LE MARI DIRECTEUR OU LE DÉMÉNAGEMENT DU COUVENT :
comédie en un acte, en vers libres, de Claude de Flins ;
première le 25 février 1791.
PERSONNAGES. |
L'ABBESSE. |
SŒUR PÉTRONILLE. |
SŒUR APPOLINE. |
SŒUR EUDALIE. |
AGNÈS, novice. |
THÉOTIME, Bernardin, directeur du couvent. |
GABRIEL, religieux qui a quitté le couvent. |
SÉRAPHIN, religieux qui a quitté le couvent. |
LA TOURIÈRE, du couvent. |
NICOLAS, jardinier du couvent. |
M. DORVAL, commissaire du district. |
MADAME DORVAL, sa femme. |
LA FLEUR, domestique de M. Dorval. |
LA GREFFIER. |
PLUSIEURS AUTRES RELIGIEUSES. |
Le théâtre représente une salle du couvent ;
la grille est placée au fond du théâtre.
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SCÈNE PREMIÈRE.
L'ABBESSE, SŒUR PÉTRONILLE, SŒUR APPOLINE, SŒUR EUDALIE, AGNÈS,
THÉOTIME, LA TOURIÈRE, GABRIEL coiffé et habillé à l'anglaise,
SÉRAPHIN coiffé et habillé à la française, RELIGIEUSES.
Les Religieuses accourent éperdues et dispersées sur le théâtre ; l'Abbesse s'oppose au passage de Gabriel et de Séraphin, qui veulent entrer.
GABRIEL.
Pourquoi nous fuyez-vous ?
L'ABBESSE.
Arrêtez, malheureux. Ce n'est qu'avec horreur que je vous vois tous deux ; vous êtes retournés dans un monde profane ; vous avez délié les nœuds les plus sacrés.
SÉRAPHIN.
La raison nous absout.
L'ABBESSE.
L'Église vous condamne. Dans ces lieux saintes et retirés venez-vous apporter vos coupables maximes ?
GABRIEL.
Nous venons détromper des victimes innocentes ; et nous réussirons.
L'ABBESSE.
Nous ne redoutons rien. Nous regardons comme des crimes les lois qui de nos yeux ont rompu le lien.
SŒUR PÉTRONILLE.
Oui, notre âme est constante et pure, et nous resterons dans ces lieux, fidèles aux serments qu'ont entendu les cieux.
SŒUR APPOLINE.
Nous le promettons.
LA TOURIÈRE.
Je le jure.
SŒUR EUDALIE, à Gabriel.
Mais quelle est donc cette coiffure ? Ah ! frère Gabriel, qui vous aurait remis, avec ces cheveux plats tombant sur vos habits ?
GABRIEL.
Je suis vraiment fâché que cela vous déplaise : c'est une coiffure à l'anglaise. Elle est fort à la mode, et rend le cerveau sain; on en est levé plus matin.
SŒUR EUDALIE.
Vous avez donc plus d'une affaire ?
GABRIEL.
Oh ! je vous en réponds : du parti populaire, je suis le ferme soutien. J'avais, quand j'étais Bernardin, un talent marqué pour la chaire ; je faisais des sermons que l'on me payait bien. Mais aujourd'hui, pour la fortune, je descends de la chaire et monte à la tribune.
SŒUR EUDALIE.
Oh ! frère Séraphin, comme vous voilà fait ! Cette énorme cravate, et ce joli toupet, ces cordons, ce petit gilet, pour un religieux, semblent bien peu modestes ; n'en redoutez-vous pas quelques suites funestes ?
SÉRAPHIN.
Il faut se conformer à l'état qu'on a pris. Je chantais assez bien : pour nos moines ravis, ma voix charma souvent la longueur de l'office ; et j'aurais dans le temps jadis, obtenu quelque bénéfice : la nation les a tous pris.
SŒUR EUDALIE.
Vous aviez, il est vrai, la voix douce et touchante.
SÉRAPHIN.
J'ai gardé mon goût, et je chante.
SŒUR EUDALIE.
Des orémus.
SÉRAPHIN.
Des opéras.
Air.
SÉRAPHIN, chante.
Jadis, je chantais tristement
Quelque dévote rhapsodie ;
Aujourd'hui, je chante gaîment
L'amour, les jeux et la folie ;
Tout change de rôle à présent.
L'aristocrate maintenant,
N'a plus aucun projet de guerre ;
Le prélat ne fait de serment
Qu'à la maîtresse qu'il préfère ;
Tout change de rôle à présent.
Vous avez aimé le couvent
Malgré sa tristesse profonde ;
Mais vous allez prendre un amant,
Et suivre tous les goûts du monde ;
Tout change de rôle à présent.
L'ABBESSE.
Fuyons, fuyons, mes sœurs, et ne l'écouterons pas.
SŒUR PÉTRONILLE.
Monstre !
SŒUR EUDALIE.
Faussaires !
SŒUR APPOLINE.
Apostats.
AGNÈS, bas à Théotime.
Vous voyez.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Attendons.
SŒUR PÉTRONILLE.
Pouvez-vous à votre âge vous laisser entraîner aux mondaines erreurs ? Tandis que les plus cœurs, à qui le monde encore offre plus d'avantage, vous donnent l'exemple des mœurs. Regardez, Théotime est vertueux et sage, il n'est pas pervers, ni volage, cependant il n'a que vingt ans.
GABRIEL.
C'est qu'il lui manque un peu d'usage ; cela viendra.
L'ABBESSE.
Sortez, méchants.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Lorsqu'elles vantent ma sagesse, elles ne savent pas ce que je sens pour vous ; et je suis plus faible qu'eux tous, si l'amour est une faiblesse.
GABRIEL.
Pour porter un bon jugement, gardons de nous fier à la seule apparence. Pouvez-vous vous vanter de votre résistance qu'on ne tenta que faiblement ? Sous une heure au plus tard, M. le Commissaire doit arriver dans le couvent, et nous verrons.
SÉRAPHIN.
Pour moi j'espère que l'on va voir ici beaucoup de changement ; et je crois que les plus grondeuses ne voudront pas, à m'imiter, se montrer les plus paresseuses.
SŒUR PÉTRONILLE.
Quel blasphème, grand Dieu !
GABRIEL.
J'ose aussi me flatter que ces dames vont adopter un habit à la fois plus frais et plus commode, vont changer de parure, ainsi que de maison ; et je vais, pour cette raison, leur envoyer bientôt des chapeaux à la mode. (Ils sortent.)
SCÈNE II.
LES PRÉCÉDENTS excepté GABRIEL et SÉRAPHIN.
SŒUR PÉTRONILLE.
Des chapeaux, malheureux !
SŒUR APPOLINE.
Ah ! quels horribles mots ! Ma mère, qu'a-t-il dit ?
SŒUR PÉTRONILLE.
Il a dit : des chapeaux.
L'ABBESSE.
Venez, entourez-moi, mères obéissantes : j'entends autour de nous, colombes gémissantes, voler les féroces vautours. Mais nous saurons braver leurs fureurs puissantes ; et dans la paix promise aux âmes innocentes, nous verrons s'écouler les derniers de nos jours.
AGNÈS, bas à Théotime.
Soupçonnez-vous encore ?
THÉOTIME, bas à Agnès.
Attendons votre père.
AGNÈS, de même.
Mon père ! Oui, c'est lui qui doit venir ; son district l'a nommé.
SCÈNE III.
LES PRÉCÉDENTS, NICOLAS.
L'ABBESSE.
Parle, que viens-tu faire, Nicolas ?
NICOLAS.
Je viens avertir qui'il faut ici qu'on déménage ; qu'on va bientôt ouvrir la cage, et que les oiseaux vont partir.
L'ABBESSE.
Comment ?
NICOLAS.
Ce n'est plus un mystère.
SŒUR PÉTRONILLE.
Quoi donc ?
NICOLAS.
Voici le commissaire.
SŒUR EUDALIE, à part
Ceci commence à me tenter.
L'ABBESSE.
Il connaîtra les cœurs que l'on ose insulter par un injuste prévoyance ; nous ne mentirons pas à notre conscience ; nous saurons résister à tout.
AGNÈS, bas à Théotime.
Vous voyez, Théotime.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Écoutons jusqu'au bout.
NICOLAS.
Quant à moi, je serai plus sage ; je suis encore chez vous engagé pour deux ans. Mais le couvent bientôt sera désert, je gage ; et libre désormais de mes engagements, je renonce à tous les couvents ; je retourne à mes champs, et vais dans mon village.
SŒUR PÉTRONILLE.
Est-ce ainsi, Nicolas, que vous devez payer les soins qu'ont eus pour vous nos mères, et leurs attention si fines et si chères ? Avez-vous pu donc donc oublier leur vif empressement, leur tendre inquiétude ? Hélas, faut-il qu'un jardinier connaisse ainsi l'ingratitude ?
NICOLAS.
Les douceurs et les agréments qu'on fit goûter à ma jeunesse, me rendent plus cruels les mauvais traitements dont on accable ma vieillesse. Le travail ne me fait pas peur. Lorsque je fus élu pour remplacer mon père, je crois, en jardinier d'honneur, avoir remplir mon ministère. Outre le jardin du couvent, qui fleurit en mes mains indubitablement, il me fallait soigner celui de chaque mère ; il me fallait secrètement, dans le silence des offices, cultiver les œillets des sœurs, les pavots des mères des chœurs, avec les roses des novices. Chacune, autour de moi, courait d'un pas pressé, avec cet air charmant, dont la douceur engagé. Dans les nombreux travaux que leur zèle partage, j'étais quelquefois devancé, et j'avais fin mon ouvrage, avant de l'avoir commencé. Maintenant, quoique vieux, j'ai gardé mon courage, et je m'épuise encore en efforts superflus ; mais mon ouvrage ne plaît plus. On s'écarte à ma vue, et tout bas on murmure ; à peine daigne-t-on me dire quelque injure. J'ai chez moi, pour m'aider, pris l'un de mes neveux, jeune, mais libertin, et surtout paresseux ; qui, dans votre jardin, gâte tout, je vous jure ; n'importe, il a l'œil tendre et l'air très dégagé ; de vous, tout ce qu'il dit, obtient quelque louange ; il a mieux fait, quand il dérange, que moi quand j'ai tout arrangé ; mais j'aperçois le commissaire.
SŒUR EUDALIE, à part
Bon !
SŒUR PÉTRONILLE.
Répondons avec vigueur.
SŒUR APPOLINE.
Hélas !
L'ABBESSE.
Du courage, ma sœur.
SCÈNE IV.
LES PRÉCÉDENTS, M. DORVAL, LE GREFFIER.
DORVAL.
Je viens remplir un ministère, qui peut être agréable, et qui ne peut déplaire. Dans cet asile solitaire, il vous est permis de rester ; mais celles que pourrait tenter le soin de consoler la vieillesse d'un père, de vivre dans le monde au sein de leurs parents, peuvent sortir de leurs couvents ; on pourvoit à leur nécessaire. La nation fidèle à ses engagements, leur fera toucher tous les ans une pension viagère.
SŒUR PÉTRONILLE.
Je chéris la retraite et j'aime ce couvent, où dans un saint recueillement, j'ai vu mes premières années par de pieux devoirs l'une à l'autre enchaînées ; mais ma mère a pour moi de si doux sentiments ! J'ai pris sans son aveu l'état que je professe. On a dit que'une fille, écoutant la tendresse, pour suivre son mari, doit quitter ses parents ; mais on n'a jamais dit, pour suivre les couvents. De ma mère, je veux consoler la vieillesse, c'est mon premier devoir, et pour cette raison, je vais dans ma famille, et prends la pension.
L'ABBESSE.
Sœur Pétronille !
LA TOURIÈRE.
Ô Ciel !
SŒUR EUDALIE.
Oh ! qui l'aurait pu croire ! Il vaut mieux suivre un sentiment, que de suivre une fausse gloire ; j'aime mon frère tendrement ; il perdit un bras à la guerre ; il a besoin d'appui : pour soulager mon frère, je prends la pension, et sors du monastère.
SŒUR APPOLINE.
Pour moi, je n'ai point de parents ; mais le cloître m'ennuie, et je n'ai pas vingt ans : je cherche des soulagements pour calmer ma douleur profonde. J'ai pris cet habit malgré moi, et l'on se doute bien pourquoi je prends la pension, et je retourne au monde. (Les autres religieuses tiennent entre elles un petit conseil.) Ces mères m'ont donné leur procuration ; c'est d'après leur aveu sincère, que je dois avertir M. le Commissaire qu'elles prennent la pension.
L'ABBESSE.
Par mes filles grand Dieu ! je suis abandonnée ; mais par des exemples pervers je ne serai point entraînée ; je ne quitterai point ces lieux qui me sont chers, qui de tous mes honneurs conservent la mémoire ; et cette croix, surtout, la marque de ma gloire.
DORVAL.
Seule, dans le couvent, vous ne pouvez rester, quand tout le monde le délaisse. Dans un autre couvent vous pouvez habiter ; mais, Madame, il faudra quitter ces honneurs, cette croix ; car il n'est plus d'abbesse.
L'ABBESSE.
Plus d'abbesse !
DORVAL.
Sans doute.
L'ABBESSE.
Ô profanation ! Plus d'abbesse. Monsieur, plus de religion !
DORVAL.
Quel parti prenez-vous, Madame, je vous prie ?
L'ABBESSE.
J'ai promis de mourir fidèle à mes serments ; mais il faut malgré soi se conformer au temps ; dès que ma dignité se trouve anéantie, au monde, que je hais je me sens convertie : le désir des honneurs fit ma vocation ; puisque je perds ma croix, je prends la pension.
LA TOURIÈRE.
Je verrai finir ma carrière, dans ces lieux où j'ai vu le jour ; je ne suis que simple tourière, mais je suis fidèle à mon tour.
DORVAL.
Mon enfant, la constance est toujours très louable ; mais vous n'avez point fait de vœux ; on détruit ce couvent ; vous semblez estimable, je puis vous procurer, chez l'un de mes neveux, un sort beaucoup plus agréable.
LA TOURIÈRE.
Non, c'est mon dernier mot ; il me faut un couvent. Je m'ennuierais ailleurs indubitable ; et si de ces lieux l'on me chasse, puis-je ailleurs trouver une place qui soit digne de mon talent ?
DORVAL, s'avançant avec la tourière sur le devant du théâtre.
Quel est l'art principal où votre esprit s'applique ?
LA TOURIÈRE.
Monsieur, c'est à la politique.
DORVAL.
Soit ; le ministre est mon parent, je vous place chez lui.
LA TOURIÈRE.
Bon ! C'est un ignorant. Et dans la politique il me faudrait l'instruire : quand on servit dans un couvent, on en fait plus que ceux qui gouvernent l'empire. Ne faut-il pas pour plaire à tous se plier aux différents goûts ? Avoir l'air enjoué près des pensionnaires ? Montrer un sombre ennui sous des rides sévères, devant les mères en courroux ? Savoir par intérêt et louer et médire ? Pour la novice qui soupire, du jeune directeur servir les rendez-vous ? Trouver tout ce qui plaît, éviter ce qui blesse ? Flatter surtout l'abbesse, en ce qui l'intéresse, et lui citer à tout propos son neveu le marquis, et sa sœur la comtesse ? Où puis-je retrouver ces importants travaux ? Il faudrait m'élever moi-même au ministère pour que je puisse encore étaler au grand jour la politique nécessaire à qui sut régner dans un tour.
DORVAL.
Suivez un conseil salutaire.
LA TOURIÈRE.
Non, non, on ne me séduit pas, je sais quel est mon poste, et j'y cours de ce pas ; j'embrasserai mon tour à mon heure dernière : dans le tour je suis née, et je mourrai tourière. Mon cœur ne peut changé par un espoir trompeur et d'odieux manèges ; je défends mieux mes privilèges que la noblesse et le clergé. (Elle sort.)
SCÈNE V.
LES PRÉCÉDENTS excepté LA TOURIÈRE.
DORVAL.
Nous la ferons changer de résolutions. Du reste, on est d'accord, personne ne résiste. De ces dames, greffier, vous prendrez tous les noms, et vous les mettrez sur la liste qui renferme les pensions.
NICOLAS.
Monsieur le Commissaire, à quoi monte la mienne ?
DORVAL.
Ecoute : il me souvient...
NICOLAS.
Il faut qu'on s'en souvienne.
DORVAL.
Que les jardiniers n'en ont point.
NICOLAS.
J'ai trente ans cultivé la terre ; les dames ont passé trente ans à ne rien faire ; on leur assure un sort, je reste sans salaire ; ma foi la nation est injuste en ce point.
SŒUR EUDALIE.
Si je suis étourdie, au moins j'ai l'âme bonne ; mon cher Nicolas, je te donne l'argent de mon premier quartier.
L'ABBESSE.
Il n'est plus bon à rien.
SŒUR EUDALIE.
Eh ! c'est ce qui m'engage.
L'ABBESSE.
Je veux de mon argent, faire un plus noble usage, pour mon neveu le chevalier. Il sera colonel.
NICOLAS.
Ce titre qui vous flatte, pour moi vous rend injustice, et vous fait oublier les services constants d'un pauvre jardinier. Jeunesse est généreuse, et vieillesse est ingrate. (Il sort.)
SCÈNE VI.
LES PRÉCÉDENTS excepté NICOLAS.
DORVAL.
De tous les meubles du couvent je vais commencer l'inventaire.
SŒUR EUDALIE.
Moi, je vais faire aussi mon paquet promptement.
DORVAL.
J'attends ici ma femme, elle m'est nécessaire pour estimer quelques objets auxquels je ne me connais guère.
SŒUR PÉTRONILLE.
Mais avant de quitter ce couvent pour jamais, il est décent de voir, je pense, notre père Honorin.
SŒUR APPOLINE.
Oh ! combien je l'aimais !
SŒUR PÉTRONILLE.
Il dirigeait ma conscience.
SŒUR EUDALIE.
Allons, dépêchons-nous, car je perds patience. (Elles sortent.)
SCÈNE VII.
AGNÈS, DORVAL, THÉOTIME.
DORVAL.
Quel est cet Honorin ?
THÉOTIME.
Un prêtre respecté, qui, dans cette maison a trente ans habité. Sévère pour lui-même, indulgent pour les autres.
DORVAL.
Je le vois ; du couvent c'était un des apôtres ?
AGNÈS.
À peu près.
DORVAL.
Chère Agnès, réparons nos malheurs. Une mère cruelle, en dépit de vos pleurs, vous immola jadis à l'orgueil de vos sœurs ; votre mère n'est plus ; et votre belle-mère vous adopte pour fille, ses soins complaisants s'efforcent déjà de vous plaire. De nœuds pénibles et gênants, ma tendre amitié vous délivre, dès ce soir, vous pourrez me suivre.
THÉOTIME, à Agnès.
Je vous perds, c'en est fait.
AGNÈS, à Dorval.
Mon père, le couvent...
DORVAL.
Qui peut vous arrêter ? Vous n'êtes que novice, vous n'avez point fait de serment.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Quel nouveau malheur !
AGNÈS, bas à Théotime.
Quel supplice !
DORVAL, bas à Agnès.
Quel est donc ce religieux, qui sur vous, tout à l'heure, avait toujours les yeux ?
AGNÈS.
C'est un jeune homme que j'estime.
DORVAL.
Comment l'appelez-vous ?
AGNÈS.
Le père Théotime.
DORVAL.
Vous le voyez beaucoup ?
AGNÈS.
Mon père, très souvent. Car Monsieur cultive un talent, auquel depuis six mois volontiers je m'applique. (Bas.) Je me découvre assurément.
DORVAL.
Et ce talent ?
AGNÈS.
Mon père, il m'apprend la musique.
DORVAL.
Il a l'air fort intéressant. Et je crois qu'il chante à merveille.
AGNÈS.
Sa voix, je l'avouerai, plaît fort à mon oreille.
DORVAL.
Ce que vous dites là, me fait naître un désir,...
AGNÈS.
Et ce désir...
DORVAL.
Est de l'entendre.
AGNÈS.
Qui ? lui ? pour vous faire plaisir il est prêt à tout entreprendre.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Je ne chante pas bien.
AGNÈS, bas à Théotime.
Mais comme vous pourrez.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Je n'ai point de chansons.
AGNÈS, bas à Théotime.
Eh bien ! vous en ferez.
Air.
THÉOTIME, chante.
Quand par un oncle surprise,
Dans les bras de son amant,
La trop sensible Héloïse
Vit commencer son tourment.
Coup affreux ! douleur extrême !
L'amant seul peut la sentir :
N'est ce pas déjà mourir,
Que de perdre ce qu'on aime ?
DORVAL.
J'aime beaucoup cette romance.
THÉOTIME.
Voici le couplet qui commence : Agnès en fait la suite.
AGNÈS, bas à Théotime.
Quoi ?... J'en sais pas un mot.
THÉOTIME, bas à Agnès.
Vous ferez comme moi.
Air.
AGNÈS, chante.
Héloïse est plus à plaindre :
Non, jamais son tendre amant,
Sans l'outrager ne peut craindre
De son cœur un changement.
Héloïse le lui jure,
Qu'il entendre ce soupir ;
Héloïse peut mourir,
Mais ne peut être parjure.
DORVAL.
Cette musique me plaît fort, vous chantez bien ensemble, et vos voix sont d'accord. (À Théotime.) Je vous suis obligé... ... (À Agnès.) Je suis charmé, ma fille, de vous voir ce nouveau talent ; sans doute il charmera Monsieur de Vintimille, dont j'approuve l'empressement, et qui doit, en vous épousant, entrer bientôt dans ma famille.
AGNÈS, bas à Théotime.
Non, je serai fidèle, et mon cœur l'a juré.
THÉOTIME, bas à Agnès.
C'en est trop, chère Agnès, je pars désespéré. (Il sort.)
SCÈNE VIII.
DORVAL, AGNÈS.
DORVAL.
Comment ! vous changez de visage, Agnès, je vois vos pleurs couler alors que je viens vous parler du projet d'un bon mariage ; vraiment, cela n'est pas naturel à votre âge.
AGNÈS.
Pardonnez au trouble où je suis ; oui, j'ai peine à quitter une maison si chère, pour entrer dans le monde où je suis étrangère ; et je vais loin de vous rêver à mes ennuis. (Elle sort.)
SCÈNE IX.
DORVAL, seul.
DORVAL.
Ma fille, en vérité m'étonne. Redouter un mari, regretter le couvent ! Plus j'y pense, plus je soupçonne... Mais on est injuste souvent à force d'être pénétrant.
SCÈNE X.
DORVAL, LA FLEUR.
LA FLEUR.
Je suis chargé de vous remettre ce paquet, avec cette lettre.
DORVAL.
De quelle part ?
LA FLEUR.
C'est du père Honorin.
DORVAL.
Pose ici le paquet... Ah ! c'est de notre saint. (La Fleur sort.)
SCÈNE XI.
DORVAL, seul,
DORVAL, lit à haut voix.
«Après de mûres réflexions, j'accepte la liberté que j'avais refusée d'abord. Quand vous recevrez cette lettre, je serai déjà parti. Je laisse dans le couvent mes habits de religieux qui ne sont plus à mon usage.» ... Que ces nouvelles curieuses vont donner de surprise à nos religieuses ! Oui, voilà bien la robe avec la capuchon, qui, de tout le couvent, avait la confiance, et qui dut entendre, dit-on, plus d'une bonne confidence. Je voudrais un moment être sous cet habit, pour écouter les choses rares que sous le secret on lui dit... ... Le projet est plaisant, mais les moyens bizarres. Je ne prendrai jamais la résolution... Si l'on me découvrait ! N'importe ; la curiosité l'emporte. (Il s'habille et met le capuchon.) Je cède à la tentation. Un porte-feuille ! bon, il pourra m'être utile : des dames du couvent, examinons le style. Je lirai leur secret avant de l'écouter ; je serai confident de quelque tendre flamme ; cela sera charmant. On vient. Bon ! c'est ma femme.
SCÈNE XII.
DORVAL, MADAME DORVAL.
MADAME DORVAL.
Mon père, avec respect je viens vous consulter.
DORVAL.
Sur quoi ?
MADAME DORVAL.
C'est sur une entreprise par qui je craindrais d'attenter aux propriétés de l'Église. Mon mari veut que du couvent je fasse avec lui l'inventaire, n'est-ce pas un péché ?
DORVAL.
Non pas, assurément, votre mari, d'ailleurs, est un homme prudent ; en suivant ses conseils, vous ne pouvez mieux faire.
MADAME DORVAL.
Vous le croyez bien sage ?
DORVAL.
Assurément.
MADAME DORVAL.
En croyez-vous la renommée ? Elle flatte ou médit, trompe en exagérant, et dit juste très rarement. Des défauts de Dorval je suis bien informée, sans doute il n'est pas sans esprit, mais il n'a point de caractère ; vous l'avez toujours vu se plaire à ces modes d'un jour qu'auprès du sot vulgaire, un charlatan met en crédit. Il livra sa fortune aux fourneaux d'un chimiste ; il alla chercher la santé au bout du doigt d'un Mesmériste ! Du grand Cagliostro je le vis entêté, au point que deux jours par semaine il conversait avec Turenne tout comme je cause avec vous. Si Mahomet eût eu quelque crédit en France, je crois que mon bizarre époux, mettant dans Mahomet toute sa confiance, aurait été turc un moment : il n'en est rien heureusement. Il quitta le service assez étourdiment, il eut pu parvenir aux grades militaires, il aime son pays ; mais il ne le sert guère. Dans son district il fait beaucoup de bruit, il y pérore jour et nuit ; et pendant ce temps-là néglige ses affaires. Il est dupe.
DORVAL, à part.
Bonne leçon ! (Haut.) Vous ne l'aime donc pas ?
MADAME DORVAL.
Pardonnez-moi, je l'aime, il est juste, honnête, et si bon ! Dans moi, sa confiance en tout point est extrême.
DORVAL.
Vous n'en abusez pas ?
MADAME DORVAL.
Moi, non. Quoique je sois vive et jolie, mon cœur resta toujours exempt de passions ; c'est à trois inclinations que se borne en effet le roman de ma vie.
DORVAL.
Trois !
MADAME DORVAL.
Vous trouvez que c'est bien peu.
DORVAL.
Bien peu ! la scélérate ! Ah ! cachons notre jeu. Il n'est pas temps encore de montrer qui nous sommes.
MADAME DORVAL.
D'abord, mon premier goût fut pour les gentilshommes, celui que je choisis fut un brave guerrier, et jamais on ne vit plus aimable officier.
DORVAL.
Et le second ?...
MADAME DORVAL.
Suivant un état pacifique, faisait des règlements, tantôt bien, tantôt mal ; c'était ce qu'on appelle en bonne politique, un conseiller municipal.
DORVAL.
Reste un troisième.
MADAME DORVAL.
Oui.
DORVAL, à part.
La confidence est rare pour un mari. (Il fait un mouvement de tête que le décèle.)
MADAME DORVAL.
Mon choix vous paraître bizarre ; mais l'amour est aveugle, et tel est mon destin, que j'adore à présent...
DORVAL.
Qui donc ?
MADAME DORVAL.
Un Bernardin.
DORVAL.
C'est pousser trop loin l'insolence. Ma colère est plus forte, et je perds patience. (Se découvrant.) Me reconnaissez-vous ?
MADAME DORVAL, souriant.
Vous êtes mon mari.
DORVAL.
Vous ne rougissez pas ?
MADAME DORVAL.
Je veux faire un pari.
DORVAL.
Comment ? un pari ?
MADAME DORVAL.
Je suis sûre, Monsieur, que par cette aventure, vous croyez m'embarrasser fort.
DORVAL.
Sans doute.
MADAME DORVAL.
Et la vérité pure, c'est que je suis sans aucun tort.
DORVAL.
Cela, Madame, est un peu fort. Vous avez, dites-vous, aimé dans votre vie un conseiller municipal, un militaire, un moine.
MADAME DORVAL.
Et pourquoi, je vous prie, vous dirais-je que non ? je n'y vois pas de mal.
DORVAL.
Cela passe la raillerie.
MADAME DORVAL.
Quoi, Monsieur, seriez-vous jaloux ?
DORVAL.
Madame,...
MADAME DORVAL.
Écoutez-moi, sans vous mettre en colère ; quand je vous épousai, vous étiez militaire.
DORVAL.
J'en conviens.
MADAME DORVAL.
Et voilà comment un officier fut mon premier amant. Pour le bien, pour la paix, pour la chose publique, votre empressement sans égal fit de vous, dans ce temps critique, un officier municipal. Par-là, mon autre amour suffisamment s'explique : ici vous êtes moine, ou bien votre habit ment ; j'adore un moine maintenant; voilà tout le nœud de l'affaire.
DORVAL, à part.
Pour moi la vérité n'est pas encore trop claire ; cependant il faut croire, ou bien faire semblant.
MADAME DORVAL.
Comptez sur ma vertu : je fais tous pour vous plaire ; et je cours estimer les meubles du couvent. (Elle sort.)
SCÈNE XIII.
DORVAL, seul.
DORVAL.
Me voici bien payé ; les époux curieux doivent toujours s'attendre à des choses pareilles. Un mari doit fermer les yeux... ... Et non pas ouvrir les oreilles... ... J'ai formé l'entreprise et je l'achèverai ; et d'un autre secret je me divertirai. Examinons ce porte-feuille. Je vois que la première feuille est de celle qui prit le voile malgré soi, qui cherche à soulager sa tristesse profonde, et qui veut bien qu'on se doute pourquoi elle va rentrer dans le monde. (Il lit bas.) J'ai lu très bas, et j'ai bien fait. Mais je suis plus content de cet autre billet. Dieux ! on y parle de ma fille. Plus que je n'en voudrais, peut-être j'en saurai. Allons, il est écrit qu'aujourd'hui j'apprendrai tous les secrets de ma famille. «Il faut vous apprendre ce que j'aurais dû vous cacher plus longtemps. J'aime Agnès, et j'en suis aimé ; mais nous ne pouvons être heureux ensemble. Quand je consentirais à rompre mes vœux, son père ne consentira jamais à nous unir ; car je suis pauvre et cadet de famille. Je dois me sacrifier moi-même : je vais quitter la France. Engagez Agnès à obéir à son père ; c'est son premier devoir. Adieu, je serai moins malheureux quand je saurai que je suis seul à plaindre. Théotime.» Ce n'est point là du tout, écrire en suborneur, ce jeune Théotime est un homme d'honneur.
SCÈNE XIV.
TOUS excepté SÉRAPHIN, GABRIEL, NICOLAS et LA TOURIÈRE.
MADAME DORVAL.
Le voici ce saint personnage, à ses rares vertus, accourez rendre hommage.
SŒUR PÉTRONILLE, à Dorval.
Avant de vous quitter, apprenez mon secret, à cette confidence une heure peut suffire, quand on sort du couvent, on n'en saurait trop dire.
SŒUR APPOLINE.
Un mot, et j'aurai bientôt fait.
SŒUR PÉTRONILLE.
Je passe la première.
SŒUR EUDALIE.
Ah ! je suis si pressée.
SŒUR APPOLINE.
D'attendre si longtemps je suis déjà lassée.
SŒUR EUDALIE.
Ah ! mes sœurs, que de temps perdu !
DORVAL.
Je quitte cet habit, j'en ai trop entendu. Plus que vous ne croyez, j'ai votre confidence, ce que vous me diriez, je le connais d'avance.
SŒUR EUDALIE.
Ah ! c'est M. Duval.
MADAME DORVAL.
Allez, c'est un malin, qui surprend nos secrets sous l'habit d'Honorin.
DORVAL.
Il faut bien qu'on me le pardonne. J'avais voulu surprendre et c'est moi qu'on surprit. Pour avoir un moment endossé cet habit, la leçon, j'en conviens, fut bonne : ceux qui l'ont porté plus longtemps en doivent bien savoir sur les âmes dévotes, et pourraient fournir tous les ans un plaisant recueil d'anecdotes.
SŒUR EUDALIE.
Ce capuchon, Monsieur ?
DORVAL.
Oui ; d'abord il m'apprit que ma femme... est femme d'esprit.
SŒUR APPOLINE.
Vous le saviez d'avance.
MADAME DORVAL.
Et ce n'est pas un crime.
DORVAL.
Et que ma fille...
L'ABBESSE.
Ici tout le monde l'estime.
DORVAL.
Aime fort tendrement le père Théotime.
SCÈNE XV.
LES PRÉCÉDENTS, LA TOURIÈRE, THÉOTIME, NICOLAS.
LA TOURIÈRE.
Je ramène un transfuge : il fuyait du couvent, et je ne l'ai saisi qu'a son corps défendant.
MADAME DORVAL.
Enfin, vous l'aimez donc ?
AGNÈS.
Plus qu'on ne saurait dire. C'est dans solitude et le désœuvrement qu'avec plus de pouvoir l'amour tient son empire.
DORVAL.
L'avis est fort bon à présent. Faites donc élever vos filles au couvent.
L'ABBESSE.
Hélas ! que dira-t-on ?
MADAME DORVAL.
Eh bien ! qu'allez-vous faire ?
DORVAL.
Théotime est honnête, et moi je suis bon père. Il est aimé d'Agnès, je lui donne sa main.
AGNÈS.
Mon père à vos genoux...
THÉOTIME.
Jour heureux !... fort propice !
MADAME DORVAL.
Il sera très plaisant de voir une novice épouser un ex-Bernadin.
L'ABBESSE.
Si je me détermine à profiter enfin de cette liberté que le décret nous laisse, à m'avoir un mari, travaillez sourdement ; mais il faut nécessairement, qu'il ait appartenu jadis à la noblesse, ou du moins ait été dans quelque parlement. Songez qu'il faut un ci-devant pour un ci-devant abbesse. Je quitte le couvent avant la fin dur jour.
SŒUR APPOLINE.
Je vais enfin revoir mon frère.
SŒUR PÉTRONILLE.
Je cours dans les bras de ma mère.
SŒUR EUDALIE.
Je vais, je ne sais où.
LA TOURIÈRE.
Je vais chercher un tour.
SCÈNE XVI, et dernière.
TOUS excepté LA FLEUR.
GABRIEL.
Mesdames, vous voyez si je m'étais trompé.
SÉRAPHIN.
De vous je me suis occupé ; je viens vous apporter un charmant vaudeville, que depuis ce matin l'on chante par la ville.
SŒUR PÉTRONILLE.
Je vais donc essayer mon talent pour le chant.
SŒUR EUDALIE.
Un vaudeville, ah c'est plaisant ! Pour moi j'aime le chant presque autant que la danse. (Séraphin offre le vaudeville à Pétronille.)
SŒUR PÉTRONILLE.
Par Madame l'abbesse il faut que l'on commence.
Vaudeville.
L'ABBESSE, chante.
Je perds le titre d'abbesse ;
C'est un fâcheux accident.
Quoi ! l'on veut de sa noblesse
Priver aussi le couvent ?
Mais un destin plus propice
À mes vœux est présenté ;
Il n'est point de sacrifice
Qu'on me fasse à la liberté.
LA TOURIÈRE, chante.
Que si j'étais jeune et belle,
Et faite encore pour l'amour,
Je pourrais être infidèle,
Et quitter aussi mon tour.
Par un retour de tendresse
Mon cœur est souvent tenté ;
Mais hélas ! dans la vieillesse,
Que faire de la liberté ?
AGNÈS, chante.
Si je sors du monastère,
L'hymen m'enchaîne à jamais :
Le lien que l'on préfère
Ne laisse point de regrets.
Le nouveau nœud que j'adore
Sera toujours respecté.
C'est pour l'engager encore,
Que je reprends, ma liberté.
SŒUR EUDALIE, chante.
Ce qui chez vous est fort sage,
Chez moi serait imprudent.
Je vais faire un autre usage
Du bonheur que l'on me rend,
Mon cœur toujours vif et tendre,
Veut, par l'amour agité,
Souvent quitter et reprendre
Tous les droits de sa liberté.
THÉOTIME, chante.
L'Hymen n'est point une chaîne
Lorsqu'il unit deux amants,
Et je vous soumets sans peine
Mes vœux et mes sentiments.
En vous, le pouvoir suprême
Ne peut être redouté ;
Obéir à ce qu'on aime
Vaut bien mieux que la liberté.
MADAME DORVAL, chante.
On dit souvent que les belles
Tyrannisent leurs amants ;
Mais pour les amants fidèles
Ce sont de bien chers tyrans;
Et de ce sexe équitable
Reconnaissez la bonté,
Quand l'amant n'est plus aimable
On lui donne sa liberté.
SŒUR PÉTRONILLE, chante.
Je vais rentrer dans le monde
Où m'appellent mes désirs ;
Je vois partout qu'on le fronde,
Et qu'on cherche ses plaisirs :
Mais en sortant d'esclavage,
Si mon cœur a palpité.
C'est sans trop savoir l'usage
Qu'il sera de sa liberté.
SÉRAPHIN, chante.
Si nous sortons d'esclavage,
Mes amis de ce bienfait,
Aux femmes rendons hommage,
Car les femmes ont tout fait :
Leurs bon mots et leur aisance
De tout temps ont éclaté,
Et nous leur devons en France
L'exemple de la liberté.
FIN.
[Notes]
1. Claude de Flins, Le Mari Directeur ou Le Déménagement du Couvent, musique de M. Porro, première le 25 février 1791 au Théâtre de la Nation à Paris.
2. Source : exemple imprimé, chez Brunet, rue de Marivaux, Paris, 1792.
3. Nicolas, le jardinier (bien parlé !), maugrée contre son manque de pension : «J'ai trente ans cultivé la terre ; les dames ont passé trente ans à ne rien faire ; on leur assure un sort, je reste sans salaire ; ma foi la nation est injuste en ce point.» Bien que la pension ne durât pas longtemps, elle était d'alors aux environs de 400 livres pour une sœur de chœur et de 200 livres pour une sœur converse.
4. Mesmériste : adepte de Franz Anton Mesmer (1734-1815), le médecin controversé ; en 1784, sa «théorie du magnétisme animal» fut repoussée par une commission royale d'enquête conduite par Benjamin Franklin.
5. Giuseppe Balsamo (1743-1795), dit comte de Cagliostro, fut l'un des plus illustres dignitaires de la maçonnerie au 18ème siècle. Cependant, sa réputation posthume se repose sur sa participation à L'Affaire du Collier en 1784 ; en bref, cette affaire fut un complot pour embarrasser Marie-Antoinette (à part la reine elle-même, les personnages principals furent Jeanne de La Motte Valois, Cagliostro et le cardinal de Rohan).
6. Henrie de la Tour d'Auvergne (1611-1675), vicomte de Turenne, fut maréchal de France en 1643 et elevé à la dignité exceptionnelle de maréchal général des camps et armées du roi en 1660.
7. Claude-Marie-Louis-Emman Carbon de Flins des Oliviers, naquit en 1760, fut commissaire impérial près le tribunal de Vervins (Aisne), où il mourut en 1806.
8. Le 13 février 1790, l'Assemblée constituante la même Constituante décréta : «... Tous les individus de l'un et l'autre sexe, existant dans les monastères et maisons religieuses, pourront en sortir en faisant leur déclaration devant la municipalité du lieu, et il sera pourvu à leur sort par une pension convenable. Il sera pareillement indiqué des maisons où seront tenus de se retirer les religieux qui ne voudront pas profiter de la disposition du présent décret. — Les religieuses pourront rester dans les maisons où elles sont aujourd'hui, l'assemblée les exceptant expressément de l'article qui oblige les religieux de réunir plusieurs maisons en une seule...»
9. Voir aussi peut-être :
Anonyme : Les Fourberies Monacales, 1790. |
Pierre Laujon : Le Couvent ou Les Fruits du Caractère et de l'Éducation, 1790. |
Joseph Fiévée : Les Rigueurs du Cloître, 1790. |
Mme Olympe de Gouges : Le Couvent ou Les Vœux Forcés, 1790. |
Jacques Boutet, dit Monvel : Les Victimes Cloîtrées, 1791. |
Louis Picard : Les Visitandines, 1792. |
Charles Pigault-Lebrun : Les Dragons et les Bénédictines, 1794. |
Charles Pigault-Lebrun: Les Dragons en cantonnement, ou la Suite des Bénédictines, 1794. |
Jean Corsange et Jean Hapdé : Le Dernier Couvent de France ou l'Hospice, 1796. |