; mais l'archevêque de Rouen lui disputa ce patronage et ce ne fut qu'après quelque procédure que le prélat reconnut devant notaire le droit de l'abbé et des religieux de Jumièges (11).

Ceux-ci voyaient avec chagrin que leur foire du dimanche des Rameaux était presque abandonnée par la répugnance du peuple à trafiquer dans ce saint jour ; c'est ce qui les porta à présenter une requête au roi, pour le supplier de la mettre au 14 février, dans l'espérance qu'elle deviendrait plus célèbre et d'un plus grand revenu, à cause du concours prodigieux d'étrangers qui se rendaient à Jumièges pour la fête de Saint-Valentin, protecteur du pays. Le roi reçut leur requête avec bonté, et ordonna par lettres patentes datées du 16 juin 1402 qu'il se tiendrait tous les ans à perpétuité, dans le bourg de Jumièges et dans le lieu le plus commode pour les bestiaux, une foire semblable à celle qu'on y tenait le dimanche de Pâques fleuries, et que les religieux en retireraient tous les profits, sans que personne les pût troubler ni inquiéter ; cette foire a été depuis transférée à Duclair, bourg dépendant de Jumièges, et rejetée à la Saint-Denis (12).

Les années suivantes, jusqu'en 1407, nous fournissent peu de choses pour notre histoire. On trouve seulement qu'en 1406, l'abbé de Jumièges fut poursuivi par les officiers du comte d'Alençon pour n'avoir pas comparu aux plaids d'Argentan, auxquels ils prétendaient l'assujettir en personne, à cause des droits, coutumes et franchises de son manoir et terre de Coulonces, dans les forêts de Gouffers et de la Haie d'Exme ; que son titre d'exemption ayant été remis à la cour pour en avoir copie, y fut perdu, et que le comte Jean lui donna de nouvelles lettres pour le confirmer dans son exemption et dans tons les autres droits et privilèges, à condition que le prieur de Croutes ou quelqu'autre religieux de l'abbaye, fondé de procuration, se trouverait tous les ans aux plaids de de la Saint-Michel et de la Toussaint, et qu'on célébrerait chaque année à Jumièges une messe de Notre-Dame et une de requiem pour lui et sa famille (13).

Cependant, l'Église était toujours déchirée par le schisme des anti-papes. Grégoire XII, qui venait de succéder à Innocent VII, était, à la vérité, prêt de se démettre, pourvu que son compétiteur le fit aussi de son côté ; mais on se défiait avec raison de Benoît XIII, quoiqu'il parût être dans le même sentiment ; les mensonges et les fourberies lui ayant peu coûté jusqu'alors, quand il les avait crus nécessaires pour prévenir la soustraction d'obédience, dont l'Université de Paris avait repris le dessein, sur ce qu'il n'avait pas accompli les conditions sous lesquelles on s'était de nouveau soumis à lui. Elle fut conclue effectivement au mois de novembre 1406 ; mais l'exécution en fut suspendue par la nouvelle que les deux concurrents étaient convenus par lettres d'accepter la voie de cession et de se rendre à Savone à la Saint-Michel, avec les deux collèges de cardinaux, pour terminer cette affaire si importante au bien et au repos de toute l'Église. Charles VI, qui l'avait à cœur, ayant appris les dispositions des deux papes, nomma des ambassadeurs pour les aller trouver de sa part, afin de les confirmer dans leur bon dessein (14). Cette ambassade, pour laquelle Simon Du Bosc eut l'honneur d'être choisi après le patriarche d'Alexandrie, l'archevêque de Tours et les évêques de Cambrai, de Beauvais, de Meaux, de Troyes et d'Évreux, était de trente-huit maîtres en tout. Il y avait des abbés, des docteurs et même des chevaliers. Chaque ambassadeur était suivi d'un nombreux cortège et traînait après lui un équipage magnifique. L'abbé de Jumièges (15) avait seul dix chevaux et neuf personnes à sa suite, savoir : un religieux pour réciter avec lui l'office canonial, deux gentilshommes, un maître d'hôtel, un page, un valet de chambre, un maréchal, un garçon d'écurie et un valet de pied. Il partit de Paris, avec le reste de l'ambassade, le samedi 16 avril 1407, et le 9 mai suivant ils arrivèrent tous ensemble à Marseille, où Benoît XIII leur donna une audience publique dans l'église de Saint-Victor. Dès le lendemain de leur arrivée, le patriarche d'Alexandrie, qui paraît avoir été le chef de l'ambassade, fit un discours sur le sujet de leur députation, auquel Benoît répondit par une protestation de renoncer au pontificat, si Grégoire y renonçait lui-même ; mais le jour suivant les ambassadeurs l'ayant prié de faire une bulle où il fit connaître à tout le monde la droiture de ses intentions, il fit paraître du chagrin de ce que la Cour de France se défiait trop de lui, et dans une audience secrète du 17 mai, il déclara qu'il ne donnerait pas de nouvelle bulle, et qu'on devait s'en rapporter à la lettre qu'il avait écrite à Grégoire sur ce sujet. Il fallut donc se contenter de cette réponse, après laquelle les ambassadeurs se disposèrent à quitter Marseille pour se rendre à Rome, conformément à leurs instructions, qui nous ont été conservées par Simon du Bosc, dans l'excellent recueil qu'il a fait de diverses pièces concernant le grand schisme, imprimées par Dom Martène au second tome de son Thesaurus novus anecdotorum, sur les manuscrits de Jumièges.

Le 19, ils prirent congé du pape Benoît et se retirèrent à Aix pour délibérer si, à cause du refus de la bulle qu'ils avaient demandée, il lui signifieraient la soustraction d'obédience. Ayant résolu entre eux de ne le point pousser à bout, mais de laisser l'archevêque de Tours et l'abbé de Saint-Michel à Marseille, pour veiller sur sa conduite, ils partirent d'Aix le 23 au nombre de trente et un, et arrivèrent à Gênes le 8 juin suivant. Geoffroy de Pompadour, évêque de Meaux et Guillaume de Boisratier, docteurs en décret, étaient partis pour Gênes dès le 12 du mois de mai précédent. Philippe de Vilette, abbé de Saint-Denis, et Hugues le Renvoisié, doyen de l'église de Rouen, étaient revenus en France pour rendre compte à la Cour de ce qui s'était fait à Marseille. Le patriarche d'Alexandrie et les autres ambassadeurs furent reçus à Gênes par le maréchal de Boucicaut, gouverneur de la ville, au son des cloches et des trompettes. Toute la ville s'efforça de faire paraître par mille démonstrations de réjouissance combien elle s'intéressait au succès de leur ambassade et au repos de l'Église. La joie augmentait à tous les moments, et elle alla si loin qu'à la première proposition des ambassadeurs, les Gênois promirent de fournir des galères pour conduire le pontife romain à Savone. Le gouverneur, de son côté, les prévint en tout par de bons offices ; mais ce qui fait plus à notre histoire, il vécut avec l'abbé de Jumièges dans une familiarité intime et même rare entre les plus anciens amis, jusque-là qu'il le fit dépositaire d'une somme de 200 florins de Gênes, que le roi et le clergé de France avaient envoyée aux ambassadeurs pour fournir à la dépense du voyage, et que dans les lettres qu'il leur adressa à Rome, en réponse à celles qu'il en avait reçues, il le nomma toujours le premier.

Les ambassadeurs ne s'arrêtèrent pas longtemps à Gênes. Après avoir reçu l'argent dont nous venons de parler, soit qu'ils n'attendissent ce secours que pour se remettre en route, soit qu'ils ne se fussent proposés dans leur séjour que d'engager les Gênois à céder leurs galères pour le transport du pape à Savone, ils partirent le 17 juin et arrivèrent le 1er juillet à Viterbe, où ils apprirent du cardinal de Liège et du cardinal des Ursins que Grégoire commençait à chanceler et à faire naître des difficultés qu'il ne serait pas aisé de surmonter. La nouvelle de ce changement pensa leur abattre le courage ; ils songèrent même à retourner sur leurs pas ; mais Simon du Bosc les rassura dans un grand souper, auquel il les invita avec deux cardinaux, qui se joignirent à lui pour le presser de continuer leur route. Ils s'avancèrent donc avec une extrême diligence et arrivèrent à Rome le 4 juillet au soir, qui était le jour de leur départ de Viterbe. Ils s'aperçurent bien, dès la première audience, que ce qu'on leur avait dit des dispositions de Grégoire était véritable. Ils eurent encore néanmoins plusieurs audiences durant le mois de juillet ; mais voyant que les assurances que le pape leur donnait toujours en général de ses bonnes intentions n'étaient pas sincères, et que l'abbé de Jumièges n'avait plus d'argent pour leur dépense, aux frais de la nation, ils demandèrent leur audience de congé, et sortirent de Rome le 4 août, après avoir écrit en France, pour la levée d'une demi-décime sur tous les bénéfices du royaume.

Les ambassadeurs, étant sortis de Rome, revinrent à Gênes, où ils s'arrêtèrent près de six semaines, en attendant le terme de la conférence à Savone. Ils y allèrent en effet le jour marqué, et ils y trouvèrent Benoît, qui s'y était rendu pour attendre son compétiteur ; mais celui-ci refusa toujours constamment d'y aller, malgré les sollicitations de ses cardinaux. Enfin, le dernier terme de la conférence étant expiré le jour de la Toussaint, Benoît officia pontificalement et donna à dîner aux ambassadeurs, qui reprirent la route de Paris et arrivèrent le 18 janvier 1408, sans avoir fait autre chose que de convaincre tout le monde de l'intelligence des deux contendants pour se jouer de tous les princes de l'Europe. Ce voyage coûta à l'abbé 985 livres 1 sol 5 deniers, qui feraient de notre monnaie environ 8000 francs, sans y comprendre les 200 florins qu'il reçut à Gênes pour la dépense commune.

Six jours avant leur arrivée, et vraisemblablement à l'occasion de deux lettres, on avait pris le parti, en France, de publier la soustraction d'obédience aux deux prétendus papes, à commencer depuis l'Ascension prochaine ; mais à peine était-elle publiée, que les cardinaux se réunirent pour convoquer un Concile à Pise, afin d'y terminer cette grande affaire. L'ouverture s'en fit le 25 mars 1409. Simon du Bosc s'y trouva comme ambassadeur du roi et député de l'Université de Paris, avec l'évêque d'Évreux et le docteur Basin. Comme il n'est entré dans aucun détail de ce qu'il fit au Concile, nous ne pouvons aussi en rien dire de certain. On sait seulement en général, par le mémoire de la dépense qu'il fit en ce voyage, qui fut de six mois et sept jours, qu'il avait un secrétaire uniquement occupé à écrire sous lui pour le bien de l'Église, et qu'il y employa deux mains de papiers. Alexandre V, qui fut élu le 26 juin, n'oublia pas les obligations que l'Église lui avait. Il le traita avec beaucoup de considération et lui demanda ce qu'il voulait avoir pour récompense de ses services ; mais l'humble abbé refusa tout ce que le nouveau pontife put lui offrir, et il se contenta de lui demander l'honneur de sa protection. Le pape, étonné de son désintéressement, voulut absolument qu'il lui demandât quelque chose. Alors Simon, toujours désintéressé pour lui-même et uniquement attentif à la gloire de son abbaye, pria le pape d'accorder quarante ans d'indulgence à ses religieux et à tous ceux qui visiteraient l'église de Jumièges les jours de l'Assomption, de Notre-Dame, de Saint-Pierre et de Saint-Valentin ; ce qui lui fut accordé. La bulle est datée du 8 juillet 1409 (16), et contiennent non seulement les articles que nous venons de rapporter, mais aussi une permission à l'abbé et aux religieux de choisir un confesseur régulier ou séculier pour les absoudre des cas mêmes réservés au Saint-Siège. Alexandre V n'en demeura pas là ; ayant appris que l'abbé Simon n'usait point d'ornements épiscopaux dans la célébration des divins offices, il fit expédier une seconde bulle, par laquelle il lui accorde et à ses successeurs, prêtres et bénis, le privilège de porter la mitre (17), l'anneau et les autres ornements pontificaux les jours de cérémonie, et de bénir le peuple dans toutes les églises dépendantes de l'abbaye, tant après matines qu'après la messe et les vêpres, s'il n'y a ni évêque ni légat du Saint-Siège présent, nonobstant la bulle d'Alexandre IV, son prédécesseur, qui commence par ces mots : Abbates, et autres constitutions apostoliques à ce contraires (18). Cette bulle est du même jour que la précédente. Le pape y déclare qu'il doit ses témoignages d'honneur à la dévotion des religieux de Jumièges et en particulier à la haute réputation de l'abbé du Bosc, pour lequel il ne se sent une affection singulière, nouvelle preuve de la gloire signalée que ce grand homme s'acquit dans le Concile, quoique nous soyons dans l'ignorance de ce qu'il y fit de remarquable. Par une troisième bulle datée du 21 juillet, le même pape lui accorde le pouvoir de bénir les autels, les calices, les corporaux, les nappes d'autel et les ornements sacerdotaux (19).

L'abbé Simon partit de Pise douze jours après et revint à Jumièges plein de reconnaissance envers le souverain pontife, et plus persuadé que jamais que l'étude des sciences et la régularité étaient les plus sûrs moyens de parvenir à cette gloire solide à laquelle il souhaitait que chacun de ses religieux aspirât en particulier. Il tint chapitre à ce sujet et ne manqua pas de mettre à profit les caresses dont le pape l'avait honoré et les éloges magnifiques qu'il donnait à leur vertu dans sa bulle. Une nouvelle assemblée suivit de près celle-ci, et ce fut là que, pour mettre la dernière main à l'exécution de son dessein, il leur proposa de prendre en pension dans son hôtel de Paris tous les prieurs titulaires qui voudraient le suivre, jusqu'à ce qu'ils eussent reçu le bonnet de docteur, et de ne les remplacer que par les plus réguliers de la maison, lorsque leurs prieurés viendraient à vaquer. Tous remercièrent humblement l'abbé et protestèrent qu'il pouvait compter sur eux, tant pour leur ardeur à l'étude que pour leur zèle à maintenir la discipline et le bon ordre dans le culte de Dieu. Il se trouva cependant des prieurs qui s'excusèrent sur leur grand âge. Tels furent entre autres les prieurs de Genesville et de Dame-Marie. Mais l'assemblée ordonna qu'ils enverraient leurs compagnons et qu'ils payeraient 40 écus de pension à l'abbé, qui partit peu de jours après avec Dom Etienne Curel, prieur de Croutes ; Dom Jean Le Brâle, prieur de Boafle ; Dom Robert Lefebvre, prieur de Bû ; Dom Nicolas Le Roux, prieur de Jouy et déjà bachelier ; Dom Guillaume de Houppeville, compagnon du prieur de Dame-Marie; Dom Richard Boussard, compagnon du prieur de Genesville ; Dom Pierre Le Comte, cuisinier ; Dom Guy de Vatetot et Dom Jean de la Chaussée, jeunes religieux de Jumièges. Ils les logea tous au collège de Justice, où il paraît qu'il enseignait, et dans lequel il avait appartement où ils vivaient en commun.

À cet arrangement des études et des écoliers succéda, l'année suivante, celui des offices claustraux et des religieux qui en etaient pourvus. On choisit autant de familles qu'il y avait d'offices, et l'on donna à l'aîné de chaque famille un morceau de terre en fief outre sa nourriture, pour l'attacher, lui et l'aîné de ses descendants, à perpétuité, à la garde du temporel et aux fonctions de l'office sous les ordres du religieux qui y était préposé (20). Cette augmentation de domestiques, sous le nom de fieffés, ne fut pas du goût de plusieurs et particulièrement des officiers, qui ne pouvaient plus, ou du moins n'avaient plus de prétextes pour manquer aux exercices de nuit et de jour. Aussi n'était-ce pas l'intention de l'abbé et des sages de la communauté qu'ils y manquassent. On jugeait mieux qu'eux des motifs de leur absence, et l'on ne pouvait se laisser éblouir par les raisons spécieuses qu'ils alléguaient pour n'assister au chœur que les fêtes et les dimanches. Ces fieffés, néanmoins, n'eurent qu'un temps, et l'on fut obligé dans la suite de les racheter ou de les donner à cens et rentes, comme il paraît par un acte devant notaire en date du 24 mars 1519, et par une délibération capitulaire du 14 décembre 1658 pour le fief de la porte, c'est-à-dire pour les terres qui avaient été abandonné, le long du bois de Jumièges, à celui qui avait la garde de la porte du monastère. Ce point une fois réglé, on tint la main à son exécution, et l'abbé ne pensa plus qu'à mettre les religieux particuliers dans la même obligation de faire leur devoir sans murmurer. Il ne s'agissait que de ratifier le concordat fait avec eux en 1380, au sujet des rentes seigneuriales qu'on leur avait abandonnées pour leur vestiaire. Le chambrier, qui regardait ce traité comme très avantageux à l'abbé et contraire à ses intérêts, s'y opposait de toutes ses forces. Les religieux menaçaient de se retirer dans d'autres monastères, si on les remettaient à la discrétion du chambrier, ou si l'on changeait quelque chose au concordat (21). Simon du Bosc prit donc le parti de le ratifier, sans néanmoins garantir la totalité des rentes qu'il leur cédait, ni se charger d'aucun procès à leur occasion. Ce monument est daté du 5 mai 1411. L'abbé y rappelle le souvenir des divisions qui avaient donné lien à son prédécesseur de traiter avec eux, ratifie le premier accord, et veut que, si le nombre de trente religieux vient à diminuer et que l'on épargne quelque chose sur les 329 livres qui leur sont assignées, le reste soit mis au coffre du dépôt, pour acheter un fonds au profit des religieux. Il déclare pareillement que si lui ou ses successeurs trouvent à propos d'avoir plus de trente religieux, ces derniers n'auront point de part au vestiaire ; que les officiers qui ne seront par tirés du nombre des trente se fourniront leurs vêtements sur les offices qu'il leur donnera ; que le chambrier, l'aumônier, le pitancier, le cuisinier, l'infirmier, le cellérier, le sous-cellérier, le sacristain, le sous-sacristain, le grand prieur, le sous-prieur, le tiers et quart prieur prendront à Pâques et à la Toussaint deux cottes ou robes sur leur offices et le reste sur le vestiaire commun, dont le receveur des rentes seigneuriales sera charge pour en faire la distribution en nature et non en argent, sous peine de déposition pour lui, et de correction à la volonté de l'abbé pour ceux qui auraient reçu de l'argent.

En réglant les choses avec tant de sagesse, l'abbé coupait jusqu'à la racine du vice de propriété, et ne laissait rien à désirer à ses moines. Aussi le voient-ils dicter cet acte avec une joie toute semblable à celle qu'avait produit trente ans auparavant celui de Jean de Fors, qu'ils regardaient encore avec raison comme un de leurs principaux bienfaiteurs. Simon du Bosc ne s'en tint cependant pas là. Comme il avait l'âme généreuse et que tout semblait concourir de leur part à remettre l'abbaye dans son ancienne splendeur, il céda, par surcroît, 45 livres de rente sur la terre de Saint-Mard qu'il avait acquise depuis peu d'années de Jean du Mesnil pour le prix 600 écus. Cette somme de 45 livres devait être employée par le receveur de la communauté à fournir tous les deux ans à chaque religieux un blanchet de deux aulnes de drap blanc, une aumusse d'un quart et demi de drap brun, un famulaire ou haut de chausse, et une chemise d'étamine. L'abbé Simon avait donné cette rente à la communauté pour tenir lieu de fondation de la prose Inviolata, qu'il voulait être chantée tous les samedis dans la chapelle de la Vierge, d'une messe du Saint-Esprit, sa vie durant et d'un anniversaire après sa mort (22). Mais cette fondation est demeurée sans effet depuis l'établissement de commandes.

Les ducs de Berry et de Bourgogne étaient toujours en guerre, et par malheur pour l'État le roi se déclara pour le duc de Bourgogne, et résolut de pousser le duc de Berry à outrance, s'il refusait de désarmer. Il partit avec son armée après les fêtes de Pâques de l'an 1412, et avant son départ, il donna ordre au bailli de Rouen d'enjoindre aux abbés de la province de fournir leur contingent dans le courant du mois de mai. Ceux de Jumièges, de Saint-Wandrille, de Saint-Georges et du Bec eurent ordre d'envoyer à Paris chacun cinq chevaux avec un chariot pour suivre l'armée jusqu'à Bourges, dont le roi voulait faire le siège en personne ; mais Simon du Bosc s'en défendit en vertu des privilèges de l'Université, dont il était membre, et l'on ne voit pas qu'il ait été inquiété sur ce sujet, et jusqu'en 1415 que le Châtelet, faisant droit sur sa requête, l'exempta de tailles, gabelles, passages, travers et de service de guet, qu'on lui avait demandés (23).

Cependant, le pape Jean XXIII voulut tenir à Rome le Concile général qu'Alexandre V, au Concile de Pise, avait ordonné d'assembler dans trois ans, c'est-à-dire cette année 1412, sur la fin de laquelle il commença en effet. L'abbé de Jumièges y fut appelé et partit de Paris le 4 janvier avec l'évêque de Beauvais, l'abbé de Clairvaux et deux docteurs de l'Université (24) ; mais les prélats et les autres qui devaient assister au Concile n'y étant pas venus en aussi grand nombre que semblait exiger l'importance et la grandeur des affaires qui s'y devaient traiter, le pape congédia l'assemblée, après la condamnation des ouvrages de Wyclef et avant l'arrivée de Simon du Bosc, qui revint à Paris le jour de la Pentecôte, 12 juin. L'évêque de Cambrai y arriva quelques mois après. C'était le fameux Pierre d'Ailly, cardinal-prêtre en titre de Saint-Chrysogone. Il était docteur de Paris et avait été ami de l'abbé de Jumièges, avec lequel il avait fait sa licence ; mais ayant été pourvu par le pape Jean XXIII du prieuré de Jouy, sur la démission de Nicolas Le Roux, que les moines de la Croix-Saint-Leuffroy avaient choisi pour abbé au mois de mai de l'année précédente, l'abbé de Jumièges rompit avec lui, croyant qu'il avait poussé le pape le revêtir de ce bénéfice. Il prit néanmoins des mesures pour y rentrer, en traitant avec lui, et l'on voit effectivement que le cardinal remit ce prieuré entre les mains du pape, le 13 décembre 1413, pour être réuni à perpétuité à la mense abbatiale, moyennant une pension de 40 livres tournois sa vie durant ; ce qui fut exécuté par une bulle du 23 mars de l'année 1414 (25).

Six mois après, le roi fit assembler le clergé dans la salle verte du palais royal, afin de disposer toutes choses pour le Concile général de Constance, dont l'ouverture se devait faire à la Toussaint de cette année 1414. Les prélats, assemblés en présence du chancelier et des plus anciens conseillers du grand conseil et du Parlement, commencèrent par délibérer des matières qui seraient portées au Concile et des moyens les plus propres pour réussir dans le grand dessein de la réformation des mœurs et de l'union de l'Église, toujours déchirée par le schisme (26), malgré tout ce que l'on avait fait en France et dans le Concile de Pise pour la soutenir sur le penchant de sa ruine. On résolut ensuite, pour ne pas surcharger le clergé en permettant indifféremment à tous les prélats d'aller au Concile, de n'y envoyer que neuf députés de chaque province ecclésiastique, et l'on régla les subsides qui leur seraient accordés chaque jour, à 10 livres pour les archevêques, 8 livres pour les évêques, 5 livres pour les abbés, et 3 livres pour les docteurs (27). Les députés de Normandie furent l'évêque d'Évreux, les abbés de Jumièges, de Saint-Wandrille, de Saint-Georges, de la Croix-Saint-Leuffroy et de Bolbec (28) ; Ursin Fallermende, archidiacre d'Évreux ; Jourdain Morin, chanoine de l'église cathédrale de Rouen, et Jean de Maçon, trésorier de l'église cathédrale de Lisieux. Ils partirent de Paris le 8 février 1415 et arrivèrent à Constance le 15 ou 16 mars. Les ambassadeurs du roi, qui les avaient précédés, s'étaient joints pour lors aux Italiens contre les Anglais et les Allemands pour laisser à Jean XXIII la liberté de choisir la manière de faire son abdication par lui-même ou par procureur. C'est ce qui obligea l'empereur Sigismond à les aller trouver avec les Anglais, les Allemands et son conseil, et à leur présenter un mémoire pour obliger le pape à établir des procureurs de sa cession et à ne point quitter le Concile. Sur quoi les Français, qui étaient assemblés dans un monastère de la ville avec les cardinaux députés de la part des Italiens, demandèrent qu'il leur fût permis de délibérer seuls, comme avaient fait les autres nations ; ce qui irrita tellement l'empereur, qu'il sortit brusquement et avec menaces. Mais l'abbé de Jumièges avec ses collègues, arrivés depuis trois jours, étant heureusement survenus et ayant obtenu audience, terminèrent heureusement la contestation en proposant de la part du roi à peu près les mêmes choses que l'empereur souhaitait, savoir : que le Concile ne fût ni dissous, ni transféré ; que le pape ne s'en retirât point, et que le Concile nommât des procureurs pour procéder à l'acte de la cession qu'on demandait à Jean XXIII, et qu'il avait promis de donner Sigismond fit beaucoup d'accueil à l'abbé du Bosc après la lecture de ces articles, et s'excusa même des paroles qui lui étaient échappées dans la promptitude. Il n'en fallut pas d'avantage pour réunir les Français avec les Anglais et les Allemands ; et tous se joignirent à l'empereur pour obliger le pape à établir les procureurs qu'on lui demandait.

Entre les prélats et les docteurs qui assistaient au Concile, il y en a peu qui se soient plus distingués que l'abbé du Bosc, par leur savoir et leur zèle, pour l'union de l'Église et l'extirpation des hérésies. Je ne sais quelle impression faisait sentir à tous les pères la supériorité de son génie et le feu dont il était dévoré pour le maintien de la saine doctrine. Il prêcha plusieurs fois en plein Concile contre les erreurs imputées à Jean Huss sur la matière de l'eucharistie ; mais ce qui lui fit plus d'honneur, c'est que les promoteurs du Concile, ayant représenté qu'il s'élevait tous les jours quelqu'hérésie nouvelle, et qu'il était à propos de nommer des commissaires pour examiner les matières de foi, et même pour en juger jusqu'à sentence définitive exclusivement, parce qu'il était impossible que tout le Concile assemblé en corps pût prendre connaissance d'un si grand détail ; il fut associé par un décret du Concile (29) aux quatre cardinaux : Des Ursins, D'Aquilée, de Cambrai et Florence, avec quatre autres commissaires de chaque nation, tant évêques que docteurs, pour entendre et examiner ces matières, y procéder juridiquement, et extirper toute sorte d'hérésies et d'erreurs dans la foi et dans les mœurs, de quelqu'endroit du monde qu'elles vinessent, sans aucune acception de personne, de quelque dignité, qu'elles pussent être, soit ecclésiastiques, soit séculières, fût-ce même un pape ; et pour prononcer jusqu'à sentence définitive exclusivement, comme les promoteurs l'avaient demandé. On peut voir dans l'histoire de ce Concile, par M. Lenfant, quel fut le succès de cette commission ainsi que la réformation de l'Église, dont ces commissaires furent aussi chargés après la déposition de Jean XXIII.

À l'occasion de cette commission, qu'on ne devait révoquer qu'à la fin du Concile, l'abbé de Jumièges demanda pour lui et les autres députés de Normandie un quart de décimes sur tout le clergé de la province ; ce qui lui fut accordé avec de grands éloges, par une bulle du mois de septembre adressée au doyen de l'église cathédrale d'Évreux, qui établit des collecteurs dans tous les diocèses (30). Mais Simon Du Bosc n'attendit pas la levée de ces deniers. Il nous apprend lui-même qu'ayant reçu à Constance la nouvelle que Henry V, roi d'Angleterre, le plus dangereux ennemi que la France eût eu depuis la mort d'Edward III avait emporté d'assaut la ville de Harfleur, sur la côte de Normandie, à l'embouchure de la Seine, il sollicita son congé auprès des pères au Concile, et revint à Jumièges par la crainte de quelqu'irruption des Anglais sur son abbaye. Ce n'est pas qu'il put se flatter de l'en garantir, ou de repousser la force par la force ; mais il voulait sauver ses effets, et empêcher par la fuite que ses religieux ne tombassent entre les mains des ennemis. Il est rapporté, en effet, dans un ancien monument de l'abbé Nicolas Le Roux, que les religieux de Jumièges se réfugièrent à Rouen dans leur maison de la Poterne, et que l'abbé du Bosc fit transporter tous ses meubles au collège de Justice, à Paris, où nous verrons bientôt qu'ils étaient à sa mort (31).

L'auteur de ce monument ajoute que la peste fit des ravages étonnants dans l'abbaye, et qu'elle en fut si affligée que la plupart des religieux qui avaient voulu y demeurer ne purent échapper à sa violence. Les autres se virent exposés aux suites funestes de la guerre, qui devenait de jour en jour plus opiniâtre depuis la prise de Harfleur et la malheureuse journée d'Azincourt, où les Français avaient été battus par les troupes de Henry V, roi d'Angleterre. La garnison de Harfleur faisait des courses, et les vaisseaux anglais tenaient sans cesse en alarmes les côtes de Normandie. L'armée française, mal disciplinée, pillait elle-même dans tous les lieux. Le dégât fut si universel dans la province, en 1418, que, si nous en croyons l'abbé Le Roux, successeur immédiat de Simon du Bosc, l'abbaye ne fut pas seulement pillée, mais détruite, Lamentabiliter desolata, destructa et annihilata. Les bâtiments abattus, les fermes ruinées, et l'agriculture abandonnée pendant près de cinq ans.

Nous ignorons si les Anglais, dans leurs courses, maltraitèrent les religieux qui se trouvèrent à Jumièges. Il est même incertain s'il y en resta quelqu'un, après la peste dont nous avons fait mention ; l'abbé Le Roux, qui aurait pu nous en apprendre quelque chose, se contentant de nous dire qu'on ne pouvait y demeurer en sûreté. Il paraît cependant, par deux lettres du mois de janvier 1417, l'une de Martin, abbé de Coulon, qui décharge un de ses religieux de l'obéissance qu'il lui avait promise, l'autre de Simon du Bosc (32), qui reçoit ce même religieux à Jumièges, que l'abbaye n'était pas entièrement déserte. On pourrait même assurer, sur le témoignage de ces deux lettres, que la discipline y était en vigueur, puisqu'il est rapporté dans la lettre de l'abbé Martin que son religieux ne quittait Coulon que par inclination pour Jumièges et pour y vivre plus conformément à la règle de S. Benoît, preuve qu'il y avait encore des religieux. Quoi qu'il en soit, le plus grand nombre était à Rouen par ordre de Simon du Bosc, qui se retira pour lors à Paris, dans le dessein de continuer à remplir sa chaire de droit canon ; ce qu'il fit encore pendant six mois. Mais la désunion de la famille royale, qui déchirait la France par une guerre civile, ne lui permit pas d'y faire un long séjour. Il abandonna Paris sur la fin de juillet 1417, et vint à Vernon, où il passa près de neuf mois, considéré de toute la noblesse du pays et en particulier de M. d'Hélande et de M. de Lamberville, dont il tint le fils sur les fonts de baptême le 14 septembre de la même année. Le comte d'Estouteville lui avait fait un semblable honneur sept ans auparavant.

Le roi d'Angleterre n'était pas spectateur oisif de la guerre civile entre les Français. Il se rendit maître de la Basse-Normandie et d'une partie de la Haute, tandis que le parti du duc de Bourgogne, qui s'était emparé de la ville de Paris et d'un grand nombre d'autres villes, faisait main basse sans distinction ni d'état, ni de qualité, sur tous les partisans du connétable d'Armagnac, qui fut lui-même impitoyablement massacré. La frayeur que causa dans Vernon l'approche des Anglais obligea l'abbé du Bosc à prendre la fuite et à chercher ailleurs un asile contre leur fureur. Il quitta Vernon le 14 avril 1418, emportant avec lui douze paires de draps et tout le linge dont il avait besoin. Il choisit pour le lieu de sa retraite la ville de Mantes, et y demeura jusqu'au 20 de juin, qu'il retourna à Paris avec Dom Guillaume de la Haie et Dom Jean de la Chaussée qui y étudiaient en droit. Il y mourut le 14 septembre suivant, entre les bras de ces deux religieux et de l'évêque de Bayeux, qui lui était venu payer une somme de 200 livres, restants de 448 écus d'or qu'il avait avancés en Cour de Rome pour les bulles de l'abbé de Saint-Riquier, que le pape avait transférées à l'abbaye de Saint-Wandrille en 1411. L'évêque de Bayeux etait chargé de cette dette comme successeur et héritier de l'abbé de Saint-Wandrille. Outre cette somme on trouva 3218 livres 15 sols, tant en blancs doubles et gros tournois qu'en petits moutons et écus d'or du prix de 22 sols 6 deniers, avec cinq billets ou obligations montant à 1052 livres. Son argenterie consistait en 3 aiguières de vermeil, 12 gobelets, 12 tasses du poids de dix onces et et 12 cuillères d'argent. La notice que nous en a laissé son intendant ne nous apprend rien de ses autres meubles. Nous ne sommes pas plus certains du lieu de sa sépulture. Cependant nous avons lieu de croire qu'il est enterré à Jumièges, et que Henry V, qui faisait alors le siège de Rouen, accorda toutes les sûretés nécessaires pour l'y rapporter. Le magnifique tombeau dont les moines l'ont honore en paraît une preuve. Nous savons d'ailleurs qu'il etait d'usage parmi eux de célébrer les anniversaires de leurs abbés le jour même de leur mort. Or, celui de Simon du Bosc n'est marqué qu'au 18 de septembre, quoiqu'il soit mort certainement le 14. Ne serait-ce point, comme nous le pensons, parce qu'il fut apporté ce jour-là à Jumièges et déposé dans la chapelle de la Sainte-Vierge, où l'on voit son mausolée, entre deux arcades, élevé d'environ quatre pieds au-dessus du pavé. Aussi le nécrologe ne se sert-il pas du mot d'obitus comme pour les autres abbés et religieux ; mais de celui de depositio pour marquer que ce n'était pas le jour de sa mort, mais de la déposition ou de ses obsèques à Jumièges. Au reste si le superbe mausolée qu'on lui à dressé n'est pas une preuve que son corps repose à Jumièges, quoique nous trouvions ailleurs (33) qu'il y est véritablement enterré, c'est du moins un témoignage de la générosité et du respect des moines pour ce grand religieux famosæ religionis pius pater, comme rappelle son successeur, dans l'ancien monument dont nous avons déjà parlé. Il n'eut point d'épitaphe à sa mort, mais on y suppléa dans le XVIIe siècle par une histoire abrégée de sa vie, que son illustre famille a fait graver sur un cartouche de cuivre incrusté dans la muraille au pied de son tombeau :

ÆTERNÆ MEMORIÆ
R. in Christo Patris .D. Simonis Dubosq
Quem intra Rothomagense S. Audoeni monasterium
Humilitas primum addidit,
Et honorum contemptus quos per Patruelem
N. Dubosq Bajocensem Episcopum Franciæ Cancellarium
Et Computorum Cameræ præsidem
Amplissimos ipsi adfuturos constabat.
Eum plurima eruditio juris Pontificii Laurea donavit.
Virtutum splendor
Ut abbatem unanimi consensu sibi præficerent
Cerisiacensibus monachis persuasit
Et Cerisiacensibus eripiens compulit Gemmeticenses
Quibus nec omnino permissus est.
Bono siquidem rei pub. et Ecclesiæ necessarius
Pro utriusque negotiis
Ad summum Pontificem legatus mittitur.
Inter Patres Pisani, Romani et Constanciencis
Concilii connumeratur.
Eximias animi dotes in isto maxime prodidit
Ad quod totius provinciæ suffragiis accesserat.
Pastorales ejus virtutes communicata
Per summun Pontificem
Pontificalia insignia significata
Ad decessores transmissa.
Eos ad memoriam revocant et imitationem.
Tandem cum hoc Monastarium annos
Duo de triginta pie, administrasset,
Obiit die 14a septembris anni 1418.
Vir illustrissimus Annas Ludovicus Dubosq
Eques ex Normanvilla toparcha.
Et eodem sanguine cretus,
Gloriæ Bosciorum stemmati partæ
Ut responderet,
Monumentum hoc posuit anno 1685.


NICOLAS LE ROUX, CINQUANTE-NEUVIÈME ABBÉ (1418).

Nous avons déjà dit que la plupart des religieux s'étaient réfugiés à Rouen dès le commencement de la guerre des Anglais avec la France. Nous en avons en particulier une preuve pour l'année 1418, dans un acte capitulaire dressé par cinq d'entre eux, au manoir de la Poterne, le 27 septembre de la même année (34). L'acte porte qu'ayant appris la mort de Simon du Bosc d'heureuse mémoire, ils ont obtenu du roi et des grands vicaires de Monseigneur l'archevêque de Rouen la permission de pourvoir leur monastère d'un nouvel abbé, et qu'ils sont convenus d'un commun accord de s'assembler le lendemain, 28 du même mois, pour procéder à l'élection (35). Ils s'assemblèrent en effet dans la chapelle du manoir, où, après la messe et l'hymne du Saint-Esprit, le prieur claustral, qui était bachelier de Sorbonne, prononça un discours très éloquent sur les trois voies du scrutin, du compromis et de l'inspiration, usitées dans les élections. Ils choisirent la voie du compromis, et donnèrent leur pouvoir à trois d'entre eux, avec la liberté de prendre même un religieux d'un autre monastère, pourvu qu'il fût du même ordre. Mais afin que l'élection ne traînât point en longueur, le temps en fut limité jusqu'à ce qu'une bougie qu'on leur donna allumé fût entièrement éteinte. Les électeurs restèrent seuls dans la chapelle, dont la porte fut fermée pendant qu'ils procédaient à l'élection, et avant que la bougie fût brûlée ils choisirent pour abbé Nicolas Le Roux, et le déclarèrent ensuite au chapitre, qui, rentra dans la chapelle et chanta le Te Deum, après quoi l'on annonça l'élection au clergé et au peuple, qui était en foule à la porte et dans la rue.

Nicolas Le Roux était né à Rouen, de parents nobles. Son père Nicolas Le Roux et Catherine du Bosc, cousine germaine de Simon, abbé de Jumièges, se rendirent encore plus recommandables par leur piété que par leur naissance. Ils donnèrent à leur fils une éducation chrétienne. Simon du Bosc le prit avec lui dans le temps qu'il était encore fort jeune, et étant devenu abbé de Jumièges, il lui donna l'habit de S. Benoît, vers l'an 1395. Depuis son entrée en religion, ou pour mieux dire dans tous les temps de sa vie, il fut un modèle de vertu. Avant son noviciat à Jumièges, il en avait fait en quelque sorte un autre par une vie toute occupée de l'étude et de la prière. Il n'entra à Jumièges que dans un âge très compétent pour faire un choix de cette importance. Il avait près de vingt-quatre ans. Bientôt sa grande régularité et la bonté de son caractère lui attirèrent l'estime et l'amitié de tous les frères (36). Il fut successivement prieur de Montaterre, de Dame-Marie et de Jouy, reçu bachelier en 1409, docteur en 1411, et élu abbé de la Croix-Saint-Leuffroy au commencement de l'année 1412. Il y maintint le bon ordre et la règle par son exemple et par sa douceur, beaucoup plus que par l'autorité que sa place lui donnait. On lui fit l'honneur de le députer (37) au Concile de Constance 1414 ; mais on croit qu'il n'y alla jamais. En effet son nom ne se trouve point avec celui des autres députés de Normandie, dans la bulle du Concile, pour la levée d'un quart de décime sur le clergé de la province, quoiqu'aucun d'eux ne se fût encore retiré. Les auteurs du Gallia christiana (38) nous apprennent qu'il enseignait le droit canon à Paris le 12 octobre de cette même année 1414. Quoi qu'il en puisse être, la sagesse de sa conduite, jointe à une grande capacité dans les affaires les plus difficiles, lui avait mérité cette préférence, et les électeurs du nouvel abbé de Jumièges n'eurent point d'autre motif pour le placer à leur tâte à la mort de Simon du Bosc. Le pape Martin V confirma son élection par une bulle du 17 janvier 1419, et par une seconde du même jour il commit les évêques de Paris et de Beauvais pour recevoir son serment d'obéissance au siège apostolique, et 2300 florins d'or, auxquels l'abbaye de Jumièges avait été taxée pour ses bulles par le Concile de Pise (39).

Le nouvel abbé n'avait pas attendu les ordres du souverain pontife pour se mettre en devoir de payer cette somme. Il l'emprunta de ses amis jusqu'à ce qu'on eût levé le scellé des appartements de son prédécesseur, et la mit entre les mains d'un marchand de Lombardie, qui lui donna des lettres de change pour Mantoue, où le pape devait se rendre à la fin de l'année 1418. Mais le domestique chargé de ces lettres ne les put faire payer, malgré ses plaintes et ses sollicitations auprès du pape, qui ne laissa pas de confirmer l'élection aux conditions que les 2300 florins seraient remis incessamment à l'évêque de Paris ou à celui de Beauvais ; ce qui ne put toutefois être exécuté au gré du pape, par une insigne friponnerie du prévôt de Paris, qui, sous prétexte que l'abbé Nicolas était sorti de cette ville sans congé, pour retourner à son monastère, fit emprisonner le domestique à son arrivée de Mantoue, prit les lettres de change et s'en fit compter le montant par le marchand Lombard. C'est aussi, sans doute, par la même raison qu'il fit arrêter quelques parents de l'abbé, qui demeuraient à Paris, pour avoir connaissance de son argent, et que, sans attendre la levée de scellés, il s'empara de tous les effets de Simon du Bosc.

Ces pertes, quoique considérables, ne furent pas les seules que l'abbé Nicolas Le Roux eût à essuyer en cette année 1419. Le roi d'Angleterre, devenu maître de la ville de Rouen après un siège de sept mois, exigea des habitants 3000 écus d'or. Les religieux de Jumièges, qui s'étaient réfugiés à la Poterne, ne furent pas épargnés dans cette contribution. Il semble même qu'ils furent beaucoup plus vexés que les autres, le conseil ayant en cela moins d'égard à leur pauvreté qu'au service des bourgeois pendant le siège de la ville. Ils furent taxés à 1600 francs de la forte monnaie, et on les exigea avec tant de rigueur, que l'abbé ne pouvant trouver à emprunter toute la somme, fut contraint de vendre les vases d'or et d'argent que des moines avaient apportés avec eux. S'il faut même s'en rapporter aux remontrances qu'il fit deux ans après au pape, Martin V, pour être déchargé de la moitié des 2300 florins d'or que la Cour de Rome ne cessait de demander, les religieux de Jumièges étaient réduits à une telle extrémité, qu'ils manquaient généralement de tout (40). Ils achetaient le pain et le vin, et leurs revenus en argent étaient si considérablement diminués par la disette des paysans et autres gens pour cultiver la terre, qu'ils donnaient pour 100 francs ce qui valait autrefois 500 livres. Tel est le récit qu'il nous fait de l'état de son abbaye dans les trois premières années de son gouvernement, et il ne nous paraît pas suspect, malgré la défiance du souverain pontife, qui n'appréhendait rien tant que la diminution de ses droits. Il fallut cependant de relâcher de quelque chose après l'information de l'official de Rouen, parfaitement conforme aux remontrances, et accorder même du temps pour le reste, comme il est aisé d'en juger par les quittances de 1421 et des trois années suivantes, qui ne montent en tout qu'à 300 florins (41). Cette remise forcée ne fit néanmoins rien perdre an pape de l'estime qu'il avait pour les religieux de Jumièges. Il leur en donna des marques quelque temps après, en permettant à l'abbé Nicolas Le Roux, par un privilège particulier aux évêques, de célébrer la sainte messe en sa présence sur un autel portatif (42).

Cependant le roi Charles, toujours livré aux desseins funestes de la reine, qui s'était liguée contre le Dauphin avec Philippe, duc de Bourgogne, convint d'un traité, à Troyes, le 21 mai 1420, avec Henry V, roi d'Angleterre, à qui il donna Catherine, sa fille, en mariage, et qu'il déclara son successeur et légitime héritier de la couronne, à l'exclusion du Dauphin. Un des articles du traité était que Henry ne porterait pas le nom de roi de France tandis que Charles vivrait. Mais ce prince avait le roi en sa puissance, et il ne le ménagea qu'autant qu'il lui plut. Il prit particulièrement ce titre en Normandie, dans l'inscription d'une monnaie qu'il fit battre à Rouen, neuf mois après la confirmation du traité de Troyes, par Charles VI ; et l'on espérait si peu dans la province que le Dauphin pût être jamais en état de soutenir ses droits au trône, que les plus affectionnés à leur roi légitime crurent devoir veiller à leurs intérêts en faisant confirmer leurs possessions dans le royaume par le nouveau roi. L'abbé de Jumiéges alla comme les autres demander la confirmation des biens de son abbaye, et elle lui fut accordée par le prince, avec des lettres, datées de Rouen, le 27 mars, la huitième année de son règne, de Jésus-Christ, 1421 (43). Ces lettres furent enregistrées peu de temps après, à la Chambre des comptes, et l'acte en fut délivré aux religieux le 20 juin de la même année, deux ans ou environ après le dernier aveu rendu au roi Charles VI, pour le temporel de l'abbaye.

Nous avons remarqué ailleurs, en parlant du prieuré d'Helling, en Angleterre, que les bénéfices étrangers furent attaqués dans le Parlement de Westminster et supprimés pour la plupart en 1413. La charte de Henry V en faveur de l'abbaye de Jumièges est une preuve authentique. Nous voyons en effet que ce prince ne ratifia que les donations qui avaient été faites aux religieux en France et en Normandie, et que n'ayant pu se dispenser de référer dans sa charte les lettres de Guillaume-le-Conquérant pour l'île d'Helling, parce qu'elles contenaient plusieurs autres concessions de ce monarque en Normandie, il déclara formellement que son intention n'était point de donner par sa présente charte aucun droit aux religieux de Jumièges de réclamer à l'avenir leurs possessions en Angleterre. On trouve néanmoins deux provisions de ce prieuré : l'une, du 1er novembre 1470, par Antoine Crespin, et l'autre, du 10 avril 1475, par Jacques d'Amboise, abbés de Jumièges. Quoi qu'il en soit de ces provisions, les religieux furent affligés de cette réserve et s'en plaignirent à quelques seigneurs français, qui sollicitèrent vivement le roi de ratifier aussi cet article ; mais il le refusa constamment, malgré leurs instances réitérées, et ce fût à ces pauvres religieux une nécessité de paraître contents. Mais sans nous arrêter à cette ombre de joie, il est certain que, dans la situation des affaires de la province, où les Anglais pouvaient s'établir aux dépens des anciens propriétaires, ils devaient en avoir une véritable de se voir délivrés de cette crainte.

La petite communauté de la Poterne était encore à Rouen au temps de l'enregistrement des lettres patentes de Henry V ; mais elle en partit peu de temps après pour retourner à Jumièges. L'abbé Nicolas s'y rendit lui-même, et se donna divers soins pour mettre ordre aux affaires de la maison, extrêmement agitée par la tyrannie des Anglais, qui faisaient toujours le dégât sur ses terres et dans ses métairies. Il porta les officiers à veiller sur le soldat, et arrêta en quelque sorte le désordre ; mais ce qui contribua beaucoup plus à la paix et à la tranquillité de son monastère, fut le besoin même que le roi eut de joindre ses troupes oisives à l'armée qu'il amenait d'Angleterre, pour aller au secours de la ville de Chartres, que le Dauphin assiégeait avec 16000 ou 17000 hommes. Il profita de leur éloignement pour visiter les biens de son abbaye. Il mit des fermiers dans les lieux où il n'y en avait point, rappela ceux que la peur avait fait fuir, et les encouragea tous à reprendre la culture des terres. C'était une ressource pour l'avenir ; mais il fallait quelque chose de présent dans un temps où il écrivait au pape que tout manquait à ses religieux, jusqu'à n'avoir pas de quoi entretenir leur table. On rapporte, en effet, à ces fâcheuses conjonctures l'aliénation de quelques biens de l'abbaye pour leur subsistance; mais on nous laisse ignorer de quelle nature étaient ces biens (44). On nous fait entendre seulement qu'ils n'étaient cédés que pour la vie de ceux auxquels on les abandonnait, en dédommagement des sommes qu'ils donnaient au monastère pour fournir à ses besoins les plus pressants.

Ce qu'il y a de vrai, c'est qu'elles furent employées utilement en des provisions de toute espèce, et que ce fut un coup d'état pour le maintien du bon ordre et de la discipline, qui s'étaient fort affaiblis dès les premières irruptions des Anglais, sans que l'abbé Nicolas, qui n'avait rien plus à cœur que l'observation de la règle, eût encore pu la rétablir depuis trois ans, à cause de la nécessité où chacun avait été de se pourvoir dans ces temps de trouble et de confusion. Il proposa son dessein dans un chapitre du mois de novembre 1421, et il trouva les esprits d'autant plus disposés a lui obéir, qu'il ne leur demanda rien qu'ils ne lui eussent tous vu pratiquer depuis son entrée à Jumièges. Il se serait fixé dans cette sainte maison pour n'en plus sortir, si le curé de Verneuil et l'administration de la léproserie du même lieu ne l'avaient engagé par une députation à venir dans leur ville pour terminer le différend qui était entre eux au sujet des mêmes de la paroisse, dont l'administrateur prétendait que le curé n'avait qu'un tiers, au lieu d'une moitié que celui-ci soutenait lui appartenir. L'abbé se rendit à leurs sollicitations, et sa médiation eut tout le succès que le curé pouvait souhaiter. La sentence arbitrale est de 1425, et fut acceptée des deux parties.

En son absence, un moine, nommé Guillaume Gombaud, tomba dans une faute grossière, dont l'abbé reçut les premières nouvelles à Verneuil. Pour ne pas donner le temps à son religieux de faire de nouveaux écarts, il revint sur-le-champ à Jumièges, et s'étant fait instruire de la qualité de la faute, dont on lui avait fait le récit avec des circonstances qui ne lui avaient pas permis dès lors d'en douter, il prit le coupable en particulier, et lui représenta sa faute avec toute la douceur que la religion et la tendresse qu'il avait pour lui furent capables de lui inspirer (45). Gombaud, qui voulait passer pour innocent, ne tint aucun cas de ses remontrances, et soutint constamment qu'on l'avait calomnié. L'abbé, persuadé du contraire, voyant l'inutilité de ses soins, lui imposa pénitence en chapitre. Mais ce méchant religieux ne se mit point en peine de la correction d'un si bon père, et bientôt après, il fit éclater son ressentiment contre lui et contre tous les moines qui l'avaient accusé. Il prit des mesures pour se retirer secrètement dans sa famille, dans l'espérance de la révolter en sa faveur et de se mettre à couvert des mesures que sa désobéissance seule ne pouvait manquer de lui attirer. Ses mensonges lui réussirent à souhait ; ses parents se persuadèrent qu'il n'était pas possible qu'il fût aussi coupable qu'on le faisait, et piqués de la pénitence qu'on lui avait imposée, et qu'ils regardaient comme un déshonneur pour eux, ils accoururent en armes pour en demander la révocation. Elle leur fut refusée, et pour se venger, ils noircirent l'abbé auprès des personnes les plus respectables, dans la vue que, les ayant une fois prévenues, il leur serait plus aisé d'exercer leur vengeance. Ils revinrent en effet insulter les religieux jusque dans leur maison, outrageant les uns et maltraitant les autres. Ils tâchèrent même de soulever les habitants de Jumièges contre eux ; mais toutes leurs démarches furent inutiles. Les habitants demeurèrent fidèles et voulurent même prendre les armes pour la défense des religieux ; mais l'abbé aima mieux porter ses plaintes au commandant des troupes anglaises, qui étaient à Rouen, et il en obtint deux compagnies de soldats, qui, s'étant saisis du rebelle et de ses parents, les renfermèrent des les prisons de l'abbaye, d'où ils ne sortirent que par les ordres de Nicolas Le Roux, après qu'ils eurent fait une satisfaction convenable, et promis de trouver un monastère de l'ordre, où Guillaume Gombaud put faire pénitence le reste de ses jours. La tranquillité fut rétablie de la sorte au dedans et au dehors. Les religieux ne furent plus inquiétés, et ils continuèrent leurs exercices de piété sous la conduite de l'abbé Nicolas avec le zèle que demandaient les intérêts et la gloire de Dieu. Les parents de Guillaume Gombaud se retirèrent chez eux, bien contents d'en être quittes à si bon marché, et pénétrés de douleur de s'être laissés séduire par les artifices d'un mauvais moine, qui ne voulut pas même reconnaître sa faute pour être reçu en grâces.

Cependant la guerre était plus allumée que jamais entre les partisans de Charles VII et de Henry VI. On faisait des sièges, on surprenait des villes, on livrait des batailles, et près de huit années se passèrent sans qu'on put prévoir de quel côté penchait la victoire, lorsqu'en 1429, Dieu voulant que la France se reconnût redevable de sa conservation à la force de Son bras tout-puissant, suscita la fameuse Jeanne d'Arc (46), connue sous le nom de Pucelle d'Orléans, pour faire lever le siège de cette ville, faire sacrer la roi Charles à Reims et lui prédire que les Anglais seraient chassés du royaume. L'événement confirma la prédiction ; mais Jeanne d'Arc ne vécut pas assez pour en voir l'accomplissement. Elle fut prise le 25 mai 1430 (47), dans une sortie sur les Bourguignons, qui assiégeaient Compiègne, et renfermée dans le château de Beaulieu (48), d'où on la conduisit ensuite à Rouen, pour lui faire son procès, comme étant notoirement soupçonnée de sortilège, d'impiété et d'hérésie. L'Université de Paris, livrée au duc de Bedford, régent du royaume, pour le roi d'Angleterre, en porta le même jugement, et ce fut sur son avis que l'abbé de Jumièges, ayant été nommé juge dans ce procès avec le délégué de l'inquisiteur, le cardinal de Winchester (49), les évêques de Beauvais, de Térouanne, de Noyon, de Bayeux et de Norwich, les abbés de Fécamp, du Bec, de Saint-Michel et autres, la déclara excommuniée, hérétique et relapse, et conclut avec eux à la livrer à la justice séculière, qui la condamna à être brûlée vive, tristes et déplorables effets de la crainte que produisit dans l'esprit de ses juges la passion des Anglais, encore maîtres de la province.

L'abbé Nicolas ayant eu des affaires qui le retinrent à Rouen après la condamnation de la Pucelle (50), n'en partit qu'au mois de novembre, pour aller poursuivre le recouvrement des effets de Simon du Bosc contre le prévôt de Paris, auprès du jeune roi d'Angleterre, que le duc de Bedford avait enfin engagé à passer la mer pour être sacré et couronné roi de France, dans la capitale du royaume. L'évêque de Beauvais, qui avait des obligations à l'abbé de Jumièges, pour l'avoir si bien servi dans la procédure contre Jeanne d'Arc, dont il était le premier moteur, se chargea seul de sa commission, et conduisit l'affaire avec tant de zèle et de succès, que le prévôt de Paris fut obligé de rendre une somme de 1200 livres à l'abbé Nicolas, que revint triomphant de Jumièges, au commencement de janvier 1431 (51). Sa joie fut bien modérée par une fâcheuse maladie, dont il fut attaqué peu de temps après. Se croyant près de sa fin, il appela ses religieux, leur fit présent d'une magnifique chape de drap d'or et de sa bibliothèque, qui, selon nos mémoires, était composée de plusieurs beaux manuscrits, dont nous ne connaissons aujourd'hui que les Décrétales de Grégoire X, d'Innocent IV et de Grégoire XI (52), qu'il avait achetées à Rouen, en 1414, de Richard Hucher, maître-ès-arts et licencié en l'un et l'autre droit, pour 8 écus, qui feraient de notre monnaie environ 63 livres. Sa maladie n'alla pas si vite qu'il l'avait pensé, et ce fut un malheur pour l'abbaye de Jumièges, qui perdit à ce délai 32000 francs de ses épargnes et de la succession de son prédécesseur, que les parents du moribond firent enlever avec tous les titres et mémoires qui en faisaient foi, à l'insu des religieux, auxquels ils ne permettaient pas même de lui parler qu'en leur présence. Il mourut le 17 juin de la même année 1431 (53), vraiment recommandable par plusieurs excellentes qualités, mais surtout par sa piété, son amour pour le bon ordre, et enfin par sa fermeté à faire observer la règle et à punir les moindres transgressions (54).

On ne trouva que 1000 sols à sa mort, dont le prieur claustral Guy de Vatetot se servit pour lui faire des obsèques magnifiques dans la chapelle de Saint-Lubin et de Saint-Nicolas de la grande église, où l'on voit encore son tombeau (55) avec l'épitaphe suivante, en prose latine :

Hic jacet reverendus pater bonæ memoriæ Magister Nicolaus Ruffus decretorum doctor eximius, hujus cœnobii quondam monachus professus, in civitate Rothomagensi claris natalibus ortus, prius de Cruce sancti Leufridi postea hujus præfati cœnobii pastor, qui post laudabilem administrationem. Obiit anno Domini millesimo quadringentesimo trigesimo primo, decimo quinto calendas julii decessit. Orate pro animâ ejus et requiescat in pace. Amen.

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[Notes de bas de page : * = originale ; † = par l'abbé Loth.]

1*.  Mémoires de Jumièges.

2*.  Archives de Jumièges.

3*.  Archives.

4*.  Manuscrit de Jumièges, sous la lettre D, num. 24.

5*.  Manuscrit, sous la lettre D, num. 56.

6*.  Manuscrit, sous la lettre H, num. 5.

7*.  Archives.

8*.  Archives.

9*.  Archives.

10*. Archives.

11*. Archives.

12*. Archives.

13*. Edmond Martène, Thesaurus novus anecdotorum, Paris, 1717, t. II, p. 1356.

14*. Archives.

15*. Archives : Itinéraires de S. Dubosc.

16*. Archives.

17†. Privilèges accordés par le pape Alexandre V aux abbés de Jumièges : l'abbé Simon Dubosc a été représenté sur sa pierre tombale avec une mitre précieuse, en souvenir du privilège que le pape lui avait accordé. On conserve à Jumièges la tête mitrée de la statue de Dubosc ; elle a été dessinée par Hyacinthe Langlois et gravée par Mlle Espérance Langlois pour le livre de Charles-Antoine Deshayes, Histoire de l'abbaye royale de Jumièges, Rouen, Baudry, 1829.

18*. Archives.

19*. Archives.

20*. Archives.

21*. Archives.

22*. Archives.

23*. Archives.

24*. Archives de Jumièges : Mémoires de S. Dubosc.

25*. Archives.

26*. Edmond Martène, op. cit., t. II, p. 1539.

27*. Ibid.

28†. «Abbaye» de Bolbec : il n'y avait à Bolbec qu'un prieuré dépendant de l'abbaye de Bernay. Il avait été fondé à la fin du XIe siècle sous le patronage de l'archange S. Michel et subsista jusqu'au commencement du XVIIIe siècle. C'est par erreur que notre auteur donne ici le titre d'abbé au député du prieuré de Bolbec.

29*. Jacques Lenfant, Histoire du Concile de Constance, Amsterdam, Hubert, 1714.

30*. Edmond Martène, op. cit., t. II, p. 1545.

31*. Archives.

32*. Archives : Mémoires de S. Dubosc.

33*. Archives : Ms. du Père Chrétien, partie II, p. 209.

34*. Archives.

35*. Archives.

36*. Archives.

37*. Edmond Martène, op. cit., t. II, p. 1539.

38*. Congrégation de Saint-Maur, Gallia christiana, Paris, 1759, t. XI, p. 536.

39*. Archives.

40*. Archives.

41*. Archives.

42*. Archives.

43*. Archives.

43*. Archives.

44*. Archives : Motifs de l'abbé Nicolas au pape.

45*. Mémoires.

46†. La fameuse Jeanne d'Arc : l'auteur que nous éditons aurait dû employer une autre épithète que celle de fameuse, puisqu'il s'agit ici de la plus pure et de la plus haute de nos gloires nationales. Le XVIIIe siècle n'a pas honoré Jeanne d'Arc selon son mérite. Cette héroïque jeune fille, cette libératrice de la France, cette martyre de la patrie, était aussi une sainte ; car suscitée de Dieu et conduite par lui, elle a rempli sa mission avec une foi, une abnégation, une piété qui n'eurent d'égales que ses éminentes vertus. L'Église un jour, espérons-le, la placera sur ses autels ; la France lui doit une reconnaissance éternelle ; tous les cœurs honnêtes et bons aiment à entourer sa mémoire d'honneur et de vénération. Jamais la langue humaine ne trouvera d'éloges et de bénédictions pour cette incomparable vierge qui a atteint à la plus haute beauté morale, en même temps qu'elle s'est illustrée par les gestes les plus héroïques. C'est, nous éprouvons le besoin de le dire, avec une profonde douleur que nous avons lu les passages consacrés dans ce livre à notre grande et immortelle Jeanne d'Arc, L'abbé de Jumièges, Nicolas Le Roux, qui fut un des juges de la sainte enfant, doit porter la flétrissure de sa coupable action. Notre auteur cherche en vain à l'excuser par «la crainte que produisit dans l'esprit de ces juges la passion des Anglais, encore maîtres de la province.» Depuis quand la crainte peut-elle justifier un crime ! Notre auteur déplore évidemment le meurtre de Jeanne d'Arc et rend hommage au caractère surnaturel de sa mission, mais il ne le fait pas en termes suffisants ; il aurait dû réprouver hautement et énergiquement la conduite de Nicolas Le Roux dans le procès de Jeanne, et nous le faisons ici à sa place, pour décharger notre âme. Comment, raconte-t-il, sans indignation, que «l'évêque de Beauvais qui avait des obligations à l'abbé de Jumièges pour l'avoir si bien servi dans la procédure contre Jeanne d'Arc,» accorda à son tour ses bons offices à son misérable complice ? L'histoire ne peut pas avoir assez de sévérités pour les juges qui ont trempé dans cet odieux et inique procès.

Les complaisances que les religieux de Jumièges obtinrent du duc de Bedford et du roi d'Angleterre sont aussi une tache dans leur histoire. On cherchera tant qu'on le voudra à atténuer leurs torts par les mœurs du temps, l'entraînement de l'exemple, les nécessités de leur situation ; pour nous, noua n'hésitons pas à leur infliger le blâme qu'ils méritent, et comme nous éditons ces passages, nous avons le devoir et le droit d'y joindra notre protestation.

47†. Prise de Jeanne d'Arc : le 23 mai à six heures du soir ; cf. Jules-Étienne Quicherat (éditeur), Procès de la Condamnation et de Réhabilitation de Jeanne d'Arc, dite la Pucelle , Paris, Renouard, 1849, t. V. p. 166, et Jules-Étienne Quicherat, Aperçus nouveaux sur l'histoire de Jeanne d'Arc, Paris, Renouard, 1850, p. 95. M. Henri-Alexandre Wallon, Jeanne d'Arc, Paris, Hachette, 1860, p. 206, dit le 24 mai.

48†. Renfermée de Jeanne d'Arc : le bâtard de Wandonne qui s'empara de Jeanne, la conduisit d'abord au camp de Margny, puis, après quelques jours, l'envoya à son château de Beaulieu ; cf., Wallon, op. cit., p. 213.

49†. Cardinal de Winchester : Henry Beaufort [1374-1447].

50†. Condamnation de Jeanne d'Arc : Nicolas Le Roux n'a pris qu'une part secondaire au procès de Jeanne. Son avis écrit nous fait connaître ses véritables sentiments. Il estimait que tout le procès de Jeanne devait être préalablement déféré à l'Université de Paris, dont il a toujours désiré suivre l'opinion dans une affaire si difficile : ut totus processus concernens dictam mulierum remitteretur matri nostræ Universitati Parisensi, cujus opinionem semper insequi desideravimus maxime, in tam arduo negotio ; cf. Quicherat, op. cit., Paris, Renouard, 1841, t. I. p. 368. C'était un de ces hommes dont l'Université de Paris avait formé l'opinion dans cette affaire, et, dès les premiers jours, comme on sait, l'Université s'était montrée ouvertement hostile à Jeanne, au point de reprocher à Cauchon lui-même ses lenteurs dans les négociations et pour obtenir la remise de la Pucelle. Nicolas Le Roux jugeait la cause de Jeanne très difficile : in tam arduo negotio. Son avis porte la trace des hésitations de sa conscience ; c'était un homme et un religieux de bonne réputation ; il s'est laissé dominer par la peur et par l'avis des docteurs de Paris. L'acte qu'il a accompli comme juge n'en est pu moins condamnable, mais il est assurément un des juges de la Pucelle les moins odieux.

51*. Archives.

52*.  Manuscrit, sous la lettre D, num. 40.

53†. Mort de Nicolas Le Roux : on remarquera qu'il est mort un an après Jeanne d'Arc. «Prenez garde, avait dit Jeanne, de mal juger et de vous mettre en grand péril. Je vous donne cet avis, afin que si vous êtes punis de Dieu, on s'en souvienne.» On a contesté pour plusieurs juges leur mort tragique ou prématurée. Il est difficile cependant de ne pas reconnaître le doigt de Dieu dans les circonstances qui accompagnèrent la fin des principaux auteurs de cette grande iniquité.

54*. Archives et Nécrologe de Jumièges.

55†. Tombeau de Nicolas Le Roux : sa pierre tombale, parfaitement gravée et décorée, le représente en costume de prélat et les mains jointes. Elle est conservée aujourd'hui à Jumièges dans le musée que M. Lepel-Cointet, propriétaire des ruines, y a installé avec autant de zèle que de goût.


«Histoire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges» :
Table des Chapitres ; Lexique ; Chapitre 14

[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]