«UN COUVENT DE RELIGIEUSES ANGLAISES À PARIS DE 1634 À 1884» ; CHAPITRE 9
CHAPITRE 9 : GOUVERNEMENT DE MME ANNE-MARY CANNING, 1808-1820
De 1808 à 1815, le Journal, principale source de nos renseignements sur la maison, devient d'un laconisme désolant ; et, de 1815 à 1822, il garde le plus absolu silence.
Premières années de son gouvernement. — Voici ce qu'il nous apprend des sept premières années du gouvernement de Mme Canning.
«12 juillet. — La sœur Anna-Maria Canning est élue en remplacement de la Révérende Mère Mme Lancaster.
Octobre. — Mort de la sœur Mary-Magdalen Stockton. Nous sommes réduites à sept religieuses de
chœur et trois converses.
Miss Spiring, qui a été maîtresse de classe dans la «maison pendant quelque temps, désire se faire religieuse. Elle est acceptée et fait profession sous le nom de Mary-Alicia. Plusieurs autres personnes font l'essai de notre vie, mais ne persévèrent pas».
Le Journal vient de faire une enjambée de trois ans ; il en fait une autre de trois ans encore et tombe en 1814.
«La Restauration nous fait espérer que nous pourrons jouir désormais de quelque sécurité. Hélas ! cette espérance est de courte durée. Le roi est obligé de fuir et de laisser la place à l'usurpateur.
De nouveau nous voici dans les transes. Précédemment nous avons exprimé trop librement notre
Loyalty. Mais le règne de l'usurpateur est trop court pour qu'aucun changement puisse se produire dans notre situation.
En juillet, le roi revient. L'armée anglaise fait son entrée à Paris. Le duc de Wellington nous fait l'honneur d'une visite. Il est reçu à l'ouvroir par la communauté. Mrs Daniel Parker et les jeunes ladies chantent avec accompagnement, le God Save the King and Rule Britannia».
C'est tout.
Et c'est vraiment trop peu. Nous voudrions avoir plus de détails sur une époque qui marque un renouveau dans la vie de la maison. Les traditions vivantes et quelques notes éparses çà et là vont nous dédommager de l'extrême réserve et du mutisme du Journal.
Comme il vient de nous le dire, Mme Canning fut élue supérieure après la mort de Mme Lancaster.
Le siège de Paris était alors vacant par la mort du cardinal de Belloy, âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans. Les vicaires généraux du chapitre métropolitain, administrateurs du diocèse pendant l'intérim, députèrent M. Lejeas, leur collègue et supérieur de la communauté des Anglaises, pour présider à l'élection. Elle eut lieu le 12 juillet 1808, et, conformément aux
Constitutions, pour quatre ans.
Ce choix était tout désigné : Mme Canning était le bras droit de Mme Lancaster ; depuis dix-neuf ans, elle était dépositaire ; elle avait donc une longue habitude des affaires. Et Dieu sait si elles avaient été compliquées pendant la Révolution ! D'autre part, elle avait vécu quarante-neuf ans dans le cloître, et ce long stage, on le pense bien, avait largement suffi pour en faire une femme de mûre expérience dans la vie religieuse. Sans parler de ses qualités éminentes, qui lui assuraient une supériorité incontestable et incontestée parmi ses sœurs, ses antécédents, dans la communauté, présentaient toutes les garanties d'une bonne administration spirituelle et temporelle.
Aussi fut-elle réélue le 26 novembre 1812 et le 3 janvier 1817 ; et il faut croire qu'elle l'eût encore été, malgré son grand âge, si la mort ne l'eût enlevée vers le milieu de cette dernière période quadriennale (9 mars 1820).
Ses coopératrices. — En commençant l'histoire du couvent des Dames Anglaises, nous avons cru devoir faire connaître les religieuses qui coopérèrent avec Thomas Carre et lady Tredway à la fondation de cette maison. Ne convient-il pas également de faire connaître celles qui contribuèrent à sa restauration avec Mme Lancaster et Mme Canning ?
Dans les courtes notices que nous allons donner, nous ne parlerons ni de Mme Finchet ni de Mme Stonor. Plus tard, nous devons rencontrer ces deux dames, et il sera temps alors de dire ce que nous en savons.
Mme Theresa-Anne-Austin Beeston était la fille d'un rentier du Lincolnshire. C'était la plus âgée de la petite communauté : elle avait soixante-trois ans, et pourtant elle figure encore au nombre des religieuses enseignantes. Par la suite, elle deviendra sous-prieure, et elle mourra en 1836, à quatre-vingt-onze ans. En 1808, elle avait déjà trente-sept ans de vie claustrale.
Madame Mary-Magdalen Stockton, du comté de Staffordshire, fut enlevée par la mort, comme on le sait déjà, quelques mois après l'élection de Mme Canning. Sa profession datait du 19 mai 1776. Elle exerçait, dans le pensionnat, la fonction de maîtresse de classe.
Mme Élisabeth-Mary-Alipia Bishop, également maîtresse de classe, était la fille d'un gentilhomme du Warwickshire. Elle avait fait ses vœux en 1782. Chargée de la surveillance des «Little ones», elle affectait souvent avec ce petit monde des airs sévères. Mais les espiègles ne s'y laissaient pas prendre. Elles savaient fort bien dégager le fond de la forme, la réalité du
caractère de la physionomie empruntée pour la circonstance, et finalement Mme Alipia — comme on la nommait ordinairement — leur inspirait plus d'affection que de crainte.
Mme Frances-Mary-Austin Bishop était la sœur de Mme Alipia. Elle fit ses vœux en 1786, à l'âge de vingt-trois ans, et occupa successivement, dans la maison, les charges de dépositaire et de sous-prieure. En 1808, elle remplissait la première de ces fonctions.
C'était une excellente femme, un vrai gâte-enfant. Nous ne savons pour quelle raison les élèves l'avaient surnommée Poulette. Or Poulette était l'objet de leurs plus chaudes sympathies. Toutes voulaient être la fille de Poulette.
Le titre de fille, dans le pensionnat des Dames Anglaises, résultait de l'adoption d'une élève par une religieuse. L'enfant obtenait préalablement le consentement de la religieuse de son choix, puis l'autorisation de ses parents et de Mme la Supérieure. Dès lors, la jeune adoptée passait sous la tutelle de celle qui était ainsi devenue sa petite mère, et, par suite, elle était regardée, dans le couvent, comme la fille de celle-ci.
Être la fille de Poulette ! il n'y avait pas une enfant dans la maison qui n'ambitionnât cette bonne fortune. C'est qu'au bout des avis, des sermons, des remontrances même, il y avait ordinairement d'excellentes choses, des biscuits, des dragées, des sucreries. Mais, comme la clientèle d'une Petite Mère ne devait pas dépasser le nombre de trois, toutes les petites convoitises du pensionnat tournaient autour de Poulette, épiant le moment où un vide se produirait pour solliciter le bonheur de le remplir.
Mme Frances Bishop atteignit l'âge de quatre-vingt-trois ans. Mais les derniers temps qu'elle passa au couvent ne furent pas heureux. Sa tête s'affaiblit, se perdit plus ou moins, et elle alla mourir en Angleterre.
Mme Jane-Anne-Frances Pattinson était une femme d'environ quarante ans. C'était la fille d'un intendant des mines de plomb dans le comté de Cumberlandshire. Elle avait fait profession en 1789, et elle était maîtresse de classe.
Comme elle se montrait d'un caractère un peu raide et grondeur, elle était généralement peu aimée des élèves, qui ne se faisaient pas faute de la critiquer entre elles.
La communauté comptait alors trois sœurs converses.
La première dans l'ordre des professions est la sœur Agnès Thompson. Elle fit ses vœux le 1er mai 1774, et elle mourra le 3 mai 1817, âgée de 64 ans.
Vient ensuite la sœur Frances-Theresa Hailes, professe depuis 1779. Elle récoltait la menthe fort abondante dans le jardin, et la distillait dans les vastes caves qui s'étendaient sous le couvent. Elle mourra en 1835, le 17 mars, à l'âge de 77 ans.
Enfin, c'est la sœur Sarah-Mary Latham, qui mérite une mention spéciale pour son attachement à la communauté et sa fidélité à sa vocation. Elle prit l'habit en 1792, partagea le sort des Dames de chœur pendant la Révolution, et dut attendre jusqu'en 1807 que la paix fût assez assurée pour que ses supérieurs lui permissent de prononcer ses vœux. Elle mourut à 69 ans, le 30 décembre 1838, laissant, de ses vertus, un souvenir que le temps n'a pas effacé.
Tels sont les éléments qui composaient la communauté des Dames Anglaises durant les premières années du gouvernement de Mme Canning. Ils sont peu nombreux : les forces sont singulièrement affaiblies, les santés cruellement ébranlées par toutes les épreuves de la Révolution. Les survivantes du désastre avaient besoin des plus grands soins pour se réconforter. Ils ne sont pas négligés, et certains points de la règle ont été adoucis par les supérieurs. Mais le recrutement s'opère lentement, et le fardeau, soutenu sans doute avec bonne volonté et courage, devient d'un poids de plus en plus disproportionné au nombre.
Le pensionnat. — Ce fardeau, il faut pourtant le porter, car c'est en réalité le pain de la communauté, son unique ressource pour vivre : c'est le pensionnat.
Le pensionnat croissait en nombre de jour en jour. Il se développa sous le Consulat et l'Empire, et il atteignit son apogée au commencement de la Restauration (1). La noblesse y afflua. Nous lisons sur la liste des élèves à cette époque les plus beaux noms français. Cela tenait sans doute à ce que cette institution religieuse fut la première qui s'ouvrit à Paris après les jours néfastes de la Terreur. Mais l'intelligence parfaite dont fit preuve Mme Canning dans l'éducation des jeunes filles ; la considération dont cette religieuse jouissait auprès des personnes du plus haut rang ; le soin avec lequel elle sut entretenir ses magnifiques
relations, furent certainement les causes prépondérantes de la prospérité de cet établissement.
À ces éléments de succès s'en joignaient d'autres, d'ordre secondaire, mais qui sont loin d'être absolument indifférents. La noblesse de l'origine, par exemple, même aux époques démocratiques, répand sur une personne un certain vernis de supériorité native qui n'est pas toujours étranger à l'influence que cette personne exerce. Or Mme Canning était fille d'un gentilhomme du Warwickshire, Frances Canning, qui avait épousé Mary Petre, de noble lignée elle-même. Cela n'était pour déplaire ni à la noblesse anglaise, toujours très fière de ses titres, ni à la noblesse française, qui revenait sur l'eau, ni même à la riche bourgeoisie qui, à cette époque, affectait les allures de l'aristocratie.
Qualités éminentes de sa directrice. — Mais Mme Canning possédait de plus un avantage qui n'est point à dédaigner dans une personne placée à la tête d'une institution de jeunes filles : elle avait des dehors heureux. Femme du grand monde anglais, où elle était née et où elle avait passé sa jeunesse, elle en avait conservé, à travers trente-sept années de cloître, les grands airs sans froideur et la correction sans rigidité. L'âge — elle touchait à la soixantaine — lui avait apporté quelque embonpoint, mais l'on retrouvait en elle une sorte d'élégance originelle. Les traits de sa figure étaient assez bien conservés, et son grand œil noir avait encore toute la vivacité de son regard de vingt ans.
Mme Canning avait un esprit fin, délicat, orné et secondé par une parole facile ; et, comme elle s'exprimait fort bien en français, sa conversation était des plus agréables.
Intelligence bien au-dessus de l'ordinaire, un grand bon sens dirigeait sa volonté ferme et résolue, et elle avait un cœur vraiment maternel pour toutes les personnes soumises à son autorité. Comme du reste c'était une excellente religieuse, tout son entourage l'aimait et la vénérait, et les familles qui lui confiaient leurs enfants l'estimaient, avec raison, comme un modèle de parfaite éducatrice.
Progrès du pensionnat. — Elle avait mis le pensionnat sur un fort bon pied. Sans doute, il ne fallait pas chercher dans cet amas de vieilles constructions, mal reliées entre elles, ce que l'on trouve maintenant dans le grand établissement des Dames Anglaises à Neuilly, une parfaite appropriation aux besoins d'une maison d'éducation. Mais il faut dire que l'on était bien moins exigeant à cette
époque que nous ne le sommes aujourd'hui. Les familles ne demandaient pas des palais pour leurs enfants. Comme compensation à la distribution défectueuse des salles diverses et à leur insuffisance, de grands jardins, à peu près comme ceux de l'établissement actuel, s'ouvraient aux ébats des jeunes pensionnaires, avec des corbeilles fleuries, de longues allées, de larges pelouses, et de vastes ombrages pour jouer à l'abri du soleil.
Quant à l'organisation des études, il va sans dire que l'enseignement religieux y occupait le premier rang. L'anglais était réservé aux Dames Anglaises ; le français à des maîtres ou maîtresses du dehors ; ces langues étaient étudiées grammaticalement en classe ; on les pratiquait surtout, pendant certaines heures de récréation. Les élèves alors ne devaient parler, avec leurs maîtresses et entre elles, que le français ou l'anglais.
Dans les listes de professeurs de ce temps, nous trouvons des maîtres d'italien, d'espagnol, d'allemand ; des maîtres de sciences, de littérature, d'histoire, de géographie ; des maîtres et maîtresses de dessin et de peinture, de musique et de maintien ; et, chose singulière, nous trouvons aussi des professeurs de latin. Nous croyons que l'enseignement de cette langue, devenue celle de l'Église, était traditionnel dans la maison ; qu'il y était obligatoire avant la Révolution, lorsque le pensionnat se composait presque exclusivement de jeunes Anglaises ; puis qu'il devint facultatif ; puis enfin qu'il cessa d'être donné faute d'élèves.
Accroissement de la communauté. — Tandis que le pensionnat se développait sous la main de son aimable, intelligente et pieuse directrice, la communauté s'accroissait également. À la fin du gouvernement de Mme Canning le nombre des religieuses avait doublé. Mais cette augmentation ne fut bien sensible qu'après la chute de l'Empire, lorsque la paix sembla définitivement assurée par la Restauration.
Nous ne parlerons pas des nouvelles recrues ; néanmoins nous ne résistons pas au désir de faire connaître l'une des religieuses qui ont éveillé dans le couvent le plus de vives sympathies par leur bonté, inspiré le plus d'estime par la droiture de leur caractère, et laissé les souvenirs les plus édifiants de leur piété et de leurs vertus.
Miss Spiring. — C'est d'elle qu'il s'agit, fut quelque temps maîtresse de classe, comme le Journal nous l'a dit plus haut. Pressée de se consacrer tout entière à Dieu, elle fit sa demande d'admission à Mme la Supérieure. Le Conseil, consulté, vota selon le désir de la
postulante, déjà fort connue, fort estimée et fort aimée.
Le 4 juin 1811, elle prit le voile des novices, avec le nom de Mary-Alicia. Le 24 du même mois, l'année suivante, elle prononça ses vœux.
Nous ne ferons pas son portrait nous-même. Un écrivain célèbre, dont nous sommes bien loin d'admettre toutes les idées, s'est chargé de le tracer avec une fidélité de traits, de coloris, de ressemblance reconnue par les religieuses du couvent qui ont vécu avec Mme Alicia.
George Sand, qui passa plusieurs années de sa jeunesse au pensionnat des Dames Anglaises, écrivant plus tard ses souvenirs dans l'Histoire de ma vie, y évoque ceux des religieuses qui furent ses maîtresses. Puis elle ajoute : «J'ai gardé pour la dernière celle des nonnes que j'ai le plus aimée. C'était, à coup sûr, la perle du couvent. Madame Mary-Alicia Spiring était la meilleure, la plus intelligente et la plus aimable des cent et quelques femmes, tant
vieilles que jeunes, qui habitaient, soit pour un temps, soit pour toujours, le couvent des Anglaises. Elle n'avait pas trente ans lorsque je la connus. Elle était encore très belle, bien qu'elle eût trop de nez et trop peu de bouche. Mais ses grands yeux bleus bordés de cils noirs étaient les plus beaux, les plus francs, les plus doux yeux que j'aie vus de ma vie. Toute son âme généreuse et sincère, toute son existence dévouée, chaste et digne, étaient dans ses
yeux-là. On eut pu les appeler, en style catholique, des miroirs de pureté. J'ai eu longtemps l'habitude, et je ne l'ai pas tout à fait perdue, de penser à ces yeux-là quand je me sentais, la nuit, oppressée par ces visions effrayantes qui vous poursuivent encore après le réveil. Je m'imaginais rencontrer le regard de Mme Alicia, et ce pur rayon mettait les fantômes en fuite.
Il y avait dans cette personne charmante quelque chose d'idéal, je n'exagère pas, et quiconque l'a vue un instant à la grille du parloir, quiconque l'a connue quelques jours au couvent, a ressenti pour elle une de ces subites sympathies mêlées d'un profond respect, qu'inspirent les âmes d'élite. La religion avait pu la rendre humble, mais la nature l'avait faite modeste. Elle était née avec le don de toutes les vertus, de tous les charmes, de toutes les puissances que l'idée chrétienne bien comprise par une noble intelligence ne pouvait que développer et
conserver. On sentait qu'il n'y avait point de combat en elle et qu'elle vivait dans le beau et dans le bon comme dans son élément nécessaire. Tout était en harmonie chez elle. Sa taille était magnifique et pleine de grâce sous le sac et la guimpe. Ses mains effilées et rondelettes étaient charmantes, malgré une ankylose des petits doigts qui ne se voyait pas habituellement. Sa voix était agréable, sa prononciation d'une distinction exquise dans les deux langues qu'elle parlait également bien. Née en France d'une mère française (2), élevée en France, elle était plus Française qu'Anglaise, et le mélange de ce qu'il y a de meilleur dans ces deux races en faisait un être parfait. Elle avait la dignité britannique sans en avoir la raideur, l'austérité religieuse sans la dureté. Elle grondait parfois, mais en peu de mots ;
et c'étaient des mots si justes, un blâme si bien motivé, des reproches si directs, si nets, et pourtant accompagnés d'un espoir si encourageant, qu'on se sentait courbée, réduite, convaincue, devant elle, sans en être ni blessée, ni humiliée, ni dépitée. On l'estimait d'autant plus qu'elle avait été plus sincère ; on l'aimait d'autant plus qu'on se sentait moins digne de l'amitié qu'elle vous conservait; mais on gardait l'espoir de la mériter, et on y arrivait certainement tant cette amitié était désirable et salutaire».
Aurore Dupin, qui entra au pensionnat quelques années avant la mort de Mme Canning, subit profondément l'influence de Mme Alicia dont elle devint la fille (3). Le fait est qu'après avoir été classée parmi les élèves les plus turbulentes, elle devint ensuite,
pour ses compagnes, un modèle de piété et de régularité. Plût à Dieu que d'autres influences, survenant plus tard, n'eussent pas détruit celles du couvent et réveillé les impressions peu chrétiennes de sa première éducation d'enfance ! Son talent merveilleux d'écrivain n'eût rien perdu de son éclat ; et ses œuvres, trop souvent, hélas ! malsaines par les idées, eussent été utiles à la vérité et au bien.
Après ce qu'on vient de lire des mérites de Mme Mary-Alicia, on se demandera peut-être comment elle ne parvint jamais à la supériorité.
Erreur de traduction. Cela tient à un mot, un seul mot, la conjonction française ou traduite fautivement en anglais par and.
Quand M. Lutton présenta à l'approbation de l'archevêque de Paris les Constitutions de la maison, il dut produire un texte français. Puis il en fit ensuite une traduction à l'usage des religieuses qui ne comprenaient pas notre langue.
Le premier texte seul est approuvé et a force de loi. On le consulte dans les difficultes qui peuvent surgir sur la règle.
Or ce texte exclut de la supériorité toute religieuse qui n'est pas Anglaise de nation ou de père et de mère.
La traduction, qui n'est pas approuvée, exclut toute religieuse qui n'est point Anglaise de nation et de père et de mère.
D'après l'exemplaire authentique, Mme Alicia, étant née de père et de mère anglais, était éligible, mais elle ne l'était pas, en vertu de la traduction, puisqu'elle était née en France.
Or, les Dames Anglaises ne connaissaient que la traduction, seul texte lu dans la communauté. Elles ne songèrent pas même à élire une personne non éligible.
Mme Alicia n'ignorait pas cette erreur, mais elle n'en dit mot jusqu'aux derniers temps de sa vie. Assurée alors que son âge et ses infirmités la mettaient hors de concours, cette humble et modeste femme crut de son devoir de dénoncer la faute qui pouvait empêcher la communauté de mettre à sa tête un sujet digne et capable de la gouverner.
Mme Alicia mourut en 1855, le 20 janvier, dans sa 72e année. Elle avait passé 43 ans dans le cloître. «C'était, dit le Journal, une religieuse excellente et très estimée». Et la tradition fait écho à ce simple et sincère éloge, toutes les fois que l'on parle, dans la
maison, de cette vénérée et regrettée servante de Dieu.
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[Notes de bas de page.]1. Voici la liste alphabétique d'élèves du pensionnat des Dames Anglaises de mai 1817 à avril 1829 ; à l'origine, Appendix B du livre.
Anjorrant, Sidonie ; Anster, Eliza ; Anster, Lavinia ; Arsy, Valentine de Gouy d' ; Aubin, Évélina ; Auguste, Adèle ; Aubusson, Amanda d' ; Aubusson, Blanche d' ; Barron, Anna de ;
Barrois, Émeline ; Barrin, Ann ; Barrin, Mathilde ; Barrin, Mary ; Baylié, Marguerite ;
Bazouin, Aimée ; Bazouin, Chérie ; Bazouin, Jane ; Beaucorps, Anna de ; Beaucorps, Constance de ; Bernard, Catherine ; Bief, Juliette de ; Bilcoq, Clary ; Blak, Honoria ; Blount Éliza ; Blount, Fanny ; Boissy, Blanche de ; Bouvier, Mirza ; Bosquiel, Zénobie de ; Bricaux, Élise ; Brissac, Aména de ; Brissac, Fanelly de ; Brosse, Constance de ; Brosse, Élisa de ;
Callaghan, Ann ; Callaghan, Céleste ; Callaghan, Rose ; Cary, Fanny ; Cary, Sophy ; Cary, Susan ; Castaz, Camille ; Castella, Eugénie de ; Castella, Laure de ; Costello, Émélita ;
Chabbans, Noémie de ; Chabot, Anne de ; Chazelles, Augustine de ; Chazelles, Louise de ;
Chantereyne, Léonice ; Chocquense, Pauline de ; Clifford, Isabella ; Connell, Jane O' ;
Connor, Priscilla O' ; Contay, Camille de la Toesne ; Coppinger, Adèle ; Coriolis, Ernestine de ; Cotteau, Victorine ; Courteilles, Louise de ; Croit, Jane ; Demblin, Marie de ; Demblin, Sophie de ; Dermott, Sophie Mac ; Destouches, Stéphanie ; Deuxponts, Adrienne de ; Deuxponts, Henriette de ; Donough, Georgina Mac ; Donough, Maria Mac ; Dormer, Catherine ; Dormer, Malia ; Draeck, Astérie de ; Drummond, Charlotte ; Dubois, Henriette ;
Dupin, Aurore ; Epron, Élise ; Eyre, Ann ; Eyre, Lucy ; Eyre, Mary ; Eyries, Laure ;
Fairbairn, Charlotte ; Fargeau, Élise ; Fargues, Caroline de ; Fargues, Emma de ; Fargues, Olympe de ; Faudoas, Clary de ; Finchet, Helen ; Fontanay, Félicie de ; Fontanges, Delphine de ; Fournier, Antoinette ; Fresquiennes, Sophie de ; Frizelt, Agnes ; Galliffet, Amanda de ; Galliffet, Valentine de ; Galway, Emily ; Galway, Mary ; Gandolfi, Charlotte ;
Giffard, Jane ; Gillibrand, Henrietta ; Gillibrand, Marcella ; Gillibrand, Mary ; Gordon, Anne ; Gordon, Helen ; Gordon, Maria ; Gouis, Ernestine de ; Greffulhe, Cordelia de ;
Grellet, Suzanne ; Guelche, Mathilde de ; Guestier, Élise ; Herlincourt, Joséphine d' ;
Haggerston, Winifred ; Higgins, Ann ; Huddlestone, Jane ; Johnson, Fanny ; Jubié, Bénédicte ; Kelly, Ann ; Kelly, Ellen ; Kelly, Mary ; Kneller, Fanny ; Kneller, Fredericka.
Laborde, ? de ; Laborde, Mathilde de ; Langdale, Catherine ; Laparent, Clemence de ; Lavault, Flore de ; Lavault, Virginie de ; Lavinski, Élise de ; Lecomte, Nancy ; Lefebvre, Léonice ; Legrand, Clemence ; Lisleroi, Euphrosine de ; Lodi, Carlotta ; Macdonald, Sidonie ; Maingoval, Felicie de ; Manonry, Honorine ; Marois, Coralie Le ; Masterson, Lucy ;
Mazières, Clemence de ; Mazzinghi, Josephine ; Mery, Celine de ; Mitford, Emma ; Montblon, Aline de ; Montbrun, Clara de ; Montmorency, Laurence de ; Moorat, Augusta ; Mortemart, Alicia de ; Mortemart, Alix de ; Motte, Valerie Tessier de la ; Mullane, Anaïs O' ; Mullane, Caroline O' ; Mullane, Elisa O' ; Murphy, Fanny ; Murphy Margaret ; Narbonne, Hélène de ; Nouthier, Amanda ; Orsay Isa d' ; Perron, Caroline ; Perron, Charlotte ; Perron, Élisabeth ; Perron, Madeleine ; Perron, Rosine ; Pia, Élise ; Piéron, Eugénie.
Pille, Gabrielle de ; Plunkett, Theresa ; Pontcarré, Pauline de ; Power, Laure ; Prat, Laure ; Rhodes, Ida de ; Riddell, Eliza ; Riddell, Louisa ; Rochejaquelein, Annette de la ;
Rochejaquelein, Julie-Thérèse de la ; Rochejaquelein, Louise de la ; Rochejaquelein, Marie de la ; Rochejaquelein, Victorine de la ; Rocher, Louisa ; Rollet, Louisa ; Roper, Ellen ;
Rouvroy, Hortense de ; Royer, Theodosia ; Saint-Semin, Éliane de ; Saultz, Henriette de ;
Schwartz, Cornélie ; Shiel, Emily ; Shiel, Grace-Julia ; Shiel, Margaret ; Smith, Bridget ;
Stapleton, Charlotte ; Sumpter, Brézilia-Pauline; Tasburg, Barbara ; Tasburg, Fanny ; Tasburg, Mary ; Tasburg, Mary ? ; Tellyhem, Zélia Bailly de ; Tempest, Catherine ; Tempest, Fanny ; Terray, Béatrix ; Thomassin, ? de ; Thomeréeg, Denise ; Trusler, Susan; Tucker, Fanny ; Tullock, Theresa ; Varagnac, Émilie ; Valanzac, Stéphanie de ; Vergennes, Amélie de ; Vié, Anna ; Visson, Zelia ; Wals-Serrant, Valentine de ; Warenghien, Amélie de ; Wismes, Anna de ; Wismes, Émilie de ; Yzquierdo Eugenia.
2. Il y a là une erreur : la mère de Mme Alicia était Anglaise et n'a jamais pu dire un mot de français. Elle est morte au couvent où elle était dame pensionnaire, et elle fut enterree au cimetière du Montparnasse dans le tombeau de la communauté.
3. Voir plus haut le sens de ce mot fille.
«Un Couvent de religieuses anglaises à Paris» :
Index ; Chapitre 10
[Dr R. Peters : rpeters@wissensdrang.com]