«HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES» ; DIVERS
HISTOIRE DE L'ABBAYE ROYALE
DE
SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES
PAR
UN RELIGIEUX BÉNÉDICTIN DE LA CONGRÉGATION DE St MAUR
Publiée pour la première fois
PAR L'ABBÉ JULIEN LOTH
TOMES I, II et III.
ROUEN
CH. MÉTÉRIE, SUCCESSEUR DE A. LE BRUMENT
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE NORMANDIE
RUE JEANNE-D'ARC, N° 11.
MDCCCLXXXII, MDCCCLXXXIV et MDCCCLXXXV.
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EXTRAIT DU RÈGLEMENT
ART. 16. — Aucune volume ou fascicule ne peut être livré à l'impression qu'en vertu d'une délibération du Conseil, prise au vu de la déclaration du commissaire délégué, et, lorsqu'il y a lieu, de l'avis du comité intéressé portant que le travail est digne d'être publié. Cette déclaration est imprimée au verso de la feuille du titre du premier volume de chaque ouvrage.
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Le Conseil, vu la déclaration de M. CH. DE BEAUREPAIRE, commissaire délégué, portant que l'édition de l'HISTOIRE DE L'ABBAÏE ROYALE DE SAINT-PIERRE DE JUMIÈGES, par un Religieux bénédictin de la Congrégation de Saint-Maur, et préparée par M. l'Abbé JULIEN LOTH, lui a paru digne d'être publiée par la SOCIÉTÉ DE L'HISTOIRE DE NORMANDIE, après en avoir délibéré, décide que cet ouvrage sera livré à l'impression.
Fait à Rouen, le 27 janvier 1882.
LE SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ,
CH. LORMIER.
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NOTE SUR CET MANUSCRIT (1)
Ce manuscrit de l'histoire de l'abbaye de Jumièges est la seconde copie faite sur l'original et devenu lui-même original, s'il est vrai, comme Dom Outin, ancient religieux et bibliothécaire de cette abbaye, me l'a assuré depuis la révolution, que cet original du même format et papier que celui cy ait disparu en1790 de la fameuse Bibliothèque de ce monastère (2). Il en étoit le conseil et l'avocat, comme de tout l'ordre des Bénédictins de la province. Il n'en reste plus aujourd'hui que de tristes ruines. Le roi Dagobert l'avait fondé en l'an 638 (3). Si ce manuscrit étoit jamais imprimé, il en conserveroit du moins la mémoire. Je ne me souviens plus du nom ou des noms du Religieux qui en est l'auteur, mais Dom Outin et dom Courdemanche m'ont assuré qu'ils avoient été chargés par leurs chefs de recevoir ce travail et d'en vérifier les citations sur les anciens historiens, ce que le premier avoit fait seul. Il y a quelques fautes. La préface en est courte, mais sçavante. En général cette histoire est pesamment écrite. On y reconnait partout le stile et la manière d'un écrivain pieux et solitaire, pénétré des devoirs de son état et attaché à son ordre.
Cette histoire finit à l'an 1760 et contient d'abord 680 pages, elle va jusqu'à 691 :
1° Les feuilles suivantes, depuis la page 680 aiant été transposées par le relieur et placées à la fin de ce manuscrit.
2° On trouve à la suite de la dite page 680, copies des anciennes chartes, etc. de la dite abbaye, avec ce titre : Recueil des pièces justificatives pour l'histoire de l'abbaye roiale de Jumieges contenant 202 pages et finissant à la 203e par la mention du décès de plusieurs religieux dont le dernier est décédé en 1774.
3° Enfin ce recueil est suivi d'une table des matières, contenant 46 pages.
Je prête et confie ce manuscrit qui m'appartient et que j'estime précieux, à Monsieur le Comte de Kergariou (4).
Rouen, ce 6 juin 1818.
De la Foye, ancient avocat au Parlement de Rouen.
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NOTICE SUR L'ABBAYE DE JUMIÈGES
Tout ce qui vient à nous avec la double majesté des siècles et des souvenirs religieux a droit à notre respectueuse attention. L'abbaye de Jumièges, qui a subsisté pendant onze siècles comme une école de foi, un
centre littéraire, un foyer de civilisation, et qui a été mêlée à tous les grands mouvements de notre vie
nationale, mérite de vivre dans la mémoire des hommes et de trouver un historien. L'a-t-elle rencontré dans le religieux inconnu dont nous avons, au nom de la Société de l'Histoire de Normandie, publié le manuscrit ?
Nous n'oserions l'affirmer. Nous dérogeons, nous le savons, aux usages reçus en ne faisant pas d'abord l'éloge du livre dont nous avons accepté l'édition. Nous avons une idée trop juste de notre mission ne pas parler selon notre conscience. Elle nous commande de faire des réserves sur la valeur de l'ouvrage. Ce n'est pas une histoire dans la vérité et l'ampleur de ce mot, c'est une chronique fidèle, consciencieuse, impartiale des menus faits de l'abbaye. L'auteur n'a pas su mettre en relief les grands côtés de son sujet ; il n'a pas montré les services rendus à la civilisation chrétienne, à la France, à la Normandie par cette belle institution monastique, longtemps florissante, quelque fois affaiblie par le malheur des temps, mais en somme toujours utile et bienfaisante. Il a eu la vue courte ; elle ne s'est pas étendue au-delà des limites de son monastère. Il parle à peine des faits considérables de l'Église catholique où son abbaye a été mêlée, à peine aussi des événements de l'histoire de France et de celle de notre province. Il est resté à l'intérieur du cloître, sans un regard jeté au dehors. La vie personnelle des abbés, le développement matériel de l'abbaye, les agrandissements de territoire, les procès, les affaires domestiques occupent dans ses préoccupations la place principale. Sans doute, il nous donne de précieux renseignements sur les saints personnages, les vies édifiantes, les études et les travaux littéraires, la vie cénobitique de Jumièges, et nous appellerons tout à l'heure l'attention sur cette partie importante et très louable de son œuvre ; mais nous le disons pour décharger tout de suite notre cœur, on n'a pas dans nos volumes
la belle, la pleine, l'édifiante histoire de la grande abbaye de Saint-Pierre de Jumièges. Elle est encore
écrire.
Pourquoi alors avoir publié le manuscrit de notre Bénédictin ? La Société de l'Histoire de Normandie ne
fait pas de livres ; elle met au jour les documents inédits ou devenus rares, pour servir aux recherches des
érudits et aux travaux des historiens. Le manuscrit de Jumièges est un de ces documents. Au point de vue de l'érudition, ce document est de premier ordre. Tout ce qui intéresse l'histoire particulière du monastère,
ses abbés, ses principaux religieux, ses chartes, ses archives, ses domaines, ses droits féodaux, ses relations avec le pays et les particuliers, ses vicissitudes, ses monuments, ses annales, en un mot, tout a été précieusement et fidèlement recueilli par l'auteur de nos volumes. On y puisera, pour l'histoire locale, la topographie, la géographie, la connaissance des mœurs et des usages du passé, des renseignements utile, peu
connus, nouveaux même sur certains points. C'en est assez pour justifier notre publication.
Jumièges n'avait pas eu jusqu'ici d'histoire proprement dite. Pour incomplète, pour étroite que soit la nôtre, elle est préférable au silence. Il est vrai, M. Deshayes (5) a publié en 1829 un abrégé de notre manuscrit. La première partie de son histoire n'est autre que la copie souvent littérale du manuscrit de notre Bénédictin. M. Deshayes s'est contenté de dire dans sa Préface qu'il avait puisé ses renseignements «dans des manuscrits échappés aux Omar de 1793 et dont l'authenticité ne peut être contestée.» Il aurait dû dire, pour être tout à fait sincère, qu'il n'a puisé que dans ce seul manuscrit, dont il a reproduit mot à mot des pages entières, des chapitres entiers, se contentant seulement d'abréger quelques développements, et de modifier certaines expressions. On en aura la preuve en comparant les deux ouvrages. M. Deshayes a intercalé quelquefois des réflexions de son crû, et certes elles n'ajoutent pas à la valeur de son livre. C'est précisément parce que M. Deshayes a reproduit imparfaitement le travail de notre Bénédictin qu'il était nécessaire de faire connaître ce travail dans sa forme première et intégrale.
Quel est l'auteur de notre manuscrit ?
Disons d'abord un mot du manuscrit lui-même. Il nous a été prêté par la Bibliothèque nationale, où il est ainsi coté : 1. Acq. nouv. fr. n° 4170. Il provient de la bibliothèque de l'abbaye de Jumièges, comme en témogne la mention écrite sur le titre de la première page par le bibliothécaire de l'abbaye : «Monasterii sancti Petri Gemmeticensis, ordinis S. Benedicti, congregationis S. Mauri 1764. R. 6952.» Il était en 1818 en la possession de M. de la Foye, ancien avocat au Parlement de Rouen, qui à écrit cette note: «Ce manuscrit de l'histoire de l'abbaye de Jumièges est la seconde copie sur l'original et devenu lui-même original, s'il est vrai, comme Dom Outin, ancien religieux et bibliothécaire de cette abbaye, me l'a assuré depuis la Révolution, que cet original du même format et papier que celui-ci ait disparu en 1790 de la fameuse bibliothèque de ce monastère... Je ne me souviens plus du nom ou des noms du religieux qui en est l'auteur, mais Dom Outin et Dom Courdemanche m'ont assuré qu'ils avaient été chargés par leurs chefs de revoir ce travail et d'en vérifier les citations sur les anciens historiens, ce que le premier avait fait seul.»
Ce manuscrit est bien faite copie d'ailleurs avec soin, sur un autre manuscrit, probablement celui conservé aujourd'hui à Jumièges, chez Mme Lepel-Cointet, et qui nous paraît être l'original. Il y a quelques variantes sans importance dans notre manuscrit et qui indiquent un travail postérieur.
C'est M. Léopold Delisle, l'une des gloires de l'érudition française, l'un des membres éminents de notre Société, qui nous avait signalé l'existence de ce manuscrit et nous l'a communiqué avec sa bienveillance accoutumée. Le conseil d'administration en ordonna l'édition en 1882. Elle a été poursuivie sans relâche jusqu'à cette année, où le troisième et dernier volume a vu le jour. Nous avons accompagne le texte, de notes peu nombreuses, n'étant pas de ceux qui prétendent apprendre aux lecteurs «qu'il y a sept jours dans la semaine et que la Seine coule à Paris.» Nous avons donné quelques indications utiles selon nous, et fait des remarques destinées à élucider le texte ou à le compléter. Nous avons été aidé dans notre tâche par M. de Beaurepaire, dont nous ne pouvons jamais prononcer le nom sans exprimer en même temps notre reconnaissance et notre admiration, par M. l'abbé Sauvage, qui a bien voulu nous prêter pour le premier volume, avec une bonne grâce et une cordialité parfaites, le secours de son érudition variée étendue. D'ailleurs ce qui importe, en de telles publications, c'est la sincérité et la correction du texte original ; le reste, c'est-à-dire les réflexions ou annotations de l'éditeur, est sans grande conséquence.
Les lumières de nos amis et nos recherches personnelles n'ont pu nous faire découvrir le nom de l'auteur de ce manuscrit. C'est un religieux bénédictin de Jumièges qui l'a composé par obéissance, comme il nous l'apprend dans la préface de son travail. «L'abbaye de Jumièges, dit-il, n'étant en rien inférieure aux plus célèbres monastères de l'ordre de S. Benoît, qui ont eu leurs historiens, on est surpris avec raison qu'aucun de ses enfants n'ait encore donné ou publié une idée suivie de ce qu'il peut y avoir d'utile et d'intéressant dans son histoire. Les plus anciens auteurs comme les
modernes avaient frayé le chemin, et rien n'était plus sûr que de pouvoir suppléer à leurs omissions par des preuves authentiques, qui se trouvent en grand nombre dans ses archives, et qui n'était pas venues à la connaissance des écrivains du dehors, peuvent néanmoins servir à relever l'éclat et la gloire de cette auguste maison. C'est dans cette vue que je me suis laissé imposer l'obligation d'y travailler, persuadé que si mes recherches sont inutiles à mes frères, elles serviront du moins par la miséricorde de Dieu à m'instruire moi-même, et à me préserver de l'oisiveté.»
Il ajoute avec la plus touchante humilité : «L'histoire, telle qu'elle paraît, n'était cependant pas dans mon premier dessein ; j'aurais sans doute eu plus de peine à l'entreprendre : mon intention n'était d'abord que de recueillir dans les histoires imprimées et dans les manuscrits que je trouverais, tout ce qu'on avait pu dire sur l'histoire de Jumièges, et de laisser à ceux à qui Dieu et donné plus d'intelligence et de lumières le soin de l'arranger et de lui donner la forme. Si je devais toucher les difficultés, ce n'était que pour les faire apercevoir, non pour les discuter, moins encore pour les résoudre : mais la divine Providence en a disposé autrement. J'ai été assujetti non seulement à faire les recherches, mais à leur donner une suite autant digne de la matière qu'il m'a été possible. Je m'y suis soumis ; c'est donc une tâche qu'il faut remplir.»
L'histoire commence avec les origines de l'abbaye et finit en 1760. Toutefois la mention, en appendice, du décès de plusieurs religieux dont le dernier eut lieu en 1774, prouve que l'auteur travaillait encore à son œuvre en 1775 (6). Dom Outin et Dom Courdemanche ont assuré à M. De la Foye qu'ils avaient été chargés par leurs supérieurs de revoir ce travail et d'en vérifier les citations sur les anciens historiens, ce que Dom Outin avait fait seul. Tous nos efforts pour percer le voile
dont s'est enveloppé notre historien ont été vains. Notre honorable confrère et ami, M. l'abbé Tougard, en mentionnant le manuscrit original dans sa savante géographie de la Seine-Inférieure, a émis l'opinion qu'il pouvait être l'œuvre de Dom Dubust, mais sans s'expliquer autrement. Rien ne nous autorise à confirmer cette attribution, émise d'ailleurs sous la forme dubitative.
Nous avons reproduit scrupuleusement, il est à peine besoin de le dire, le texte de notre historien ; nous avons supprimé seulement dans l'orthographe certaines lettres doubles et des lettres majuscules, substitué l's à l'x dans plusieurs mots, et corrigé quelquefois la ponctuation.
On a dans ces trois volumes les éléments d'une bonne histoire de Jumièges, car l'auteur s'est constamment appuyé sur les pièces pièces originales, les chartes et les archives de l'abbaye alors sous ses yeux. S'il a accueilli parfois certaines légendes et traditions populaires avec lesquelles la critique n'a rien à voir, on reconnaîtra que pour ce qui concerne les annales de l'abbaye, la vie des abbés, l'administration et les mouvances des biens conventuels, les relations avec les rois et les communes, les faits intérieurs et extérieurs de quelque importance, il a consulté et cité les sources. Il avait la sincérité et la sûreté de l'érudition de son ordre, et son œuvre n'est pas indigne de celles de ses maîtres, les grands
Bénédictins du XVIIe et du XVIIIe siècle, qui ont été l'honneur de la science et les vrais pères de l'histoire nationale.
Résumons brièvement son œuvre.
L'abbaye de Jumièges fut fondée par S. Filibert avec la protection de Clovis II et de la reine Bathilde, en 654, dans le milieu de ce VIIe siècle, l'âge d'or des institutions monastiques. «Entre les terribles invasions barbares du sixième et du huitième siècle, Dieu, dit le cardinal Pitra, semble se réserver le septième tout entier, pour réparer le passé et préparer l'avenir. Il frappe du pied le sol chrétien, et en fait jaillir des milliers de monastères, d'écoles, de grands évêques et
de saints (7)». Saint Filibert avait été formé à la grande école des fils de S. Benoît, dans le monastère de Rebais ; il devint à son tour le père de nombreuses générations bénédictines à Jumièges, à Noirmoutier, à Quinçay (près Poitiers) pour les hommes ; à Pavilly et à Montivillers pour les femmes, et laissa partout où il passa la forte empreinte de son action apostolique. On n'a plus à glorifier aujourd'hui les bienfaits de l'ordre de S. Benoît et des abbayes en Europe. «Affirmer que les bénédictins ont pendant plusieurs siècles nourri et éclairé l'Europe, c'est là, dit M. Lenormant, un lieu commun, c'est une chose dont les historiens conviennent, quelles que soient d'ailleurs leur origine et leur opinion (8)».
L'Europe leur doit en grande partie sa culture intellectuelle et sa civilisation matérielle. «Les bénédictins, dit M. Guizot, ont défriché l'Europe en grand, associant l'agriculture à la prédication. Une colonie, un essaim de moines peu nombreux d'abord, se transportaient dans des lieux incultes, souvent au milieu d'une population encore païenne, en Germanie, par exemple, en Bretagne, et là, missionnaires et laboureurs à la fois, ils accomplissaient leur double tâche avec autant de péril que de fatigue (9).»
Le monument de vérité, de justice et de reconnaissance que le comte de Montalembert a élevé, dans Les Moines d'Occident (10), à l'honneur de l'ordre de Saint-Benoît, rend désormais toute apologie inutile et toute louange superflue.
L'abbaye de Jumièges est un nouvel exemple de l'action civilisatrice des moines bénédictins. Saint Filibert commence sa fondation avec soixante religieux. Ils défrichent la péninsule gémétique et en font une des terres les plus fertiles et les plus riches de l'opulente Normandie, et en même temps ils prêchent l'Évangile aux populations retombées dans l'ignorance à la suite des longues incursions des barbares. «Leur mission, dit avec raison l'auteur de notre manuscrit, fut le salut
de la Neustrie. La province retentit de la voix de ces hommes apostoliques, qui, jusque-là, n'avaient été attentifs qu'à travailler à leur propre satisfaction, et le Tout-Puissant répandit tant de bénédictions sur leurs travaux spirituels qu'en moins de dix ans ils eurent la consolation, non seulement d'annoncer Jésus-Christ dans la Neustrie et dans les environs, mais de voir augmenter leur communauté de huit cents religieux, tous convertis par la force de leurs discours et par la
sainteté de leur vie (11)».
Ce grand nombre de moines étonnera ceux qui ne connaissent pas l'état social au VIIe siècle. Les monastères étaient des asiles de foi, de paix et de travail. L'abbaye bénédictine avait inscrit sur sa porte cette devise, ce mot consolateur : PAX, qui résumait toutes les aspirations des âmes, en ce temps si troublé, si agité, entre les invasions barbares et les luttes de la féodalité.
Pax. Cette douce et divine parole exerça sur la société d'alors une attraction irrésistible. Sur tous les
points du territoire, au Nord, au Midi, à l'Est, à l'Ouest, on vit accourir dans les asiles de la prière et du travail, des hommes de tous rangs et de tous les âges, heureux d'abriter leur vie et de la sanctifier à l'ombre des cloîtres. Ils rendirent à la société et à la patrie, entre beaucoup d'autres bienfaits, un service qu'on n'a pas assez mis en lumière. Ils furent les vrais fondateurs des communes. «Là où il y a communauté, il y a commune, a dit Victor Hugo ; là où il y a commune, il y a le droit. Le monastère est le produit de la formule : Egalité, Fraternité (12).»
Les premiers temps de Jumièges furent heureux. Ces légions de moines travaillent et prient ; ils mettent en honneur la culture de la terre et le labeur manuel ; ils remplacent les forêts sauvages par des moissons, les jachères et les landes par des cultures ; ils dessèchent les marais, tracent des routes, bâtissent des églises, ouvrent des écoles, fondent des hôpitaux. En même temps ils sauvent les lettres humaines en copiant patiemment les œuvres immortelles des maîtres de la
pensée, de la langue, du goût antiques. Sous S. Aycadre, Jumièges est une grande colonie : elle compte 900 religieux et 1500 serviteurs. Cet abbé «y entretint dans le goût et la culture des lettres ceux qu'il trouva en état de s'y appliquer.» Le règne glorieux Charlemagne est une époque de prospérité pour toutes les institutions monastiques. Jumièges fournit à Louis-le-Débonnaire un chancelier éminent, l'abbé Hélisacar, qui le réconcilia avec ses frères dans l'assemblée d'Attigny (822). Mais voici venir les hommes du Nord, ces terribles ravageurs qui mettront tout l'Ouest et le Centre à feu et à sang. Ils sont à Jumièges en 851, ils pillent et brûlent le monastère, ne laissant debout que les principaux murs de l'église. Les moines sont en fuite, l'abbaye devient un désert, et comme le repaire de tous les animaux sauvages. La désolation dura plus de soixante ans. Le traité de Saint-Clair-sur-Epte rendit la paix et la sécurité à la Normandie. Les moines de Jumièges étaient presque tous passés de vie à trépas ; deux seulement, restes précieux de tant de serviteurs
de Dieu, partirent de Haspres, où ils s'étaient réfugiés et vinrent à Jumièges revoir les ruines de leur ancien couvent. Ils ne peuvent retenir leurs larmes à la vue du spectacle désolant qui s'offre à eux. Ils pénètrent à travers les ronces et les épines jusqu'à la place du grand autel ; ils le lavent pieusement, forment au-dessus un berceau avec les branches des arbres voisins, et se mettent à prier. C'est par l'autel que tout ressuscite dans la société chrétienne ; l'autel de Jumièges fut son second berceau. Les bons moines bâtirent tout auprès une petite cabane pour abriter leur vieillesse.
Ils en étaient là, quand un jour le duc Guillaume Longue-Épée vint chasser dans la forêt de Jumièges (928). Les vastes ruines de l'abbaye ne purent échapper à ses yeux. Il s'avança de ce côté et ayant aperçu les deux moines occupés à arracher du bois, il leur demanda d'où ils étaient venus là, ce qu'ils y faisaient, et ce qu'avait été autrefois ce désert, où il voyait encore les restes de tant et de si grands édifices. Les moines lui racontèrent la lamentable histoire. Cette entrevue fut le signal de la résurrection. Le duc Guillaume prit l'affaire à cœur, envoya de Rouen une troupe d'ouvriers
qui firent sortir des décombres une nouvelle abbaye. Des religieux appelés de Saint-Cyprien de Poitiers, sous la conduite de l'abbé Martin, prirent possession de Jumièges (930).
La restauration de l'abbaye s'accomplit heureusement. Nous sommes au XIe siècle, sous l'abbé Thierry. Le tableau suivant est à contempler ; il repose les yeux et donne une juste idée d'un monastère bénédictin. «L'abbé occupait ses religieux suivant leurs talents. Les uns vaquaient à la prière et assistaient aux offices de jour et de nuit ; les autres travaillaient des mains, ou s'appliquaient à l'étude de l'Écriture sainte des Pères qu'ils transcrivaient, et dont l'abbé voyait les copies, en quoi il suivait la maxime de ses prédécesseurs, qui avaient toujours entretenu des écoles à
Jumièges. Il y en avait d'intérieures pour les moines et d'extérieures pour les séculiers qui y étaient reçus sans distinction du pauvre ou du riche. Souvent même les pauvres étaient nourris des aumônes du monastère. Jumièges réformé et appliqué à la culture des lettres communiquait aux autres monastères la discipline qu'on y suivait et les sciences qu'on y enseignait.»
La grande église de Notre-Dame de Jumièges sortait de terre en ce siècle et y était consacrée solennellement le 1er juillet 1067 par le bienheureux Maurille, archevêque de Rouen, en présence du duc de Normandie ; de Jean d'Avranches alors évêque de cette ville, de Guillaume de Coutances, d'Hugues de Lisieux, de Beaudoin d'Évreux, d'une foule immense. L'abbaye est à son apogée, avec les grandes constructions, les grands hommes. Nous appelons de ce nom l'historien Guillaume de Jumièges, l'un des pères de nos annales nationales, qui joignait aux qualités maîtresses de l'historien, l'érudition, le culte de la vérité, le talent d'écrire, les vertus du plus humble et du plus fervent religieux ; homme de science et de foi, d'un grand
coup d'œil et d'une élévation d'idées qui force l'admiration ; et si modeste, qu'après avoir fait une œuvre immortelle, il a voulu rentrer dans la retraite et l'obscurité. Les abbés de Jumièges prennent part dans ce XIe siècle si attachant et si fécond à toutes les grandes affaires de l'Église et de la France. Saint Gontard est élu député au Concile de Clermont présidé par le pape Urbain II, qui décida de la première croisade, et il y meurt victime de son zèle deux jours avant la fin du Concile. Ursin, son successeur, tient un rang honorable au Concile de Rouen de 1118, qui assura la paix entre les rois de France et d'Angleterre ; il se rend ensuite au Concile de Reims (1119), présidé par le pape Calixte II, où l'on traita de la paix entre l'Église et l'Empire. Partout où s'assemblent en ce temps les princes de l'Église, on voit figurer un abbé de Jumièges, digne de sa mission et des éloges des chroniqueurs. L'abbé Alexandre, l'ami de Pierre de Blois, mérite
l'admiration des doctes de son temps. Il compose une théologie qui n'est pas un des écrits les mains précieux conservés aujourd'hui dans notre bibliothèque de Rouen. D'ailleurs, de nombreux manuscrits de Jumièges datent de cette époque (13), et prouvent avec quel élan et quel succès les lettres y étaient cultivées. Lorsque Alexandre monta sur le siège abbatial (1198), «il était respecté et consulté par tout ce qu'il y avait de savants en Normandie, en France et en Angleterre.» À son exemple ses religieux s'appliquaient l'étude. Le prieur Gautier laissa un commentaire des Actes des Apôtres, qu'on peut consulter aujourd'hui encore dans le riche dépôt de Rouen.
Même élan pour la science, mêmes services rendus aux lettres chrétiennes dans les siècles suivants. On voit par un document du XIIIe siècle que les religieux avaient copie bien des fois la Bible, les bréviaires et les psautiers, «tous les ouvrages de S. Augustin, de S. Jérôme, d'Origène, de S. Ambroise, de S. Grégoire, de S. Anselme et de S. Bernard,
qu'ils avaient entre les mains et qui faisaient leur consolation (14).» Sous Guillaume de Fors, en 1248,
on trouve les moines copiant les commentaires de Pierre Lombard sur les Psaumes, sur Isaïe, sur S. Luc et S. Jean, les commentaires du cardinal Hugues sur S. Luc, le Cloître de l'âme de Hugues de Saint-Victor, le sermon de Pierre de Blois sur la conversion de S. Paul, le glossaire de Papin Elementrium doctrinæ rudimentum, 3 vol. in-fol. On achetait en même temps des manuscrits de différentes provenances et on enrichissait le trésor littéraire de l'abbaye, sans cesse augmente de siècle en siècle, au point que la bibliothèque de Jumièges passait au dernier siècle pour l'une des plus considérables de France.
Notre grand archevêque, Eudes Rigaud, aima à visiter souvent notre monastère de 1249 à 1269 et à y faire entendre sa voix apostolique. Il y fit même une ordination le 17 mars 1263. On voit par son Regestrum que l'abbaye comptait alors environ 70 moines, dont une vingtaine dans les prieurés. Les revenus montaient au XIIIe siècle à 4300 livres et les aumônes aux pauvres.
Les offices de l'Église, cette louange perpétuelle qui résonnait sous les grandes voûtes de la basilique et ne s'interrompait ni jour ni nuit, donnaient à l'abbaye une abondance de vie spirituelle et un charme incomparables. Il faut lire l'exposé des exercices religieux contenu dans notre manuscrit.
Depuis le mercredi des Cendres jusqu'au jeudi saint on chantait trois offices au chœur, celui du jour, celui de la Sainte Vierge et celui des morts ; tous les jours deux grandes messes, celle du jour et celle des morts. Le mercredi et le vendredi, avant la grand'messe, les religieux s'assemblaient dans le cloître et quittaient leur chaussure. Ils se rendaient à l'église et là récitaient les sept psaumes de la pénitence et les litanies des saints, prosternés sous la lampe du sanctuaire, puis faisaient la procession pieds nus autour du cloître. Après la grand'messe on chantait les vêpres et on se
rendait à l'église Saint-Pierre, où l'on chantait les mémoires suivies des vêpres des morts. On prenait le repas à midi : une soupe, des légumes et du hareng. Jumièges avait ses coutumes liturgiques bien dignes de souvenir. Le dimanche de la Passion, les religieux faisaient une profession solennelle de leur foi à la présence réelle de Notre-Seigneur dans l'eucharistie. Avant la communion l'officiant de semaine, tenant entre ses mains les saintes Espèces, disait à haute
voix : Hoc corpus quod pro vobis tradetur. Hic Calix testamenti est in sanguine Christi. À l'instant, tout le
chœur se mettait à genoux et demeurait en adoration jusqu'à ce que le prêtre eût communié.
Il y avait à Jumièges une courtine ou rideau qui traversait le chœur et qu'on ne tirait qu'au per omnia pendant l'Agnus Dei, pour ouvrir passage à ceux qui communiaient. Le mercredi saint, à ces paroles de la Passion, Velum templi scissum est, deux moines déchiraient en deux le rideau. L'abbé en crosse donnait, le jeudi saint, l'absolution solennelle à la communauté. Le jeudi saint, les moines lavaient les pieds aux pauvres et les conduisaient au réfectoire, où un dîner leur était servi. L'abbé et les douze plus anciens lavaient les pieds à treize autres pauvres, qu'ils servaient
à table ; ils donnaient à chacun, d'eux une paire de souliers et 12 deniers. Les moines communaient le vendredi saint. Tous les vendredis de l'année on jeûnait comme en Carême, c'est-à-dire qu'après l'unique repas de la journée, on ne pouvait prendre qu'un verre de boisson avant complies.
La vie était austère dans cette abbaye et la charité intarissable. Le surnom qu'elle portait entre toutes les abbayes de l'ordre, Jumièges l'Aumônier, était bien mérité. On donnait tous les jours des vivres aux pauvres qui se présentaient, et souvent leur nombre était considérable. Ils accouraient des pays d'alentour, sûrs d'obtenir leur subsistance avec de bonnes paroles et un cordial accueil. Les siècles, en s'écoulant, n'apportèrent aucun changement sur ce
point. Au XVIIIe siècle, comme au Moyen Âge, l'abbaye était la providence des pauvres. On recevait à coucher pendant trois nuit les voyageurs qui réclamaient l'hospitalité. Des bâtiments spéciaux leur étaient consacrés ; le souper, la lumière, le feu, le lit assurés. Cette large et constante pratique de la charité est l'honneur de Jumièges. M. Deshayes, peu suspect de bienveillance à l'endroit des moines, fait souvent l'éloge de «leur générosité (15)», et il écrit à la fin de la première partie de son livre : «Une vertu qu'ils ne cessèrent de pratiquer fut la charité, qui valut à leur monastère, jusqu'aux derniers moments de son existence, le titre d'Aumônier, titre justement mérité, qu'il devait à la bienfaisance des religieux, et à leur zèle qui les portaient à secourir les pauvres, les veuves, les orphelins et les malades, auxquels ils n'ont jamais cessé de prodiguer tous les soins qui dépendaient d'eux.» M. Savalle, aussi peu partial pour les religieux que M. Deshayes, a rendu même témoignage. «La vérité, en ce qui concerne Jumièges, est que MM. les religieux ont justifié jusqu'à la fin pour leur monastère le beau surnom d'Aumônier qui lui a été de tout temps accordé... A Jumièges tous les matins, vers dix heures, la grande porte du monastère était ouverte à deux battants, et une centaine de pauvres gens en guenilles entraient dans le préau : là, avait lieu, sur l'herbe, en plein air, devant les bâtiments conventuels, en présence du prieur, une distribution de soupe dans des écuelles de bois ; puis une autre distribution de linge et d'habits provenant du vestiaire de la maison, abondamment garni. Le dimanche, le prieur, suivant encore en cela la règle de la communauté, distribuait 12 sols à chaque pauvre. Ce n'est pas tout : les malades de la paroisse étaient soignés à domicile ; le médecin de MM. les religieux allait leur porter gratuitement ses soins et des médicaments (16).» S'il en était ainsi aux derniers jours du monastère, alors que le relâchement de la discipline s'y était introduit et que l'esprit du siècle y soufflait l'indépendance et la tiédeur, quelles flammes devait avoir la charité aux jours de ferveur et d'édification !
Au Moyen Âge les faits abondent de cette tendre et large charité. Une sentence rendue en 1216 nous apprend que les aumônes distribuées à cette époque étaient si considérables qu'on occupait un moulin à eau, deux jours de la semaine, «pour satisfaire seulement à celles qui se faisaient en pain, ce qui pouvait monter à 48 ou 50 boisseaux de
grains par semaine, qui produisaient, à la mesure de Duclair, 200, 300 ou 400 livres pesant, dont l'aumônier faisait la distribution le lundi, le mercredi, le vendredi et le samedi de chaque semaine.»
Les lépreux étaient à Jumièges, comme auprès de tous les grands centres religieux, l'objet des soins les plus touchants. Les moines avaient construit pour eux une maladrerie située à l'entrée de la campagne entre les églises paroissiales de Saint-Valentin de Jumièges et de Saint-André d'Yonville ; ils la transférèrent vers 1340, à la demande des habitants, à l'extrémité des bois, à moitié chemin de Jumièges à Duclair, en un lieu appelé le mont d'Avilette ; elle a été longtemps
connue sous le nom de Saint-Julien-du-Bout-du-Bois.
Les moines ne négligèrent pas leurs édifices religieux. La grande église Notre-Dame recevait de chaque siècle des embellissements intérieurs et parfois de vrais chefs-d'œuvre d'art. Celle de Saint-Pierre, bâtie en 654 par le saint fondateur, restaurée en 928 par Guillaume Longue-Épée, était refaite au XIVe siècle avec toute la poésie, la grâce rayonnante de l'art gothique de l'époque secondaire. Les ruines attestent encore sa sveltesse et sa beauté. Le nombre des
religieux avait alors considérablement diminué. Ils étaient cinquante-cinq en 1338 résidant à Jumièges ;
un certain nombre de moines étaient répandus dans les prieurés dépendant du monastère.
Nous arrivons à l'époque néfaste de la guerre de Cent Ans entre la France et l'Angleterre. Les charges de cette guerre pesèrent lourdement sur l'abbaye. Dès 1340 l'abbaye est taxée comme toutes les autres et paye 6 deniers pour livres sur tous ses revenus ; elle contribue en 1355 à l'entretien de trois mille hommes accordés par la province à l'armée royale. Le
roi Jean est vaincu et fait prisonnier à Poitiers (1356). Charles-le-Mauvais, roi de Navarre, se met compagne contre le Dauphin, ravage les biens de l'abbaye du côté de Mantes et de Meulan. On n'entendait parler que de brigandages et d'incendies de la part de ces révoltés. L'abbaye est elle-même surprise et investie en 1358 par un parti de huit cents hommes, qui la pillèrent pendant six jours entiers. L'abbé et nombre de moines fuient à Rouen ; Jumièges est désert et reste inculte pendant deux ans. Remis de cette secousse, le monastère, sous le gouvernement de l'abbé Jean IV de Fors, reprenait vie, lorsqu'éclata le grand schisme d'Occident, qui devait désoler l'Église pendant soixante et onze ans. Quelle douloureuse époque ! La France menacée dans son existence par la guerre étrangère et par ses divisions intestines ; l'Église déchirée dans son unité par les deux obédiences et par les erreurs de Wiclef et de Jean Huss, précurseurs de Luther ! Jumièges se range à l'obédience du pape français Clément VII. Plus tard, en 1407, l'abbaye est représentée par son abbé Simon du Bosc, nommé par le roi Charles VI l'un de ses ambassadeurs, à l'entrevue de Savone, où les papes des deux obédiences devaient se rendre pour mettre un terme aux cruelles épreuves de l'Église. Simon du Bosc a laissé de curieux documents sur cette ambassade, mis au jour par Dom Martène au tome second de son Thesaurus novus anecdotorum (17) ;
on sait quel fut l'insuccès de cette démarche. Elle convainquait du moins tout le monde de la nécessité d'un Concile qui fut réuni à Pise en 1409. L'abbé de Jumièges y figura comme ambassadeur du roi et député de l'Université de Paris. Le Concile déposa les deux papes et élut à leur place Alexandre V. Les pontifes déposés refusèrent d'adhérer à la décision du Concile, et la chrétienté se trouva en présence de trois papes. C'est à l'occasion de ce Concile que l'abbé de Jumièges
reçut pour lui et ses successeurs du pape Alexandre V le droit d'user de la mitre, de l'anneau, et des ornements pontificaux. L'abbé Simon du Bosc fut encore député au Concile de Constance (1414), aux travaux duquel il prit une part considérable. «Il prêcha plusieurs fois en plein Concile contre les erreurs imputées, à Jean Huss sur la matière de l'eucharistie... Entre les prélats et les docteurs qui assistaient au Concile, il y en a peu qui se soient plus distingués que l'abbé du Bosc par leur savoir et leur zèle, pour l'union de l'Église et l'extirpation des hérésies.» Le Concile prononça la déchéance des trois papes et nomma Martin V (1417) qui ferma heureusement bientôt après les plaies faites à l'Église
par ces déplorables dissensions. Simon du Bosc survécut peu de temps à ce grande acte ; la guerre, devenue furieuse entre l'Angleterre et la France, et l'invasion de la Normandie attristèrent ses derniers jours. Il mourut à Paris le 14 septembre 1418, navré des maux qui fondaient alors sur la patrie. Jumièges était envahie à la fois par la guerre et par la peste.
Henry V d'Angleterre a débarqué à la embouchure de la Seine et pris Harfleur (1415). Les armées françaises ont succombé à Azincourt (1415). Paris est en proie aux fureurs de la guerre civile, le roi est fou depuis longtemps. Le Dauphin s'est sauvé à grand peine de la capitale. Le roi d'Angleterre s'empare de Caen (1417), fait le siège de Rouen qui ne cède qu'à la famine (1418). La Normandie est à feu et à sang. L'abbaye de Jumièges reçoit le contre-coup de tous ces événements ; elle est mise au pillage, détruite, anéantie, lamentabiliter desolatata et annihilata, écrit son nouvel abbé, Nicolas Le
Roux, en 1418. Il y a de l'exagération dans toutes les larmes, mais elles sont respectables. La vérité est que vidée déjà par la peste, l'abbaye est mise à sac par les partis contraires, les bâtiments sont abattus, les fermes ruinées, l'agriculture abandonnée pendant près de cinq ans. La plupart des religieux se sont réfugiés à Rouen, au manoir de la Poterne, et c'est là qu'ils élisent le successeur de Simon du Bosc, Nicolas Le Roux.
L'invasion anglaise trouva à Rouen la communauté de Jumièges et la taxa à seize cents francs de la forte monnaie (1419). Hélas ! alors commencent les défaillances. Le honteux traité de Troyes avait été signé (1420). Henry V est maître de la Normandie et d'une partie de la France, le roi légitime est en démence, la reine a livré à la fois à l'Anglais son époux, son fils, son trône. Voyez ce que devient le patriotisme et comment l'intérêt personnel fait entendre sa voix malsaine ! On cherche à s'excuser, mais l'excuse est aussi misérable que la faute. «L'on espérait si peu dans la province que le Dauphin pût être jamais en état de soutenir ses droits au trône, que les plus affectionnés à leur roi légitime crurent devoir veiller à leurs intérêts en faisant confirmer leur possession dans le royaume par le nouveau roi. L'abbé de Jumièges alla,
comme les autres, demander la confirmation des biens de son abbaye, et elle lui fut accordée par le prince» (1421). Tristes pages de notre histoire que nous voudrions pouvoir effacer à jamais de la mémoire des hommes ! Les moines retournent donc à Jumièges avec leur abbé et y ramènent peu à peu la vie et la régularité. Pendant ce temps, Dieu faisait un miracle de
miséricorde et de salut. Il suscitait Jeanne d'Arc, la douce vierge, la libératrice héroïque, l'incomparable martyre de la patrie française. C'est à genoux devant son image, sans cesse sous nos yeux, que nous écrivons son nom béni, aimé et vénéré, et que nous lui demandons pardon pour un de ses juges et un de ses bourreaux, Nicolas Le Roux, abbé de Jumièges. Il
n'était pas sans qualités ; on a loué sa piété, sa régularité, son dévouement aux intérêts de son monastère, mais la part qu'il prit au procès de Jeanne est une tâche indélébile à sa mémoire. Son avis pour le jugement trahit les anxiétés de sa conscience ; il jugeait la cause très ardue, in tam arduo negotio, et ne se détermina que par peur de l'Anglais, et, il faut bien le dire aussi, par l'autorité des docteurs de Paris dont il avait pris le mot d'ordre. Cet acte inique ne lui profita guère ; il mourut un an après la sainte martyre, dans toute la force de l'âge, emporté «par une fâcheuse maladie»
où nous voyons, nous, comme dans la fin des principaux auteurs du supplice de Jeanne, le doigt de Dieu.
L'invasion anglaise fut d'ailleurs la source de calamités sans nombre pour notre malheureux pays. Au fléau de la guerre s'ajouta celui de la famine ; les paroisses étaient ruinées et dépeuplées. «La population, dit Jean Masselin aux États-Généraux de 1484, était réduite à si peu, qu'on a pensé que le pays de Caux n'avait conservé qu'à peine la centième partie de ses habitants.» Les paysans, exaspérés, se soulevèrent en 1434, et, tout en donnant la chasse aux Anglais,
commirent de grands désordres.
Ces bandes, indisciplinées et réduites à la dernière misère, n'écoutaient plus que la voix impérieuse du besoin et n'épargnaient pas plus leurs compatriotes que leurs ennemis. De là la retraite des religieux de Jumièges à Rouen. Charles VII reconquérait peu à peu sa belle province de Normandie, et avec la sécurité les religieux retournèrent dans leur abbaye. Rouen s'était rendu au roi le 17 octobre 1449. Charles vint se fixer à Jumièges, où il fit un séjour de plusieurs mois, pendant toute la durée de la campagne contre les Anglais, poursuivie avec tant de succès par ses généraux. Agnès Sorel mourut au manoir du Mesnil, à une lieue de Jumièges, le 9 février 1450, dans de grands sentiments de pénitence, assure notre historien. Le corps d'Agnès fut inhumé à Loches ; son cœur et ses entrailles trouvèrent dans la chapelle de la Sainte-Vierge de l'abbaye, une sépulture où semble dominer l'idée d'expiation. Agnès était représentée, à genoux, en suppliante, offrant son cœur à la Sainte Vierge et la conjurant de la réconcilier avec Dieu, qu'elle avait tant offensé pendant sa vie.
On a fait à cette jeune femme une légende presque glorieuse en raison de «l'excellente influence» aurait exercée sur Charles VII, pour lequel elle aurait été une autre Jeanne d'Arc. Des historiens n'ont pas rougi d'associer ces deux noms et d'assurer «que Agnès eut l'amitié de Jeanne !» Que d'erreurs accumulées dans ces assertions ! Jamais Agnès Sorel n'a eu le moindre rapport avec la sainte de Domremy ; jamais elle n'a eu la moindre influence sur le roi pendant l'époque critique de son règne et ses premières victoires : pour une excellente raison, c'est qu'elle n'a paru à la Cour de France qu'en 1444. Il y avait treize ans que Jeanne était morte et quinze ans que le roi avait été sacré à Reims, quand Charles VII s'éprit d'Agnès Sorel, attachée encore au milieu de l'année 1444 à la personne d'Isabelle de Lorraine, reine de Sicile, et
produite à la Cour dans la seconde moitié de cette année 1444. On ne conçoit pas que MM. Michelet et Henri Martin eux-mêmes aient accordé créance à une fable invraisemblable et absurde imaginée plus d'un siècle après la mort d'Agnès Sorel par du Haillan. M. P. Clément a eu raison d'écrire «qu'on ne trouve dans aucun historien du temps ni même du siècle suivant les moindres indices de l'influence heureuse que l'on a attribuée à la maîtresse de Charles VII.» L'influence exercée par Agnès à partir de 1444 sur l'esprit et le cœur du roi n'a rien à voir avec l'histoire. Le seul titre de cette femme à l'indulgence est son repentir, que notre historien de Jumièges assure avoir été sincère et profond. Ne la voyons donc qu'à travers les larmes de son mausolée et les aumônes généreuses faites par elle aux pauvres et à l'abbaye. «Piteuse entre toutes gens,» elle mérite notre miséricorde et nos prières, mais non notre admiration.
Marguerite d'Anjou, reine d'Angleterre, séjourna à Jumièges vers 1462, sous l'administration de l'abbé Jean de la Chaussée. Antoine Crespin, archevêque de Narbonne, qui accompagnait la reine, conçut le triste dessein de monter sur le siège abbatiale de Jumièges et y réussit après de nombreuses intrigues. Le XVe siècle se termina paisiblement à Jumièges sous l'administration éclairée de deux abbés de l'illustre famille d'Amboise, qui jetait tant d'éclat sur le siège de Rouen.
Époque féconde et merveilleuse que celle de l'épiscopat des deux cardinaux d'Amboise ! On ne célébrera jamais assez la mémoire de ces deux princes de l'Église qui ont été d'insignes bienfaiteurs de la province de Normandie et de l'Église métropolitaine. Les églises restaurées ou bâties de 1494 à 1550, les œuvres fondées, les confréries et communautés érigées, les travaux d'art, les institutions hospitalières, les collèges, les écoles multipliées partout, font de cette époque l'une
des plus vivantes et des plus prospères de notre histoire nationale. Jumièges a eu son reflet de toutes ces splendeurs. Notons en particulier son école de grammaire, justement célèbre au commencement du XVIe siècle, non seulement par la science et le mérite des maîtres, mais aussi par l'application des jeunes religieux et «l'affluence des écoliers et des étrangers qu'on y admettait.»
Le XVIe siècle, qui devait être marqué par tant de ruines et de désastres, s'ouvrit plein de promesses sur notre abbaye régénérée. L'abbé Jean Durand y avait introduit la réforme de Chazal-Benoît. La ferveur des anciens jours animait tous les cœurs. Quel plus touchant spectacle que celui décrit par notre historien ? «La vie pénitente et retirée des religieux de Jumièges donnait tant d'éclat à leur réputation, que de tous les endroits de la province, on venait les voir pour s'édifier. Jamais, en effet, la régularité n'avait été mieux observée. Jumièges était dans sa première splendeur. On ne
voyait les moines qu'à l'église, et on les y prenait plutôt pour des anges que pour des hommes. L'office fini, ils
retournaient modestement à leurs chambres et n'en sortaient que pour un nouvel exercice. Le travail des moines se faisait en commun et personne n'en était exempt. Les constitutions de Chazal-Benoît, qu'ils pratiquaient à la lettre, feront mieux comprendre que nous ne pourrions faire, la pureté et l'austérité de leur vie. Nous remarquerons seulement qu'ils ajoutèrent beaucoup de choses à leurs constitutions, comme de faire trois processions chaque semaine de Carême, nu-pieds, autour du cloître, de ne manger qu'un mets et de ne boire que du cidre ; en quoi l'abbé était le premier à leur donner l'exemple, même en présence des séculiers qui mangeaient à sa table.» Page édifiante qu'on aime à relire ! Elle atteste que l'esprit de foi et de pénitence n'etait pas aussi affaibli qu'on l'a prétendu dans l'Église au siècle où Luther allait remplir l'Europe de ses imprécations contre la mère de la civilisation et de la sainteté. On priait encore avec ferveur dans les vieilles
abbayes et on y renouvelait les exemples de l'antique ascétisme. C'était le calme avant l'orage, une douce
vision de paix précédant l'horrible guerre civile allumée en France par le protestantisme.
La sombre et sanglante année 1562 est arrivée. Les Huguenots ont ravagé Rouen, Dieppe, Le Havre, Caudebec ; ils ont aux portes de Jumièges. Les religieux ont appris le sac de Caudebac, ils quittent tous l'abbaye. Le 8 mai, les Protestants partent de Caudebec pour Jumièges ; ils trouvent le monastère désert ; ils y pénètrent et mettent tout au pillage. Les autels sont renversés, les vases sacres volés, les images brisées, les saintes reliques jetées au feu. Châsses, ornements,
linge, argenterie, meubles, tout est détruit ou emporté. Le plomb dont l'église et le cloître étaient couverts, l'étain, le cuivre, les provisions en nature, vin, blé, bestiaux, tout, jusqu'aux livres de la riche et magnifique bibliothèque et aux archives du chartrier devient la proie de ces pillards éhontés. La perte de l'argenterie de l'église, évaluée à 2176 livres du temps, celle des ornements à 14800 livres, les châsses de S. Valentin et de S. Filibert à 25000 livres, peut donner une idée de cette abominable dévastation. Des trésors d'art y périrent sans retour. Les deux églises et les bâtiments eux-mêmes ne furent pas épargnés et portèrent toujours depuis les traces des mutilations des Huguenots,
comme à Rouen et dans toutes les villes où s'exerça leur fureur. On a mis sur le compte de la Révolution les dégradations profondes et presque irréparables subies par les plus belles églises du diocèse ; la Révolution y a porté sans doute sa main dévastatrice, mais ce sont les Protestants de 1562 qui ont fait à ces nobles et grandes œuvres des siècles chrétiens les plaies les plus meurtrières. L'histoire n'aura jamais assez d'indignation pour flétrir les vandales de 1562. Charles IX, qui se rendit à Jumièges le 28 juillet 1563, constata de ses yeux les ruines accumulées par les Huguenots et permit aux religieux de vendre leurs terres pour pourvoir à leurs premiers besoins. C'est ainsi qu'ils aliénèrent la seigneurie de Norville et la cédèrent à Charles de Cossé, comte de Brissac, pour 10220 livres. Ils laissèrent du moins dans cette paroisse une ravissante église gothique témoin fidèle de leur goût, de leur zèle et de leur piété. Dix-sept religieux seulement retournèrent alors à Jumièges et remirent un peu d'ordre dans la pauvre abbaye dévastée. Les moines rentrèrent peu à peu et les bâtiments reçurent les réparations nécessaires. En 1576, l'abbaye obtenait de l'archevêque de Rouen, Charles de Bourbon, ce témoignage : «Nous louons Dieu, mes bien-aimés, et nous vous sçavons gré de ce que nous n'avons trouvé parmi vous ni incontinence, ni dissolution, ni scandale, et de ce que le service divin est célébré dévottement et aux
heures requises selon les constitutions de votre ordre.» Quelques années après (1580) les religieux se remettent sous la réforme de la congrégation de Chazal-Benoît, par où la sève religieuse circulait de nouveau avec toute sa vigueur et sa fécondité dans une partie de la grande famille bénédictine.
Les guerres de la Ligue furent un nouveau fléau pour l'abbaye renaissante. Elle donna asile à «un peuple presqu'infini» qui venait chercher dans son enceinte un refuge et du pain, et se réduisit pour continuer ses traditions invariables de charité, à une «extrême pauvreté.» Enfin cette guerre qui désola si particulièrement nos contrées prit terme, comme tous les malheurs d'ici-bas. Jumièges put respirer. On y comptait en 1596 vingt-neuf religieux profès, quatre novices et un
précepteur, trente-trois domestiques. Détail touchant : on cuisait du pain jusqu'à trois fois par jour pour les religieux et pour les pauvres, «d'où l'on peut conclure, dit notre auteur, que les aumônes étaient toujours abondantes à Jumièges et que les religieux n'avaient pas abandonné la charité de leurs pères.»
Le grand événement du XVIIe siècle fut, pour l'abbaye de Jumièges son entrée dans la congrégation de Saint-Maur. On sait que les monastères bénédictins, qui avaient adopté la réforme dite de Saint-Vannes, se formèrent en une nouvelle congrégation approuvée par Louis XIII et peu après par le pape Grégoire XV, devenue promptement célèbre en France sous le nom de congrégation de Saint-Maur, patron adopté par elle. L'abbaye qui avait subit le régime des abbés commendataires depuis le concordat de 1516 était gouvernée en réalité depuis ce temps par les prieurs claustraux. On a fait de nombreux reproches, dont plusieurs très légitimes, à ce régime de la commende. Il ne paraît pas, par notre histoire, que Jumièges ait eu beaucoup à s'en plaindre. La transition de l'ancienne communauté en congrégation nouvelle de Saint-Maur fut assez laborieuse. On en trouvera les détails rapportés fort au
long dans le troisième volume de cette histoire. De tels et si profonds changements ne s'opèrent pas sans froisser des opinions et des intérêts respectables, mais l'amour du bien triompha de tous les obstacles, et la réforme était si bien affermie à Jumièges en 1621 que la nouvelle congrégation put y tenir le 15 juillet de cette année son premier chapitre général. Ce fut pour l'abbaye comme une nouvelle floraison de science et de vertus. Rien de plus édifiant que son histoire pendant le grand siècle de la monarchie française. Les religieux éminents s'y succédèrent, les travaux d'érudition s'y multiplièrent : peu de foyers bénédictins furent plus actifs et plus féconds. Tous les prieurs claustraux de cette époque sont gens de mérite et de savoir, aussi exemplaires dans leur vie que bienfaisants dans leur ministère. Parmi les religieux du XVIIe siècle, plusieurs sont parvenus à la célébrité : Dom Thomas Dufour, très versé dans la connaissance des langues orientales, auteur d'une grammaire hébraïque justement estimée (18) ; Dom Jean Garet, l'éditeur des ouvrages de Cassiodore (19) ; Dom Massuet, savant helléniste, connu dans le monde de l'érudition par son édition de Saint Irénée (20) ; Dom Boudier, un des bons écrivains et des supérieurs généraux de l'Ordre ; Dom Le Nourry, l'auteur de l'excellent ouvrage intitulé Apparatus ad Bibliothecam Maximam Patrum (21), où l'on trouve une analyse raisonnée des Pères apostoliques et des écrivains ecclésiastiques des IIIe et IVe siècles.
D'autres se sont signalés par des vertus extraordinaires : Dom Antoine-Maur Tassin, Dom Thomas Dufour, Dom Gabriel Theroude, Dom Barré, mêlé à l'affaire de Loudun, et comme tel poursuivi sans mesure par la passion des écrivains libres-penseurs, mais remis en honneur par notre historien ; Dom Vincent de Marsolles, Dom Grégoire de Verthamons, Dom Jean-Baptiste Mouly, Dom Pierre de Vieille-Chèze, tous gens de savoir et de bien, dont notre auteur a fait connaître, en d'excellentes notices inédites, jusqu'ici, les nobles vies et les mérites éminents.
Le XVIIIe siècle fut pour les saintes institutions de la France, comme pour le pays tout entier, un siècle de décadence. Aucun événement marquant ne s'accomplit à Jumièges. On n'y signale qu'une visite royale en 1720, celle de Jean Casimir, ancien roi de Pologne. L'abbaye continuait toujours ses traditions de large et inépuisable charité ; pour ne citer qu'un
exemple, elle nourrit pendant la disette de 1740 jusqu'à sept cents pauvres à la fois. Cette gloire-là avait survécu à toutes les autres, et nul ne pourra jamais en découronner le front de nos bons religieux. Dans les rangs éclaircis des moines, on ne rencontrait plus, au siècle dernier, de savants ni de saints, mais on y trouvait des cœurs généreux toujours prêts à soulager la misère des pauvres. Il y avait encore des hommes d'étude, témoin le digne religieux qui a écrit l'histoire du monastère édité par notre Société. Comme la plupart de ses frères, il a travaillé humblement dans la paix du cloître, sous les regards de Dieu, sans souci de l'opinion et de la gloriole humaines. Quel qu'il ait été, il a fait une œuvre utile et considérable. Nous avons fait nos réserves au début de cette notice ; nous n'en sommes que plus autorisé à rendre hommage à l'érudition, à la bonne foi, au mérite de cet historien qui a sauvé de l'oubli les faits et les documents les plus importants des annales de notre abbaye. On trouvera comme nous l'avons dit, des chapitres entiers de notre
ouvrage reproduits par M. Deshayes ; mais les lecteurs sérieux devront recourir à la source trop souvent altérée par le compilateur du XIXe siècle, qui a glissé au milieu des pages de l'honnête Bénédictin, le venin de son scepticisme. Cet ouvrage, en effet, est une source. Nous n'avons pas à apprendre de quel intérêt sont pour l'histoire locale, en dehors même du sujet général, les renseignements nombreux et inédits qu'il renferme. L'archéologie et la géographie notamment y
puiseront de nouvelles et abondantes informations. Les mœurs des différents siècles, les coutumes, les traditions, les droits et usages féodaux, le prix des denrées et de la main-d'œuvre, les détails les plus modestes de la vie domestique, tout ce que la science historique moderne recherche avec raison dans l'étude du passé a été noté par notre religieux, au cours de son récit. Il serait facile de faire un volume en groupant ces renseignements, et c'est assez l'usage des introductions développées ; mais ici l'espace nous a été mesuré, et nous avons affaire à des lecteurs trop entendus pour
tenter un travail qu'ils estimeraient superflu. Nous ne pouvons cependant ne pas remarquer quelques coutumes bien touchantes en honneur à l'abbaye. Les moines réunissaient dans un dîner, tous les ans, le jour de Sainte-Pétronille, le 31 mai les vieilles femmes du pays, une centaine en moyenne ; et sans doute en souvenir de leurs bonnes mères à eux, les entouraient de soins et d'attentions. On y buvait du vin de Conihout, ce fameux cru de Jumièges aujourd'hui inconnu. Chose non moins curieuse, on faisait usage de cidre dans l'abbaye au XIIe siècle, et on sait que cette boisson si répandue dans notre contrée n'a guère commencé à être adoptée généralement qu'au XVIIe siècle. Parmi les usages religieux l'un des plus significatifs était le service annuel pour les moines écrivains, copistes, auteurs ou donataires de livres : tant était grand l'estime qu'on professait dans l'abbaye pour tout ce qui touchait à l'instruction. Ses écoles, on a dû le remarquer, n'ont jamais cessé d'être florissantes. À toutes les époques, les maîtres ont été en honneur, et les écoliers reçus et élèves gratuitement se sont trouvés nombreux.
D'autres abbayes ont fourni de plus grands hommes et des travaux plus éclatants, aucune n'a mieux pratiqué les œuvres de miséricorde, et par là n'a rendu meilleur témoignage à Jésus-Christ vivant dans le personnes des pauvres. Est-ce dire à dire que l'histoire de Jumièges est sans ombre ? Composé d'hommes, ce monastère a connu les faiblesses et les infirmités humaines. Mais dans sa longue carrière, pas un scandale public, pas le moindre vestige d'erreur, pas de traces même de Jansénisme, «dans le temps où il trouvait à s'infiltrer partout», une régularité presque toujours soutenue, une prière constante, un grand zèle du culte public, une application persévérance à l'étude, des services nombreux rendus au pays et à la civilisation.
Les moines ont appris le bon travail, le travail de la terre, à toute la contrée ; ils ont fait de la péninsule gémétique l'un des sols les mieux cultivés et les plus plantureux de la riche Normandie ; ils ont amassé patiemment un trésor de manuscrits et de livres dont s'est enrichi le dépôt, ouvert à tous, de la bibliothèque de Rouen, où l'on ne peut parcourir un rayon sans retrouver quelqu'un de leurs souvenirs. Ils ont orné de leurs dépouilles de nombreuses églises d'alentour.
Ils ont ouvert leur abbaye comme un asile hospitalier à tout venant, à tout délaissé, à tout opprimé, dans les calamités publiques ; ils ont porté leur large part des charges de la France à l'heure de ses crises et de ses dangers ; ils ont été excellemment bons et généreux pour les pauvres. Aucun homme de cœur ne passera jamais devant les ruines de cette belle institution monastique sans saluer là un grand foyer éteint de prières, d'étude, de vertus et de charité, et sans bénir Jumièges l'Aumônier. Les petites misères des hommes racontées scrupuleusement dans les annales de l'abbaye disparaîtront
sous cette vision supérieure de l'amour de Dieu et du prochain : les nuages s'effacent devant le soleil radieux.
Le temps et la fureur des hommes ont tout détruit de ces immenses constructions qui ont abrité près de quarante générations de moines, couchées dans la poussière, à l'ombre des grands arbres ; mais ils ont laissé debout les deux tours jumelles, hautes, blanches, vénérables, qui s'aperçoivent de 10 lieues, à travers les méandres de la Seine, symbolisant ces deux
colonnes indestructibles de la foi religieuse : la prière et la charité.
Comment s'est faite cette lamentable destruction ? disons-le en deux mots.
L'abbaye de Jumièges fut enveloppée dans la proscription des instituts monastiques en 1790. François-Camille de Lorraine, abbé de 1760 à 1788 eut pour successeur en 1788 un neveu du trop fameux archevêque de Sens qui portait le même nom que lui, M. de Loménie (22), ce qui a amené la confusion entre les deux personnages dans certains ouvrages. L'abbé de Jumièges, le
jeune de Loménie, ne fit que paraître à l'abbaye pour en prendre possession et retourna ensuite à Paris, sans marquer sa trace dans l'histoire.
Le prieur, Dom Pierre-Amand Bride, jouissait d'une excellente réputation. «Il savait allier la simplicité et la modestie à la dignité du caractère ; c'était un Bénédictin dans toute l'acceptation du terme d'une érudition très vaste, de mœurs irréprochables, ascétiques, et qui veilla jusqu'à la fin avec fermeté à la stricte observation de la règle (23)».
Le monastère se trouva, dans les derniers temps, obligé de contracter des emprunts assez importants pour faire face à ses dépenses régulières, les revenus diminuant tous les jours. On fut même contraint de vendre les plombs des couvertures des deux églises qu'on ne pouvait plus entretenir. Dom Toussaint Outin, le bibliothécaire, s'opposa à cette mesure extrême, et pour transmettre à la postérité sa protestation, il la grava lui-même sur les combles en ces termes: «Dom Outin n'y a pas consenti.» Le noviciat, par suite de la gêne, fut transféré au Bec. Il n'y avait plus que seize religieux dans la maison en 1789.
La fin de la célèbre abbaye ne fut pas digne de ses commencements. Sa dernière page est triste à écrire. Le prieur et ses religieux prêtèrent serment à la Constitution civile du clergé et se dispersèrent peu après. Dom Bride devint, après le Concordat (1802), curé d'Yvetot, où il mourut le 17 mai 1810.
Le monastère et ses biens, déclarés propriété nationale, furent vendus à des prix peu élevés. La riche bibliothèque, recueillie par Dom Gourdin, Bénédictin de Saint-Ouen et premier bibliothécaire de la ville de Rouen, entra dans le vaste dépôt de livres formé alors avec les dépouilles des abbayes et des maisons religieuses ; elle constitue l'une des sources les plus abondantes et les plus estimées des manuscrits et des livres anciens de la bibliothèque publique de Rouen. On mit au feu les amas de parchemins, titres féodaux, chartes seigneuriales de l'abbaye, et la population dansa autour du brasier immense où ces documents de onze siècles d'histoire étaient réduits en cendres.
La belle abbatiale de Notre-Dame servit une dernière fois au culte au commencement de 1793, à l'occasion départ des volontaires pour la frontière. Elle fut refusée comme église paroissiale par le curé de Jumièges ; on distribua son riche mobilier dans toutes les paroisses des pays d'alentour. Elle fut vendue en 1795 avec les bâtiments conventuels au receveur des domaines nationaux, Pierre Lescuyer, qui acheva la dispersion des meubles et des ornements de l'abbatiale et de l'église Saint-Pierre.
En 1797, M. Capon, banquier à Paris, se rendit acquéreur de la propriété de M. Lescuyer, puis s'en débarrassa bientôt en la dépeçant. M. Lefort, marchand de bois à Canteleu, acheta en 1802 les deux églises et les bâtiments conventuels, et passa des marchés avec des entrepreneurs de Rouen et de Mailleraye pour la démolition générale. Tout disparu sous les coups des barbares : peintures murales, sculptures, bas-reliefs si finement fouillés, dentelles de pierre si délicatement ajourées. Chefs-d'œuvre de l'âge gothique, de la Renaissance, des temps modernes, les trésors d'art de ces nobles et grandioses basiliques furent impitoyablement brisés, broyés, dispersés, anéantis. «Les voûtes, dit M. Saville, s'écroulaient avec fracas sous d'immenses nuages de poussière. La mine qui devait d'un seul coup mettre à bas la grande
tour carrée, fit mal son effet ; et l'on voit encore un gigantesque pan de muraille de la lanterne, seul, debout dans l'air, dominant la nef, au-dessus d'une voûte de quatre-vingts pieds, soutenu par deux piliers contemporains de S. Filibert, c'est-à-dire inébranlables depuis douze siècles.»
Le vandalisme des étrangers et la rapacité des passants achevèrent, peu à peu, l'œuvre de destruction. Des Anglais, assure-t-on, achetèrent de belles sculptures scellées dans la muraille de la lanterne, et le cloître «qui passait pour un des plus beaux du monde». Ce cloître aurait été reconstruit dans un parc anglais.
La grande abbaye ne porte plus désormais qu'un nom tristement populaire : les Ruines de Jumièges.
Ces ruines ont passé, en 1824, dans les mains de M. Casimir Caumont, qui en comprit la poésie et la valeur. Il mit fin aux spoliations des voyageurs, recueillit religieusement tous les débris précieux, et donna asile dans sa demeure aux meubles et aux souvenirs épars dans le pays. Les ruines furent vendues, après le décès de M. Caumnont, et acquises, en juillet 1854,
par M. Lepel-Cointet, qui a continué l'œuvre intelligente de son devancier. Par ses soins, la collection des nobles débris et des souvenirs de l'abbaye a été augmentée et classée avec autant de zèle que de goût ; les ruines ont été respectées et, en quelques endroits, consolidées ; les terrains d'alentour, disposés avec art, donnent à tout cet ensemble un grand air de solitude et de mélancolie.
En contemplant, au déclin du jour, ces lieux désolés, ces tours géantes, tristement découronnées, blanches comme des fantômes, ces squelettes de granit informes, grimaçants, fantastiques ; en interrogeant les souvenirs de douze siècles épars dans ces ruines immenses, on sent qu'au milieu de ce silence de la tombe s'élève comme un lugubre gémissement.
La foi avait chanté dans ces pierres jadis harmonieusement unies son hymne consolateur ; l'impiété du dernier siècle l'a troublé d'abord de ses sinistres ricanements, puis l'a étouffé brutalement sous des ruines amoncelées. Les ronces poussent en désordre où s'épanouissaient les fleurs du sanctuaire, les morts sont foulés aux pieds, les pierres, elles-mêmes, ont des larmes : Dieu n'est plus là!
L'abbé JULIEN LOTH.
Rouen, le 2 avril 1886.
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Préface | Préface. — Notes de bas de page. |
1 | Description de Jumièges. — Commencements de Saint Filibert (ou Philibert). — Fondation de l'abbaye de Jumièges (654). — Notes de bas de page. |
2 | Saint Aycadre, 2e abbé (682). — Cochin, 3e abbé (687). — Saint Hugues, 4e abbé (724). — Hildegard, 5e abbé (730). — Droctegand, 6e abbé (vers 750). — Notes de bas de page. |
3 | Landric, 7e abbé (vers 787). — Adam, 8e abbé (vers 814). — Hélisacar, 9e abbé (vers 820). — Angilbert, Angésise et Foulques, 10e, 11e et 12e abbés (vers 830). — Ricbodon et Baudri, 13e et 14e abbés (833-836). — Héribert, 15e abbé (vers 837). — Thierry Ier, 16e abbé (vers 840). — Rodolphe, 17e abbé (vers 848). — Gauzlin, 18e abbé (vers 860). — Codine, Louis et Welpon, 19e, 20e et 21e abbés (après 886). — Notes de bas de page. |
4 | Jumièges pendant l'invasion normande. — Martin, 22e abbé (930). — Annon, 23e abbé (943). — Roderic, 24e abbé (944). — Robert Ier, 25e abbé (vers 1000). — Thierry II, 26e abbé (1014). — Guillaume Ier, 27e abbé (1028). — Robert II, dit Champart, 28e abbé (1037). — Geoffroy Ier, 29e abbé (1045). — Notes de bas de page. |
5 | Robert III, 30e abbé (1048). — Saint Gontard, 31e abbé (1078). — Notes de bas de page. |
6 | Tancard, 32e abbé (1097). — Urson, 33e abbé (1101). — Guillaume II, 34e abbé (1127). — Eustache, 35e abbé (1142). — Notes de bas de page. |
7 | Pierre Ier, 36e abbé (1155). — Roger Ier, 37e abbé (1162). — Robert IV, dit d'Argences, 38e abbé (1178). — Notes de bas de page. |
8 | Roger II, 39e abbé (1190). — Richard Ier, dit de la Mare, 40e abbé (1191). — Alexandre, 41e abbé (1198). — Notes de bas de page. |
9 | Guillaume III, dit de Rençon, 42e abbé (1213). — Guillaume IV, dit de Courdieu, 43e abbé (1239). — Guillaume V, dit de Fors, 44e abbé (1247). — Notes de bas de page. |
10 | Robert V, dit d'Etelan, 45e abbé (1248). — Richard II, de Bolleville, 46e abbé (1258). — Robert d'Etelan rétabli dans la dignité d'abbé (1272). — Jean du Tot, 47e abbé (1286). — Guillaume VI, dit Becquet, 48e abbé (1289). — Notes de bas de page. |
11 | Geoffroy II, dit de Pignes, 49e abbé (1311). — Mathieu Cornet, 50e abbé (1312). — Robert VI, dit de Bordeaux, 51e abbé (1327). — Guillaume VII, dit le Jeune, 52e abbé (1330). — Notes de bas de page. |
12 | Jean II, dit de Boiracher, 53e abbé (1350). — Pierre II, dit de Mauroy, 54e abbé (1362). — Jean III, dit de Saint Denis, 55e abbé (1364). — Jean IV, dit de Fors, 56e abbé (1377). — Geoffroy III, dit Harenc, 57e abbé (1389). — Notes de bas de page. |
13 | Simon du Bosc, 58e abbé (1391). — Nicolas Le Roux, 59e abbé (1418). — Notes de bas de page. |
14 | Jean V, dit de la Chaussée, 60e abbé (1431). — Antoine Crespin, 61e abbé (1464 ; intrus). — Notes de bas de page. |
15 | Louis d'Amboise, 62e abbé (1473). — Jacques d'Amboise, 63e abbé (1474). — François de Clermont, 64e abbé (1504). — Philippe de Luxembourg, 65e abbé (1510). — Jean Durand, 66e abbé (1518). — François de Fontenai, 67e abbé (1525). — Notes de bas de page. |
16 | Hippolyte d'Est, 68e abbé (1539). — Gabriel Le Veneur, 69e abbé (1549). — Charles de Bourbon, 70e abbé (1574). — Charles de Bourbon-Vendôme, 71e abbé (1590). — René de Courtenay, 72e abbé (1594). — Notes de bas de page. |
17 | Jumièges au commencement du XVIIe siècle. — Marian de Martinbos, 73e abbé (1607). — Baltasar Poitevin, 74e abbé (1614). — Jean-Baptiste de Croisilles, 75e abbé (1635). — Notes de bas de page. |
18 | Guillaume de Montaigu, 76e abbé (1639). — Pierre du Cambout de Coislin, 77e abbé (1641). — François de Harlay, 78e abbé (1644). — Notes de bas de page. |
19 | François de Harlay de Champ-Valon, 79e abbé (1651) : priorat de Dom Jean Boulogne (1651-1655), de Dom Mammole Geoffroy (1655-1660), de Dom Vincent de Marsolles (1660-1666), de Dom François Villemonteys (1666-1669), de Dom Silvestre Morel (1669-1675) ; (1675-1685) ; (1685-1695) ; période d'économat (1695-1718). — Notes de bas de page. |
20 | Claude de Saint-Simon, 80e abbé (1719). — François-Camille de Lorraine, 81e abbé (1760). — [Pierre-François Martial de Loménie, 82e abbé (1788), Annexe : Les Derniers Moines de l'abbaye de Jumièges (par M. l'abbé Émile Savalle). — Notes de bas de page.] |
A B C D E F G H I J K L M N O P Q R S T U V W X Y Z
Abbé. — Moine élu par ses égaux à la direction d'une abbaye ou monastère.
Abbé commendataire. — Séculier tenant une abbaye en commende ; où la commende fut le titre de bénéfice que le pape donna à un ecclésiastique nommé par le roi, pour une abbaye régulière, avec permission au commendataire de disposer des fruits pendant sa vie.
Acensement ou accensement [Ch. 19]. — Action de donner un fond de terre, à condition d'en payer un cens ou une rente seigneuriale.
Agrière. — Impôt proportionnel à la récolte dut au seigneur des terres nouvellement défrichées.
Alose ou aloze. — Type de poisson de mer ; par example, Alosa fallax.
Aleu ou alleu. — Propriété personnelle, qui se transmet héréditairement.
Amare [Ch. 11]. — ? : mot non identifié ici ; possiblement un genre de bibelot, de vaisselle ou de boîte.
Antiphonaire ou antiphonier. — Livre utilisé par le chœur pour chanter les réponses aux différentes heures de l'office divin.
Archevêque. — Évêque placé à la tête d'une province ecclésiastique, c'est-à-dire une regroupement d'Églises particulières voisines circonscrites sur un territoire donné pour favoriser les relations mutuelles entre les évêques diocésains.
Archidiacre. — Clerc assistant l'évêque, le plus souvent chargé d'une subdivision du diocèse, l'archidiaconé.
Archiprêtré. — Étendue de la juridiction d'un archiprêtre, le prêtre qui a la responsabilité des curés dans cette juridiction.
Arpent. — Mesure de superficie : 1 arpent des Eaux et Forêts = 5104 m².
Aumusse. — Fourrure dont les religieux se couvrent quelquefois la tête, et qu'ils portent ordinairement sur le bras.
Autelage [Ch. 9]. — Portion de l'offrande dut au desservant.
Avenage. — Redevance en avoine.
Billon [Ch. 11]. — Monnaie de cuivre pur ou de cuivre mêlé avec un peu d'argent.
Blanchet [Ch. 13]. — Couverture de lit.
Boisseau. — Mesure de capacité : 1 boisseau de Paris @ 13,0 litres.
Brévetaire. — Terme de pratique, qui ne fut d'usage qu'en parlant du porteur d'un brevet du roi en matière bénéficiale.
Brinchet [Ch. 16]. — ? : mot non identifié ici ; possiblement briochet, d'où derivé du pain brioché.
Camerlingue [Ch. 12]. — Un des premiers officiers de la Cour de Rome, dont la fonction ordinaire est de présider la chambre apostolique ; il gouverne quand le Saint-Siège est vacant.
Cartulaire. — Recueil de chartes recopiées.
Cellèrerie ou cellerie. — Titre du bénéfice claustral du cellérier.
Cellérier. — Officier claustral qui prit soin de la dépense de bouche ; on dit aussi économe.
Cénobitisme. — Vie en communauté sous l'autorité d'un abbé et en vertu d'une règle monastique.
Censive [Ch. 9]. — Tenure paysanne grevée d'un cens en nature ou en argent.
Chanoine. — Dignitaire ecclésiastique qui est un membre du chapitre d'une église cathédrale ; le chapitre des chanoines sert de conseil à l'évêque.
Chambrier. — Officier claustral qui eut particulièrement soin des vêtements et des chaussures ; on dit aussi camérier.
Champart [Ch. 7]. — Taxe à part de fruits, prélevée sur la récolte par le seigneur foncier, entre le quart et le seizième.
Chancel. — L'endroit du choeur d'une église qui est le plus proche du grand autel, et qui est ordinairement fermé d'une balustrade ; on dit plus souvent sanctuaire.
Chapier. — Celui qui porte chape dans le choeur en certain temps de l'office divin.
Charole ou carole. — L'entourage circulaire du choeur d'une église ; on dit plus souvent déambulatoire.
Charte. — Acte concédant des franchises, des privilèges, des titres de propriété ou de vente ; pour les familles, les chartes permettent d'apporter la preuve de leurs privilèges et droits sur un bien ou un titre.
Chartier ou chartrier. — Lieu où on conserve les chartes d'une abbaye.
Chartrier. — Celui qui garda les chartres.
Châtellenie. — La seigneurie et la juridiction du seigneur châtelain ; et aussi l'étendue de pays placée sous la juridiction d'un châtelain.
Cloître. — Enclos de religieux, généralement contigu à l'église et autour duquel s'ordonnent les bâtiments conventuels.
Coffin. — Petit panier d'osier haut qui a un couvercle et une anse, dont on se sert à divers usages, plus ordinairement pour mettre de la chandelle.
Collecte [Ch. 16]. — Levée des deniers de la taille et autres impositions qui se font par assiette.
Communier. — Recevoir le sacrement de l'eucharistie.
Controversiste [Ch. 18]. — Celui qui traite des matières de controverse, qui écrit des controverses.
Concile. — Assemblée des évêques convoquée pour statuer sur des questions de dogme, de morale ou de discipline.
Contendant. — Concurrent qui dispute quelque chose avec un autre.
Coulpe [Ch. 8]. — Faute, péché.
Couleuvrine [Ch. 19]. — Canon à long tube utilisé du XVe au XVIIe siècles.
Courtil. — Enclos proche de l'habitat consacré à des cultures vivrières ou précieuses, ou un verger clos associé à un pâturage de proximité.
Décrétale [Ch. 12]. — Lettre du pape, en réponse à une question d'ordre moral, disciplinaire ou dogmatique.
Décimateur. — Celui qui a droit de lever la dîme dans une paroisse.
Définitoire [Ch. 18]. — Le chapitre que les principaux officiers de certains ordres religieux tiennent pour le réglement des affaires de leur ordre.
Dîme ou décime. — Le dixième des récoltes et des revenus dut aux seigneurs, qu'ils fussent laïcs, clercs ou moines.
Dîmer. — Avoir droit de lever la dîme en un lieu ; lever la dîme.
Dîmes novales. — Impôt levé sur les terres nouvellement mises en valeur.
Dimissoire or démissoire [Ch. 6]. — Lettres par lesquelles un évêque consent qu'un de ses diocésains à recevoir l'ordination d'un autre évêque.
Dirimant [Ch. 6]. — Terme de droit canonique, où l'empêchement dirimant est un défaut qui emporte la nullité du mariage.
Domenger [Ch. 11]. — Écuyer jeune, page-gentilhomme.
Drageoir. — Espèce de boîte ordinairement d'argent, dans laquelle on servait autrefois des dragées sur la fin du repas.
Emphytéotique ou emphithéotique. — Bail emphytéotique est un bail de très longue durée.
Échiquier. — À l'origine cour féodale des ducs de Normandie, l'échiquier devint une cour souveraine jugeant en dernier ressort et puis cour permanente ; en 1515 François Ier lui donna le nom de Parlement.
Écolâtre. — Celui qui dirigea l'école d'un monastère ou d'une abbaye.
Écu. — Monnaie : 1 écu = 3 livres.
Engagiste [Ch. 14]. — Celui qui jouit d'un domaine du roi par engagement.
Entramer [Ch. 19]. — Entraîner.
Essarter. — Déboiser, défricher.
Essarts [Ch. 9]. — Terrain déboisé et prête à être mise en culture.
Ensevelisseuse [App.]. — Celle qui ensevelit.
Évêché. — Synonyme pour diocèse ; et aussi le nom donné à la résidence d'un évêque.
Évêque. — Nommé par le pape, il reçoit par son ordination épiscopale le pouvoir et la charge d'enseigner, de sanctifier et de gouverner, au nom du Jésus-Christ, l'Église locale qui lui est confiée.
Évêque coadjuteur. — Évêque adjoint à un évêque titulaire pour aider le dernier ; d'habitude l'évêque coadjuteur, donné un diocèse fictif par le pape, est désigné pour remplacer l'évêque titulaire advenant son décès ou sa démission.
Évêque suffragant. — Évêque dépendant d’un archevêque.
Famulaire. — Haut de chausse.
Feudataire. — Celui qui posséda un fief, et qui dut la foi et hommage au seigneur.
Féauté ou feaulté. — Fidélité.
Fieffer. — Donner en fief.
Gemeticum. — Nom latin de Jumièges.
Gouverner. — Le premier maître d'une province au nom du roi.
Grenetier ou grènetier [Ch. 8]. — Officier claustral qui jugea en première instance des différends pour le fait des gabelles.
Hambour [Ch. 15]. — ? : mot non identifié ici ; certainement une mesure de capacité, possiblement correspond à 2 rondelles (soit environ 300 litres).
Hansier [Ch. 10]. — Receveur des droits de navigation.
Hebdomadier [Ch. 8]. — Celui qui est en semaine, dans un chapitre ou dans un couvent, pour faire l'office et y présider.
Hoir. — Héritier.
Hôtelier. — Officier claustral qui accueillit les gens de passage, pèlerins ou mendiants.
Huilier. — Vase dans lequel on sert l'huile sur la table.
Hydropisie [Ch. 17]. — Enflure causée en quelque partie du corps par les eaux qui se forment et qui s'épanchent ; c'est-à-dire, une accumulation de sérosité dans une cavité quelconque du corps ou dans le tissu cellulaire.
Indiction. — Période de quinze ans ; et aussi le numéro d'une année à l'intérieur de cette période de quinze ans.
Intendant. — L'autre maître d'une province au nom du roi.
Intrus. — Ecclésiastique qui, sans droit et sans être légitimement appelé, s'est introduit dans quelque charge ou emploi.
Légat [Ch. 18]. — Envoyé extraordinaire du pape, à titre provisoire ou permanent.
Lieue. — Mesure de distance : 1 lieue de Paris jusqu'en 1674 = 3,247 m ; 1 lieue de Paris de 1674 à 1737 = 3,898 m.
Livre. — Mesure de poids : 1 livre = 489,5 g.
Livre. — Monnaie : 1 livre = 20 sols = 240 deniers.
Livre. — Monnaie : 24 livres = 1 livre d'or.
Lot ou pot. — Mesure de capacité : 1 lot = 1 pot = 1,86 litres.
Marc. — Mesure de poids : 1 marc = 0,5 livre = 244,75 g.
Manse. — Exploitation agricole familiale qui se compose d'une habitation et des dépendances nécessaires pour vivre.
Matines. — Nom d'un des heures canoniales, à savoir : matines, débute à 1 h du matin à partir de la mi-juin, 2 h 30 à partir de Noël, 3 h à partir d'avril ; laudes, vers 5 h 30, de façon à terminer quand point l'aube ; prime, 7 h 30, peu avant l'aube ; tierce, vers 9 h ; sexte, midi ; none, vers 14 h 30 ; vêpres, vers 16 h 30, avant le second repas ; et complies, vers 18 h.
Mense. — Revenu ecclésiastique, où la mense abbatiale est la partie des revenus monastiques attribuée à l'abbé et la mense conventuelle la partie réservée à l'usage des moines.
Méteil. — Froment et seigle mêlés ensemble.
Monseigneur, Mgr. — Ce titre religieux est utilisé comme titre honorifique pour des archevêques et des évêques.
Mine ou minot ou émine. — Mesure de volume : 1 mine = 1 minot = 1 émine = 6 boisseaux pour l'avoine, 4 boisseaux pour le sel,
3 boisseaux pour le blé, et 2 boisseaux pour le charbon de bois.
Moulin à foulon [Ch. 15]. — Moulin qui sert à fouler les draps.
Moute. — Mouture (du blé).
Muid. — Mesure de capacité : 1 muid @ 200 litres.
Musson [Ch. 1, n. 4]. — ? : mot non identifié ici.
Nécrologe. — Liste de bienfaiteurs d'une communauté ayant demandé des prières le jour anniversaire de leur mort.
Neustrie. — L'actuelle Normandie.
Obole [Ch. 7]. — Monnaie : 1 obole = 0,5 deniers.
Obreptices [Ch. 14]. — Grâces obtenues en taisant une vérité qu'on aurait dû exprimer pour qu'elles fussent valables : à la différence des subreptices, qui sont celles qu'on a obtenues sur l'exposé d'un fait faux.
Official. — Juge ecclésiastique délégué par l'évêque pour exercer en son nom la juridiction contentieuse.
Orfroi [Ch. 20]. — Étoffes tissues d'or qui s'est conservé dans une église, pour signifier les parements d'une chape ou d'une chasuble.
Ost. — Armée.
Pallium. — Mot latin pour la bande de laine blanche ornée de croix noires envoyée à l'archevêque par le pape, symbole de l'unité de la hiérarchie catholique et des pouvoirs de juridiction spéciaux accordés à l'archevêque.
Panage. — Droit de panage : c'est-à-dire de faire paître leurs porcs dans la forêt.
Parlement. — L'une des cours souveraines d'une intendance, et de loin la plus importante ; à part son rôle judiciaire primordial, comme tribunal d'appel pour les habitants, il posséda aussi des pouvoirs politiques.
Pennonceau ou panonceau [Ch. 14]. — Sorte de banderole chargée d'armoiries.
Pape. — Sa Sainteté est la tête de l'Église catholique, apostolique et romain.
Perche. — Mesure de longueur : 1 perche de Paris = 5,85 m.
Perche. — Mesure de superficie : 1 perche de Paris = 34,17 m².
Pétitoire [Ch. 14]. — Demande faite en justice, pour être maintenu ou rétabli dans la propriété d'un bien immobilier.
Pied. — Mesure de longueur : 1 pied = 0,294 m.
Pistole. — Monnaie d'or étrangère : 1 pistole = 10 francs.
Pitancier [Ch. 8]. — Officer claustral qui fut chargé de distribuer aux moines la nourriture, dans la proportion si exactement déterminée par la règle de S. Benoît.
Poissonnaille [Ch. 1]. — Petit poisson, fretin.
Possessoire [Ch. 14]. — Terme de pratique, qui n'est guère en usage que dans les matières où il s'agit de la possession d'un bénéfice ou de quelque autre bien.
Postilles [Ch. 11]. — Notes marginales de la Bible.
Pouillé. — Inventaire de tous les bénéfices qui sont dans l'étendue d'une région déterminée.
Prieur claustral. — Moine désigné par l‘abbé pour le seconder dans sa tâche et le remplacer en cas d'absence.
Prieuré. — Monastère dépendant d'une abbaye et gouverné par un prieur nommé par l'abbé.
Primicier [Ch. 12]. — Celui qui a la première dignité dans certaines Églises ou certains chapitres.
Procureur. — Officier claustral qu'on charge des intérêts temporels de la maison.
Procureur du roi. — Officier qui eut soin des intérêts du roi et du public dans l'étendue d'un présidial, d'un bailliage, d'une élection, etc.
Profès. — Celui qui a prononcé ses vœux.
Provincial. — Supérieur des religieux d'un province ecclésiastique.
Queue. — Mesure de capacité : 1 queue = 0,5 muid @ 100 litres.
Quintal. — Mesure de poids : 1 quintal = 100 livres = 48,95 kg.
Rabette [Ch. 17]. — Colza ou navette, Brassica napus var.
Récollection [Ch. 19]. — Action par laquelle on se recueille en soi-même, qui n'est en usage que dans le style de dévotion.
Refuite [Ch. 14]. — Retardement affecté d'une personne qui ne veut point terminer une affaire.
Récipiscence ou résipiscence [Ch. 1]. — Reconnaissance de la faute avec amendement.
Règle de S. Benoît. — Ensemble des prescriptions que doivent observer les Bénédictines, y compris les dispositions suivantes pour l'essentiel : les postulants à l'entrée dans l'ordre doivent éprouver leur vocation pendant une année de noviciat ; les moines doivent respecter les vœux d'obéissance, de stabilité et de conversion des mœurs (chasteté, pauvreté, humilité, piété) ; l'abbé est élu par les moines, et il doit diriger le monastère tout en restant humble car il n'est que le serviteur de Dieu ; un équilibre doit être respecté entre le travail et la méditation ; la règle du silence doit être respectée pendant les repas, afin d'écouter la lecture d'un texte saint ou d'un chapitre de la règle.
Rescision [Ch. 19]. — Annulation d'un acte, d'un contrat ou d'un partage.
Rondelle. — Mesure de capacité : 1 rondelle = 0,75 muids @ 150 litres.
Rotomagus. — Nom latin de Rouen.
Sacrament. — L'un des sept offices sacrés de l'Église, à savoir : l'absolution, le baptême, la confirmation, l'eucharistie, le mariage, l'onction et l'ordination.
Sénieur. — Nom qu'on donne dans une communauté monastique au plus ancien.
Setier ou settier ou septier. — Mesure de capacité : 1 sétier de blé de Paris = 12 boisseaux @ 156 litres.
Stockfish [App.]. — Nom anglais pour le merlu du cap, Merluccius capensis.
Ténement [Ch. 12]. — Métairie dépendante d'une seigneurie.
Trentain [Ch. 8]. — Nom pour les trente messes traditionnelles célébrées pendant trente jours et sans interruption pour la délivrance des défunts.
Triage [App.]. — En termes d'Eaux et Forêts, un «canton de forêt» au niveau des zones boisées et de bruyère.
Tumulaire [Ch. 14]. — Ajectif qualifie ce qui appartient à une tombe.
Vavassorie ou vavassorerie. — L'état et seigneurie d'un vavasseur, celui qui fut un seigneur ayant des subjects et vassaux.
Verge [Ch. 19]. — Mesure de superficie : 1 verge = 0,25 arpent = 1276 m².
Vesces [Ch. 1]. — Plantes de la famille des Légumineuses, cultivées souvent en association avec du seigle, de l'avoine ou un blé d'hiver ; par exemple, Vicia sativa.
Vicaire. — Prêtre qui est un assistant au curé ; autrefois, on dit aussi mépartiste.
Vicaire général. — Nommé par l'évêque, et son «bras droit», il veille à la bonne organisation et au bon fonctionnement des différents conseils et services diocésains ; on dit aussi grand vicaire.
Vicaire pérpetuel. — Quasi-synonyme pour un curé.
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[Notes de bas de page : † = par l'abbé Loth ; ¹ = R. P.]
1†. La note que nous insérons ici se trouve en tête du manuscrit de la Bibliothèque nationale, qui nous a été communiqué et que nous suivons dans cette publication. Le manuscrit de la Bibliothèque nationale porte : 1 acq. nouv. fr., n° 4170. On lit sur le titre de la première page cette note écrite par le bibliothécaire de l'abbaye : «Monasterii sancti Petri Gemmeticensis, ordinis S. Benedicti, congregationis S. Mauri 1764. R. 6952.».
2†. Madame Lepel-Cointet conserve dans sa propriété de Jumièges un manuscrit qui doit être l'original dont il est question.
3†. Monsieur De la Foye, lorsqu'il a écrit cette ligne, n'avait certainement pas présente à l'esprit la dissertation qui ouvre cette histoire, et qui tend à prouver que l'abbaye de Jumièges a été fondée sous Clovis II en 654.
4†. Monsieur de Kergariou l'avait emprunté probablement pour la Commission des Antiquités.
5†. Charles-Antoine Deshayes, Histoire de l'abbaye royale de Jumièges, Rouen, Baudry, 1829.
6¹. Le paragraphe suivant, au chapitre 20, doit avoir été écrit en 1767 : «Toutes ces pertes jointes à 12000 livres de dettes manuelles et à 66000 livres d'emprunt pour achever le dortoir, où les armes de M. de Saint-Simon furent posées, obligèrent le chapitre général à réduire la communauté à vingt religieux et à transférer le noviciat à Saint-Wandrille, où il demeura jusqu'en 1739, qu'un autre chapitre le rétablit à Jumièges, où il a toujours été depuis sous la conduite de Dom Jean Lefèvre, l'espace de sept ans ; de Dom Thimothée Verel, l'espace de deux ans ; de Dom Pierre Faudemer, pendant quatre ans ; de Dom Augustin Leclerc, pendant deux ans ; et de Dom Louis-Charlemagne Fontaine, pendant treize années.»
7†. Jean-Baptise Pitra, Histoire de Saint Léger, Paris, Waille, 1846.
8†. Charles Lenormant, Des Associations religieuses dans le catholicisme, de leur esprit, de leur histoire et de leur avenir, Paris, Waille, 1845.
9†. François Guizot, Histoire de la civilisation en Europe depuis la chute de l'Empire romain jusqu'à la Révolution française, Paris, Didier, 1856.
10¹. Charles-Forbes-René Montalembert, Les Moines d'Occident depuis Saint Benoît jusqu'à
Saint Bernard, Paris, Lecoffre, 1860.
11†. Voir «Fondation de l'abbaye de Jumièges» au chapitre 1.
12¹. Victor Hugo, Les Misérables, Paris, Paguerre, 1862, ch. 7.
13†. Voir note 10 au chapitre 8.
14†. Voir «Guillaume de Fors, quarante-quatrième abbé» au chapitre 9.
15†. Deshayes, op. cit., pp. 51, 118, 143 et 162.
16†. Émile Savalle, Les Derniers Moines de l'abbaye de Jumièges, Rouen, Brière, 1867, pp. 8 et 9 ; voir section I de l'Annexe au chapitre 20.
17¹. Edmond Martène, Veterum scriptorum et monumentorum historicorum, Paris, in-folio, 1725, t. II.
18¹. Thomas Dufour, Linguæ hebraicæ opus grammaticum, Paris, Béchet, 1642.
19¹. Jean Garet et Denis-Nicolas Le Nourry, Magni Aurelii Cassiodori Senatoris, Rouen, Dezallier, 1679.
20¹. René Massuet, Sancti Irenæi, Paris, Coignard, 1710.
21¹. Denis-Nicolas Le Nourry, Apparatus ad Bibliothecam maximam veterum Patrum, Paris, Anisson, 1694-1697.
22¹. Pierre-François Martial de Loménie, le quatre-vingt-deuxième et dernier abbé de Jumièges, fut guillotiné le 10 mai 1794.
23†. Savalle, op. cit., p. 11 ; voir section I de l'Annexe au chapitre 20.
24¹. Enfin, le Bénédictin anonyme écrit «Filbert» partout dans son texte, et «Jumiéges» presque partout dans son quatrième livre (c'est-à-dire, le troisième tome de l'abbé Loth ou les chapitres 17, 18, 19 et 20, ici).
«Histoire de l'abbaye royale de Saint-Pierre de Jumièges» :
Index et Carte ; Préface ; Chapitre 1.
[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]